(Assemblée nationale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1790.1 ville de Paris des dehors agréables. Je me restreins cionc aux articles suivants : le Louvre et les Tuileries avec les maûons qui en dépendent, et que ma demeure plus habitu lie à Paris a rendu nécessaires à mon service, Vert-ailles, Fontainebleau, Compiègne, Saint-Cloud, Saint-Germain et Rambouillet, avec les domaines et bois qui en dépendent. « Vous trouverez bien naturel aussi que j’aie à cœur de retenir dans mes mains le château de Pau qui ne produit aucun revenu; il m’est impossible de ne pas partager le vœu des habitants du Béarn, pour que le lieu où Henri IV est né, reste toujours dans les mains de ses enfants. « Je renonce encore à toutes dispositions des biens ecclésiastiques enclavés dans mes domaines, et dont l’emploi m’avait paru convenable pour la fondation pieuse que je projette. « Q mot à mes chasses, sur lesquelles vous avez déliré que je vous fasre connaître mes déterminations, je liens surtout à ne jouir d’aucun plaisir qui puisse être onéreux à quelqu’un de mes sujets; je m’en repose avec confiance sur les dispositions que vous croirez devoir adopter, et je vous prie de ne jamais perdre de vue que mes plus grands intérêts sont ceux de la nation et le soulagement des peuples; ce sont ceux-là qui me touchent le plus essentiellement et qui me sont vraiment personnels. « Signé : LOUIS. » (Cette lettre reçoit beaucoup d’applaudissements et l'Assemblée ordonne qu’elle sera iuséree dans son procès-verbal.) M. Tronchet. Vous avez ajourné à ce soir la suite du rapport sur l 'affaire d’Avignon. Il vient de se passer dans la salle une infamie dont il faut que je vous instruise. Ou a fait courir des cartes imprimées, sur lesquelles se lisent ces mots : Les membres patriotes de l'Assemblée nationale sont prévenus que le rapport sur l'affaire d’Avignon est l'ouvrage de MM. Tronchet , Virieu et Redon , et que MM. Barnave, Charles Lameth, Bouche et Pétion n'y ont aucune part: Je dis que c’est une infamie, et puisqu’il faut parler, je vais rapporter tout ce qui s’est passé. Vous aviez nommé six commissaires ; M. Mirabeau l’aîné a donné sa démission; M. Demeunier est tombé malade; les autres n’assistaient pas à nos séances. Le comité se trouvait réduit à M. Bouche et moi. Sur notre demande, vous avez nommé de nouveaux commissa res. Deux seulement f>e sont réunis à nous, MM. Vir/eu et Redon, M. Bouche n’a pas manqué à une seule séance pendant l’examen dis pièces. M. Pétion s’est présenté deux fois. MM. Lameth et Barnave ont ensuite assisté accidentellement à nos travaux. Le projet de decret a éié en général unanimement arrêté avec eux. Il n’est qu’un seul point i-ur lequel M. Bouche n’a t pas éié d’accord avec le comité. Après avoir arrêté la rédaction du décret, il fallait arrêter le rapport. Pendant trois jours des rendez-vous furent donnés aux commissaires qu’on ne parvint jamais à rassembler tous, lintin, dégoûtés, nous voulions écrire à M. le présideni; nous ne l’avons pas fait par prudence, et nous avons été bien étonnés de voir distribuer aujourd’hui une carte qui est une infamie... (On propose de passer à l’ordre du jour.) MM. Charles de Lameth et Barnave s’élèvent contre cette proposition et demandent la parole. 363 M. Tronchet. Je suis bien éloigné de penser qu’un membre du comité ait fait circuler ce billet; mais après avoir rendu compte de ma position, je me dois à moi-même de déclarer que je ne peux, ni ne veux continuer ce rapport. M. Charles de Lameth. Je ne crois pas avoir besoin de me défend e d’avoir eu part à ce billet. Je ne me justifierai pas d’avoir manqué aux séances du comité; j’ai été absent pendant huit jours et j’ai passé ce temps chez mon beau-père, qui était malade et près duquel j’avais des devoirs à remplir. J’observerai que, depuis quatorze mois que l’Assemblée est réuuie, je n’ai pas manqué à vingt séances; ainsi j’espère à ce sujet obtenir votre indulgence. Quant au projet de décret, je n’y al pas donné mon assentiment, parce que je le crois injuste, impolitique et contraire