[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 avril 1790.] 279 M. Millon de Montherlan soutient que les banalités ne proviennent ni du droit de seigneurie ni du droit de justice et que le remboursement sur le pied de la valeur actuelle, tel qu’il le propose, est le seul équitable. M. de Richier demande de nouveau la parole et représente qu’un four, par exemple, deviendrait une charge réelle au propriétaire, en ce qu’il serait obligé de l’entretenir également, de fournir bois et|chaufournier pour dix comme pour trente; que ce four ayant été fait pour toute la communauté, il était juste que la communauté entière s’en rédimât. M. Rouche rappelle que les communautés aliénèrent dans le siecle dernier leurs domaines, en vertu de permissions accordées par arrêts du conseil ; que plusieurs de ces communautés ont été autorisées à la fin du même siècle et au commencement du nôtre, par d’autres arrêts du conseil, à rentrer dans leurs biens, en remboursant seulement le prix qu’elles en avaient reçu. Il demande qu’il y ait, à ce sujet, une clause expresse dans l’article. M. Troiicliet observe que beaucoup de lois particulières sont inexécutables à moins que le moulin n’ait été acheté à-part des droits de la seigneurie. Quant à la propriété des moulins, vous ne pouvez, dit-il, en disposer ; les propriétaires pourront les garder s’ils le veulent, car ils en tireront autant que par le passé, quand ils seront bien situés. Il n’est pas facile de faire une loi générale pour l’évaluation, elle serait même impossible. L’indemnité doit être relative à la perte que le seigneur souffrira par la suppression de la banalité. Il serait inique de ne donner au seigneur que le prix des matériaux et du fonds sur lequel l’usine est construite. Les profits et le revenu doivent entrer en considération du prix. M. Merlin insiste sur l'adoption des amendements de MM. Durand de Mailiiane et Bouche et propose d’introduire dans l'article une disposition portant : « sans déroger aux lois antérieures, qui, dans quelques provinces, ont autorisé les communautés à racheter, sous des conditions particulières, les banalités auxquelles elles étaient soumises. » M. Tronchet déclare que le comité féodal accepte l’amendement. En conséquence, l’article 18 modifié est mis aux voix et décrété ainsi qu’il suit ; Art. 18 (ancien art. 17). « Quant à celles des banalités que l’article 2-1 du décret du 15 mars a déclarées exceptées de la suppression sans indemnité, lorsque les communautés d’habitants voudront s’en libérer, il sera fait par des experts choisis par les parties, ou nommés d’office par le juge, une estimation de la diminution que le four, moulin, pressoir ou autre usine pourra éprouver dans son produit annuel, par l’effet de la suppression du droit de banalité et de la liberté rendue aux habitants, sans déroger aux lois antérieures, qui, dans quelques provinces, ont autorisé les communautés à racheter sous des conditions particulières, les banalités auxquelles elles sont assujetties. » M. Tronchet donne lecture des articles 19 et 20 qui sont adoptés dans les termes du projet ainsi qu’il suit : Art. 19 (ancien art. 18). « Dans tous les cas où l’évaluation du produit annuel d’une redevance pourra donner lieu à une estimation d’experts, si le rachat a lieu entre des parties qui aient la liberté de traiter de gré à gré, le redevable pourra faire au propriétaire des droits, par acte extrajudiciaire, une offre réelle d’une somme déterminée. En cas de refus d’accepter l’offre, les frais de l’expertise, qui deviendra nécessaire, seront supportés par celui qui aura fait l’offre, ou par le refusant, selon que l’offre sera jugée suffisante ou insuffisante. » Art. 20 (ancien art. 19). « Si l’offre mentionnée en l’article ci-dessus, est faite à un tuteur, à un grevé de substitution, ou à d’autres administrateurs quelconques, qui n’ont point la liberté de traiter de gré à gré, ces administrateurs pourront employer en frais d’administration ceux de l’expertise, lorsqu’ils auront été jugés devoir rester à leur charge. » M. Tronchet, rapporteur , donne lecture de l’article 21, qui est l’ancien article 20 du projet primitif. M. Tréteau présente sur cet article un amendement ainsi conçu : « Le remboursement des rentes seigneuriales en grains, et celles