288 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE du Contract Social ne produisissent qu’une impression passagère. Une presqu’isle, située près de Lyon, sur les bords du Rhône, nous a offert un site propre à retracer l’image touchante d’Ermenonville. Nous y avons fait planter des peupliers, et construire un cénotaphe. Ce monument sera durable, et confié à la sauvegarde religieuse de toutes les vertus républicaines; les bords qui l’entourent acquerront sans doute d’année en année un caractère de plus en plus digne du génie immortel auquel il est consacré. Le ciseau de Chinard y a rendu Rousseau d’une manière qui honore cet artiste. Tous les accessoires de la fête, puisés dans les idées de Rousseau lui-même, ont été bien sentis et exécutés avec un ensemble parfait. La journée a été terminée par des danses autour de la Montagne, des chants civiques et des spectacles patriotiques; rien ne l’a troublée. La gayeté la plus franche a paru rayonner sur tous les visages et l’espoir le plus consolant luire dans tous les regards. Cet espoir est votre ouvrage, et la patrie en cueillera les fruits. Salut et fraternité. POCHOLLE, CHARLIER. La lecture de cette lettre est suivie de celle du conseil-général de la commune de Lyon, qui confirme les sentimens des Lyonnais à l’égard de la Convention nationale. En nous donnant une nouvelle vie, dit-il, vous nous avez imposé de nouveaux devoirs : nous les remplirons tous, citoyens-représentans, et Lyon régénérée offrira désormais à la République entière l’exemple de toutes les vertus; ses habitans, encouragés par vous, sauront rappeler cette antique industrie qui faisoit le désespoir de l’étranger et procuroit à la France des forces inépuisables de richesses. H demande ensuite que la Convention jette ses regards paternels sur une masse de citoyens que l’erreur et non le crime entraîna dans la rébellion, et qui sont allés cacher leurs regrets dans une retraite obscure : ces citoyens sont nécessaires dans les ateliers où des milliers de bras oisifs attendent leur industrie nourricière. La Convention nationale décrète la mention honorable de ces deux lettres, leur insertion au bulletin, et le renvoi de celle de la commune de Lyon aux comités de Commerce et Sûreté générale (93). Le conseil général de la commune de Lyon à la Convention nationale (94). Représentais du peuple français, Nous l’avons reçu ce décret bienfaisant qui nous rend enfin à la République et à l’honneur ; (93) P.V., XLVII, 268-269. Ann. R.F., n° 28; C. Eg., n 792; F. de la Républ., n° 29; J. Fr., n° 754; J Perlet, n° 756; Rép., n° 29. (94) Débats, n” 757, 418-419; Bull., 28 vend.; Moniteur, XXII, 284. nous l’avons présenté à la reconnoissance du peuple ; et partout le peuple a montré, par son enthousiasme, qu’il étoit digne de l’avoir obtenu. En nous donnant une nouvelle vie, vous nous avez imposé de nouveaux devoirs : nous les remplirons tous, citoyens représentans, et Lyon régénérée offrira désormais à la République entière l’exemple de toutes les vertu ; désormais elle contemplera dans nos murs autant de défenseurs intrépides de sa liberté qu’elle renferme dTiabitans ; et tandis que les uns combattront partout nos barbares ennemis, les autres s’occuperont à faire renaître de ses cendres notre commerce anéanti. Encouragés par vous, citoyens représentans, ils sauront rap-peller cette antique industrie qui faisoit le désespoir de l’étranger, et procuroit à la France des sources impérissables de richesses. Il est passé le règne de ces dominateurs in-solens qui trompoient le peuple, qui lui par-loient sans cesse de sa souveraineté pour s’en attribuer exclusivement l’exercice et la puissance. Ils disparoîtront, ces hommes pervers qui déifioient tous les vices, qui couvraient la justice d’une robe de sang, et la vertu, du masque hideux de leurs passions. Votre étonnante énergie a rappelé la France au bonheur que des scélérats voulurent lui ravir. Lyon vient d’éprouver plus particulièrement encore les heureux effets de cette grande révolution ; mais, citoyens représentans, nous vous en conjurons, achevez votre ouvrage, jetez vos regards paternels sur cette masse de citoyens que l’erreur, et non le crime, entraîna dans la rébellion, et qui, fuyant une cité que leur travail animoit, sont allés cacher leur douleur et leurs regrets dans le fond d’une retraite obscure. La plupart de nos ateliers sont sans chefs, des milliers de bras oisifs attendent leur industrie nourricière. Rendez-les au besoin du peuple, rendez-les à leurs familles, rendez-les à leur patrie. Dites que leur égarement, expié par une année d’angoisses et d’amertumes, est oublié ; dites que les décrets lancés contre eux vont cesser de les atteindre; et n’abandonnez à la sévérité des lois que les conspirateurs impies, que les sacrilèges ennemis de notre liberté. Nous attendons avec confiance ce nouvel acte de votre clémence; et alors, représentans, les magistrats du peuple auront assez vécu, s’ils ont vu le bonheur de leurs concitoyens. Mort à tous les tyrans ! vive la république! vive la Convention nationale! Suivent les signatures. L’insertion de ces lettres au Bulletin est décrétée. 