à un décret déjà rendu. . M. Malouet. C’est un incident offensant pour l’Assemblee, point du tout pour un rapporteur, dont l’intégrité est connue. M. Tronchet sera touché du spectacle de vingt-trois innocents qui souffrent, et il continuera son rapport. M. Barnave. La question se borne à demander à M. Tronchet de continuer son rapport; après le premier moment de sensibilité, il reprendra sans doute des fonctions dont il a commencé l’exercice. Je n’ai manqué à assister au comité d’Avignon, que lorsque ses séances ont été indiquées précisément à la même m ure que celles du comité diplomatique. M. Tronchet ne put croire qu’un membre du comité ait eu part aux cartes qu’on a distribuées. J’en ai vu une, je l’ai déchirée avec pitié, et ie ne croyais pas qu’un tel billet pût affliger M. Tronchet. Je propose que M. le président Jui demande s’il continuera son rapport. M. Moreau, ci-devant de Saint-Méry. Unfaitde cette na ure ne peut nous dispenser de remplir nos fonctions, surtout quand, comme M. Tronchet, on ie repousse par 60 ans de vertu. M. Tronchet. Quelque juste que je croie la sensibilité que j’ai montrée, je ne sais pas faire des calculs personnels quand il s’agit de remplir mon devoir. Si l’AssemPlt e me l’ordonne, je continuerai ce soir le rapport dont j’ai été chargé, mais je ne le ferai que pour lui obéir. (L’Assemblée, consultée, engage unanimement M. Tronchet à continuer ce soir le rapport de l’alfaire d’Avignon.) M. le Président. Un de MM. les secrétaires va donner lecture du mémoire de M. Necker sur la dette exigible , dont vous avez ajourné la lecture à la lin de cette séance. M. Kewbell. J’observe que si le mémoire vient de la part du roi, il faut le lire; mais s’il é uane seulement du ministre, je m'oppose à la lecture parce que le ministre ne doit envoyer de mémoire que lorsqu’on lui en demande. M. le Président. L’Assemblée s’est déjà prononcée pour la lecture; néanmoins, je vais la consulter de nouveau. (L’Assemblée décide que le mémoire sera lu.) M. Pinteville de Cernon. secrétaire , fait cette lecture ainsi qu’il suit ; gtâ | Assemblée n&tlobàlé.] AftCfilVËfc RÀMÆHÉfiTÀlRfiS. [»1 août î790q Mémoire adressé a l’assemblée nationale par le premier ministre des finances, relativement au rapport du comité des finances sur tes moyens de liquider la dette -publique (1). Mésiiêufi, j’apprends que l’on doit lire ce matin à l’Assemblée, fin nom du comité des finances, un rapport sürla dette exigible; et si j’ai été bien informe, on propose arec prédilection, pour la liquidation de cette dette, une création de dix-huit à dîx-hetif cents millions de billets-monnaie, qui jouiraient, ou non, d'un intérêt jusqu’à leur extinction, J’avais fait connaître, il y a quelque temps* aux douze membres du comité des finances, qui confèrent avec moi, mon sentiment très décidé sur de pareils moyens de liquidation; mais le rapport dont il est question aujourd’hui ne m’a point été communiqué, Je cbois donc remplir un devoir envers l’Etat et envers l’ Assemblée nationale, ett me pressant de déclarer que le ministre des finances n’adonné aucun assentiment à la proposition qui doit tous être faite, et qu’il la considère comme infiniment dangereuse. Je crois, de plus, être obligé de représenter à l’Assemblée que si elle laisse le public dans i’inêertilude sur l’opinion qu’elle conçoit d’une proposition de ce genre, il en pourra résulter promptement les plus funestes inconvénients, C’est a\ec une peine infinie que les marchands, les chefs de manufactures, les particuliers de tout état, trouvent le numéraire effectif dont ils ne peuvent se passer poUr leurs besoins habituels ; c’est avec une peine infinie que l’administration vient à leur secours par une distribution journalière, et pourvoit de plus à la solde des troupes et de la garde de Paris, à la paye des travaux des ports, à celle des ateliers de charité, aux fonds en appointements qü’exige le service des rentes, ét à d'autres dépenses qui ne peuvent être exécutées qu’en espèces effectives. Ce n’est pas tout : tel est, dans quelques provinces, le