stipulées payables en argent ou en grains, à la volonté du bailleur d’héritage, se fera sur le pied du denier 25. « Le remboursement des anciennes rentes seigneuriales en argent, dites menues rentes, se fera sur le pied du denier 20 du produit. « Quant aux rentes seigneuriales qui ont été stipulées par des contrats passés depuis trente ans, ou moins, exemptes de toutes charges foncières quelconques, elles seront remboursables comme celles en grains, ou autres denrées, sur sur le pied du denier 25. » M. Ijaborde-EscHPct pense qu’il est indispensable d’établir une différence entre les rentes portables et celles qui sont quérables ; il propose de fixer les premières au denier 25 et les secondes au denier 20. M. de Richier. Il s’agit, en ce moment, de prononcer l’annihilation de la propriété la plus sacrée de toutes, puisque nulle puissance humaine ne pouvait me forcer à donner la matière à d’autres conditions que celles que j’ai imposées. J’ai tant de confiance dans la probité et dans les lumières du rapporteur, que je lui ferai trois questions sur lesquelles sa réponse changera ou confirmera mon opinion, s’il me répond affirmativement, j’ai tort. Croit-il que, dans le général du royaume, on ait acheté ou pris en partage des rentes en argent au denier 20? Croit-il qu’on puisse en trouver à acheter à ce denier? Croit-il enfin que le propriétaire, avec le remboursement partiel, puisse retrouver le même revenu? Quant aux rentes en grains, je demande si, dans trente ans, l’argent du remboursement me rapportera autant que la rente en grains? Je conclus à ce que le rachat de la rente en argent soit fixé au denier 25, et celui de la redevance en grains et autres denrées au denier 30. M. Populus. Nous devons rendre au propriétaire ce qu’il retirerait de la vente. Les frais de perception sont considérables ; les fiefs étaient moins les propriétés des propriétaires que celles des commissaires à terrier. Si le seigneur de fief [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 avril 1790.] 280 ce retire que 3,000 livres, il doit être remboursé au denier 20. M. Goupil de Préfeln. Le premier amendement de M. Fréteau est très juste; mais il est inutile, car le propriétaire ayant la faculté de choisir le payement de la rente en argent ou en grains, pourra de même déterminer s’il veut être remboursé comme propriétaire d’une redevance en grains, ou comme propriétaire d'une rente en argent. Quant au second amendement, il est certain qu’une rente créée avec la clause de non-retenue mérite la même faveur qu’une redevance en grains. On a dit que les frais de terrier et de justice deviennent la valeur de la redevance : yen conviens ; mais comptez-vous pour rien la faculté donnée au débiteur de se libérer d’une rente foncière? Une grande considération doit vous diriger : c’est que le rachat de la rente doit être représentatif d’un revenu de la même valeur que celui que le propriétaire retirait de cette rente. Je demande que le rachat des rentes en argent soit remboursé au denier 25, celui des redevances en grains au denier 30, et celui des rentes sans retenue, comme celui des rentes en grains. M. de Saint-Martin. La proposition sur laquelle on s’appuie, c’est que partout les rentes seigneuriales se vendent au delà du denier 20; mais cela n’arrive ainsi que lorsqu’elles sont attachées à des droits de directes qui emportent les lods et ventes de menus droits, tels que les corvées, etc. Joignez au taux proposé par le comité l’évaluation que vous ferez des droits casuels et éventuels, et vous verrez si les propriétaires de redevances ont le droit de se plaindre. Je demande que l’article du comité soit adopté. M. 1® baron de Itochebrune. J’aurai l’honneur d’observer à l’Assemblée qu’en sa qualité de législatrice, elle doit, en faisant le bien général, faire le moins de mal particulier possible. Si l’Assemblée ne se reconnaît pas à ce tableau, mes observations sont inutiles, et je me retire. Il y a probablement de l’ignorance et de la mauvaise foi de ia part des préopinants. (IL s’élève un murmure général.) M. le Président. Ce que le règlement proscrit le plus sévèrement, ce sont les personnalités; vous avez accusé les préopinants de mauvaise foi, je vous rappelle à l’ordre. M. le baron de Rochebrnne. J’aurai seulement