[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1790*] 0{ de deux milliards d’assignats-monnaie est déraisonnable; il nous a trop occupé, et il est temps de terminer cette longue discussion qui peut-être fera sourire la prospérité. Et moi aussi, je puis le dire, en finissant, « j’atteste la patrie que je ne vous ai rien dissimulé des dangers qu’elle court ». Puisse-t-elle échapper à de si grands périls ! Je conclus à ce que la dette exigible soit remboursée en quittances de finances, dans la forme et aux conditions qui seront déterminées par une délibération particulière, et non pas en assignats-monnaie. Au moment de la délibération, je proposerai de décréter les bases suivantes : Bases à décréter. 1° La somme des assignats-monnaie ne pourra excéder 800 millions ; 2° On déterminera incessamment l’espèce des créances sur le Trésor public qui seront remboursées, et celles dont on dénaturera le titre ; 3° Les créances dont on dénaturera le titre seront remboursées en quittances de finances, ou obligations sur les domaines nationaux, dans la forme et aux condions qui seront fixées par une délibération particulière ; 4° Le créancier bailleur de fonds sur un office, une charge ou un cautionnementdéclarés remboursables, sera tenu de recevoir des quittances de finances en payement ; 5° La vente de la totalité des biens du ci-devant clergé se fera en deux ans; 6° Les directoires de département feront terminer, dans le délai de deux mois, l’estimation de la totalité des domaines nationaux. Je demande, de plus, qu’on recueille les voix par appel nominal, sur le projet d'environ deux milliards de nouveaux assignats-monnaie. M. le Président. Les comités des domaines et de féodalité sont prêts à vous présenter le résultat de leur travail sur les délits qui vous ont été dénoncés ce matin par l’adresse de la municipalité de Versailles. M. Barrère-Vieuzac, au nom du comité féodal et des domaines, lit les pièces envoyées aux comités, relativement à i’ad resse de la municipalité de Versailles ; il fait également lecture de la proclamation du département de Seine-et-Oise. Il résulte des pièces qu’hier et avant-hier les désordres ont augmenté; 2,000 hommes avec des fusils et bâtons ont violé les clôtures du grand parc, et menacent de s’introduire dans le petit : le château même est également menacé. Le comité a appris ce matin par la municipalité que le nombre des séditieux s’était accru d’un tiers. — Le comité pense que la proclamation du directoire du département doit être improuvée, en ce que ce directoire s’est attribué le pouvoir judiciaire; il a ordonné que des informations fussent faites, il a annoncé qu’il punirait les coupables ..... Le comité présente un projet de décret dans la première partie duquel cette proclamation est blâmée; la seconde contient des dispositions relatives aux attroupements. M. Muguet demande la division de la première partie et l’adoption de la seconde. M. Charles de Lameth. Il est de la plus grande importance de prévenir les malheurs qui nous menacent; on ne peut voir sans inquiétude que des hommes égarés, dont le nombre était d’abord peu considérable, sont, en peu de jours, presque devenus un corps d’armée. Je conçois que la municipalité ait exagéré ces attroupements ; mais fussent-ils moins considérables, ils n’en seraient pas moins dangereux. Il faut réprimer, par une grande masse de force , des attroupements toujours inquiétants, parce que les ennemis du bien public sont prêts à en profiter, qu’ils les aient suscités ou non. (Il s'élève des murmures dans la partie droite.) La marche des ennemis du bien public n’est que trop connue. ( Les murmures augmentent).— Quelques membres du côté droit veulent que M. deLamethsoit rappelé à l’ordre, d’autres demandent qu’il nomme ces ennemis du bien public.) Je ne crois pas que quelqu’un veuille s’appliquer ce que je dis; vous devez prendre de sages précautions. Pendant qu’on fait détruire le gibier dans le parc de Versailles, on persuade au roi que l’Assemblée nationale veut l’affliger et le priver de ses uniques plaisirs, on lui conseille de vendre sa vénerie, Quel est le but de ces conseillers perfides? c’est d’indisposer tous les Français contre l’Assemblée nationale en leur faisant croire qn’elle a voulu priver un roi qu’ils aiment, d’un exercice qui lui fut toujours cher. En appuyant la division proposée par M. Muguet, je demande que M. le Président se retire vers le roi pour l’engager à ne pas vendre ses équipages de chasse, pour l’assurer que l’Assemblée prendra toutes les précautions nécessaires pour faire rentrer dans le devoir des hommes égarés et pour qu’on respecte ses plaisirs. Il fautfaire marcher toutes les forces qu’il sera possible de réunir, de l’artillerie, s’il est nécessaire. (Le côté droit murmure.) On fera aisément rentrer dans l’ordre, sans qu’il en coûte du sang, par ce seul appareil (Les murmures augmentent ), car, en vérité, je ne sais si l’on est altéré; mais c’est un cruel breuvage. (Une grande partie de l’Assemblée applaudit.) M. Fréteau. J’appuie l’avis du préopinant. Je désire d’autant plus que l’Assemblée nationale atteste au roi ses sentiments et tous ceux des vrais Français, que je sais qu’on a fait tout ce qu’on a pu pour empoisonner vos intentions, pour tromper le roi sur le décret que vous avez rendu au sujet des forêts royales. Ce décret est calqué sur des dispositions ordonnées par les meilleurs de nos rois. J’ai lu le testament d’un roi Philippe, qui demande pardon à son peuple d’avoir laissé tomber les clôtures de ses parcs et de ses forêts. Louis IX, Charles V, Louis XII ont fait relever celles de la forêt de Fontainebleau, et tous ces rois, dont la mémoire est chère aux Français, n’avaient pas fait autant que Louis XVI pour le bonheur du peuple. J’appuie la proposition de faire un rassemblement considérable de troupes pour dissiper les attroupements. Vous savez qu’on a trouvé à Angers de