resserrement du numéraire, que la ville de Bordeaux, sans un secours momentuné que je lui ai fait passer, se serait trouvée dans la plus grande détresse ; circonstance remarquable et dont votre comité des finances est particulièrement instruit, Vous avez autorisé l’administration, par un décret,� faire les sacrifices nécessaires pour se procurer du numéraire effectif} mais ce décret ne lève pas toutes les dilticultég : l’administration n’a que trois moyens pour se procurer de l’urgent : Le produit des impôts. On ne les paye plus qu’en assignats, Les achats d’espèces. Moyen très circonscrit, surtout depuis qu’on a rendu ce trafic dangereux. Enfin, les extractions de matières d’or et d’agent de l’étranger, et cette dernière ressource est de même extrêmement limitée, Les étrangers ne nous doivent pas, et nous leur demamions de l’argent}, il est évident que cela ne peut se faire sans une circulation forcée ; aussi, tandis qu’il nous vient des piastres , d’un eôtédu royaume, de l’autre if sort des écus. J’éprouve, pour rassembler la portion de numéraire indispensable aux payements les plus Ur-(1) Ce document n’a pas été inséré au 3Î batteur* geots, Une difficulté journalière , une Ihquétüde très Semblable à celle qui m’a dévoré pendant les longs et pénibles jours où j’ai été obligé de lutter cohtre les dangers menaçants de la famine. Gependant , jê ne vois encore en perspective qu’un accroissement excessif d’assignats, qu’une addition inévitable aux quatre cents millions déjà déterminés } addition nécessaire pour remplir te service de l’année et pour commencer celui de l’autre, Le décret qui doit fixer la répartition du remplacement de la gabelle et des autres droits que vous avez supprimée au mois de mars dernier, ce décret important n’est pas rendu. Gelui qui doit réduire les dépenses du département de la guerre ne l’est pas encore non plus. L’accroissement de solde accordé aux soldats forme, en attendant, une charge additionnelle dû Trésor public* Les fonds , destinés annuellement aux pensions, ont été augmentés pour l’année 1790.’ Vous venez de déterminer üne grande augmentation d’armement, Le produit des impôts indirects continue à s’affaiblir. Le recouvrement des autres et le payement de la contribution patriotique éprouvent toujours, tri plusieurs lieux, des retards. Enfin, i’on ne voit encore que dans l’obscurité le moment où vous pourrez établir le Système d’imposition pour J’année prochaine, Gependant, après cette fixation, combien de dispositions ne seront pas nécessaires pour entrer en recouvrement et pour lutter contre les difficultés probables et imprévues ! Si donc, au milieu d’une pareille situation des affaires, et d’une situation généralement connue, l’on peut croire un moment, je ne dis pas à la vraisemblance, mais seulement à la chance ou à ia possibilité de l’introduction d’une somme immense de nouveaux assignats-monnaie, une juste frayeur se répandra, l'argent effectif se cachera davantage, son prix s’écartera de plus ett plus du pair avec les assignats ; et l’on ne peut déterminer quel serait l’effet dangereux de cette première inquiétude, Il est impossible, en des temps devenus si ex* traordioaires, de trouver üue solution complète à toutes les difficultés, Quelle doit être, en de telles circonstances, la marche de l’esprit ? c’est de fixer son attention sur le danger le plus imminent, êt de songer, avant tout, à l’écarter. Le plus grand, sans doute et sans aucune comparaison, c’est d’introduire une somme immense de papier-monnaie ; c’est de mettre ainsi en cause, dans les mécontentements, les plaintes et les réclamations , non pas une panie quelconque de la société, mais ['universalité des citoyens } c’est de la mettre en cause, non pas d’une ma* nière passagère, mais chaque jour, chaque heure et à tous les instants; c’est de tenir dans une continuelle inquiétude les chefs de manufactures sur les moyens de payer le salaire de leurs ou* vriers, et tous les particuliers sur les ressources nécessaires pour acquitter leurs dépenses journalières ; c'est de mettre encore en risque la subsistance des villes au moment où l’affluence illimitée des billets-monnaie les ferait refuser dans tous les marchés libres ; c’est d’exposer jusqu’à la sûreté des transports d’espèces, an milieu des besoins urgents de numéraire qui se manifeste* [Assemblés natiôrtâlé.1 ARCHIVÉS PAkLElMENTAIRES. [37 ftoûtt790.