520 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1790.] Adresse des administrateurs du département de l’Aisne, par laquelle ils recommandent à la jus-tice et à la bienveillance de l’Assemblée le sieur Palloy, citoyen de Paris, entrepreneur de la démolition de la Bastille, qui a envoyé aux quatre-vingt-trois départements un modèle très exact de cette forteresse, ainsi que plusieurs tableaux et effets destinés à conserver la mémoire de sa prise et de sa destruction. Adresse de M. Jolivet, chargé des affaires de France dans le pays de Liège, contenant les protestations de MM. Dothée et de Creefft, officiers au régiment Royal-Liégeois, en semestre à Liège, contre les excès commis à Belfort par ce régi-( ment; ensemble une lettre qui lui a été écrite à Bruxelles, par M. de Ringler,* officier du même régiment, dans laquelle il manifeste les mêmes sentiments. Mémoire de Pierre Prades-Prestreau, Français de naissance, dans lequel il fait un exposé frappant des vexations affreuses qu’il a essuyées de la part du gouvernement de Naples, où il était établi, et faisait un négoce considérable, lesquelles vexations l’ont forcé de se retirer à Marseille dans la plus triste situation. 11 supplie l’Assemblée de solliciter son retour à Naples pour mettre ordre à ses affaires, et de lui faire obtenir sûreté individuelle pour le reste de l’Italie. Adresse des habitants de la paroisse d’Haugest, département de la Somme, qui, ne jouissant que d’un revenu inférieur à la somme de 400 livres, jaloux pourtant de donner à la nation une preuve de dévouement à la chose publique, supplient l’Assemblée nationale d’agréer, par forme de contribution patriotique, l’hommage du produit de leur rôle de supplément de 1789. M. Poignot, secrétaire , fait lecture d’une adresse des sieurs Gaudin et Daries, tous deux citoyens de Rouen, par laquelle ils font hommage à l’Assemblée nationale de 800 exemplaires d’un imprimé sur un projet de circulation journalière des voitures publiques dans le royaume. (L’Assemblée renvoie cette adresse au comité d’agriculture et de commerce.) M. Poignot lit ensuite une lettre des sieurs Stranbarth frères et compagnie; cette lettre est accompagnée d’un mémoire contenant des offres d’accélérer la fabrication des nouveaux assignats. (La lettre et le mémoire sont renvoyés au comité des assignats.) M. Bureaux de Pusy propose de faire lecture d’un mémoire adressé à l’Assemblée nationale, par les quartiers-maîtres-trésoriers de l’armée. (Ce mémoire est renvoyé au comité militaire.) Une députation de la section de Gravilliers, fait une pétition tendant à abolir le duel. M. le Président répond : <« L’Assemblée nationale voit avec satisfaction le zèle des habitants de cette capitale s’animer sur un objet aussi important qu’une loi sur le duel. Plusieurs de vos concitoyens sont venus comme vous solliciter l’Assemblée pour bannir à jamais cet usage aussi barbare que criminel : elle prendra votre pétition dans une sérieuse considération. Elle vous invite d’assister à sa séance. » M. de Marinais. Je demande le renvoi de çette pétition au comité de jurisprudence criminelle, qui prendra sans doute aussi des mesures contre les provocations. (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette pétition à son comité de jurisprudence criminelle.) M. Anson fait lecture d’une lettre adressée à l’Assemblée nationale par le sieur Des Rotours, premier commis des finances au département des monnaies, par laquelle il lui fait part que le sieur Drez, artiste, dont les talents ont fixé l’attention des Anglais, fait hommage aux représentants de la nation, d’une pièce d’or frappée avec une nouvelle machine de son invention. L’Assemblée décrète que la lettre sera insérée tout entière dans le procès-verbal de la séance, et que la pièce d’or sera envoyée aux archives nationales. Suit la teneur de cette lettre: « Un artiste dont les talents ont fixé l’attention des Anglais, qui l’ont appelé pour établir chez eux différentes machines de son invention, propres à la fabrication des monnaies, le sieur Drez, vient de m’envoyer une pièce d’or frappée avec ces nouvelles machines, et il me charge de la présenter à l’Assemblée