l’argent sur les séditieux qui ont été arrêtés; des lettres et des avis très nombreux m’attestent que l’argent a été aussi distribué à Nancy et à Brest. Tout se réunit pour faire présumer qu’il y a des malintentionnés, soit au dehors, soit au dedans, et qu’il est important de ne pas laisser la plus légère trace d’insurrection. Je sais que maintenant on travaille les régiments suisses. Ne serait-ce pas les mêmes hommes dont nous avons connu les œuvres à Nancy, à Angers, à Brest, etc.? (Une grande partie de L'Assemblé * applaudit.) On cherctie à détacher les treize cantons de leur 0g lAgiombléo nationale.] alliance avec la France. Il faut tenir une conduite toujours ferme : l’Asgemblée doit être juste envers les peuples, et sévère envers les coupables. Je demande donc que la proposition de M. Charles de Lametb soit décrétée. (La très grande majorité se lève pour manifester son vœu sur cette proposition .) La partie du décret proposé par les comités de féodalité et des domaines, concernant la proclamation du département de Seine-et-Oise, est renvoyée au comité de Constitution. La partie relative aux attroupements, réunie à la motioD de M. Charles de Lameth, forme, un décret qui est adopté à la presque unanimité. En voici les termes : « L’Assemblée nationale, considérant que l’insurrection qui s’est faite dans le grand parc de Versailles, par un très grand nombre de personnes armées de fusils, bâtons et autres armes, sous prétexte d’v détruire le gibier sur les propriétés particulières, nu peut être regardée que comme un de ces attroupements qui troublent la tranquillité publique, et mettent en danger les propriétés et la sûreté individuelle, décrète ce qui suit : « Art. Ier. La municipalité de Versailles et celles situées dans l’enclave du grand parc de Versailles, ou à leur défaut, les corps administratifs, emploieront tous les moyens qui sont en leur pouvoir, même ceux qui leur sont indiqués par le décret du 21 octobre 1789, pour repousser lesdits attroupements, et faire arrêter les coupables. Art. 2. Le maire de Paris et le commandant de la garde nationale de ladite ville, dans le cas où ils en seront requis, prêteront main-forte à la garde nationale cle Versailles, ou à celles qui la requerront. Art. 3. Le Président se retirera, dans le jour, devers le roi, à la tête d’une députation composée de douze membres, pour le prier de déployer une force suffisante à l’effet de repousser les attroupements armés qui se font autour de Versailles, et lui renouveler les expressions do respect et de dévouement de l’Assemblée nationale pour Sa Majesté, son empressement à protéger de toute la force de la loi la conservation des objets qui intéressent ses jouissances personnelles, et le regret avec lequel elle verrait Sa Majesté en faire le sacrifice. » M. le Président indique le nom des douze membres qui doivent composer la députation qui se rendra près du roi. Ce sont : MM. Fréteau, Durget, Huot de Goncourt, Long, Pain, üécretot, de Sarrazin, Lousmeau-Dupont, Dillon (Arthur), de Bonnal, évêque de Clermont, de Maulette, de Châteauneuf-Randon. La séance est levée à quatre heures. (16 septembre 1180, ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ, EX-PRÉSIDENT. Séance du samedi 18 septembre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie. Un de MM. les secrétaires fait lecture de différentes adresses, parmi lesquelles l’Assemblée a distingué: celle de la garde nationale de Vin-cennes, qui est venue déposer sur le bureau une somme de soixante-treize livres seize sols, destinée à secourir les veuves des soldats qui ont péri dans l’affaire de Nancy. Adresse d’adhésion des officiers municipaux de la ville et canton de Saint-Gilles, de l’Isle-Bou-chard, district de Cbinon,- département d’Indre-et-Loire : ils font des réclamations contre la municipalité voisine de Saint-Maurice; Du conseil général de la commune de Goutauces, district de Lons-le-Saunier, département du Jura, qui annonce que le 7 du présent mois de septembre la municipalité a fait célébrer un service solennel pour tous ceux qui sont morts pour la liberté, et auquel ont assisté la milice nationale et la milice des citoyens, formée à l’instar des troupes, ayant état-major et compagnie ; que tous ont manifesté les sentiments d’un dévouement absolu pour l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale ; De ia société patriotique et académique de Valence, département de la Drôme, qui se joint avec empressement à la pétition faite à l’Assemblée par l’académie de Dijon, relativement aux progrès des connaissances humaines. Procès-verbal de la fête civique célébrée le 24 juillet par tous les citoyens du bourg de la Muze, département des Basses -Alpes, dans laquelle ils ont prononcé le serment fédératif du Ghamp-de-Mars. Adresse des administrateurs composant le directoire du district d’Uzès, qui expriment avec énergie les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l’Assemblée nationale. Ils adhèrent notamment aux décrets concernant l’organisation de l’ordre judiciaire. Adresses d'un chartreux qui se plaint des mau vais traitements que sa surveillance sur la dilapidation des meubles du couvent lui fait éprouver. Un membre demande que l’examen des faits avancés soit renvoyé au département. Cette motion est décrétée en ces termes : « L’Assemblée nationale, après la lecture des deux adresses concernant la chartreuse de Mont-Dieu, décrète qu’elles seront renvoyées au département des Ardennes, pour constater les faits qui y sont énoncés, ainsi que les autres dilapidations qui pourraient avoir eu lieu dans cette maison, en contravention aux décrets de l’Assemblée nationale pour du tout lui être rendu compte dans le délai d’un mois. » M. Vieillard (de Saint-Lô), donne lecture du procès-verbal de la séance de ce matin. Le procès-verbal est adopté. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) CoUe séanoo oot incomplète au Moniteur.