| 307 raient dafls toutes les Villes ; c’est de tendfë itt-certain le payement des troupes, celüi des travaux publics 4 eêlui des ateliers de charité, Celui de toutes les dépenses dont le retardement deviendrait On Sujet dé comnldtion et d’efferveScencé ; c’est enfin de donnée à tous les gens tfial intentionnés, url moyen facile d’augmenter le trouble et de mettfe le royaume en combustion. Il y ü déjà, au milieu de nos circonstances, une trop grande somme de papier-monnaie *. je l’avais Craint, et lé temps l’a prouvé. On peut toujours, en administration, arrêter, par tin effort, les inconvénientsiffiprévusd’une somme de deux cents millions ; on le peut moins quand cette somme est double ; mais lorsqu’on propose une addition libre et spéculative de diX-hüit à dix-netif cents millions, quoique soumise à une extinction graduelle, on ne sait alors où pourrait conduire le renversement de tout équilibre. Qu’on ne dise pasque les billets-monnaie, n’im-porte leur nombre et leur somme, devront rester en parité avec l’argent, puisqu’ils n’excéderont pas la Valeur des biens nationaux. Gomment opposer une conjecture aux lumières déjà données par l’expérience?On commit le prix actuel de 1’écbânge des assignats contre de l’argent; et cependant il n’y a encore en circulation, dans ce moment, que trois cent trente millions. Sans doute, ces billets, tels qu’ils existent aü-lourd’hui, ontüne valeur progressive par l'intérêt qui s’y trouve attaché, mais ils ne peuvent pas Servir aux payements au-dessous de deux cents francs, et par conséquent aux dépenses les plus nécessaires, les plus instantes et les plus multipliées; et il y aurait du danger à ies diviser en de trop petites sommes, püigque le désir, ie besoin de les convertir en argent subsisterait encore, et que l’exigeUcede la classe d’boinmes entre les mains de qui de petits billets se répartiraient, deviendrait nécessairement embarrassante. L’argent, d ailleurs, a tin prix à l’abri de tous les événements, un prix avoué dé toutes ies nations ; et la confiance dans les assignats, le pins réel dés papiers-monnaie que l’oü puisse fonder, ne sera cependant jamais entièrement indépendante de la fluctuation des opinions. Enfin, l’on ne doit pas perdre de vue que même entre deux objets d’une valeur égale aux yeux de la raison, celui qui est éminemment nécessaire, et qui l’est à un certain jour, à Une certaine heure, fera toujours ia loi dans les échanges, à moins que cette supériorité ne soit tempérée par une grande Concurrence de la part des vendeurs delà chose dont on ne peut se passer. C’eSt ainsi que le travail, aussi nécessaire que le sol à la reproduction des subsistances, reçoit la loi du propriétaire; celui-ci peut attendre, et l’homme qui à besoin d’un salaire pour vivre aujourd’hui, se Voit forcé de souscrire aux conditions qu’on lui impose. Il en est de même de l’argent comparativement aux billets-monnaie, l’argent ne se convertit en billets que pour jouir d’un Intérêt, et les billets cherchent l’argent pour satisfaire aux besoins les plus instants et les plus indispensables ; or, en de pareils moments, si l’argent devient rare, nul sacrifice n’arrête pour en obtenir. Ainsi donc, soit qu’on s’en rapporte au raisonnement, soit qu’on consulte l’expérience, soit qu’on suive l’impulsion des idê> s communes, on s'effraye en présageant le résultat des marchés qui s’ouvriraient entre deux milliards et demi de billets-monnaie» et la petite somme d’argent qui parait aujourd’hui dans la circulation. Sans douté, les personnes qui ont des dettes à acquitter et des engagements à remplir, verraient aVec plaisir l’introduction d’uhe Somme imtnedse de pâplers-nionnaie, puisque cette émission leur permettrait de s’acquitter avec plus d’avantage