nationale pour son don patriotique. J’ai l’honneur de vous envoyer ce tribut des arts et de l’amour de la patrie, et j’ai cru devoir vous rendre compte, en même temps, des précieuses découvertes dont il me fait part. II m’annonce qu’avec une pompe à feu, dont la force équivaut à celle de dix chevaux, il fera mouvoir huit balanciers qui frapperont régulièrement et avec la plus grande perfection soixante pièces chacune par minute; que quatre enfants suffiront pour gouverner ces huit balanciers, leurs fonctions se réduisant à mettre les flaons dans une espèce de tremuye, d’où elles sont conduites entre les coins par une machine de son invention; en sorte que le monnayage n’exposera plus à aucun danger les personnes auxquelles il sera confié. « Le sieur Drez ajoute qu’en augmentant de quatre dixièmes, à peu près, la force de la pompe à feu, elle pourrait faire mouvoir huit coupons en même temps que les huit balanciers qui, comme ces derniers, seront servi parquatre enfants. « Il m’annonce encore deux autres découvertes non moins intéressantes pour la célérité et la perfection du monnayage : savoir, un moyen de multiplier les coins à volonté : moyen qui établit entre eux telle similitude, qu’il rend la con-trefaction très facile à reconnaître. L’autre découverte a pour objet de fabriquer les flaons avec une telle précision, qu’il ne serait plus nécessaire de les ajuster. « Le sieur Drez témoigne, au surplus, le plus grand désir de venir faire hommage de ses découvertes à la France, qu’il a, depuis vingt ans, adoptée pour sa patrie. Il voit, en conséquence, avec beaucoup de plaisir approcher le moment où, après avoir rempli ses engagements avec nos voisins, il lui sera libre de consacrer ses talents au service de la nation. « Je suis, etc.» Signé : Des Rotours, premier commis des finances, au département des monnaies . 12 novembre 1790. Une députation de la République de Mühlhausen se présente à, la barre pour y faire une péti-! tion. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (18 novembre 1790.] 521 M. Duport fait observer à l’Assemblée que les députés d’un peuple indépendant doivent être introduits dans la salle même ; et l’Assemblée décrète que les députés de Ja République de Mühlhausen parleront dans la salle. Un membre de celte députation prononce un discours tendant à demander la continuation de l’assimilation de son commerce avec celui de la ci-devant province d’Alsace. M. ïe Président répond : « L’Assemblée nationale, fidèle aux principes d’équité et de justice qui doivent la diriger vis-à-vis des nations voisines; ne s’en écartera sûrement pas dans l’examen des intérêts de la République de Mühlhausen, mêlés avec ceux de la nation française. Vous demandez si le reculement des barrières vous l'era envisager comme étrangers au royaume, ou si vous serez regardés comme regnicoles? l’Assemblée désirerait que tous les peuples ne fussent plus que des frères. Ses décrets sur Ja politique ont dû convaincre les puissances qui l’environnent, que c’est là son vœu le plus ardent. Vous pouvez assurer votre République que la nation française blâmerait ses représentants, s’ils cessaient d’entretenir la bienveillance amicale et réciproque dont les deux pays sont animés. Ce sera donc dans une juste et fraternelle considération que l’Assemblée prendra votre demande : elle vous invite d’être témoins, dans cette séance, de ses délibérations. » (Cette demande est renvoyée aux comités diplomatique, de commerce et d’agriculture.) Les sieurs Gurtius et Cubin-Bonne-Mère sont admis à la barre et font hommage à l’Assemblée de la dernière pierre de la Bastille, sur laquelle ils ont fait graver le plan de cette forteresse, maintenant démolie. M. le Président répond : « L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l’hommage que vous venez lui présenter ; il sera un monument de votre patriotisme, toujours cher aux bons citoyens. Elle vous permet d’assister à sa séance. » M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l'affaire d’Avignon. M. Dnrand-llaillane . J’ai été chargé par quatre-vingt mille citoyens de mon ancien bailliage de demander dans les Etats généraux, devenus l’Assemblée nationale, la