230 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.J ARTICLE PREMIER. Elle sursoit à statuer sur le contenu aux trois titres du règlement provisoire de la municipalité de Paris, jusqu’à ce qu’elle détermine irrévocablement l’organisation générale des municipalités du royaume. art. 2. Les députés de chaque district ne cesseront leurs fonctions à la commune qu’à l’expiration des délais prescrits par leur pouvoir, et ils ne seront tenus à d’autre serment que de remplir fidèlement leur mission. art. 3. Les députés nommés par le district des Cor deliers, sur la démission de ceux qu'il avait précédemment élus, ainsi que les députés qui ont prêté le serment qu’il leur a demandé, seront admis par les représentants de la commune pour y remplir, pendant la durée de leur mandat, les fonctions dont ils sont chargés. M. Trellhard. 38 districts ont rejeté l’arrêté des Cordeliers ou ont dit qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. J’ose espérer que les 22 autres se réuniront bientôt à la majorité, comme ils sont déjà tous réunis par leur patriotisme et leur respect pour vos décrets. Tel est l’effet de l’ajournement que vous avez ordonné; un second ajournement serait peut-être plus heureux encore; un jugement exciterait l’aigreur et la discorde. Je propose en conséquence le décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant qu’elle s'occupe de l’organisation de toutes les municipalités du royaume, et que les citoyens actifs de la capitale seront incessamment appelés à faire une élection nouvelle de leurs représentants, a décrété et décrète que la discussion élevée entre quelques districts et les représentants actuels de la commune est ajournée, toutes choses demeurant dans l’état où elles étaient au 10 de ce mois. » Ce décret est unanimement adopté. M. Durand de llaillane. Le comité ecclésiastique a entendu ce matin la lecture d’un plan de rapport à faire à V Assemblée nationale . Il y aurait avantage à ce qu’il lut imprimé dans l’intérêt de nos travaux. L’impression est ordonnée (F. ce document aux annexes de la séance de ce jour], L’Assemblée se sépare à 3 heures. ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 23 novembre 1789. Plan du rapport du comité ecclésiastique à faire à l’Assemblée nationale, par M. Durand de Maillane (1). Messieurs, l’Assemblée nationale avait décidé d’abord, par ses décrets du mois d’août :l°que les dîmes ecclésiastiques seraient abolies, et néan-(1) Le rapport de M. Durand de Maillane n’a pas été inséré au Moniteur. moins continuées jusqu’à leur remplacement; 2° Elle a, en même temps, aboli Je casuel des cures de campagne, pour n’être plus payé que jusqu’à l’époque où ces cures seraient suffisamment dotées ; 3e Que toutes rentes foncières, même ecclésiastiques seraient rachetables; 4° Qu’il ne serait plus envoyé à Rome non plus qu’à Avignon, aucuns deniers, ni pour annates, ni pour aucune cause que ce soit; mais que les diocésains s’adresseraient à leurs évêques pour toutes provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement; 5° Elle a aboli les droits de déport, cote-morte, dépouilles, vacants, sauf à pourvoir les arcliidia-conés de l’équivalent , s’ils n’étaient suffisamment dotés ; 6° Elle a enfin aboli la pluralité des bénéfices ou des pensions jusqu’à 3,000 livres de revenu. L’Assemblée a respecté les dîmes inféodées, ne les soumettant qu’au rachat; et pour le remplacement des autres, ainsi que pour tous les actes et règlements exécutifs et interprétatifs des divers articles rapportés, la même Assemblée a aboli notre comité pour s’en occuper et lui faire le rapport en conséquence de tous ses résultats. Vous le savez, Messieurs, le seul résultat qu’il a été possible de présenter à l’Assemblée, c’est la résolution qui fut prise unanimement parmi nous de se procurer les renseignements nécessaires pour s’assurer de la vraie valeur de tous les biens ecclésiastiques du royaume. Notre comité avait prévu, d’une part, que les décrets nouveaux de l’Assemblée, ou même leur simple annonce, donneraient lieu à des explications, à des recélés; et il avait reconnu de l’autre, que les remplacements ordonnés ou promis ne pourraient se faire que par le moyen de certaines réunions et suppressions. Or, à cet égard, il avait arrêté qu’il serait pourvu, sans éclat, aux explications, par des inventaires familiers, et au remplacement, par la suspension actuelle de toute nouvelle provision aux bénéfices non sujets à résidence ou à charge d’âmes. Gela fut demandé à l’Assemblée par M. Treilhard, votre rapporteur, il y a deux mois ; elle ne l’accorda point alors : à peine accorda-t-elle le premier article, concernant les renseignements et les instructions pour la connaissance certaine de la valeur des biens ecclésiastiques ; et c’est en conséquence que M. le président d’Ormesson, membre de ce comité, a fait les tableaux exacts, auxquels nous avons applaudi dans les sentiments de notre reconnaissance. Heureusement ce travail n’a pas été perdu, et par l’événement l’Assemblée ayant soumis, par son décret du 13 de ce mois, tous les possédant biens eclésia-stiques à une déclaration exacte, les officiers municipaux, à qui nous avons résolu d’envoyer ces tableaux, et que la chose intéresse, seront les plus sûrs et les plus habiles contrôleurs des déclarations que l’intérêt personnel rend toujours suspectes. On est donc ainsi comme certain que, pour la première fois peut-être, l’on aura un relevé entier et fidèle de tous les biens ecclésiastiques du royaume : et c’est là ce qu’il y a, dans ce moment, de plus nécessaire ; car quelque parti que prenne l’Assemblée, quelque usage que l’on fasse de ces biens, leur valeur réelle doit toujours servir de régie fondamentale à leur destination ou à leur emploi, soit pour les remplacements dont il s’agit, soit pour leur vente au profit de l’Etat ; car [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Messieurs, depuis le décret du 2 de ce mois, et par d’autres encore qui s’eU sont ensuivis, par le discours aussi du premier ministre des finances dans la séance du 14, et par celui de M. le marquis de Montesquiou dans celle du 18, il n’est plus permis de douter que l’intention de l’Assemblée et celle du gouvernement ne soient de disposer, et très-prochainement, des biens de l’Eglise, en tout ou en partie, soit par une voie, soit par une autre, pour l’acquit de la dette nationale, sauf les frais du culte et de l’entretien des ministres qui seront désormais payés, d’un fonds inaltérable, formé soit du prix, soit des biens mêmes en nature de l’église ; ce qui est proprement la motion de M. d’Autun. La motion ou le plan de ce prélat a précédé le décret du 2 de ce mois, et son exécution la suivra ; c’est de quoi je ne doute point, et sur quoi j’ai dû compter, dans les idées que je me hasarde de proposer à ce comité sur le plan des réformes ou des opérations qui nous sont imposées. 11 est certain, Messieurs, que personne n’est en droit de nous faire aucun reproche sur ce que notre comité n’a rien dit, ni rien fait jusqu’ici. 11 a dit, il a fait tout ce qu’il pouvait, tout ce qu’il devait avant que l’Assemblée lui eût donné, par son décret du 2 novembre, les moyens d’agir. Jusqu’au rapport de M. Treilhard , l’un de nous, dont j’ai parlé, l’Assemblée ne nous avait laissé que là tâche des renseignements pour parvenir à la connaissance des biens ecclésiastiques ; et vous savez, Messieurs, que les tableaux étaient sous presse au moment même où l’Assemblée en a consacré tout à la fois la nécessité et l’utilité par ses décrets des 2 et 13 de ce mois. Ces décrets, précédés de celui qui a suspendu l’émission des vœux de religion, ont produit certains effets qui semblent aller jusqu’à la. commotion. Il n’est pas d’inquiétude égale à celle que les décrets de l’Assemblée, et ceux qui doivent les suivre, touchant les biens et les personnes ecclésiastiques, et séculières et régulières, causent, en ce moment, dans les esprits : aussi rien ne presse peut-être comme de fixer à cet égard les dernières résolutions de l’Assemblée. Témoin assidu et coopérateur de ses travaux, j'ai souscrit à tout ce qu’elle a fait à ce sujet, et je suis bien éloigné de croire que je n’aie pas dû le faire. Mais pour justifier mon avis, et dans le public, et auprès de mes commettants, j’ai fait imprimer mon opinion personnelle avec tous ses motifs sur le décret particulier du 2 de ce mois, ou sur sa matière, demeurant convaincu qu’en suivant les mêmes principes et dans les mêmes vues, on ne fera que le bien même de l’Eglise, si on la délivre des abus qu’y causaient ses possessions, et par l’injustice dans l’inégalité de leur distribution, et par leur mauvais emploi. M’oublions pas, Messieurs, que nous avons été appelés pour la régénération de l’Etat ; que la nation une fois munie du pouvoir législatif et souverain, ce qui fait comme le pivot de la révolution, elle ne saurait composer avec aucune sorte d’abus ; que si les pères du concile de Trente, de ce concile auquel nous devons tant et de si beaux décrets sur le dogme comme sur la discipline, si ces pères firent à feur zèle et à leur vertu le tort de rejeter, pour des considérations que personne n’ignore, les utiles réformes que leur proposèrent nos ambassadeurs, le clergé de France doit aujourd’hui se faire un mérite d’y concourir : ce comité doit du moins s’en faire un devoir ; et puisque la nation est, depuis Charlemagne, une fois assemblée pour son bonheur, devenue en ce [23 novembre 1?8§.J �34 moment législatrice comme elle l’était alors, il importe à sa gloire et à son intérêt de ne faire désormais que des lois dignes d’elle. Voici donc dans quels termes je désirerais qu’elle les établit relativement à nos matières. D’abord, je ne crois pas que nous ayons rien de plus ni de mieux à faire ici que de nous accommoder aux derniers décrets de l’Assemblée, parce que ceux-là ne nous laissent aucun doute sur les desseins qu'il ne serait pas prudent de contrarier, mais sur lesquels il nous est permis seulement de présenter les observations qui peuvent servir à en rendre l'exécution plus facile et plus avantageuse. Ainsi, le décret du 2 de ce mois nous autorise à penser que dans les suppressions ou réunions à faire ou à proposer, nous n’aurons plus à craindre, comme nous craignions auparavant, la réclamation si respectable de la propriété de la part d’aucun bénéficier. Par le même décret, l’Assemblée s’est chargée, eh prenant les biens ecclésiastiques, des frais du culte et de l’entretien des ministres. Mais quels sont ces ministres dont elle a entendu payer l’entretien ou l’honnête subsistance? On en juge assez par le décret du 9, qui a ordonné la suspension des provisions de tous bénéfices, autres que des bénéfices à charge d’âmes ; on juge assez par là qu’elle entend réduire le clergé aux seuls ministres essentiels et utiles dans le service divin. L’Assemblée avait de plus manifesté précédemment, par son décret du 18 octobre dernier, ses désirs ou son dessein sur le sort des religieux ou de leurs établissements. La suspension de la profession des vœux, quoique simplement provisoire, ne permet pas non plus de penser que les ordres religieux en général seront conservés, quoique l’Assemblée paraisse disposée à accueillir favorablement deux ou trois propositions qui lui ont été faites accidentellement : l’une, que ceux des religieux qui sont utiles à la société, continuent d’être employés ; la seconde que ceux d’entre les autres religieux des ordres ou des monastères destinés à la suppression, puissent également continuer, à leur choix, la vie monastique qu’ils ont embrassée dans l’associaîion qui leur convient; et la dernière qn’on use de grands ménagements ou qu’on ait les égards convenables pour les monastères de filles, dont presque tous, si l’on excepte ceux où la clôture n’est pas observée, ne sont qu’édifiants, et un grand nombre très-utiles à la sociélé. Dans cet état des choses, qui est le dernier état où nous ont mis les plus nouveaux décrets de l’Assemblée, il U’est plus possible, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous Je dire, Messieurs, de raisonner ou d’opérer dans Je comité, sur les décrets du mois d’août, sans en même temps les rapprocher de ceux qui les ont suivis, C’est même principalement d’après ceux-ci que nous devons tracer nos plans de réforme ou plutôt de régénération, en telle sorte que les rapportant à l’Assemblée nationale qui les attend, et a droit de les attendre, nous soyons plus assurés démériter son approbation. Dans cet esprit, Messieurs, je me permets de vous présenter les idées qui m’ont paru le mieux convenir dans les circonstances présentes, et au bien de la religion et à l'intérêt de l’Etat. BIENS ECCLÉSIASTIQUES. Je commence d’abord par distinguer le temporel du spirituel de l’église, et je traiterai avant, 232 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] du temporel, contre l’ordre des choses, parce que c’est par le temporel que nous avons été amenés ici au spirituel. G’est par une suite ou une partie des grands effets qu’a produits dans l’Etat le déficit énorme du Trésor royal, que nous avons pris, comme en sous-œuvre, les réformes du clergé, par les changements que la nouvelle disposition et la nouvelle administration de ses biens doivent nécessairement opérer; et en cela, plusieurs, dont je suis du nombre, ont cru reconnaître la divine Providence qui semble avoir voulu tirer le bien du mal, ménager tous ces événements extraordinaires, sans lesquels on n’aurait jamaisfait que gémir sur de vieux abus de tout genre, au lieu de les guérir, comme nous faisons, jusque dans leur racine. En commençant donc par le temporel de l’Eglise, je le répète, il n’est plus permis, après le décret constitutionnel de l’Assemblée, rendu le 2 de ce mois, et dûment accepté par le Roi, de douter que son intention ne soit de disposer de ces biens, de manière à ne laisser dès ce moment à tous les ecclésiastiques séculiers et réguliers qu’un traitement en argent, ou bien une jouissance si peu longue des biens-fonds de leurs bénéfices aux monastères, que nous pouvons, nous devons même tracer tous nos plans, en régler toutes les dimensions, comme s’ils en étaient déjà privés. Nous devons regarder dès aujourd’hui les biens ecclésiastiques comme les biens de la nation même, en les regardant aussi comme chargés du soin de pourvoir au culte divin, à la subsistance des ministres et au soulagement des pauvres, d’après ses propres engagements. Ce vaste et sage dessein a paru d’abord un peu étrange ; mais ce n’est que parce qu’il est nouveau : car je n’en vois pas de plus sage, je dirai même de plus nécessaire dans les circonstances, s’il ne l’a pas toujours été. Le comité des finances a déjà reconnu la nécessité de prendre au moins 400 millions sur les biens eclésiastiques. Une bonne partie de ces biens a été déjà