l’honneur d’observer à l’Assemblée qu’il est indispensable d’ètre toujours juste, et qu’il est impossible de l’être en adoptant un taux commun à toutes les provinces. En effet, il existe des différences qui doivent en produire dans le taux du remboursement. Dans les, provinces non méditerranées où il y a du commerce, un fonds qui rapporte5,000 livres ne se vend que 100,000 fr., tandis qu’en Auvergne, où le numéraire est très rare, il se vend 200,000 livres. On me dira que les droits de lods couvriront les pertes; moi je dirai qu’ils ne les couvriront pas, parce que plus le sol est mauvais, plus les mutations sont rares. Je propose pour amendement que le comité consulte les différentes provinces méditerranées et non méditerranées. M. Tronchet. La fixation du rachat, soit des rentes annuelles, soit des droits casuels, est la partie de nos travaux qui nous a le plus embarrassés; elle a véritablement tourmenté notre conscience. Les principes que nous avons eus en vue ne sont pas équivoques; il faut que le propriétaire qui éprouve un rachat volontaire ou forcé soit pleinement indemnisé; il faut qu’avec le revenu du rachat il puisse trouver un revenu égal et de même nature. Je m’explique, en disant de même nature : il y a deux sortes de rentes, des rentes eu argent et des rentes en grains ; des rentes en argent ne rendraient, dans vingt ans, rien de plus que cette année : les rentes en grains augmentent, au contraire, en proportion de la valeur des fonds. Voilà nos deux bases. Le propriétaire d’une rente en argent n’a que de l’argent; il ne doit recevoir que de l’argent: il le placera en constitution de rente, et se fera ainsi le même revenu. Pour les rentes en grains, il fallait connaître le taux du prix du fonds, et c’est ici que nous avons éprouvé de grands embarras. Nous savons que les différences absolument locales apportent de très grandes différences dans le prix des rentes, qu’il est impossible de combiner toutes ces différences et de les faire entrer dans le plan d’une loi générale. Nous avons été moins embarrassés pour les droits casuels; nous n’avons pris le denier 25 que comme un diviseur arithmétique, par le moyen duquel on tombera, dans tous les cas, au véritable taux. Il n’en est pas de même quant aux redevances annuelles, que nous avons fixées au denier 25; on nous disait que les unes se vendaient au denier 30, les autres au denier 20 ; et comme il était impossible de rendre à chaque individu une justice parfaite, il a fallu prendre le terme moyen entre 20 et 30. Ayant proposé de ne rembourser les rentes qu’avec les droits casuels, nous avons cru que nous avions une grande latitude. D’après ces observations, j’examinerai les amendements. J’observe d’abord à M. Fréteau que nous ne nous occupons ici que des redevances seigneuriales qui ne sont pas susceptibles de déductions d’impositions et dès lors de retenue. Je rappelle, sur les autres amendements, que nous avons eu pour objet de remettre entre les mains du propriétaire de redevances seigneuriales le même revenu qu’il avait avant le rachat. Enfin le comité, pour établir un taux qui, en général, fût juste, a fait tout ce qu’il a pu; il vous a proposé ce qu’il a cru équitable : c’est à vous de voir s’il a atteint ce but. (La question préalable est demandée et accueillie sur tous les amendements.) L’article 21 est adopté à une très grande majorité dans les termes du projet du comité féodal qui sont les suivants : Art. 21 (Ancien article 20). «< Le rachat de la somme à laquelle aura été liquidé le produit annuel des droits de redevances fixes et annuelles, se fera, savoir : pour les redevances en argent et corvées, et pour le produit des banalités, au denier vingt; et quant aux redevances en grains, volailles, denrées et fruits de récolte, au denier vingt-cinq. » L’article 22 qui était l’article 21 du projet primitif, est adopté sans discussion ainsi qu’il suit : Art. 22 (Ancien art. 21). « Tout redevable, qui voudra racheter les droits seigneuriaux dont son fonds est grevé, sera tenu de rembourser, avec le capital du rachat, tous les arrérages de rentes fixes et annuelles qui se trouveront dus, tant pour les années antérieures que pour l’année courante, au prorata du temps qui sera écoulé depuis la dernière échéance jusqu’au jour du rachat,