et de facilité [ mais leur spéculatioo, fondée sur la dégradation probable dû prix de ces papiers, ëSt uii indice de plus de là disconvenaüce d’une telle ressource sociale. On ne peut le contester, la multibîicâtidn des billets-monnaie et l’extinction, par rentrettiise de ces billets, d’une somme Considérable de capitaux portant intérêt, favoriseraient certainement la Vente des biens nationaux; mais où serait la justice d’une disposition qüi tendrait â fuire Valoir lé prix des domaines qü’on Veut Vendre, en donnant à ses créanciers dés billets dont ils seraient forcés de faire usage d’unë seule manière, des billets dout la perte SUr la placé accroîtrait, en proportion, le profit de l’Etat, et dont le discrédit probable devient dès à présent une des bases de la spéculation formée au dum de l’intérêt public? 8ans doute, ce discrédit permettrait de donner utt plus haut prix des domaines nationaux ; mais un Etat ne doit pas se transformer en joueur â la baisse, et se servir de la peur pour faire fortune. Ou se tromperait cependant si l’on considérait comme un profit pécuniaire sans balance, l’accroissement de la valeur que donnerait aux biens nationaux une émission de dix-huit cents millions de nouveaux bill ts-monnaie ; car la nuusse du prix üe la main-d’œuvro et des salaires, suite inévitable d’une pareille disposition, l’augmentâtiou des sacrifices nécessaires pour sa procurer de l’argent, les pertes aveo l’étranger par la convulsion des changes, enfin tous ies chocs et toutes les explosions qui surviennent au milieu d’un grand trouble, causeraient certainement un dommage considérable au Trésor public* Le maintien de l’ordre, la satisfaction des citoyens, la tranquillité des peuples, la confiance dans la justice des lois et dans la sagesse du gouvernement, toutes ces idées morales sont plus financières qu’on ne pense, car elles influent de mille manières sur l’administration prospère d’une immensité de revenus et d’une immensité de dépenses* Qu’importe, au reste, un calcul d’argent, quand il est question de se déterminer sur une disposition publique qui exposerait à des inconvénients u’un genre supérieur et sans parallèle? et lors même qu’une spéculation lointaine pourrait offrir le déiiommagement d’un danger prochain, sommes-nous daus un temps et au milieu de circonstances où l’on puisse se permettre de jouer le présent contre l’avenir? L’idée de convertir la dette publique ea assignats pour la contraindre de cette manière à se convertir en domaines nationaux, est Vaste par son application; mais la morale est bien plus vaste encore, et tout ce qui s’éloigne de ses prlü-cipesestplutôtunécartremarquablequ’unegrande pensée d’administration. Ge serait aussi un avantage» j’en conviens, de pouvoir liquider avec des billets-monnaie la dette qu’on appelle exigible , puisque de cette manière l’on serait plus promptement affranchi de l’intérêt dont elle grève ou grèvera l Etat ; mais un tel avantagea son prix, ainsi que tout autre profit, et l’on aurait tort de l’acheter paf des dispositions injustes et qui amèneraient une confusion gé-flRrftlft» Je ne doute point cependant que dans le grand 368 [Assemblée nationale.] nombre de propriétaires delà dette exigible, il ne s’en trouve qui désirent le plan de liquidation proposé, car il doit convenir à ceux qui, ayant une somme de dettes égales à leurs errances sur l’Etat, s’en acquitteraient avec les mêmes b llets qu’ils auraient reçus; il doit convenir encore à ceux qui, sans être débiteurs de personne, auraient assez l’habitude des af faires pour se défaire agilement des billets qui leur auraient été remis: mais tous les autres créanciers de l’État, et les créancie rs deces créanciers qui verraient b urs capitaux convertis tout à coup en billets-monnaie, dont le prix s’affaiblirait journellement, ces divers particuliers livrés àtoutes sortes d’alarmes, quelles plaintes, quelles clameurs n’élèverait ni-ils pas? On leur dirait : achetez des biens nationaux, mais à quelle époque et dans quel lieu ? Et comment trouver avec certitude um divi ion de domaine