enlevée par la suppression de la dîme; et de ce retranchement où l’on n’a pas voulu comprendre les dîmes; mais s’ils ne doivent pas échapper à la justice de cette compensation par la voie des impôts, l’on ne peut pas plus recourir pour notre objet à leurs propriétés qu’à celles d’un autre. Les possessions du clergé sont donc les seules qui puissent et doivent venir au secours de son indemnité, et encore une fois, comment s’y prendre, si on leur laisse le tout entre les mains? Je ne vois pas, je l’ai déjà dit, de moyen plus tranchant que celui que le décret du 2 de ce mois nous a comme désigné. En vertu de ce décret, l’Assemblée nationale pourra facilement pourvoir à tout par elle-même, ou par les assemblées provinciales; elle pourra surtout, ce qui serait peut-être impossible autrement, corriger l’âpreté de sa loi envers les décimables inféodés (parmi lesquels précisément il ne se trouve aucun riche) que le sort a maltraités par elle, sans qu’ils fussent moins dignes que tous les autres, du bienfait de la nation. G’est aussi sur ce seul décret, dans lequel tous les autres vont comme se fondre, que j’ai dressé mon plan, et je fais à ce sujet une autre observation non moins importante. Sans doute que l’Assemblée nationale, en décrétant que tous les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation, n’a pas entendu, ni pu même entendre excepter les biens des bénéfices en patronage laïque, ni ceux de l’ordre de Malte. Je me rappelle aussi que ce fut pour ôter à cet égard toute équivoque, qu’aux biens du clergé, employés d’abord dans la motion de M. le comte de Mirabeau, on substitua, sur la réclamation de plusieurs, les mots biens ecclésiastiques ; et cela parce que, suivant notre jurisprudence, l’ordre de Malte n’est jamais compris sous la dénomination de clergé de France, du moins relativement aux décimes et aux autres impositions ecclésiastiques. Mais cette équivoque une fois ôtée, ce serait s’abuser volontairement que de prétendre que sous V expression de biens ecclésiastiques, les biens de l’ordre de Malte ne sont pas compris. Indépendamment de ce que ces biens, dont ceux des Templiers, des Antonins et autres pareils sont une très-grande partie en France, ils sont tous dans leur origine les purs dons des fidèles ; et comme tels ils sont tous, de leur nature, des biens nécessairement ecclésiastiques. Ce sont des religieux qui les possèdent, des religieux qui, quoique militaires, font les vœux solennels de religion, et reconnaissent le pape pour leur premier supérieur. Au surplus, relativement à notre sujet, les biens de l’ordre de Malte méritent encore moins de faveur que les autres, parce que leurs revenus, ou une très-grande partie, se consomment ou passent hors du royaume. Ajoutez que cet ordre est en ce moment très-éloigné, dans son esprit et dans ses exercices, du premier objet de son institution (1). Quant aux biens des bénéfices en patronage (1) Il nous a été lu dans le comité ecclésiastique, le lundi 30 novembre, un discours très-bien raisonné, mais très politique sur l’ordre de Malte, et les améliorations dont son gouvernement est susceptible. On n’a pas oublié les avantages que la France en retire à présent même pour son commerce, et les pertes qu’elle ferait. si cet ordre donnait son île à quelque autre puissance. La chambre du commerce de Marseille a fort appuyé cette assertion ; et, d’autre part, on nous a lu un décret du 16 du même mois de novembre, pris dans une assemblée de plusieurs membres de l’ordre de Malte, tenue ici à Paris, et porte une sorte d’engagement pour cet ordre, de contribuer à toutes les charges publiques de l’Etat, à l’instar du clergé et des autres citoyens. Mais reste à savoir si, dans les principes de la nouvelle constitution� laquelle, dès ce moment, les Français paraissent attacher leur bonheur et celui de leurs enfants, les possessions de l’ordre de Malte peuvent être exceptées de la disposition générale que la nation a droit d’en faire, tout comme des autres biens ecclésiastiques; savoir encore si, après l’abolition des ordres, ou de leurs distinctions et prérogatives, on souffrira, dans ce royaume, celui de Malte, qui exige des preuves de noblesse. Pour concilier cet établissement ou sa conservation avec les décrets de l’Assemblée, qui n’ont exprimé que le vœu général de la nation, je ne vois qu’un moyen qui conserverait les avantages que notre commerce et notre gouvernement retirent de cet ordre, ce serait de remplacer ses riches possessions en France par un subside national, ou d’y faire admettre, dans ses langues du royaume, tous les citoyens français sans distinction. Il entre aujourd’hui dans les vues de la nation de verser les biens ecclésiastiques dans le commerce, et de les diviser, même dans leurs vente, de manière qu’ils forment de toutes les portions vendues comme autant de petits héritages dans le plus grand nombre de familles qu’il se puisse. G’est aussi le moyen d’en faire valoir le prix par le concours, si on ne préfère mettre à profit l’inquiétude de certains créanciers qui ont déjà offert de ces biens les plus grands avantages. L’Assemblée paraît si attentive à ne point contrarier ses principes sur ce qui touche aune tant précieuse liberté qu’elle a recouvrée, que, quand même elle ne prendrait pas le parti de vendre les biens ecclésiastiques, le clergé n’en aurait pas pour cela Fadministration, parce qu’elle pourrait être dans ses mains ou l’occasion, ou le moyen de rétablir, ou au moins de représenter les ordres qu’on est parvenu à abolir par la plus heureuse des révolutions. [23 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. laïque, il y a encore moins de doute à se former, parce que la présentation ou la collation même des patrons ne change rien ni au titre du bénéfice, ni à la nature des biens qui y sont attachés. Le bénéfice en patronage laïque est de la même qualité que tous les autres, dès qu’il a été érigé en titre perpétuel de bénéfice, par l’autorité de l’Eglise. C’est là la règle et la seule règle à suivre ou à consulter pour distinguer les simples fondations laïcales d’avec les fondations spiritualisées par l’approbation et l’autorisation de l’évêque. Celles-ci forment de vrais bénéfices dont l’Eglise a laissé originairement la nomination de son titulaire au patron, comme un simple témoignage de sa reconnaissance envers son bienfaiteur, ce qui n’empêche pas que la fondation, une fois reçue et autorisée par l’Eglise, ne soit, par cela seul, mise au rang des titres ou des possessions ecclésiastiques : il n’y a aussi que des ecclésiastiques qui les possèdent, et puissent les posséder. Mais il en esttout autrement des simples chapelles, oratoires, ou prestimonies non érigées en . titres de bénéfices. Celles-ci restent à la disposition des fondateurs ou de leurs héritiers, tout comme dans le cas d’une clause de retour, stipulée par le fondateur dans l’acte même de la fondation , aux termes d’une condition bien et dûment remplie par l’événement, ce qui, même encore , ne priverait pas la nation ni des améliorations industrielles , ni peut-être même de l’augmentation naturelle dans la valeur des biens fondés. Hors ces deux cas, il n’y a nulle différence à faire entre les bénéfices de patronage laïque, et les bénéfices en patronage ecclésiastique, pour la nature et le sort des biens qui forment la dotation des uns et des autres. Si donc la nation dispose de tous les biens ecclésiastiques, les patrons en seront pour la privation de leurs droits de présentation, et de quelques chétifs honorifiques. Et quel est celui d’entre eux qui ne consente volontiers à faire le sacrifice d’une aussi légère perte aux besoins et au salut de l’Etat. De là je conclus que, quoique ce décret, rendu le 9 de ce mois, n’ait parlé que des bénéfices de collation et patronage ecclésiastiques, en comprenant toutefois dans la suspension des provisions et nominations qu’il ordonne les bénéfices mêmes qui sont à la collation ou à la nomination du Roi, le premier patron laïque de son royaume, il sera facile de la réparer , et nous devons toujours adresser nos tableaux en renseignements pour tous les bénéficiers; comme pour tous les ordres indistinctement, ainsi qu'il est indiqué par les tableaux mêmes. En attendant ces renseignements , je ne vois pas que nous ayons en ce moment à nous occuper d’autre chose relativement au temporel, si ce n’est pour les divers taux de remplacements ou traitements dont il sera parlé ci-après. Nous avons dû juger, par le discours de M. le marquis de Montesquiou, que cette partie fait à présent même une matière également du ressort du comité des finances ; il nous appartient donc plus particulièrement de présenter à ce comité l’état des charges attachées aux biens ecclésiastiques , et nous le devons, si, comme je le suppose, ils passent entre les mains de la nation, afin que le même comité des finances, où le patriotisme domine, soit moins exposé aux erreurs ou à l’illusion dans ses calculs, sur les avantages qu’il se flatte ou désire d’en retirer au profit de la nation; en sorte donc que sans entrer à cet égard moi-même dans aucune combinaison de finan-233 ces, ce qui n’entre point dans le plan dont j’ai l’honneur, Messieurs , de vous entretenir , je passerai, suivant ma première division, au spirituel ; ce qui m’obligeant de traiter des choses comme des personnes ecclésiastiques, je commencerai par celles-ci , et j’en parlerai sous la division du clergé séculier et régulier. CLERGÉ SÉCULIER. A l’égard du clergé séculier, je dis qu’en l’état présent des choses, et dans l’esprit des décrets de l’Assemblée, qui annoncent ses intentions, il ne faut plus compter sur les bénéfices sans fonctions, tels que les abbayes et les prieurés en commende, non plus que sur tout ce que l’on appelle dans l’Eglise bénéfices simples. La suspension qui a été ordonnée pour leurs provisions n’est, pour ainsi dire, que l’éclair de la foudre qui doit bientôt les anéantir. Par cette dernière réforme , la moins susceptible de contradiction raisonnable, on fait cesser la plupart des abus dont on se plaignait, comme les bénéfices sans offices, ce qui est si opposé à l’esprit de l’Eglise, à la nature même de la chose, beneficium propter officium, la pluralité des titres , les courses à Rome, les résignations en faveur, une bonne partie des annates, de ces annates qui, quoique abolies déjà par nos décrets, tiennent cependant toujours par des consi. dérations de justice et de politique au concordat qu’il reste à abolir de même par une forme d’élection nouvelle aux archevêchés et évêchés ; mais dans quels termes ou avec quelles mesures? C’est de quoi nous aurons bientôt l’occasion de parler; il ne s’agit, en ce moment, que des bénéfices simples, des commendes qui sont proprement dans le caractère de ces unions personnelles et tant odieuses, contre lesquelles s’élèvent toutes les maximes de l’Eglise gallicane. Quant aux autres bénéfices , il en est de deux sortes : les bénéfices à résidence, qui communément ne s’entendent que des canonicats, et les bénéfices à charge d’âmes, qui comprennent les évêchés et les cures. A l'égard des premiers, l’Assemblée a ordonné, dans son dernier décret, la suspension de leurs provisions, comme de celles des bénéfices simples, et cela préjuge assez évidemment leur destinée. Mais abstraction de ce que l’Assemblée fera à ce sujet, ou a dessein de faire, je suis nettement d’avis, et c’est celui de mes commettants , de leur suppression entière, hors les canonicats des métropoles et cathédrales. Je me détermine à la suppression des chapitres de collégiales , parmi lesquels je dois comprendre tous les chapitres nobles des deux sexes, de fondation royale ou autres, je me détermine, dis-je, à cette suppression demandée ci-devant aux diverses assemblées du clergé, principalement par cette considération que les chanoines, originairement réguliers, n’étant plus dans leur premier état , l’Eglise n’a fait que perdre depuis ce changement, dans leur nouvelle vie privée et indépendante. Les chapitres de collégiales sont un hors-d’œuvre dans Ja hiérarchie. Je ne dirai rien des mœurs de ceux qui les composent, je dirai seulement que n’étant faits que pour édifier, s’ils ne détruisent, ils privent très-certainement, par le grand nombre d’ecclésiastiques dont ils sont remplis, les paroisses, des vicaires dont elles ont besoin. D’autre part les prébendes sont, par le népotisme, comme héréditaires dans certaines familles ; et 234 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] c’est aussi pour cette raison que les chapitres qu’on appelle no blés, de i’un et l’autre sexe, parce que leurs canonicats sont destinés exclusivement à ceux qui font preuve, non de vertus, mais de noblesse, méritent une plus prompte suppression. J’en dis autant de tous les collèges de faveur, dont la même classe de citoyens, la seule qui ait jusqu’ici entouré le trône, avait inspiré 1’établissement à notre souverain. La plupart ne sont dotés que du bien de l’Eglise, et les autres aux dépens de la nation. Cette suppression ne sera qu’un bien pour l’Eglise et pour l’Etat; ce sera l’une des plus grandes ressources tant pour l’amélioration des paroisses, que pour les moyens de remplacement ou de traitement que nous cherchons. Je ne veux laisser subsister que les chapitres des cathédrales que je regarde comme inséparables de l’épiscopat, parce qu’ils sont aussi anciens que l’Eglise, parce qu’ils représentent cet ancien conseil de ministres expérimentés, compresbyterium , sans lequel les plus saints évêques de l’antiquité nous ont appris eux-mêmes qu’ils n’osaient entreprendre rien de tant soit peu grave dans leur gouvernement. Mais, parla même, je voudrais qu’aujour-d’hui , comme alors, ces chapitres ne fussent composés que de gens en état de fournir aux évêques les meilleurs avis; et c’est ce qui ne sera jamais tant que l'on n’admettra pas dans ces chapitres les curés émérites du diocèse. A l’égard des évêques, il rie faut que connaître le portrait qu’en a tracé saint Paul, les qualités qu’il exige dans ceux qu’on élève à ce poste éminent dans l’Eglise, pour juger de l’attention avec laquelle ou doit procéder à leur élection. J’ai l’honneur et l’avantage de parler ici devant deux prélats (de Clermont et de Luçon) que je pourrais citer pour modèles, et certainement leurs diocèses n’ont que des grâces à rendre à Dieu du choix qu’en a fait notre pieux monarque. J’honore infiniment tous les autres prélats placés par le même; mais obligé par ma mission d’exprimer ici le vœu des peuples que je représente, comme aussi de répondre à la confiance de l’Assemblée dans ies fonctions dont elle m’a chargé dans ce comité, j’oserai proposer franchement qu’à l’avenir ces premiers pasteurs sur qui repose, en quelque sorte, tout l'édifice de la police ecclésiastique, soient nommés par Je Roi, comme cela s’est toujours