47 Le représentant du peuple Jorrand demande une prolongation de trois décades du congé que la Convention lui a accordé pour le rétablissement de sa santé. SÉANCE DU 28 VENDÉMIAIRE AN III (19 OCTOBRE 1794) - N08 48-51 289 La Convention décrète la prolongation du congé demandée (95). [Le représentant Jorrand au président de la Convention nationale, d’Ahun (Creuse), le 18 vendémiaire an III] (96) Citoien président, Le congé que la Convention nationale m’a accordé pour le rétablissement de ma santé étant à la veille d’expirer, et mon état ne me permettant pas encore d’aller reprendre mon poste, je te prie de proposer à la Convention nationale de m’accorder une prolongation de trois décades dont la nécessité est justifiée par le certificat ci-joint des officiers de santé qui m’ont donné leurs soins. Ton collègue, JORRAND. [Certificat des officiers de santé, du 16 vendémiaire an II I] (97) Nous officiers de santé, tant de la commune de Guéret, chef lieu du département de la Creuse, que de la commune d’Ahun, chef lieu de canton, soussignés certifions que le citoyen Jorrand, représentant du peuple, député par le département de la Creuse, actuellement en congé dans ce département pour le rétablissement de sa santé altérée par une fièvre nerveuse, est à l’usage des remèdes analogues à ses infirmités et qu’il a besoin au moins d’une prolongation de congé de trois décades pour son parfait rétablissement. Bonnet, Cusinet, officiers de santé. 48 La Convention nationale décrète que le représentant du peuple Garilhe, détenu à la caserne des Carmes, et malade, est autorisé à se faire transporter chez lui (98). [Le représentant du peuple Garilhe à la Convention nationale, de la caserne des Carmes, le 28 vendémiaire an III] (99) Citoyen président, Je suis aussi une de ces infortunées victimes qui gémit depuis si longtemps sous le poids de (95) P.-V., XLVII, 269. C 321, pl. 1337, p. 45, minute de la main de Lozeau, rapporteur. (96) C 321, pl. 1343, p. 35. (97) C 321, pl. 1343, p. 36. (98) P.-V., XLVII, 269. C 321, pl. 1337, p. 46, minute de la main de Boissy d’Anglas, rapporteur. J. Fr., n" 754; Mess. Soir, n° 792. (99) C 321, pl. 1343, p. 34. la plus cruelle détention. Soumis au régime barbare de l’ancienne administration de police, j’ai éprouvé, comme les autres détenus, toutes les privations, toutes les duretés et les humiliations qu’ont pu imaginer les vils et stupides agents de la tyrannie la plus détestable. Ma santé n’a pas pu résister à tant d’épreuves. Elle est altérée au point que j’ai besoin d’un régime domestique pour la rétablir. Je prie la Convention nationale de vouloir bien m’accorder, en attendant le rapport qui doit être fait à notre égard, la même faveur qu’elle a accordée à mes collègues Blaviel et Bohan, en me permettant de me retirer en mon domicile à Paris, jusques à ce qu’elle aura prononcé définitivement sur notre sort. Salut et fraternité. Garilhe. 49 Le citoyen Antoine Momac, à Gelle [Aveyron], offre à la patrie la somme de 889 L 4 sols, montant de la liquidation de son office, et joint l’extrait de la liquidation. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité des Finances (100). 50 Le citoyen J.-J. Chauvel, négociant, demeurant ci-devant à Marseille, actuellement établi à Ribiers [Hautes-Alpes], réclame contre l’apposition des scellés mis sur ses biens-meubles et sur les titres et papiers relatifs à son commerce. Renvoyé au comité de Législation (101). 51 CAMBON, au nom des comités de Législation et des Finances : Le 11 brumaire de l’an 2e, la Convention nationale a décrété en principe que la loi qui ordonne le séquestre des biens des étrangers était applicable aux Français qui, sortis de France avant le 5 juillet 1789, n’y étaient pas rentrés. Cette disposition donne lieu à quelques réclamations qui ont fixé l’attention de votre comité des Finances. Lorsqu’une personne était partie pour des voyages de long cours ou pour les armées, et qu’il s’était passé un temps considérable sans qu’on reçût des preuves de son existence, ou même sur des indices incertains de sa mort, ses (100) P.-V., XLVII, 269. Bull., 3 vend, (suppl.); C. Eg., n° 799. (101) P.-V., XLVII, 269.