équivalente à sa propriété et rapprochée de sa convenance? Il ne faut pas perdre de vue qu’une multitude de citoyens, réduits à la plus modique fortune, se trouveraient compris dans la classe prodigieuse en nombre de tous le3 propriétaires ou porteurs de billets. Leur dirait-on encore : si vous ne voulez pas des lâens nationaux, défaites-vous de vos billet»! mais l’argent paraîtrait on si petite quantité dans la circulation que t’échange entre les deux monnaies deviendrait impossible. On dit que les nouveaux billets devant être délivrés, non pas pour satisfaire à des dépenses, mais pour rembourser des capitaux, ils n’angmen-teraienl pas la quantité destinée à la circulation journalière; mais tous les porteurs de ces nouveaux billets ne voudront pas acheter des domaines nationaux, et lorsqu’ils che.cheront à les transmettre en d autres mains, il faudra bien que cette négociation se fasse par un échange avec quelque autre valeur, et cette autre valeur conventionnelle ne peut être que de l'argent, à moins qu’on n’en crée une troisième, et puis une quatrième pour servir d i»sue les unes aux autres. Eotin, on ignore encore en ce moment la valeur des domaines nationaux; on l'ignore encore plus, déduction faite des droits féodaux et des parties de bois dont l’Assemblée nationale a déjà décrété la conservation. Gomment donc pourrait-on présenter aujourd’hui I ensemble de ces domaines, comme l’é iui valent certain : De 1,878,816,634 livres montant de la dette à laquelle le comité donne le nom �'exigible; De quatre cents millions, montant des biilets-assigi ats déjà décrétés ; De cent cinquante ou deux cents millions, supplément qui peut-être deviendra nécessaire et pour achever le service de cette année, et pour faire face aux nouvelles dépenses que vous avez déterminées, et pour remplir le vide des premiers mois de l’année prochaine, si, comme il est à craindre, le nouveau système d’impôt qu’on veut vous proposer n’est pas alois en activité? Il y a trop de confusion, trop d’im ertitude encore dans louies les connaissances relatives aux domaines nationaux, pour les présenter comme une pleine garantie de la grande opération qu’on propose. J’entends bien que si la somme des assignats excède la valeur des domaines nationaux, la concurrence élèvera le prix de ces derniers, ou baissera celui des assignats; mais là commence l’injustice et le danger. Je crois voir la foule cherchant à passer par un seul chemin trop étroit ; 127 août 1790J les uns arrivent, les autres restent en arrière, tous sont froissés, et plusieurs p< rissent. N’en doutons point, aux agioteurs près, le plus grand nombre des citoyens serait atteint de quelque manière par une opération immense, qui, en dérangeant tous les rapports, en changeant le prix de toutes les choses, en introduisant le jeu le plus effréné, ébranlerait toutes les fortunes et deviendrait encore le principe d’une commotion plus dangereuse. Sans doute qu’en proposant l’introduction d’une immense quantité de billets-monnaie, on n’a pas été arrêté par les inconvénients de l’accroissement des salaires et par les risques qui accompagnent les prétentions, les résistances et tons tes grands mouvements entre ceux qui salarient et ceux qui sont salariés; mais je ne sais si l’un a fixé son attention sur la nouvelle ciasse importante et nombreuse de citoyens qui n’étaient point autrefois aux gage» de l'Etat et qui vout le devenir. Je veux parler des curés et des vicaires de paroisses, auxquels vous avez attribué une somme numéraire pour appointements. Je pré ois que déjà, dans l’état présent des chos s, ils auront à souffrir de la nécessité où l’on sera de les payer en assignats, si les impôts ne sont acquitté que de cette manière; mais dans quel embarras, dans quelle malheureuse situation ne seraient-ils pas réduits, si par i’tntrodaciion d’une immense quantité de nouveaux billets-monnaie, ils ne pouvaient convertir, sans une perie insupportable pour eux, le papier qu’on leur aurait remis eu payement; si même ils ne pouvaient le réaliser à temps, pour satisfaire à leurs