pratiqué dans le royaume, mais dans le choix d’un des trois sujets qui lui seront présentés par les diocèses, ce qui ne sera qu’un soulagement de plus pour Sa Majesté. Les chapitres qui seront désormais mieux assortis feront l’élection des trois sujets à présenter au Roi, conjointement avec deux évêques les plus voisins du siège vacant, avec ceux des membres qui étant du diocèse, du même siège, se trouveront alors dans le nombre de ceux qui formeront les commissions ou le bureau du département du même ressort : le tout sous la présidence du métropolitain ou de l’évêque par lui délégué ; et à l’élection d’un archevêque, on appellera trois évêques au lieu de deux. Ces trois évêques, pris ou dans la métropole ou au voisinage, seront présidés par le plus ancien suffragant en ordination du défunt prélat, lequel fera la convocation des électeurs, comme elle doit être faite par le métropolitain à l’élection d’un évêque, sur l’avis du chapitre, qui, aprèsavoir fait mettre le scelléau palais épiscopal, nommera tout de suite son vicaire capitulaire. L’élection se fera dans le cours d’un mois : on en enverra le procès-verbal au Roi qui, après avoir nommé l’un des trois sujets présentés, lui fera expédier son brevet de nomination, d’après lequel le métropolitain confirmera l’élection, comme le plus ancien suffragant confirmera celle d’un archevêque. La consécration aura ensuite lieu dans les trois mois, en la forme usitée, mais après la prise de possession qui sera elle-même précédée du serment de fidélité au Roi et à la nation. Et afin que ce serment de fidélité ne retarde rien, ne s’agissant plus de régale, au moyen des appointements en argent, cette régale d’ailleurs n’ayant jamais occasionné que des frais sans profit pour le Roi, 8a Majesté pourrait déléguer sur les lieux un commissaire pour recevoir le serment de fidélité avant la prise de possession, et il serait envoyé une expédition de cette prestation de serment, et au Rot et aux archives de la nation. Comme encore dans cette forme le pape, qui donnait ci-devant les bulles, n’est plus rien, on l’y ferait participer de la manière qui lui est due, et la seule qui convienne, en lui envoyant parle nouveau prélat sa profession de foi dans la consécration; ce qui serait de sa part une marque ou une preuve de son attachement et de son union avec le Saint-Siège, source de la foi catholique et centre de l’unité sacerdotale. Quant aux électeurs laïques qu’on voit ici dans l’élection des évêques, ceux qu’on y appellerait d’un bureau de département, favorisés déjà d’un caractère dont l’estime et la confiance des peuples les ont revêtus, y seront comme leur organe, à l’exemple des anciens usages dans les premiers et les plus beaux siècles de l’Eglise. Quelques-uns ont proposé de limiter ce choix, ou de ne le faire tomber que sur les curés du diocèse ; mais le Saint-Esprit souffle où il veut, et de toutes les élections il n’en est point où doive régner une plus grande liberté que là où les vertus et la piété ont le plus de droits à la confiance. Saint Ambroise n’était que laïque et il fut fait évêque de Milan, et tant d’autres exemples pareils. Sans mettre moins d’intérêt aux fonctions des curés, on peut s’écarter de la rigueur de ces règles dans leur choix. Comme après celui du premier pasteur, fait avec g'and soin, le peuple pourra se reposer sur lui pour la connaissance des meilleurs sujets qui doivent être ses coopérateurs dans la vigne du Seigneur, il convient et il est même sage de lui laisser la pleine et entière collation des cures, ainsi que les anciens et nouveaux canons la lui donnent. Je ne tiens nullement pour le concours, tel du moins qu'il s’est pratiqué dans certaines provinces. La science est sans contredit nécessaire à un pasteur; on ne saurait être obligé d’éclairer les autres, sans être instruit soi-même ; mais la science égare dans cette carrière, si la piété ne tempère ou n’étouffe l’orgueil qu’elle inspire. Or, l’humilité chrétienne, sans laquelle il n’y eut jamais de solide piété, ne dispute ni de rang ni déplacé avec personne, encore moins de prétentions aux bénéfices à charge d’âmes. Le concile de Trente ne fit son décret du concours que pour exciter l’émulation dans les études, entièrement abandonnées de son temps; mais les séminaires, dont il ordonna aussi l’établissement, en rétablissant le clergé dans les connaissances ecclésiastiques, ont porté nos prélats de l’Eglise gallicane à négliger cette manière de pourvoir aux cures. Une autre raison nouvelle qui doit nous consoler du concours pour les cures, c’est qu’à l’avenir l’état des vicaires, jusqu’à présent tant avili par les préjugés injustes et indécents dans l’Eglise sur la faveur ou plutôt sur les droits de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] la noblesse à toutes les prélatures, sera tel qu’il doit être, c’est-à-dire le premier essai des vertus et de la science ecclésiastique, auquel on va désormais attacher toutes les considérations et toutes les récompenses; elles ne seront plus données dans l’Eglise à l’intrigue ou à la naissance, mais au mérite, et ce changement, le plus conforme à l’esprit de notre sainte religion, ne peut déplaire qu’à ceux qui ne la connaissent pas, ou qui n’y sont pas attachés. Aussi verra-t-on bientôt les vicairies occupées par les citoyens de tout état et par les meilleurs sujets. C’est donc parmi ceux-ci que les évêques auront à faire leur choix pour les cures, et l’on doit en faire une loi ; comme on en doit faire une autre, pour n’appliquer à cette charge tant importante de pasteur, que des vicaires expérimentés et mûrs, qui aient au moins cinq ans d’exercice dans les fonctions paroissiales, où on ne les admettra qu’à l’âge de 35 ans accomplis. Quant au choix des vicaires eux-mêmes, il faut distinguer les qualités requises en eux, et le droit de leur nomination. Depuis longtemps on se plaint, et cette plainte date de l’époque où le service des paroisses a été comme délaissé à des mercenaires ; on se plaint que les vicaires sont envoyés dans les paroisses au sortir d’un séminaire* où, par une hypocrisie passagère et la pénurie des sujets, ils ont reçu tout fraîchement la prêtrise, c’est-à-dire le titre à toutes sortes d’emplois et de missions dans l’Eglise, sans autre épreuve, sans autres connaissances que celles d’un cours d’études dont les évêques connaissent mieux la valeur et les succès que personne : d’où il arrive que ces vicaires, envoyés ainsi prématurément dans les paroisses, y font très-souvent les plus grands ravages; ils y font au moins un très-grand mal, quand ils n’y font pas le bien, et ils ne peuvent souvent le faire dans leur inexpérience ; car, il n’est pas nécessaire de le dire, il n’existe aucune profession qui exige et plus de lumières, et plus de prudence : c’est, comme disent les conciles mêmes, l’art des arts. Sera-ce donc le curé qui les instruira? Et ils ne sont là que pour l’aider. Fussent-ils du moins assez dociles à ses leçons! Et ici, Messieurs, j’ai à vous parler d’une des plus grandes plaies des paroisses, du triste exemple des divisions qui régnent presque partout entre les curés et Ses vicaires, et quelquefois entre les vicaires eux-mêmes, c’est-à-dire entre ceux qui nous exhortent tous les jours à cette précieuse paix sans laquelle il ne faut plus compter sur le bonheur qu’ils nous prêchent. Plusieurs ont cru trouver la cause de ce mal dans le combat qui s’est élevé depuis longtemps entre les évêques et les curés sur le droit de choisir et de renvoyer les vicaires dans les paroisses. Je ne prononcerai pas dans ce moment sur cette grande question presque insoluble de sa nature; mais ayant déjà donné à l’évêque le choix des curés, je ne lui refuserai pas le choix des vicaires; d’autant que ce sera toujours nécessairement des évêques que, tant les curés que les vicaires recevront leur approbation, si l’on veut du moins conserver dans la hiérarchie de l’Eglise l’ordre qui y règne depuis les apôtres, dont les évêques sont les successeurs immédiats. Cependant comme, d’autre part, les curés sont les successeurs des disciples envoyés, comme les apôtres, par Jésus-Christ lui-même, je ne voudrais pas leur contester le droit, sinon de choisir, au moins de donner leurs raisons pour refu-235 ser des coopérateurs qui ne leur seraient pas agréables. Pour trancher cette difficulté, quelques-uns ont proposé de rendre des vicaires inamovibles; mais ce moyen est tout nouveau, et il aurait déjà été employé s’il était bon. On le juge mauvais, parce que ce serait comme élever autel contre autel dans une même église ; ce serait donner aux curés des rivaux plutôt que des aides, et la subordination est nécessaire pour le bon ordre et pour le bien. Quel parti donc prendre? Il s’en est présenté un à mon esprit, qui semble remédier tout à la fois et à ce dernier inconvénient, et au précédent. Comme j’ai fixé l’âge des curés à 35 ans, je fixe celui des vicaires à 30 ans. Or, comme depuis 24 ans accomplis, qui est l’âge auquel se donne la prêtrise, jusqu’à 30, il y a un intervalle de temps précieux que l’on ne doit point laisser en proie à l’oisiveté, on enverrait les nouveaux prêtres, ou même les nouveaux diacres, si l’on ne se détermine dans l’église à rapprocher les deux premiers ordres sacrés sans fonctions, du troisième, auquel souvent un évêque ne veut promouvoir le diacre, ce qui, pour celui-ci. après ses engagements irrévocables, est, de toutes les situations, la plus déplorable; on les enverrait, dis-je, en qualité de catéchistes, dans les paroisses, où on les distribuerait avec mesure, selon leur nombre et les besoins des paroisses. Là ils seraient surveillés dans leurs exercices et par les évêques et par les curés; ils feraient les petites écoles, dont les premiers conciles d Orange et de Vaison avaient fait un devoir très-étroit aux curés mômes; ils aideraient aux offices de l’église, et prêcheraient même selon leurs talents, mais ils ne confesseraient que quand ils seraient faits vicaires, à l’âge de 30 ans accomplis. Jusqu’alors ils auraient la moitié de la congrue des vicaires, ou 400 livres, et on les inscrirait dans la matricule du diocèse aussi bien que les vicaires, pour être les uns et les autres placés, à leur tour de service et d’ancienneté, aux vicairies et aux cures. Eh ! qu’on ne dise pas que les pères de famille ne feront plus leurs enfants ecclésiastiques, le nombre en sera certainement plus grand dans cette nouvelle perspective, parce qu’elle offre un établissement assuré, honorable, et le seul digne d’une profession sainte dont on n’a jamais dù faire une spéculation d’intérêt profane, et qui ne sera jamais bien exercée, ou avec fruit, que par ceux que Dieu même y appelle. On n’aura alors que de bons prêtres dans leur petit nombre, et l’on ne dira pas, comme on pourrait dire à présent avec saint Jérôme: multi sacerdotes, pauci sacerdot.es. Il n’est pas, d’autre part, de fonctions plus importantes dans la religion que celles par où je veux éprouver les nouveaux prêtres, avant qu’ils arrivent aux fonctions pastorales. G’est par les premières instructions que l’on dresse plus facilement les jeunes cœurs à la vertu ; c’est par les catéchismes que se forment dans l’Eglise les bons chrétiens. On peut s’égarer, se laisser entraîner dans le monde à un âge plus avancé, mais on n’oubliera jamais les grandes vérités qui, en faisant aimer' les lois de Dieu, rendent plus soumis aux lois de la patrie. De si grands intérêts attachés à la chose même ne m’ont pas permis d’employer ici d’autre nom que celui de catéchiste. Jusqu’aujourd’hui cette expression n’a présenté à l’esprit que des fonctions comme enfantines, parce qu’elles ne s’exercent qu’envers les plusjeun.es enfants, et souvent, 236 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] ce qui est pitoyable, par des enfants eux-mêmes; je n’ose dire, ce que je puis certifier, qu’un curé qui avait un vicaire, et deux, faisait faire le catéchisme par sa servante, aux garçons comme aux filles. Et pourquoi cet avilissement? Pourquoi cette indifférence pour une fonction plus difficile encore peut-être qu’elle n’est importante ? Socrate accouchait l’esprit des hommes, et c’était un talent rare ; mais savoir accoucher l’esprit des enfants, s’en emparer le plus tôt possible par de bonnes idées, pour les prémunir contre les mauvaises; leur apprendre ce qu'il faut, et ne leur apprendre que ce qu’il faut selon leur âge et sa portée ; savoir enfin établir de bonne heure dans leurs âmes une vraie conscience , c’est , de tous les exercices, le plus intéressant, le plus sérieux ; et, comme je l’ai dit, le plus difficile, mais aussi le plus honorable pour ceux qui s’en acquittent bien, et certainement ce n’est pas trop que d’y employer de jeunes prêtres, comme ce n’est pas les dégrader que de leur donner un nom que peut-être le plus petit nombre d’entre eux se rendra digne de porter; vous l’ennoblirez, Messieurs, si vous l’adoptez pour l’usage auquel je le destine. Au surplus, pour ne pas surcharger l’Etat par les nouveaux frais des candidats dont je parle our les vicairies, car dans les circonstances ces esoins du royaume nous prescrivent l'économie dans les réformes mômes qu’ils nous commandent, les évêques auraient le soin de n’ordonner des prêtres, suivant la plus ancienne et la meilleure pratique de l’Eglise, qu’à la mesure des places qu’ils peuvent ou doivent occuper dans les diocèses. Je proposerai aussi, dans les mêmes vues d’économie qui quelquefois se concilient avec le bien même et la prudence, je proposerai de faire des cures ou des paroisses une division en deux classes, dont l’une, composée de cures ou de paroisses nombreuses , serait stipendiée comme telle, depuis 1,200 livres et au-dessus, par une gradation réglée sur un plus grand nombre de paroissiens ; et l’autre classe de cures peu étendues, mais qu’on ne pourra absolument réunir à une autre, car on doit d’abord s’attacher à celte réunion, qui est la première et principale économie ; or, comme les localités physiques ne se prêtent pas à volonté aux meilleurs plans de morale ou de politique, il faut alors que la politique ou la morale s’y accommode, et il le faudra bien pour un très-grand nombre de paroisses placées dans de tels écarts, ou de manière, dans les campagne?, qu’ayant eu néanmoins jusqu’ici avec vingt ou trente feux, sous le nom soit de cure, soit d’annexe ou de succursale, un desservant qualifié de curé ou de vicaire, on se trouvera dans le cas de payer 1,200 livres à un pasteur presque sans troupeau, et le nombre des paroisses, on peut le croire, est très-grand dans le royaume. Il y aurait donc une économie considérable à faire j en ne plaçant dans ces paroisses que des vicaires à qui l’on ne donnerait pas 1,200 livres de congrue; mais comme dans les mêmes paroisses, si petites qu’elles soient, ces vicaires auraient