[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1791.] 397 M. le Président. Si, dans une nation régénérée, les arts doivent être appuyés en raison de l’utilité, jugez, Messieurs, quel intérêt votre travail a dû inspirer à l’Assemblée nationale ; il assure, il facilite l’exécution de ses décrets ; il nous présente la France, réformée sous tous ses rapports, et d’après la Constitution libre qui lui donne un nouvel être. Votre zèle, votre activité placeront votre nom à la suite de cette immortelle Constitution. L’Assemblée accepte avec reconnaissance l’hommage que vous lui faites, et vous accorde l’honneur de sa séance. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de l’hommage des artistes géographes.) L’ordre du jour est un rapport du comité d'agriculture et de commerce sur l'application des récompenses nationales aux inventions et découvertes en tous genres d'industrie , en exécution de la loi du 22 août 1790. M. de Boufflers, rapporteur. Messieurs, désormais les hommes précieux qui consacrent leur génie à l’avancement des arts utiles ne languiront plus sans honneurs, et vous leur avez décerné une part aux récompenses nationales. Nulle autre classe n’en était en effet plus digne; et, pour s’en convaincre, il suffit d’arrêter sa pensée sur les biens que la société leur doit, et sur ceux qu’à toute heure ils essayent d’y ajouter. Pourvoir à tous les besoins, suppléera toutes les privations, aplanir tous les obstacles, épargner les dépenses, ajouter aux produits, augmenter la somme des travaux, diminuer la peine du travail, multiplier ce qui est utile, faciliter ce qui est possible, améliorer tous les jours la condition commune, et, par des avantages offerts à tous les individus, imposer des tributs à toutes les nations : telle est la grande et belle tâche que l’industrie se propose; et voilà comme les arts, ces bienfaiteurs ingénieux de tous et de chacun, également occupés du bonheur particulier et du bien général, ne cessent d’associer la patrie et le genre humain à toutes leurs spéculations. Sans vous, cependant, leurs titres seraient encore méconnus ; sans vous, leur action serait encore enchaînée; il a fallu que des décrets, conformes au vœu de la nature, rendissent enfin à l’homme laborieuxla liberté deson travail, à l’homme intelligent la propriété de sa pensée ; et l’industrie, relevée par vos soins, ne tardera point à fleurir sur un sol que vous lui avez préparé. Mais, pendant que vous travaillez pour l’avenir, vos regards se sont aussi tournés vers le passé ; vous avez vu les talents utiles sans soutien, sans honneur, sans récompense, luttant, pour ainsi dire, depuis des siècles, contre des vents toujours contraires, ou contre un calme perfide; et vous avez ranimé leur courage, en leur annonçant des récompenses, ou plutôt des consolations, aussi méritées qu’inattendues. Ce n’est donc point une grâce nouvelle que votre comité vous demande aujourd’hui; c’est l’exécution de vos promesses. L s fonds sont faits, les besoins sont pressants, le terme de vos travaux est prochain, le moment est venu de remplir votre engagement, le moment est venu de faire des heureux, et d’exercer ce droit précieux de récompenser, qui devient la récompense des législateurs... Un membre : Voilà de l’Académie ! M. de Boufflers, rapporteur. Non, Monsieur ! c’est de la sensibilité pour les arts et de l’intérêt pour ceux qui les cultivent; je rends ce que j’éprouve. ... Cependant, ici l’équité même arrête un instant la bienfaisance, pour chercher à qui, et comment, et d'après quelles bases, et dans quelle mesure cette partie des dons nationaux doit être distribuée : le code des récompenses est presque aussi important à méditer que le code des peines; parce qu’il est presque aussi dangereux de mal récompenser que de mal punir. Il faut des informations, il faut des preuves, il faut des jurés , il faut des règles, il faut des proportions dans cette sorte de procédure, trop inusitée jusqu’à nos jours. Nous essayerons d’entrer dans ces détails, au moins relativement à l’industrie, en vous proposant les moyens de vérifier et d’apprécier, pour la première fois, les titres des artistes français à la reconnaissance de leur nation. Ces titres, que nous entreprendrions en yain de discuter, doivent nous être certifiés par des autorités qu’il est nécessaire de connaître et d’indiquer. Autrefois, quelques artistes, plus actifs ou plus fortunés que les autres, rencontraient des patrons plus ou moins accrédités, plus ou moins désintéressés, qui se chargeaient de faire connaître au gouvernement des talents et des travaux dont eux-mêmes n’avaient pas toujours des connaissances bien précises, et de solliciter des encouragements où le plus vrai mérite avait ordinairement la plus faible part. L’intrigue aujourd’hui trouvera difficilement de réels protecteurs ; mais le mérite trouvera toujours une protection; elle existe partout, grâce à vos décrets, cette protection universelle, vigilante, clairvoyante, également bienveillante envers tout ce qui l’implore, et la seule accréditée auprès de la loi, dont elle est une émanation, et cette protection est celle des corps administratifs. Voilà les véritables répondants de tout bon Citoyen auprès de la nation; voilà les véritables patrons, auxquels un artiste a toujours droit de recourir ; voilà ceux qui doivent nous dire : un tel homme a fait une telle chose, et cette chose est utile. En effet, toutes les preuves existent sous leurs yeux ; et pour nous donner des notions générales sur le mérite et l’avantage des objets dont il3 nous annonceront la réalité, ils parleront, non d’après la théorie, qui n’éclaire que le petit nombre, mais d’après l’expérience, qui ne trompe personne, d’après l’usage, qui ne laisse aucun doute sur l’expérience; enfin, d’après la notoriété publique et la commune renommée, cette voix sincère du peuple, qui finit toujours par bien dire, et qui répond si juste à qui sait bien l’interroger. Rapportons-nous-en donc aux corps administratifs, sur ce qu’eux seuls peuvent nous certifier; et quand un artiste, sur quelque objet que ce puisse être, nous produira ces témoins irrécusables, regardons la vérification comme faite, et ne songeons plus qu’aux moyens de parvenir à une sage appréciation. Cet objet, dont jusqu’à présent peut-être on n’avait point connu toute l’importance, était autrefois spécialement ou même exclusivement attribué à un corps véritablement savant, véritablement digne d’éclairer l’opinion et de diriger l’autorité; mais cette attribution exclusive de l’Académie des sciences, qui, dans d’autres temps, pouvait offrir de grands avantages, éprouverait aujourd’hui de grandes difficultés. 1° Les détails de ce genre de travail vont de-