modiques dépi nses ? La tranquillité d\ sprit est nécessaire aux fonctions de paix qu’ils exercent; et loin du théâtre de nos spéculations litian-cières, ils se livreraient plus promptement aux inquiétudes, si leur état ueveuatt dépendant des fluctuations inévitables dans les négociations et les prix d’une masse enorme de papmrs-monuaie. On dit qu’il faut mu tiplier infiniment le numéraire fictif, si l’on veut parvenir à la vente de3 domaines nationaux ; et l’on ajoute que cette vente étant devenue d’une nécessité absolue pour se tirer de l’embarras où l’on se trouve, le bien de l’Etat doit déterminer à une operation exira-ordinuire, et qu’eu tout autre temps, peut-être, on aurait lejeiée. Je ferai d’abord observer que si cette opération extraordinaire réunissait, comme je l’ai montré, tous les dangers possibles, et des dangers d’une nature plus grave qu’aucun autre genre de péril, cette considération suffirait pour l’écarter du nombre des ressources. D’ailleurs, il n’est nullement démontré que la vente des domaines nationaux do ve être arrêtée par l’effet d'uue disette de numéraire. Il en existe en France, selon toutes les vraisemblances , au delà de deux milliards en monnaie réelle. Il y a de plus quatre cents millions de billets-a'siguats décrétés par l’Assemblée nationale, et déjà répandus en grande partie daus la circulation. 11 faudra forcément et malheureusement en augmenter la sunime pour faire face aux besoins de la lia de l’année ei des commencements de l’autre. Enfin, si l’on admettait de quelque manière, soit ladetie publique en entier, suit uniquement la dette exigible en payement des domaines nationaux, pounait-on craindre qu'avec tant de moyens réunis, le manque des signes d’échange ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1790.J arrêtât les acquisitions dont on aurait la volonté? Ce serait une idée fort raisonnable que d’admettre les effets publics en payement de ces domaines, mais seulement pourunepartiealiquote du produit des ventes, afin de conserver aux billets-assignats, actuellement existants, l’issue qui leur a été promise. On pourrait encore, sans inconvénient, donner, pour cette admission, la préférence à la dette exigible, car le prix général des fonds publics se ressentirait favorablement d’un débouché ouvert à une partie quelconque de la dette publique ; mais il n’y aurait point de parité de traitement, et l’on manquerait aux règles de l’équi'é, si, dans le même temps que les rentes perpétuelles et viagères resteraient en leur ancien état, on éloignait la dette exigible avec des billets-monnaie dont la valeur serait soumise aux révolutions que l’immense quantité de ces billets entraînerait nécessairement. Je ne m’étendrai pas davantage. Ignorant les diverses propositions du comité des finances, je n’ai pour but en ce moment que d’opposer une première résistance à celle d’entre ces propositions qui me frappe comme désastreuse. Je n’en connais aucune qui ne fût préférable à un genre de ressource qui séduirait peut-être par sa simplicité, si cette simplicité n’était pas le renversement violent de tous les obstacles. Il faut se défier des inventions avec lesquelles on veut s’affranchir, d’un tour de main, de tous les embarras accumulés par des circonstances inouïes. Le véritable génie de l’administration, c’est la sagesse ; elle est nécessaire, elle est indispensable à la place du centre, à ce point de réunion de toutes les considérations, de toutes les diflicultés et de tous les devoirs. Les abstractions en affaires publiques me paraissent chaque jour plus redoutables ; il est peu de personnes dans la carrière du gouvernement qui n’aient commencé par elles, et plus on a d esprit, plus on les aime, parce qu’elles présentent à la pensée un domaine immense; mais à mesure que l’action de l’administration nous a mis aux prises avec les réalités, on se dégage insensiblement des idées systématiques; on se voit forcé de soumettre son imagination au joug de l’expérience; et en observant le cours et le point de départ des opinions communes, soit en gouvernement, soit en économie politique, on respecte davantage ce résultat précieux de tant de réflexions et de tant ne pensées. M. le Président lève la séance à 3 heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ, EX-PRÉSIDENT. Séance du vendredi 27 août 1790, au soir. La séance est ouverte à 6 heures et demie du soir. M. d’André, ancien président, occupe le fauteuil eu l’absence de M. Dupont (de Nemours), président en exercice. L’ordre du jour est la suite du rapport sur l’affaire d'Avignon. 