toutes les fonctions curiales à exercer, il me paraîtrait juste de leur donner quelque chose de plus qu’au simple vicaire d’une cure principale. Ainsi l’on pourrait, sans déroger en rien aux décrets de l’Assemblée nationale, donner à ces vicaires desservants 8 à 900 livres, tandis que la portion congrue des autres vicaires étant déjà fixée par l’opinion générale à la moitié de celle des curés, on en ferait un décret particulier dans l’Assemblée, qui réglerait en même temps la portion congrue des desservants dans les très-petites paroisses de campagne ou dans les hôpitaux, sous le nom de vicaires principaux ou de curés secondaires, le titre et la qualification n’y font rien ; mais s’ils sont indépendants, comme je le suppose, dans leurs fonctions, on doit les distinguer des simples vicaires qui exercent les leurs soit dans les villes, soit dans de simples succursales ou annexes établies en la forme ordinaire dans la dépendance des églises-mères. Dans les termes de ma proposition, une succursale déjà établie comme telle, pour des causes justes qui sont encore les mêmes, ne peut cesser d’être ce qu’elle est, quelque forme qu’il se fasse dans le service des paroisses. A l’égard des villes, on peut se régler par le nombre des paroissiens, et ce nombre, autant qu’il sera possible, on doit le diminuer là où il est trop considérable, pour le rendre égal entre toutes les paroisses d’une même cité, à quoi se prêteront merveilleusement les églises des monastères qui y seront supprimés. On doit aussi avoir égard aux plus grandes dépenses dans les grandes villes et dans les paroisses qui les avoisinent, pour le taux de leur congrue, si on y abolit le casuel. On aura encore l’attention, dans les arrangements nouveaux et matériels des cures, de n’en souffrir de doubles, c’est-à-dire où il y a deux curés ; ce sont comme deux têtes sur le même corps dont il faut faire disparaître la difformité (1). J’en dirais presque autant des cures établies dans les chapitres ; heureusement ceux des collégiales étant supprimés, on ne verra plus les troubles et les scandales qui causaient les procès presque inévitables entre les chanoines et les curés qui faisaient leurs fonctions pastorales dans l’église même où les chanoines faisaient leurs offices. Il y a de pareilles cures dans certaines églises cathédrales qu’il faut nécessairement transférer; j’en connais une où deux prêtres, à qui on donne le titre de curés, et bien justement parce qu’ils en exercent les honorables et utiles fonctions, sont obligés d’assister aux offices des chanoines, devant qui il faut encore que tous les ans, à certain jour donné, ils viennent rendre compte de leur conduite , ce qui est sans doute un usage bien peu convenable, mais il est tel que l’on introduit les changements survenus dans l’état des chapitres et des chanoines, autrefois religieux et aujourd’hui beaucoup trop séculiers. Ce sont aussi les chanoines qui ont le plus contribué à l’avilissement des curés et des vicaires, comme encore les moines rentrés et déci-mateurs qui, dans des siècles d’ignorance, se sont enrichis de leurs dépouilles. Mais nous voici arrivés au temps le plus favorable pour corriger toutes ces injustices. Le clergé lui-même a quelquefois tenté cette réforme, mais toujours vainement, parce qu’il n’était ni aussi libre, ni aussi puissant qu une nation entière. Cette nation franche et généreuse, attachée depuis Clovis à la foi catholique et romaine, y persévérera constamment, et l’on doit se défier de ceux qui lui imputent d’en vouloir à la religion parce qu’elle touche aux possessions ecclésiastiques : ce n’est que pour le plus grand bien de l’Etat et de la re-(1) Il n’est pas nécessaire de dire que, dans le nouvel ordre proposé, il ne restera pas la trace de ces sections odieuses qui faisaient un lot de la peine et du travail pour le vicaire desservant, et un autre lot des honneurs et du profit pour le curé primitif, c'est-à-dire pour le curé qui primitivement travaillait, et maintenant ne fait plus rien. 237 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [23 novembre 1789.] ligion elle-même ; la preuve en est, à mes yeux, dans la volonté générale de cette même nation, dont le vœu me paraît, dans son énergie, comme l’ordre de Dieu. L’Assemblée nationale, d’autre part, s’est engagée aux frais du culte, elle n’y manquera pas plus qu’au soulagement des paru vres et à la subsistance des pasteurs dont le choix fait ici le sujet de nos observations. J’en étais à celui des vicaires et à leur congrue fixée à la moitié de celle des curés. Gomme dans les nouveaux arrangements que je propose les vicaires seront assurés de leur sort par le choix que les évêques seront obligés de faire parmi eux et par tour de service pour les cures, il n’y a plus tant à s’inquiéter d’eux sur le taux de leur congrue; il faut seulement pourvoir à une règle fixe pour leur établissement, car si, comme je le suppose toujours, la nation dispose des biens ecclésiastiques, mise alors à la place des décimateurs pour la charge des congrues, il lui importe de n’en pas laisser le nombre à une disposition arbitraire. J’ai déjà proposé que la profession des vicaires soit précédée de celle de catéchistes, et qu’ils ne soient admis à toutes les fonctions paroissiales qu’à l’âge de trente ans accomplis. Il sera dressé dans chaque diocèse un tableau de leur nombre qu’on réglera sur l’état actuel des paroisses, et, en cas de changement dans la population, on l’augmentera ou on le diminuera sur un nombre donné et fixe de paroissiens, comme de cinq cents paroissiens, ou en plus ou en moins. J’ai déjà parlé des chapitres de cathédrales et de leur conservation, j’y reviens ici pour dire que les prébendes et les places doivent y être égales et en nombre et en revenus, avec une seule dignité pour chef, à laquelle tous les chanoines parviendront par tour de service et d’ancienneté. Moitié de ces places seront affectées aux curés du diocèse et aucun autre n’y pourra être chanoine sans avoir été au moins six ans vicaire de paroisse, le tout à la collation de l’évêque. Frappé des plaintes générales qui s’élèvent contre les bas-chœurs de ces chapitres, dont les sujets sont aujourd’hui bien loin derecevoir l’éducation religieuse des premiers temps, qui les en rendait comme le soutien et l’ornement, n’y ayant pas alors d’autre route pour arriver aux hautes stalles, je les condamne, dans mon plan, à la suppression, sans en excepter même le corps des musiciens. Dans nos mœurs présentes, la musique sert plus au spectacle et à l’amusement qu’à l’éducation dans la solennité du culte. Je lui préfère l’harmonie grave et majestueuse du chant grégorien. Il convient aussi que les chanoines s’acquittent de leurs fonctions par eux-mêmes : la principale et la seule peut-être est le chant; qu’ont-ils donc à faire, si d’autres chantent pour eux? Ce n’est pas sans répugnance que je cède à la sévérité de mon devoir, dans les libertés que je me donne contre tant d’établissements anciens; mais comme en ces matières j’ai eu lieu souvent de reconnaître qu’il n’est pas de plus mauvaise réforme que celle qui ne se fait qu’à demi, on voudra bien me pardonner si je n’en propose aucune qui ne soit entière. « C’est, dit le sage abbé Fleury, dans le temps des plus grands relâchements que l’on doit tenir plus rigoureusement pour la règle, ou elle se perd. » Je ne de-cirerais rien tant que la conservation des bas-shœurs de ces chapitres, mais dans leur ancien état, où sans acception de personnes, tous les bénéficiers formant eux-mêmes le corps des chantres et des musiciens, devenaient chanoines par tour de service. La musique, rendue à sa première et pure destination, sert merveilleusement à élever l’âme à Dieu dans les solennités de son culte. Mais les chapitres de cathédrales, envisagés comme représentant l’ancien presbytère dont j’ai parlé, n’ont pas le chant pour principal objet; et ce ne serait pas les réformer, que de ne pas les composer de prêtres qui, dans le gouvernement des paroisses, ont appris à s’entendre et à s’aider au gouvernement des diocèses. fit voilà pour ce qui regarde en général la nouvelle discipline à établir dans le clergé séculier, relativement aux décrets et aux vues sages de l’Assemblée nationale. Je passe maintenant au clergé régulier; mais auparavant je ferai quelques réflexions sur certains objets, pour écarter de mon plan tout ce qui pourrait s'opposer au grand bien que j’entrevois dans son exécution. D’abord, au sujet de l’élection des évêques, on pourrait opposer ce que le Loi lui-même avait proposé dans sa première réponse sur les arrêtés du mois d’août, savoir : que le concordat, qui avait établi les annates abolies par notre Assemblée, en réglant fa forme des provisions pour les prélatures, était ou devait être considéré comme un contrat synallagmatique qu’une seule des deux parties ne pouvait dissoudre au préjudice de l’autre. Cette raison, bonne en thèse générale, ne l’est point à l’égard du concordat. On en doit raisonner à peu près comme des biens ecclésiastiques, qu’il n’est pas permis de comparer aux biens d’un père de famille. Le principe en a été consacré dans la constitution du royaume par le décret du 2 de ce mois, et la nation n’avait fait que le prévenir, en usant de son droit, lorsque par son décret du 4 août elle a défendu de porter de l’argent pour annates ou autres causes soit à Rome, soit à Avignon. Chacun sait, d’autre part, dans quelles circonstances fut fait le concordat; comment François Ier fut lié par cet acte et comment il voulut après le soutenir. Il y souscrivit dans la faiblesse, et le fît exécuter par la force ; c’est encore un fait certain que les annates ne sont point comprises dans le texte même de concordat; elles n’en sont qu’une disposition que les jurisconsultes appellent ampliative , parce qu’elle fut ajoutée après le concordat aux. articles convenus et arrêtés dans le concordat même. Et en effet, l’origine des annates est assez connue, et elles ne pouvaient être pour la première fois mises dans le concordat, comme le prix des bulles que le pape faisait expédier aux nommés par le Roi. Les annates ne sont autre chose qu’une manière de tribut ou même d’impôts que la cour de Rome avait établi sur les principaux bénéfices du royaume bien avant le concordat, dont on a voulu s’autoriser pour en continuer la perception dans une forme légale; mais cela même ne les a pas rendues plus favorables, parce qu’elles n’ont cessé d’avoir l’air d’exactions pécuniaires, par le vice de leur origine. Si pieux qu’en soit l’usage qui s’en fait à Rome, le peuple en pense autrement, et, par cela seul qu’il fait tort à la religion, le décret du 4 août concernant les annates et les droits des dispenses n’a rien que de sage. Quant aux provisions du pape en elles-mêmes, on ne voit pas que l’usage en remonte plus haut dans le royaume que du concordat, ou des temps précédents où les papes avaient su s’arroger tous les droits dans la disposition des bénéfices, à la faveur du nouveau principe qui les faisait ordinaires, d’extraordinaires. Le concordat a introduit l’u- 238 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] sage de ces bulles dans une forme toute nouvelle; car si auparavant les nouveaux évêques, promus par la voie de �élection, donnaient au pape quelque marque d’adhésion, ou meme de soumission, c’était dans un objet tout spirituel, tel que je l’ai proposé ci-devant dans la formule de consécration, comme une pratique sage qui doit toujours être conservée. Mais cet intérêt majeur une fois mis à couvert, je ne vois pas que la cour de Rome soit fondée à réclamer l’exécution du concordat, comme celle d’un contrat qui ait lié tout à la fois, et d’une manière irrévocable, le roi, le clergé et la nation, qui n’y ontété ni vus, ni entendus. La politique y eut plus de part que le bien de l’Eglise. Rien ne le prouve comme les célèbres remontrances du parlement de Paris à Louis XI, en 1461 , et il est digne de l’Assemblée nationale d’en faire valoir aujourd’hui les raisons qu’on allégua vainement alors. Il est digne aussi, j’oserai le dire, du Saint-Siège de ne point s’opposer à leur succès, quand le bien, les lois mêmes de l’Eglise le réclament. Notre Assemblée travaille à une régénération qui va nous donner des magistrats, des officiers municipaux, des représentants de la nation, par la voie la plus sévère de l’élection, et cela ne touche qu’à nos intérêts temporels : faudrait-il donc que pour des intérêts bien plus grands, nous fussions privés du choix au moins de nos premiers pasteurs, à l’exemple de nos pères, et avec l’agrément d’un monarque qui ne desire rien tant que de concourir, par tous les moyens, au plus grand bonheur de ses sujets. On aura peut-être encore sur ses pas, dans les-nouveaux arrangements des paroisses, ce qu’on appelle les communalistes ou agrégés , qui , comme certains fondateurs, se prétendront dans le droit de s’opposer à tout changement; mais à cet égard la question a été jugée par décret même de l’Assemblée, qui met à la disposition de la nation tous les biens ecclésiastiques. Or j’ai prouvé que les biens de toute fondation spiritualisée n’en étaient pas exceptés, hors le cas de la clause expresse de retour. Rien d’ailleurs de moins favorable que ces agrégations de prêlres pris exclusivement dans tel ou tel lieu, parce que rien n’est plus contraire et à l’esprit de l’Eglise et au bon ordre, dans l’exercice des fonctions paroissiales. Ce sont des établissements qui, sous couleur de plus grands services à la gloire de Dieu, n’ont pour fondement que l’intérêt personnel et local, ce qui est on ne peut plus opposé à la liberté si nécessaire dans le choix des ministres des autels Les prélats les plus respectables et beaucoup de curés objectent que désormais les appointements en argent vont les priver du gage le plus sûr qu’ils avaient, dans leurs biens-fonds, de la considération publique et de leur subsistance même, parce que, disent-ils, sans possessions, les pasteurs n’auront plus les moyens de s’attacher les peuples par des aumônes; d’auire part, l’Etat, dans ses besoins pressés, les privera même de leurs appointements, ce qui entraînerait, avec l’abandon de leurs services, la ruine prochaine et infaillible de la religion. A cela je réponds que la nation déclarant que la religion catholique sera toujours la religion de l’Etat, et le peuple français y étant généralement très-attaché, il ne saurait manquer à la charge qu’elle lui impose de nourrir ses ministres. Ou il faut qu’il remplisse cette obligation dans tous les temps, ou il faut qu’il renonce à la foi; et c’est de quoi la nation est et sera toujours plus loin que certains esprits pourraient le croire, et d’autres pourraient le désirer (1). Et à l’égard des aumônes, ce sera plutôt un moyen de faire cesser les plaintes qu’ou élève contre eux depuis longtemps