réunion à la France du comtat Venaissin et de la ville d’Avignon. Jamais occasion ne fut plus belle; lesAvi-gnonais invoquent pour eux les bienfaits de la Constitution française. Le pape, à qui tout respect est dû comme chef visible de l’Eglise, comme prince temporel trouve cela très mauvais. Pour concilier tout à la fois l’utilité et la justice, voici, je pense, le chemin qu’il faut prendre. Je proposerais le décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérantqueia possession, tant de la ville d’Avignon que du comtat Venaissin n’a passe au saint-siège que dans un temps et par des titres qui n’ont jamais dépouillé entièrement la nation française de ses droits supérieurs de domaine public et national, sur l’un et sur l’autre de ces pays, déclare que cette possession temporelle du saint-siège a été et est nécessairement, de-sa nature, perpétuellement rachetable. « Eu conséquence, l’Assemblée nationale, après avoir ainsi déclaré le principe du rachat pour la réunion à la France, sons indemnité, de la ville d’Avignon et du comtat Venaissin, charge son comité des domaines de lui faire, le plus prochainement, un rapport sur le taux et le mode de ce rachat, ainsi que sur les moyens de l’exercer d’une manière qui concilie, s’il se peut, tous les intérêts et toutes les volontés. » M. le Président interrompt la discussion pour donner lecture d’un billet de M. le garde des sceaux, par lequel il fait part à l’Assemblée nationale que le roi a nommé M. Ame-lot, son commissaire près la caisse de l’extraordinaire. M. le Président lit une autre lettre du sieur Valentin de Gullion, membre de l’assemblée générale de Saint-Domingue, par laquelle il informe l’Assemblée qu’il part pour Dijon, où sa mère mourante l’appelle, et qu’il sera de retour le 12 du mois prochain. Une députation du conseil général de la commune et de la municipalité de Paris est introduite à la barre. M. Bailly, maire de Paris, prononce le discours suivant sur la police cle Paris et les prisonniers entassés en grand nombre dans les prisons , faute de juges : Messieurs, le conseil général de la commune de Paris, dont la municipalité fait partie, vient offrir ses hommages à l’Assemblée nationale. La ville de Paris a toujours prouvé sa fidélité à la nation et au roi, sa soumission aux décrets de votre sagesse, son amour pour la liberté et pour la Constitution. Ses nouveaux représentants, pénétrés des mêmes principes et animés du même esprit ne peuvent y ajouter que l’expression de leur zèle. Ce zèle, Messieurs, sera sans bornes comme leur respect pour vous, s’il est permis à ces sentiments déjà connus, à un désir ardent du bien public, de se manifester par des faits. Si la première fois que la municipalité de Paris se présente devant vous, vous approuvez que son empressement recoure à vos lumières et à votre autorité tutélaire, nous vous dirons que, chargés de l’administration de la plus grande ville du royaume, de cette ville qui jouit de la présence du Corps législatif et du roi, nous sommes au centre de tous les mouvements, au point où les moyens sont plus puissants, les ressources plus nombreuses, mais aussi les maux plus grands, les désordres plus redoutables. Paris est l’asile des talents, l’assemblage à la fois des richesses et de la misère. Paris a prouvé ce qu’il recèle de patriotisme et de vertus; mais Paris est aussi le théâtre de tous les crimes, qui viennent s’y cacher dans l’ombre , et se coufondre dans la multitude. La police y doit être immense comme la ville. La police de Paris est différente de toute autre, parce que cette ville ne ressemble à aucune autre; et cette police, toujours proportionnée à une vaste étendue, doit opposer autant d’obstacles, que Paris offre de facilités. Cette administration a besoin d’être armée de surveillance et de sagesse en même temps que de force. Si la vigilance est notre devoir, la sagesse est en vous, la force est dans la loi. Invariablement attachés aux lois fondamentales, nous voulons que notre marche soit constitutionnelle; nous ne voulons faire ni plus ni moins que nous ne devons. C’est à vous, Messieurs, à nous tracer la route et ù nous diriger entre ces deux écueils.