4” Sème. T. XVIII. 369 M. Tronchet, rapporteur. Conformément aux ordres que vous m’avez donnés, je vais continuer le rapport sur l’affaire d’Avignon. La possession du pape remonte, pour le comtat Venaissin, jusqu’en 1273, et pour Avignon, jusqu’en 1348. Il serait difficile de décider sur la légitimité d’une possession que plusieurs siècles semblent avoir consacrée. Les princes de l’Europe ont-ils des titres plus sacrés ou plus respectables? Il est vrai que les rois de France sont rentrés plusieurs fois dans la possession du comtal d’Avignon. LouisXIV s'en empara en 1663; mais il le restitua en 1664, en vertu du traité de Pise. Il réitéra cet acte d’autorité en 1668, et le restitua encore pour la seconde fois en 1689. Louis XV suivit cet exemple en 1769. Il restitua de même le comtat en 1774. Des troubles survenus dans la ville d’Avignon ont changé cet ancien état de choses. Des dissensions ont éclaté au sein de cette ville malheureuse. Les citoyens ont été égorgés par leurs concitoyens. C’est au milieu de ces horreurs que la ville d’Avignon a déclaré son indépendance et a demandé sa réunion à l’Empire français Est-ce donc parmi des violences et dans le moment où une foule de fugitifs ont abandonné leur ville malheureuse, ue l’on a pu recueillir un vœu libre et suffisant? éjà même l’autoriié de la nouvelle municipalité est ébranlée, car les nouvelles du 11 août, consignées dans un procès-verbal de la garde nationale d’Orange, annoncent que l’on conteste à ses officiers municipaux leur pouvoir, et que les districts leur demandent des comptes rigoureux. Gepen iant il faut statuer sur le sort des 23 prisonniers détenus dans les prisons d’Orange, où ils languissent depuis environ trois mois. Je ne pense pas que l’Assemblée nationale puisse ordonner la réunion de cette province à la France. Elle ne peut se détacher de la nation dont elle fait partie, sans le consentement de cette nation, exprimé par ses représentants. Avignon est une province des Etals du pape, qui ne peut se détacher du surplus des sujets de cette puissance sans l’aveu de tous lesautres citoyens qui composent avec elle cette association. Cette réunion ne doit s’opérer que par un traité entre le pape et la France, sous le consentement des Gomtadins. Sans cela, ce serait une conquête interdite par les principes mêmes de votre Constitution. Le roi ayant, en malière politique, l’initiative, il est nécessaire de renvoyer au pouvoir exécutif, en exécution du décret du 17 juin, les pièces nouvelles et la pétition des Avignonnais. A l’égard des prisonniers, je pense qu’ils doivent être mis hors des prisons, à la charge cependant de ne pouvoir sortir de la ville d’Orange, jusqu’au jugement final. Voici en conséquence le projet de décret que j’ai l’honneur de vous présenter : L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses commissaires, a décrété et décrète: 1» Qu’en exécution du décret du 17 juin, son président se retirera par devers le roi, à l’effet de lui communiquer les nouvelles pièces et instructions relatives à la pétition des Avignonnais, ainsi que les pièces et instructions relatives à l’état actuel du comtat Venaissin, pour être, par Sa Majesté, proposé, et par l’Assemblée nationale décrété ce qu’il appartiendra; et que cependant le roi sera supplié de faire placer dans les environs d’Avignon et du comtat les troupes de ligne qu’il croira convenables, eu égard aux circonstances; 2° Que la municipalité d’Orange ne peut faire usage des pouvoirs contenus dans les délibéra-1 tious qui on tété prises par les districts d’Avignon, 24