dans leurs possessions territoriales. Les premiers pasteurs n’avaient jamais assez donné, et plusieurs peut-être ne donnaient pas assez. On n’aura plus à l’avenir tant de droits à leurs libéralités dans la taxe fixe connue de leurs revenus en argent. Quant aux curés, ils pourront et devront, dans la jouissance de leur nouvelle et meilleure congrue, faire quelques aumônes ; mais au moyen des caisses municipales de charité qui vont être établies par une loi ou un règlement général dans toutes les provinces, ils ont toujours l’avantage et même l’agrément de concourir à la distribution des aumônes de la nation, soit pour les ateliers, soit pour les dispensations manuelles, par les attestations et les indications dont les recteurs et administrateurs de ces œuvres feront toujours sagement et nécessairement usage, pour observer plus sûrement la justice dans la répartition de leurs secours aux indigents. En sorte qu’alors le pasteur, sans y être pour le sien, continuera de mériter ou de s’attirer l’affection de ses paroissiens, par le même appât de l’intérêt que tous, peut-être, ne leur offraient pas ci-devant ou par avarice ou par impuissance. Je ne m’arrêterai pas à réfuter cette pitoyable objection qu’on a faite contre la forme même de la fourniture en argent, en la réglant sur la valeur courante de la denrée principale ; on a prétendu qu’on dégraderait par là la dignité épiscopale ou ecclésiastique ; mais j’ai prouvé ailleurs, dans mon opinion imprimée sur la propriété des biens ecclésiasstiques, que la dignité épiscopale ou ecclésiastique ne recevra, dans cette nouvelle forme, au contraire, que plus d’éclat et d’estime, parce que c’est celle qui est la plus conforme à l’état tout spirituel des évêques, et aux termes mêmes de l’Evangile qu’on nous permettra de citer, puisqu’il est le titre sacré et fondamental de (1) On fait circuler dans ce moment et des motions et des opinions pour engager l’Assemblée à laisser au clergé ses biens-fonds. Les uns proposent d’en faire le gage d’uti emprunt de 1,200 millions, en lui assurant la jouissance ou la propriété de ses biens ; ce qui serait une révocation formelle du décret du 2 de ce mois, et ne dispenserait pas même des suppressions générales dout nous parlons ici : d’autres ne veulent faire vendre que les emplacements des monastères à supprimer et tout le clergé témoigne une certaine crainte, par les suites d’une vente générale, et pour la religion et pour l'intérêt même de l’Etat. A l’égard de la religion, on a toujours raison cle craindre qu’on y porte atteinte. Mais s’est-elle jamais accrue par les possessions, et peut-on se flatter de la défendre mieux par elles que par les vertus qu’elles corrompent ? Il est vrai que ce serait un bien grand malheur qu’elle fût abandonnée par ses ministres qu’on n’entretiendrait plus; mais c’est à quoi l’Assemblée nationale ne manquera de pourvoir de la manière la plus sage et la plus solide. Pourrais-je proposer à ce sujet qu’après toutes les suppressions et les réformes ecclésiastiques, après tous les calculs, et toutes les taxes sur un plan fixe et approuvé par l’Assemblée nationale, elle décrétât constitutionnellement une liste religieuse comme la liste civile, en déclarant la religion catholique la religion de l’Etat. On laisserait, comme on doit toujours laisser aux fidèles la liberté de leurs dons et do leurs offrandes pieuses; mais on les verserait toutes uniquement dans la caisse religieuse, ,à la décharge de l’Etat, et alors cesseraient ou devraient cesser toutes les alarmes du clergé. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] leur mission. Jésus-Christ n’y parle précisément que de salaire pour les apôtres et les disciples qu’il envoie : Dignus est operarius cibo suo. L’on ne voit pas que nulle part dans le Nouveau Testament il soit parlé de biens-fonds, ni même de possessions, et pendant longtemps dans l'Eglise les ministres n’ont vécu que d’obligations libres et mobiliaires, auxquelles même ceux d’entre eux qui avaient des biens patrimoniaux ne touchaient point. Au surplus, dans les grandes réformes, et à l’époque d’une révolution où nous ne devons agir, pour sa propre conservation, que sur les principes qui l’ont opérée, c’est peut-être grossir les obstacles que de les prévoir. Après les sacrifices qui ont déjà été faits des intérêts privés au grand intérêt général de la nation, on doit espérer que l’esprit patriotique aplanira toutes les difficultés de lui-même ; je viens donc, à la seconde division de mon discours, au clergé régulier. CLERGÉ RÉGULIER. Vous savez, Messieurs, que l’Assemblée nationale, ou plusieurs de ses membres ont déjà témoigné un assez grand désir de supprimer tous les ordres religieux, sans excepter les monastères de filles. Ce n’est point certainement mon avis particulier ; je suis bien éloigné de vouloir tout à cour-anéantir un genre d’établissement qui, sans doute, est l’ouvrage de Dieu même, puisqu’il est presque né avec l’Eglise, dont il a fait pendant dix-huit siècles la consolation et la force; mais dans la véracité de mes sentiments contre tous les abus dont la réforme m’a été commise, je ne puis m’empêcher de faire à cet égard une première observation qui, sans tendre directement à la suppression des ordres religieux, pourrait servir à rendre leur état ou leur forme plus analogue aux mœurs présentes. Cette observation est que, jusqu’au douzième siècle, les vœux solennels de religion n’ont guère été connus dans l’Eglise, pas même la clôture des religieuses, et c’est précisément cet engagement irrévocable qui, privant le religieux de tous ses droits naturels et civils, le rend comme étranger à la société, où cependant il continue de vivre et avec des affections ou des relations avec elle, qui l’exposent, et que ne connaissaient pas les fondateurs et les modèles d’un élat aussi sublime et aussi parfait. Nos religieux ne sont plus ceux de l’Egypte; et ces derniers, les meilleurs de tous, ne faisaient aucun vœu, ni simple ni solennel, ils ne possédaient aucun bien, ils vivaient de leur travail et ils secouraient encore les pauvres de l’excédant de son produit. Saint Benoit, dont la règle a fait tant de saints et tant de progrès dans l’Occident, ne prescrit que des épreuves, sans exiger d’autre engagement de vie, et la persévérance. En effet, la règle porte de renvoyer ceux qui ne sont et ne peuvent être absolument fidèles à leurs promesses, qui sont incorrigibles : à Dieu ne plaise que j’improuve rien de ce. qui s’est pratiqué jusqu’ici par les lois de l’Eglise et les décrets même des conciles ; mais une triste expérience semble nous forcer tous de convenir que la pratique des vœux, et surtout des vœux solennels introduits par les fondateurs zélés du douzième siècle, qui y ont ajouté la mendicité, laquelle est une vraie charge pour les peuples et un titre à l’avilissement de l’état si respectable de religieux; il faut, dis-je, convenir que ces 239 pratiques conviennent moins à notre siècle qu’aux précédents: elles ne tiennent point d’ailleurs aux préceptes delà religion, qui ne blessent la liberté de personne, et qu’on n’observerait pas, ou que très-mal, dans la contrainte. Cependant comme l’état religieux est un état de sainteté, véritablement digne d’elle, ou il faut cesser d’estimer la vertu ou même d’y croire, ou il faut conserver cet asile à l’innocence; c’est le premier droit et le plus digne usage de la liberté, de cette liberté tant désirée par la nation, si bien, si heureusement défendue par cette Assemblée. Je voudrais donc, en donnant mon avis particulier sur cet objet important de réforme, que, sans supprimer tous les monastères indistinctement, on supprimât l’usage des vœux, au moins des vœux solennels, pour y substituer un engagement tout libre, qu’il serait permis de faire à tout âge, sans jamais être privé des droits naturels et civils de l’homme en société. Je voudrais en conséquence, qu’à l’égard d’abord des religieux qui subsistent à présent, et à qui on ne pourrait pas associer de nouveaux religieux avec d’autres engagements, on leur donnât le choix, comme il a été proposé, ou de rester dans leur état eu se réunissant en plus grand nombre, respectivement dans chaque ordre, et dans celles des communautés que i’on jugerait à cet effet les plus convenables, ou de sortir pour vivre en habit ecclésiastique sous la juridiction de l’ordinaire, avec telle pension qui sera réglée pour les uns et pour les autres. Mais comme une pareille opération me semble entreprendre sur la nature spirituelle des engagements religieux, je voudrais qu’elle se fit ou de concert , ou avec l’agrément de l’autorité ecclésiastique. On opposera l’exemple récent des Jésuites, dont Louis XV a supprimé la société, de sa seule et propre puissance ; mais cela ne s’est point fait sans des réclamations, et assez bien motivées, qui n’ont cessé que pur la bulle de Clément XIV. Avec cette sage et religieuse mesure, je voudrais qu’on laissât subsister les monastères de pénitence, qui font encore dans ce royaume tant d’honneur à la vie cénobitique, tels que les monastères de la Trappe, de Sept-Fonts, la grande Ciiarteuse et quelques autres, où néanmoins après les religieux qui y sont et y ont fait des vœux solennels, ceux qui y seraient désormais appelés par les mouvements d’une grâce particulière, n’en feraient point de pareils, mais seulement la promesse de la stabilité , autant qu’il serait en eux de la remplir; ce qui laisse toute liberté, et à la communauté pour les renvoyer, et aux religieux eux-mêmes pour se retirer quand ils le voudraient. J’en dis autant des monastères de Carmélites, de Franciscaines réformées, qui font l’admiration des ennemis memes de notre religion ; car ii n’est pas de preuve ou de marque plus sensible de l’influence divine sur ces maisons, que les vertus et la force qui éclatent dans la faiblesse môme du sexe qui les habite. Mais cette juste admiration serait bien plus grande sans les vœux solennels , avec un simple engagement qu'on pourrait rompre à volonté, sans peine et sans honte, au moyen des nouveaux préjugés qui accompagneraient la nouvelle pratique. Alors seulement cesseront et peuvent cesser les soupçons toujours injurieux , et souvent beaucoup trop fondés, d’une vertu sans mérite, de crainte révé-rentielle, de vocation sans liberté, enfin de pénitence forcée, et tant de scènes peu édifiantes qu’elles produisent aux yeux du peuple , ne 240 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] fût-ce que les réclamations fréquentes et bruyantes contre des vœux que la bouche a formés et que le cœur désavoue. On trouverait encore dans ces pieux monastères le moyen d’y transférer une bonne partie des charges spirituelles, attachées à certaines fondations ; ce qui serait peut-être l’échange le plus fructueux, et par là même le plus agréable aux familles qui peuvent encore mettre quelque intérêt ou quelque affection à ces services. Quant aux autres religieux et religieuses, ceux-là doivent être conservés qui sont utiles et même nécessaires soit pour le service des malades, soit pour l’éducation de la jeunesse, mais toujours sans aucun des vœux, et avec le simple engagement libre et à tout âge, dont j’ai parlé. Aussi, dans ce dessein, je voudrais que l’on conservât les Frères de ia Charité, qui desservent les hôpitaux ; les sœurs qui exercent les mêmes actes de charité ; les religieuses Ursulines, dont l’institut n’a pas d’autre objet que celui de l’éducation des Filles. L’institut de saint François de Sales, qui porte d’admettre dans les couvents de la Visitation toutes les personnes qui voudraient s’y retirer dans un état libre pour leur salut, sans aucun égard ni pour l'âge, ni pour la condition, pas même pour les tempéraments faibles ou robustes, me paraîtrait encore digne de l’exception. Son aimable fondateur, qui vivait au commencement du siècle dernier , ne voulait point d’abord de vœux solennels , dont il ne parait pas avoir été le partisan, et il a rédigé sa règle, ennemie de toute austérité corporelle, de manière à ne servir que d’aliment et de défense à la plus solide piété. Or, il faut à nos familles de ces couvents où pouvoir mettre nos tilles en sûreté. Il nous faudra toujours des lieux où il soit libre à chacun de faire élever ses enfants dans la crainte du Seigneur ; car, quoi qu’on en dise, de toutes les éducations, il n’en est pas de meilleure ni d’aussi heureuse que celle qui a pour base et pour fondement la morale de l’Evangile et la pratique de ses conseils. La ressource des séminaires qui seront toujours plus favorisés en France, surtout dans la nouvelle forme dont je vais parler, nous rend aujourd’hui comme superflu le secours des religieux, pour la science soit théologique, soit morale ; c’est aussi par où je me détermine non point à demander, mais à ne point m’opposer à ia suppression des ordres religieux en général, établis en France. Les catéchistes dont j’ai proposé l’établissement, pourraient au besoin tenir lieu des prédicateurs et remplir pour eux les stations d’avent et de carême. Iis pourraient aussi être employés à acquitter les fondations, à aider même aux missions, dont il est très essentiel de conserver l’usage pour relever le zèle abattu ou refroidi des curés et des vicaires, et pour rappeler aussi les hommes au souvenir des grandes vérités morales qui les intéressent. La plus funeste politique serait de négliger ce premier lien, ce premier frein des peuples (1). (1) On a parlé dans le comité ecclésiastique de ministres essentiels, qui sont envoyés dans le Levant pour y exercer les fonctions pastorales envers les catholiques français de nos factoreries, sous le titre même d’évêques et de vicaires apostoliques, à qui il n’est payé que 100 livres pour toute congrue. On a ajouté que ces dignes et zélés pasteurs s’estimeraient bien favorisés avec 1,000 .ivres d’appointements. Je pense bien que si la nation dispose des biens Ânsi donc mon avis est encore qu’on conserve dans le royaume toutes les fondations de missions, pour les affecter et réunir à une congrégation bien organisée de missionnaires. ENSEIGNEMENTS ECCLÉSIASTIQUES. Je n’ai rien à dire ici des enseignements publics en général, je n’en parlerai que relativement à mon sujet. Les universités, telles qu’elles sont en ce moment dans le royaume, n’offrent que des abus à réformer, et c’est une matière dont il faudra que l’Assemblée s’occupe, pour la faire entrer dans le plan même de notre constitution. Cette charge tombe donc sur notre comité même de constitution. Or, il sait mieux que je ne saurais le dire que rien n’intéresse tant la nation comme de former au plus tôt, sur ses propres principes, un esprit général qui, après avoir été adopté par la génération présente, passe et soit comme sucé avec le lait par les générations futures. Les enseignements ecclésiastiques doivent même y être adoptés ; mais ce qui est peut-être encore plus essentiel, c’est qu’après toutes les réformes proposées, si elles ont lieu, on s’applique à monter les écoles théologiques différemment de ce qu’elles le sont à présent. Ne serait-il pas possible, ce qui est tant à désirer, que l’on s’entendît une bonne fois sur cet objet si important, dans notre célèbre Eglise gallicane? Serait-il impossible que l’on se fixât à un seul corps de doctrine? Rien à mes yeux qui fût si beau et si utile à la religion que de voir cette seule et vraie doctrine établie et protégée spécialement dans une seule université, telle que celle de Paris où se formeraient les professeurs et même les directeurs des séminaires de provinces. Là ces dignes maîtres l’enseigneraient par tout le royaume, telle qu’ils l’auraient puisée dans la pureté de la source. Les séminaires seraient alors réduits à un seul par métropole, en tel lieu qu’il serait convenable, avec défense à tous les collèges et communautés ecclésiastiques, d’enseigner la théologie, en y enseignant toutes les autres sciences quelconques, jusqu’à la théologie exclusivement ; la classe des catéchistes, dont j’ai parlé, tiendrait d’autre part comme lieu des petits séminaires dont l’usage n’a pas jusqu’ici paru d’une grande utilité au plus grand nombre des évêques. Je laisse à l’écart la question de savoir s’il serait plus avantageux de supprimer les bourses pour les pauvres étudiants ; je dirai seulement que dans la nouvelle forme que l’on va donner à tous les établissements ecclésiastiques, soit séculiers, soit réguliers, il vaut peut-être mieux laisser à la Providence les moyens de fortune nécessaires à un état que jusqu’ici les sujets pauvres ont embrassé bien moins pour être plus vertueux et plus utiles à la société ou à la religion que pour devenir riches et plus considérés par une éducation beaucoup trop chère au public. Ajoutez que dorénavant la carrière étant ennoblie par l’égalité des droits que tous les citoyens auront de la parcourir, les plus riches d’entre eux ne dédaigneront pas de s’y distinguer. Au surplus, je ne voudrais priver de rien les boursiers actuels, quoique je propose de faire à l’avenir un meilleur usage de leurs bourses. ecclésiastiques, elle ne se fera pas une peine de donner les 1,000 livres à des hommes si utiles et dont le nombre n’est pas bien considérable, car on n’a parlé que de huit ou dix ; meltez-en douze : que seraient 12,000 livres pour une si belle œuvre ? [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] C’est là tout ce que je me permets de proposer touchant les enseignements ecclésiastiques. On voudra bien me pardonner la nouveauté de mes idées à l’égard des écoles théologiques. Elles m’ont été suggérées dans le souvenir amer des longues divisions que personne n’ignore, et qui ont fait les plus grands maux à la religion et à la société même. DISCIPLINE ET JURIDICTION ECCLÉSIASTIQUES. Je n’ai pas cru devoir rien proposer sur les détails de la discipline ecclésiastique, je doute même qne l’Assemblée nationale veuille ou doive s’en occuper, si ce n’est pour ordonner le rétablissement des conciles provinciaux de trois en trois ans, et les synodes annuels où cette matière sera réglée par ses véritables juges. Je ne pense pas qu’avec toutes les mesures qui se prennent dans l’Assemblée pour prévenir le retour de tous les abus qu’elle réforme avec tant de sagesse et succès, elle craigne de voir désormais les ecclésiastiques s’assembler pour le meilleur ordre parmi eux, et pour le plus grand bien de la religion. Aucunes des raisons qui avaient suspendu la tenue des conciles provinciaux, ne subsistent déjà plus, et elles subsisteront bien moins, quand le clergé n’aura pas la possession ou l’administration des biens, qui par le décret du 2 de ce mois sont à la disposition de la nation. Rien qui soit d’ailleurs plus conforme à la plus ancienne et à la plus sainte discipline de l’Eglise, que les conciles, et particulièrement les synodes diocésains, où je voudrais que les vicaires mêmes fussent appelés en partie chaque année, et sans voix délibérative ; à quoi l’on joindrait un décret pour les visites épiscopales, sans frais et sans droit de procuration, du moins à la charge des paroisses. Quant à la juridiction ecclésiastique, je proposerai tout simplement de supprimer les officia-lités, parce que depuis longtemps on se plaint que cette juridiction contentieuse entre les mains de prêtres, ne convient pas plus à leur état qu’au bien de la société à laquelle tous ses membres tiennent et doivent toujours tenir par leurs droits et parleur qualité de citoyens. Aussi combien cette seule considération avait-elle fait introduire d’exceptions, source continuelle de contestations et de très-grands frais ? A l’égard des causes criminelles il y a peut-être encore moins d’inconvénients à la compétence exclusive des juges royaux, sauf à appeler à ces procédures un ecclésiastique, comme on appelle un officier militaire à la procédure criminelle d’un soldat, prise pour les délits civils dans les tribunaux ordinaires, et c’est sur quoi je ne doute point que l’Assemblée nationale ne statue avec sagesse dans la prochaine organisation de l’ordre judiciaire. Il ne resterait donc aux évêques que les actes de leur juridiction gracieuse, et à cet égard les principes reçus dans notre droit public, les maximes, les libertés de l’Eglise gallicane, seront toujours bons à conserver et à opposer au besoin à toutes les entreprises, soit de la cour de Rome, soit des évêques. Ces derniers ayant toujours des ordres à conférer, des curés à choisir, des vicaires à placer, des religieux, des religieuses sous leur juridiction, car il ne sera, je pense, pas plus question de l’exemption des ordres religieux que des ordres mêmes, enfin les évêques ayant et devant toujours avoir le droit et la liberté d’exercer leur lre Série, T. X. 241 autorité épiscopale, mais pas une magistrature en un sens politique sur des individus citoyens et français, sujets du Roi, avant d’être clercs ou diocésains d’un évêque, il importe à la nation de conserver et de maintenir toutes les pratiques par lesquelles le souverain a maintenu lui-même jusqu’ici son entière indépendance de l’autorité spirituelle. Ainsi tout ce qui est déjà établi sur les entreprises mutuelles des deux puissances indépendantes l’une de l’autre, sur les réclamations et les appels comme d’abus, dont l’usage est et doit être réciproque, le sera encore, et l’on n’aura besoin que d’en faire un décret où l’on pourrait ajouter que les évêques n’auront plus désormais de grands vicaires in partibus ou en vain titre, mais des hommes choisis parmi ceux à qui les devoirs du ministère ne sont point inconnus, et qui résident dans l’exercice le plus assidu de leurs fonctions. Il n’est pas, je crois, nécessaire de dire que l’Assemblée ne manquera pas de supprimer les chambres ecclésiastiques et supérieures et diocésaines, établies pour des objets qui bientôt ne vont plus exister, s’ils existent encore; cet établissement tombe de lui-même avec sa cause. Enfin il me reste à proposer mes idées sur les coups qui ont été portés aux relations entre la France et la cour de Rome pour les provisions de bénéfices et les dispenses dont l’Assemblée a renvoyé la concession gratuite aux évêques diocésains, comme encore sur le traitement qui est à faire aux religieux déplacés, et aux bénéficiers dont les biens déclarés à la disposition de la nation, seront probablement vendus à son profit. PROVISIONS DE BÉNÉFICES ET DISPENSES. D’abord, pour ce qui est des provisions de bénéfices en général, il n’en sera pas beaucoup question à l’avenir, si, comme je l’ai proposé, et pour bonnes causes, on supprime les commendes, les bénéfices simples ou sans fonctions, et les cano-nicats des collégiales, ne laissant subsister que les évêchés, les cures et les places de chanoines daùs les cathédrales, à quoi il. sera pourvu par les voies ou dans la forme dont j’ai parlé, mettant les places dans les cathédrales, comme les cures dans les diocèses, à la pleine disposition des évêques, moyennant qu’ils ne disposent pas de toutes au préjudice des curés, dans l’ordre que j’ai proposé. Il ne sera pas plus question de bénéfices réguliers ou claustraux, par le moyen des réformes ou suppressions également proposées ; et les grades ou les nominations des gradués par les universités, qui n’auraient jamais dû porter, dans les bonnes règles, sur les cures, cesseront heureusement avec tous leurs inconvénients et tous leurs procès. Plus d’induits, plus de brevetâmes, si ce n’est peut-être celui de joyeux avènement; plus de pluralité de bénéfices, d’incompatibilité, de résignation en faveur de date, de visa ; plus enfin de toutes ces impétrations, de ces réquisitions de places ecclésiastiques dont on est en général indigne, quand on les cherche. Les gens de bien n’auront plus à rougir d’entendre dire: Il fera, il a fait, à la cour ou ailleurs, par ses intrigues, par sa naissance, et même par ses talents, fortune dans l’Eglise et du bien des pauvres. On ne verra plus enfin des écumeurs de pensions et de bénéfices, comme les appelait Dumoulin ; il ôtait réservé à la nation d’en purger l’Eglise, comme elle a déjà purgé l’Etat de ses déprédateurs et de ses sangsues. 16 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] 242 Mais puisque nous avons déjà, comme fiasse rance de ce grand bien, dans la suspension que l’Assemblée nationale a ordonnée de toutes provisions de bénéfices, autres que des cures, il est bon de l’aviser ici, qu’aprês un pareil décret, il lui reste à pourvoir incessamment à la conservation des biens et revenus de ceux de ces bénéfices dont la vacance est arrivée ou peut arriver tous les jours, depuis l’époque de son décret ou de sa publication, comme elle doit pourvoir aussi à la desserte de toutes les cures, dont les titulaires et les desservants vont être privés de leur congrue, s'il ne le sont déjà, par le refus comme légitime que les décimateûrs ont fait ou feront de les leur payer, n’étant plus payés eux-mêmes de la dîme destinée de droit à celte charge. Quant aux .dépenses dont a parlé le décret du 4 août, c’est d’abord une première question, si, dans l’esprit de ce décret, ces dispenses s’entendent seulement de celles qui regardent les bénéfices? Il ne serait pas plus besoin d’en parler, dans ce cas, que de leurs provisions, si le plan que je propose, presque d’après les décrets mêmes de l’Assemblée, est adopté. Que si on applique indistinctement le décret du 4 août à toutes sortes de dispenses, pour raison desquelles il a défendu d’envoyer de l’argent, soit à Rome, soit à Avignon, je ne vois plus alors qu’une voie pour en continuer la pratique ou l’usage : c’est la voie de la pénitencerie, qui s’emploie et secrètement et gratuitement. Les réformes de la nation ne s’étendent et ne peuvent s’étendre au delà des formes extérieures; en sorte que quand elle ordonne de ne point porter d’argent à Rome, pour les dispenses ; quand elle ordonne de s’adresser aux évêques, qui les accorderont gratuitement, elle ne prononce rien sur le mérite même de ces dispenses, non plus que sur le pouvoir de ceux qui les accordent. C’est aux évêques mêmes à régler ces matières, relativement à la discipline ecclésiastique, ou au for intérieur, dans des conciles ou autrement. Ce qui n’empêche pas qu’on ne dise et qu’on ne doive dire que ces dispenses en général ne sont point par elles-mêmes des grâces, ni ne doivent être considérées comme telles, mais comme des actes de pure justice, par lesquels on dispense de la loi celui que la loi elle-même aurait dispensé par une disposition particulière, si elle eût prévu ou pu prévoir le cas qui aurait rendu l’exception nécessaire en sa faveur. Au surplus, chacun sait que l’usage des dispenses en cour de Rome n’a pas d’autre origine que celle des cas réservés au pape, sur qui les évêques eux-mêmes furent bien aise de se décharger, pour ne pas céder sur les lieux aux importunités et au crédit des parties intéressées. Ce n’est donc qu’un usage accidentel et positif que celui des dispenses, et on pourrait très-bien, si on le voulait, en diminuer le nombre, et les rendre même inutiles en certaines matières. Je citerai pour exemple les dispenses de mariage, pour lesquelles il s’envoyait le plus d’argent à Rome. Il est convenu que le souverain peut établir des empêchements et prohibitifs et dirimants au mariage, considéré comme contrat civil. La nation, qui exerce aujourd’hui le pouvoir souverain de la législation, ne pourrait-elle donc pas, de concert avec l’autorité ecclésiastique, fixer à cet égard les règles ou les degrés de parenté, de manière qu’il n’y eût j amais lieu à aucune dispense de ce genre pour qui que ce fût? Ce serait peut-être le moyen de prévenir bien des maux qui se font intuitu veniœ. Tout le monde sait encore, je 1 1 l’ai déjà observé, qu’il ne se fait à Rome qu’un bon usage de l’argent des dispenses, et les motifs de cette pratique sont et ne peuvent être que très-sages. Malgré cela, c’est une tentation pour les faibles, et une arme pour les impies. Il serait donc, à mon avis, dans ces temps fâcheux, et plus utile et plus prudent, d’en abolir l’usage par des lois fixes et générales. TRAITEMENT A FAIRE AUX RELIGIEUX, ET AUX BÉNÉFICIERS QUE L’ON RÉFORME. Je finis par l’article qui est peut-être de tous le plus délicat ou le plus difficile à bien remplir. C’est celui du traitement des possesseurs actuels des bénéfices et des religieux des monastères, dont les biens et les emplacements vont passer à la disposition effective de la nation. Je m’exprime ainsi, Messieurs, parce que j’ai déjà eu l’honneur de vous observer que la vente des biens ecclésiastiques, autorisée par le décret du 2 de ce mois, est commandée impérieusement par les besoins extrêmes de l’Etat. C’est le premier des pauvres à qui ces biens appartiendraient à titre de secours et de charité, quand l’Assemblée n’aurait pas décidé que leur disposition lui appartient à titre de droit et de justice. J’ai sur cette dernière décision donné mon suffrage pour elle, et je ne puis être d’un autre avis dans ce moment ; il est vrai que je suis en même temps du nombre de ceux qui inclinent pour les plus grands égards envers les possesseurs actuels, quels qu’ils soient; il n’y a aucune distinction à faire, pour la légitimité du titre entre les titulaires de différents bénéfices, ou entre les possesseurs de différents revenus ecclésiastiques. Tous possèdent ces revenus, de telle nature et de telle somme qu’ils soient, par un titre égal ; tous ont ainsi, dans leur jouissance, des droits que la nation doit respecter : c’est l’intention de l’Assemblée, et certainement tous les membres de ce comité n’en ont pas d’autre. Mais, Messieurs, on l’a dit et répété plusieurs fois dans la discussion qui a précédé le décret du 2 de ce mois, tous ces biens, tous ces revenus ont une destination marquée et prescrite par les canons mêmes ; et c’est ici une difficulté qui a bien de quoi gêner la meilleure volonté pour les traitements dont il s'agit. D’abord tous les ecclésiastiques en général, soit séculiers, soit réguliers, ne possèdent leurs biens qu’avec des charges plus ou moins considérables. Le clergé en corps a des dettes, et la nation s’engage nécessairement à les acquitter, en prenant ses biens. Cela s’entend ou doit s’entendre, quand on n’en parlerait pas. Il en est autant de toutes les dettes des corps particuliers des ecclésiastiques séculiers ou réguliers c’est-à-dire, des diocèses, chapitres, monastères et autres corps et communautés, soit qu’on les supprime, soit qu’on les laisse subsister, en prenant leurs biens tels qu’ils les possèdent actuellement, pour y substituer une solde ou des appointements en argent, sur les plus clairs deniers des fonds dont j’ai parlé. Il faut nécessairement acquitter toutes ces dettes. Gela, encore une fois, est de droit. A l’égard des particuliers dépossédés ou déplacés, je les rangerai en plusieurs classes, et je commencerai par les religieux. Il y a d’abord à distinguer les religieux dont les corps sont à conserver, dans les termes et pour les raisons déjà expliquées, et ceux dont la suppression aura lieu. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novëinbrê 1789.] A l’égard des premiers, on peut leur laisser avec leurs monastères toutes les dépendances voisines qui en font comme partie, et souvent dans ces dépendances closes ou non, il y a de quoi former uu revenu assez considérable ; on le déduirait donc sur le taux de la pension qu’il convient de fixer pour l’entretien de chaque religieux. A l’égard des monastères supprimés, il semble d’abord que les religieux qui préféreront de continuer leur vie monastique, méritent plus d’égards que les autres; ils méritent certainement plus d’estime ; mais comme leur entretien en communauté doit moins coûter pour chacun d’eux, j’aime à croire qu'aucun de ces bons religieux n’exigera plus que ce qui suffira à leur communauté, pour faire aller dans une certaine aisance et le service divin, et leur table, et leur vestiaire. Il faudra nécessairement quelque chose de plus à ceux qui, étant déplacés par fait d’autrui, doivent être libres de prendre l’habit ecclésiastique, pour vivre dans leurs familles sous la juridiction des évêques. Aux premiers peut-être que 500 ou 600 livres suffiront, du moins pour ceux des monastères peu riches ; car pour les religieux bien rentés, il faudra plus. Quant à ceux qui sortiront, il leur faut, dans le temps présent où tout est si cher, au moins de 600 à 800 livres, d’autant que la plupart n’auront point de famille pour retraite. Les moines rentés prétendront à une pension plus forte, sur le fondement que la nation prenant leurs biens, ils y ont des droits particuliers ; ils diront aussi qu’ils n’ont pas accoutumé de vivre dans les mêmes privations que les religieux mendiants ; mais on leur répondra que, sur les biens qu’ils regrettent et qui n’étaient pas de leur patrimoine , qui appartenaient à la nation, ils n’avaient que leur subsistance à prendre ; que leur état est le même que celui de tous les autres religieux; que tous s’étaient dévoués au service de la religion et du public, dans le même esprit et dans les mêmes formes; que tous avaient, par les mêmes vœux, fait les mêmes sacrifices de leurs biens, de leurs droits civils ; que ceux-mêmes d’entre eux qui étaient les plus pauvres, étaient les plus utiles parleurs secours spirituels; enfin tous les religieux auront la faculté de ne point rentrer dans le siècle, s’ils ne le veulent. Mais du moment qu’ils y sont, il ne doit plus y avoir de différence entre eux, ni pour leurs biens, ni pour leurs ordres, encore moins pour les places qu’ils y ont occupées. Les plus âgés peuvent seulement réclamer quelque avantage, pour faire augmenter leur pension, et je serais d’avis que l’on donnât de 600 à 800 livres à ceux qui sont au-dessous de soixante ans, et 1,000 livres à ceux qui ont soixante ans commencés et au delà. Nous ne devons pas oublier les frères convers ou laïques ; tout semble leur être commun dans ce que nous venons de dire des moines rentés et mendiants, et l’on ne pourra guère donner moins de 500 livres à ceux qui sortiront, et de 400 livres pour ceux qui resteront dans le cloître ; les sexagénaires hors du cloître auront 600 livres. Pour ce qui est des religieuses dont les monastères seront supprimés, et à qui sera accordé avec encore plus de raison la faculté de vivre et de mourir dans leurs couvents, elles doivent avoir 600 livres chacune ; 150 livres pour vestiaire, et 450 livres pour leur pension alimentaire. Les sexagénaires auront 100 livres de plus. Cet article des religieuses doit être traité avec beaucoup de ménagements, et l’on doit beaucoup de déférence aux avis, à la sage disposition des pré-243 lats diocésains, qui permettront la sortie à celles de ces religieuses, dont l’âge et les familles garantiront les vertus et la conduite. Car aucunes d’elles, pas plus qu’aucun religieux, ne doivent oublier rengagement inviolable de leur vœux, dont la nation ne les déliera, ni ne peut les délier. Mais la suppression des monastères des religieux comme des religieuses autorise les uns et les autres à ne plus suivre dans d’autres monastères, la règle qu’ils avaient entendue, par leurs engagements, ne pratiquer que dans celui qu’on supprime, ou auquel on fait perdre, avec ses biens, la même existence morale et politique. Les sœurs converses des religieuses doivent avoir au moins 400 livres en sortant de leur couvent, et 300 livres en y restant. Les sexagénaires auront 60 livres de plus. Il s’agit à présent du clergé séculier. Nous ne reviendrons pas ici sur les curés et sur les vicaires, dont la congrue est déjà toute réglée pour l’avenir. Je parlerai bientôt du traitement des curés qui, dans ce moment, ont plus que leur congrue, ou des revenus au-dessus de 1,200 livres ; mais je dois dire pour tous, qu’outre un certain nombre de prébendes ou places affectées dans les chapitres de cathédrales pour les curés du diocèse, il doit aussi être assuré un traitement à ceux qui ne voudraient pas de ces places, et qui auront de 20 à 25 ans de service, s’il leur plaît de se retirer, ou s’ils ne 'peuvent continuer le service, même avant les 20 ou 25 ans, pour cause réelle d’infirmités; ce qui serait également ordonné dans une juste proportion pour les vicaires qui, après quinze ans de service, ne seraient point encore faits curés, ou à qui les infirmités ne permettraient plus de l’être. Quant aux archevêques et évêques, comme le nombre doit en être diminué, et les diocèses et métropoles réglés différemment qu’ils ne le sont à présent, je ne me permettrai pas de parler ici du traitement qui leur sera fait, j’observerai seulement que leurs honoraires doivent être réglés sur rétendue de leurs diocèses, et sur la qualité des villes de leur résidence, qui, au reste, ne doivent plus se trouver dans des pays d’une domination étrangère, car il faut profiter de cette occasion pour renfermer le gouvernement ecclésiastique dans les limites du royaume. Personne n’ignore que les diocèses étrangers s’étendent sur des pays de France, comme des diocèses de France s’étendent dans des pays étrangers. Cet usage autrefois peut-être sans conséquence, et même utile, devient en ce moment très-susceptible d’abus, et il faut y pourvoir. Ce serait aussi une raison très-forte à ajouter à toutes les autres pour déterminer au recouvrement ou à l’échange du comté Venaissin, d’où les prélats, tous Italiens, ou sujets du pape, exercent leur autorité sur les provinces du Languedoc, de la Provence et du Dauphiné au milieu desquelles ce pays se trouve enclavé; ce qui dans ce moment est encore un obstacle à l’arrondissement ou à la meilleure forme horizontale de nos départements en Provence. Le comté deGri-gnan, qui en fait partie, en est séparé pour se trouver entre le comté Venaissin et le Dauphiné. Je donnerais à tous les évêques une maison de campagne peu éloignée pour qu’ils aillent s’y délasser de leurs fatigues pastorales et y respirer un air plus salubre que celui des villes. Je voudrais en proposer autant pour les curés, dont les services sont à mes yeux également chers, mais ils ne sont pas si étendus, et ils sont plus instants dans leurs paroisses, où ils ne doivent jamais {23 novembre 1789.] 244 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. cesser de paraître à leurs paroissiens n’être occupés que d’eux, ou de la vigne du Seigneur qui leur est confiée. Pour cette même raison, je ne voudrais pas que les curés possédassent, outre leur jardin, d’autres biens-fonds. S'ils ne s’y attachent pas plus qu’il ne faut, ce qui est rare, leur possession excite toujours quelque envie parmi ceux de leurs paroissiens qui n’en, ont pas autant , et à qui ils prêchent de se consoler de n’en avoir point. Cette réflexion que je me permets est bonne pour tous les ecclésiastiques à qui, dans ce moment, il fait tant de peine que la nation dispose de leurs biens. En général, le peuple ne les a jamais vus dans leurs mains sans quelque jalousie, et peut-être avec raison, parce que les grandes possessions de ce monde ne conviennent pas à ceux qui nous en annoncent de bien plus solides dans l’autre. Mais revenons aux traitements; lesévêques et les curés mieux rentés que de 1,200 livres sont dans le cas, comme les autres, de n’être pas absolument privés de tout ce qu’ils possèdent actuellement en revenus des biens ecclésiastiques. Placés et occupés plus utilement que personne dans l’Eglise, ils méritent aussi plus que personne d’être ménagés dans les retranchements. D’abord, il y a peu d’évêques en France réduits aux seuls revenus de leurs évêchés. Si ces revenus sont remplacés par des honoraires fixes, ils seront tels qu’il convient à cette première dignité; et cela doit être incontestablement sans préjudice du traitement commun qui sera fait aux possesseurs et plularistes actuels de bénéfices simples ou en commende. A l’égard des curés mieux pourvus en ce moment que de 1,200 livres, il est de toute justice de leur laisser, sinon l’équivalent,dumoins autant sur le surplus des 1,200 livres qu’aux mêmes bénéficiers dont il s’agit maintenant de fixer le traitement ; et c’est, à mon sens, le plus embarrassant, parce que si nous devons respecter la légitimité de leurs titres et la bonne foi de leur jouissance, nous ne pouvons nous dissimuler qu’il n’est pas, dans l’Eglise, de bénéficiers qui méritent moins de faveur que les bénéficiers sans fonctions, c’est-à-dire, les possesseurs de bénéfices simples ou en commende. D’autre part, on a dit et on a prouvé dans la discussion qui a précédé le décret du 2 de ce mois, que dans l’esprit et la disposition des canons, contre quoi rien ne peut prescrire, tous les biens des bénéfices en général étaient grevés, dans leur temporel, de trois charges absolument distinctes : la première pour l’entretien des bénéficiers, la seconde pour les réparations et la dépense du service, et la troisième pour les pauvres (1). (1) Quand je fais ici ia division des charges par tiers, d’après nos orateurs sur le décret du 2 de ce mois, je ne m’écarte pas plus qu’eux de la disposition des canons ; car ceux de ces canons qui font la même division par quart, ont distingué ia portion de l’évêque, de celle du reste du clergé, qui alors faisaient l’une et l’autre la moitié. Des canons postérieurs , contondant dans cette répartition l’évêque et son clergé, ont employé la division |par,tiers; et si dans les termes mêmes de la première division par quart, nous suivions ici rigoureusement lés termes de la justice, du moment que la nation prendra sur elle de stipendier désormais les évêques et les curés, pour qui seuls sont destinées les dîmes, les bénéficiers sans fonctions qui les possèdent, seraient bien en peine de nous dire la part qui leur serait duo. Il ne leur reviendrait pas, dans la vérité de ce compte, le quart, ni même le cinquième, et on leur donne le tiers. Quant aux pauvres, nulle part, dans aucune église du Si l’Etat en prenant les biens de ces bénéfices se charge des deux derniers articles de dépenses ou de fournitures, ou ne voit pas que dans les termes de la justice, prescrits par les lois mêmes de l’Eglise, les titulaires aient raisonnablement à se plaindre de ce qu’on ne leur ôte que ce que dans leur jouissance même, ils n’avaient pas le droit de retenir pour eux. Je ne trouverais de bien fondés, dans quelque plainte à cet égard, que ceux des bénéficiers à qui ce qu’on leur laisserait, ne suffirait point encore pour leur propre entretien; et c’est ce qui me détermine à opiner que tous ceux qui n’avaient d’un seul ou plusieurs bénéfices compatibles, qu’un revenu au-dessus de 800 à 1,000 livres, leur soit conservé en entier tel qu’ils le possédaient avec toutes leurs charges leur vie durant. A l'égard des autres d’entre les mêmes bénéficiers dont le revenu est supérieur à 800 à 1,000 livres, à quelque somme qu’il se monte, il n’y a plus de gradation à suivre, et il ne faut faire pour tous qu’une loi générale, eu observant néanmoins que si, jusqu’aujourd’hui, les décima-teurs ont été chargés des congrues, elle n’étaient pas au taux où la nation les a mises au même instant où elle s’est comme chargée elle-meme de les acquitter; et, en effet, outre que le taux de 1,200 livres surpasse de presque la moitié le taux actuel de la congrue des curés et 600 livres celle des vicaires, elle montera plus haut par la gradation qui doit se régler sur un plus grand nombre de paroissiens. Or, voilà une nouvelle charge inconnue à MM. les décimateurs commen-dataires, ou aux autres bénéficiers chargés du payement des congrues, et dont il est absolument juste qu’ils fassent compte ou grâce à la nation pour les retranchements qu’elle ne peut s’empêcher d'ordonner sur leurs revenus, en s’emparant de leurs fonds. Que si la nation prend le parti de vendre ces fonds (ce qu’elle ne peut faire avec avantage qu’en vendant ou bien tôt ou bien tard ; bien tôt pour profiter de l’alarme des créanciers dont plusieurs comptaient pour beaucoup leurs assurances ; ou bien tard, dans l’amélioration des affaires de l’Etat où la condition des capitalistes sera comme elle doit être, la pire), elle sera déchargée des réparations ; mais il reste les frais du culte, et ce bénéfice des réparations ne doit pas faire mal à l’œil de ceux qui n’auraient jamais su en profiter eux-mêmes ; en sorte que tout bien pesé (non à la balance du sanctuaire, qui donnerait peut-être moins à ceux des ministres qui n’y royaume, ils n’ont reçu depuis très-longtemps leur quart, encore moins leur tiers ; mais ceux qui prenant à la lettre le décret du 2 ce mois, prétendraient que le quart leur est dû maintenant sans contestation, on les prie de faire attention d’abord que l’Etat, dans ses besoins extrêmes, est le premier pauvre ; que la charge des hôpitaux, mise jusqu’ici sur les peuples dans chaque ville, bourg et village, par les ordonnances, doit être prélevée sur;,ce quart, ainsi que le montant de tous les legs pies des fidèles qui ont donné pour les pauvres ce que les bénéficiers auraient dû leur donner et qu’ils ne leur donnaient point. Enfin les ateliers de charité qu’on a établis partout depuis assez longtemps font encore des fournitures qui ont comme acquitté d’avance la nation de cette dette tant favorable. Elle n’a donc qu’à les continuer et à les régler même par une loi générale, pour combler la mesure de ses obligations à l’avenir; de sorte que dans ce moment ni jamais, aucune municipalité particulière n’aura le droit de disposer de rien à cet égard, autrement que comme l’Assemblée nationale et constituante trouvera bon de l’ordonner. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] 245 entrent jamais), tout bien compté, c’est faveur plutôt que justice, de laisser à ces bénéficiers sans fonctions, et sans les quereller pour le passé, sur la pluralité de leurs titres, le tiers de leurs revenus; aussi faudra-t-il descendre plus bas avec ceux dont les charges actuelles absorberaient ou surpasseraient les deux autres tiers. Mais je voudrais laisser indistinctement le tiers franc à ceux des ministres utiles, des évêques et des curés mieux pourvus de 1,200 livres; je serais même d’avis de laisser à ces derniers la moitié de l’excédant de ces 1,200 livres, en partant vis-à-vis de chacun d’eux, du taux auquel la population de leurs paroisses fera mettre leur congrue au-dessus même de 1,200 livres, c’est à l’Assemblée nationale à prononcer sur cela, avec la justice qui accompagne tous ses décrets. Il s’agit maintenant des chanoines et bénéficiers réformés dans les églises collégiales, et même dans les cathédrales où l’état actuel va être remplacé par un autre. Tout ce qu’on peut dire de plus favorable en faveur de ceux-ci, c’est qu’ils gagnaient, par leurs peines, les revenus dont on les prive malgré eux; car n’ayant désormais plus rien à faire, ce serait comme une justice de les traiter à l’égal des précédents, puisqu’ils vont désormais vivre comme eux d’un pain que saint Paul refusait à ceux qui ne travaillaient point. On ne peut d’abord s’empêcher de leur retrancher les honoraires des messes, qui entraient pour la plupart dans la masse commune des distributions des revenus capitulaires. Leur emploi serait double, s’ils continuent d’en jouir comme ils ont la faculté de le faire. Mais comme d’autre part il peut se rencontrer, parmi le nombre de ces chanoines et bénéficiers réformés, plusieurs d’entre eux qui n’aient pas plus de retraite que les religieux à qui j’ai été d’avis de donner de 600 à 1,000 livres, mon avis serait aussi de laisser à ces chanoines et bénéficiers le même revenu qu’ils avaient, hors leurs messes, s’ils n’excédaient pas cette somme. Aucun d’eux n’a certainement pas à se plaindre de percevoir, sans rien faire, le même revenu qu’il ne gagnerait ci-devant que dans l’assujettissement à l’office canonial, quand il ne serait que de 300 livres : ils ne peuvent pas mieux dire que les moines rentés, que les biens-fonds de leurs chapitres étaient à eux, puisqu’ils appartenaient à la nation. Après le décret de l’Assemblée nationale sur ce point, nul ecclésiastique n’est en droit de faire, à cet égard, la moindre réclamation, d’élever même le moindre doute. Quant aux chanoines d’un revenu plus fort que de 800 à 1,000 livres, je les envisage, dans leur nouvel état, comme les bénéficiers commenda-taires, et je leur laisse le tiers franc de cet excédant. Qui a de quoi vivre honnêtement sans rien faire, ne doit pas regretter le surplus. Je parle ici de désœuvrement ou d’inaction, non que je pense que tous ceux à qui l’on fera des pensions alimentaires, restent sans occupations, car je crois que la plupart de ces religieux, comme de ces chanoines, s’emploieront au ministère, s’ils en ont le talent, la force ou le zèle, ce qui, toutefois ne pourra avoir lieu au préjudice des vicaires actuels, ni de l’ordre nouveau que j’ai proposé dans le service des paroisses à l’avenir, si l’Assemblée trouve bon de l’adopter; non, dis-je, que je pense cela, mais parce qu’il n’est pas dans le caractère des lois, ni même de la dignité de l’Assemblée législatrice, de compter dans les traitements dont il s’agit ici, les profits que les religieux et bénéficiers, ainsi traités par la nation au taux réglé par elle, peuvent ou ne peuvent pas faire dans un nouveau travail, qui est tout à leur volonté et à leur choix. Ce serait d’ailleurs comme avilir ces nobles et saintes fonctions que de les mettre, pour ainsi dire, à prix, par la déduction économique et mercenaire que je rejette, hors le cas où quelqu’un de ces prêtres déplacés serait pourvu d’une cure ; on pourrait alors réduire sa pension. J’ai observé ci-devant que, les religieux une fois supprimés, il ne devait plus subsister entre eux de traces de leurs ancien état, de leurs supériorités ou infériorités dans le cloître, relativement au taux de la pension dont ils doivent jouir dans le siècle; mais on ne saurait comparer ici à ces supérieurs de religieux, les doyens prévôts et autres dignités et offices de chapitres, soit de collégiales, soit de cathédrales, qui avaient les uns le double , les autres, des prébendes et des revenus plus forts que ceux des chanoines. C’était là, pour ces dignités, une possession comme propre et particulière, à laquelle j’estime qu’on doit avoir égard dans le traitement. Ainsi, je voudrais conserver aux doyens le double qu’ils avaient en nature de prébende, de même qu’aux dignités leurs revenus entiers, s’ils n’excédaient pas 1,600 livres, et le tiers franc de l’excédant, si leurs revenus étaient plus forts. De plus, mon avis est qu’on laisse tant aux chanoines qu’aux doyens, dignités, personnats et offices des chapitres de collégiales supprimés, et des chapitres de cathédrales reformés ou réduits, leur logement canonial ou claustral leur vie durant, moyennant qu’ils occupent eux-mêmes avec feu et lieu, sans les louer à d’autres, sans en faire même usage, soit de grenier, soit de cave ou autres destinations quand ils ne l’habiteront pas eux-mêmes, et pour la table et pour le lit. Cette restriction est juste, parce que, après le traitement pour l’entretien, qui comjDrend le logement, la concession du logement canonial devient alors une simple faveur, et une faveur toute personnelle. Reste à parler des pensionnaires. Il y a dans ce moment plusieurs pensions établies soit par le Roi, sur les bénéfices consistoriaux soit par voie de résignation ou autrement. Je ne puis pas les soumettre à la même mesure des réductions imposées sur les revenus mêmes du bénéficier grevé de la pension, c’est-à-dire que la pension faisant comme partie de ces revenus, elle doit en subir le sort; mais si c’est une pension réservée sur des cures grasses, ou même sur des cures à la congrue, qui va augmenter de 500 livres, et plus, par les curés mêmes qui les possédaient, et à qui cette pension est nécessaire pour leur entretien, je suis d’avis de la leur laisser tout entière sur les revenus ou les biens du domaine de la cure, s’il y en a, sinon sur la masse commune des fonds à établir pour les curés et vicaires invalides. IL y a aussi des pensions établies sur des évêchés, dont les évêques étant désormais payés en argent, les biens passeront à l’Etat avec toutes leurs charges, et alors le retranchement du tiers de ces pensions soumises aux trois dixièmes de décimes, serait peut-être le plus raisonnable, si on ne trouvait plus juste de les réduire en général à la moitié, sans toucher à celles qu’on justifierait être absolument nécessaires pour l’entretien des pensionnaires ecclésiastiques, et qui n’excède-raient pas la somme de 304 à 1,000 livres. A l’égard des dettes personnelles des bénéficiers, je trouve de la dernière équité que l’Etat, en prenant leurs biens, se charge de payer non- 246 [24 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. seulement toutes celles dont un successeur au bénéfice aurait été tenu, mais encore les dettes qui auront l’air de la justice et de la bonne foi, et ne seront point excessives ; car il n’est possible, avec la meilleure volonté, d’admettre ni les dettes dont l’emploi n’a pas tourné au profit du bénéfice, ni celles dont le titre ne repose pas sur un acte public et d’une date authentique; mais ce sera un prélat, un bénéficier nouvellement pourvu par des bulles, ou épuisé par des procès qu’il était obligé de soutenir ou de défendre, et qui lui auront énormément coûté. Il comptait et il avait droit de compter, pour Jes remboursements, sur la totalité de ses revenus, et on ne lui en laisse que la moitié ou moins ; c’est le cas, en bonne justice, de venir à son aide. Et voilà, Messieurs, dans l’universalité delà matière, ce que j’ai vu de meilleur à proposer à l’Assemblée nationale, pour répondre à ses vues et pour lui fournir les moyens de prendre sur ces grands objets, les dernières délibérations que toute la nation attend avec la plus grande impatience, de sa justice et de sa sagesse. Il me reste seulement à réduire en articles de règlement, dans la forme d’un projet d’arrêté, les idées capitales de mon discours, dans le même ordre et sous les mêmes divisions du plan que je viens d’avoir l’honneur de vous développer avec tous ses motifs (1). (1) Ces articles, en forme d’arrêté, ont été lus dans la même séance au comité; mais je n’ai pas cru devoir les rapporter ici, pour deux raisons : la première, que cet imprimé n’étant qu’un essai de rapport, et non le rapport même du comité, je n’ai pas dû le prévenir dans sa dernière et meilleure forme ; l’autre raison est que, n’ayant voulu par cette impression qu’accélérer le travail, en réunissant dans mon discours tous les objets sur lesquels l’Assemblée doit délibérer, et très-prochainement, on ne doit le considérer que comme un moyen pour faciliter ou préparer ses délibérations, d’autant que le rapport définitif du comité n’est pas résolu, ni prêt à l’être, au moins dans l’unanimité des suffrages ; ce qui laisse à chacun de ses membres toute liberté et pour ses opinions, et pour la manière de les manifester. Il me reste une dernière observation à faire; c’est relativement au décret du 2 novembre, d’après lequel j’ai fondé presque toutes mes hypothèses. Ce décret, dit-on, renvoie quelque chose aux provinces pour son exécution, et celles de ces provinces où il y a plus de biens ecclésiastiques que dans d’autres s’y opposeront... Mais on ne fait pas attention qu’on attaque par là l’autorité même de l’Assemblée dans le principe de son décret ; qu’aucune province, après l’abnégation générale des privilèges, ne sauraient sagement ni justement traverser les desseins de l’Assemblée pour le bonheur commun de la nation. Rien n’aurait pu ni ne pourrait encore se faire de bien dans cette Assemblée, si l’intérêt privé avait le droit d’en arrêter la marche. Il n’y aurait plus alors ni aides ni gabelles à supprimer, parce que les provinces où ces impôts ne sont pas connus, ont intérêt de s’y opposer, et s’y opposeraient même avec bien plus de fondement, que ne le feraient les provinces dont nous parlons, pour la vente des biens que la nation a déclaré lui appartenir, quelque part qu’ils soient situés dans le royaume. Au surplus, quelque usage que la nation fasse des biens ecclésiastiques, ils resteront toujours où ils sont, et, ainsi que ceux qui tiennent autant que les habitants de ces provinces memes, à ce qu’ils soient surtout versés dans la circulation et le commerce, je préférerais des ventes partielles à toute autre mesure, pour le plus grand profit, et des provinces et de la nation. Au _ surplus, comme dans la nouvelle division des évêchés, dont on veut diminuer le nombre, les diocèses seront plus étendus, il sera bon, il sera nécessaire d’introduire dans tout le royaume, l’usage ou l’établissement des archiprètres ruraux ; ce sera une dignité de plus pour les curés parmi lesquels et par lesquels les archiprètres seront choisis. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du mardi 24 novembre 1789 (1). M. Salomon de la Saugerie, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. Il est ensuite rendu compte des adresses de différentes villes et communautés, dont la teneur suit : Délibération des représentants de la commune de Montpellier, contenant adhésion au décret de l’Assemblée nationale qui sursoit à toute convocation de provinces et d’Etats, jusqu’à ce qu’elle ait déterminé le mode de leur convocation, et à tous les autres décrets qui émaneront de sa sagesse, relativement à l’organisation des provinces et à la formation des administrations provinciales et des municipalités. Procès-verbal du serment prêté en présence des officiers municipaux de la ville de Romans en Dauphiné, en conformité au décret de l’Assemblée nationale du 10 août dernier, par le régiment de chasseurs royaux de Dauphiné, en garnison dans cette ville, et par la milice nationale. Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la commune de Bricquebec; elle demande une justice royale. Adresse du même genre de la ville de Moulins; elle réclame l’établissement d’un tribunal supérieur. Adresse du même genre de la ville d’Avallon en Bourgogne. Adresse du même genre de la ville de Barbe-zieux ; elle demande une justice royale. Adresse du même genre de la ville de Van-dœuvre ; elle demande l’établissement d’un district dans son sein. Adresse du même genre de la ville du Luc en Provence. Adresse du même genre de la ville de Saint-Briey, en Lorraine , pour maintenir l’exécution de tous les décrets de l’Assemblée nationale ; elle réclame un secours de 250 fusils armés de baïonnettes; Adresse de la communauté de Saint-Georges-Dorival-sur-Seine en Normandie, du même genre; elle annonce que, par les sages précautions de ses officiers municipaux, l’ordre a toujours régné dans son sein, et que la perception des impôts n’a souffert aucune interruption. Adresse du même genre des communes de Pé-rigueux ; elles se plaignent amèrement de ce que les agents du pouvoir exécutif ne leur ont encore envoyé aucun des décrets de l’Assemblée nationale. Adresse des électeurs des communes de la ville de Bordeaux, dans laquelle ils présentent à l’Assemblée nationale un nouveau témoignage d’un zèle ardent pour la chose publique, et d’un respect sans bornes pour ses sages décrets. De concert avec le conseil militaire de la milice bordelaise, ils expriment leur indignation contre l’arrêté séditieux de la chambre des vacations du parlement de Rouen, et instruisent l’Assem-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.