g-19 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 avril 1731.] lature : ce serait véritablement lui ménager le droit de détruire à sa volonté la Constitution, lorsque la législature la défeudrait. Il faut même observer que l’article qui n’est pas bien entendu par M. de Cazalès n’amène pas cette précaution qui existe en Angleterre. En effet l’article ne dit pas que le Corps législatif cessera toute correspondance avec les ministres : car alors il arrêterait à sa volonté la marche du gouvernement. Je demande donc que l’article soit mis aux voix. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement proposé par M. de Cazalès. M. Robespierre s’élève contre le mo {. adresse employé dans l’article du comité. Il lui paraît indécent que le Corps législatif parle comme pétitionnaire au roi. M. Prieur. Je soutiens que non seulement le Corps législatif peut déclarer au roi que ses ministres n'ont pas la confiance de la nation, mais que c’est un devoir du Corps législatif, et qu’il trahirait la nation s’il ne déclarait pas au roi des vérités utiles. Je propose, en conséquence, de dire, que le Corps législatif déclarera au roi, quand il le croira nécessaire, que les ministres ont perdu la confiance publique. Un membre demande la question préalable sur la motion de M. Prieur. (L’Assemblée repousse la demande de question préalable et ferme la discussion.) M. de Montlosier. Je demande à proposer un amendement qui me semble devoir accorder tous les partis. (Rires.) Je ne m’oppose point à l’article proposé par M. Buzot ; mais pour consacrer l’indépendance des deux pouvoirs, j’y proposerai une addition. S’il arrivait par le malheur des temps, qu’une législature séditieuse voulût troubler la paix du royaume et même renverser la Constitution dont le roi est sans contredit le premier défenseur, alors il devrait être permis au roi de faire une proclamation conçue en ces termes : « Je déclare que la législature ne mérite plus la confiance de la nation. » (Rires.) Mon amendement est appuyé, il faut le mettre aux voix. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! M. de Montlosier. J’insiste, Monsieur le Président, pour que vous mettiez mon amendement aux voix. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) Un membre demande la priorité pour la motion de M. Prieur. (L’Assemblée accorde cette priorité et adopte l’expression déclarer.) M. Démèunier, rapporteur , donne lecture de l’article avec l’amendement; il est ainsi conçu : « Le Corps législatif pourra présenter au roi telle déclaration qu’il jugera convenable sur la conduite de ses ministres, et même lui déclarer qu’ils ont perdu la confiance de la nation. » (Cet article est décrété.) M. le Président fait connaître l’ordre du jour de la semaine et invite les membres de l’Assemblée à se rendre dans leurs bureaux respectifs pour procéder à la nomination d’un membre du comité diplomatique en remplacement de M. de Mirabeau. La séance est levée à trois heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 6 AVRIL 1791. Discours sur les testaments en général , et sur l’institution d’héritier dans les pays de droit écrit en particulier , par J. Pétion de Ville-neuve (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, vous venez d’établir dans les successions un ordre que vous dictait la raison, que vous prescrivait la nature. Tous les enfants sont maintenant égaux aux yeux de la loi ; tous partagent également le patrimoine de leur père. Les différences qui existaient entre euxout disparu ; et vous avez réparé en un instant l’injustice de plusieurs siècles. Permettrez-vous à l’homme de changer cet ordre, de troubler cette harmonie ? Pourra-t-il mettre ses passions à la place de la loi? Pourra-t-il, par sa volonté particulière, détruire la volonté générale? Lui laisserez-vous enfin le droit funeste de distribuer arbitrairement sa fortune à ses enfants, d’avantager les uns, en dépouillant les autres ? Pour bien connaître tous les dangers de la faculté accordée aux chefs de famille de disposer à leur gré de leurs richesses, il faut fixer ses regards sur les contrées régies par le droit écrit; c’est là que, depuis les temps les plus reculés, les abus attachés au pouvoir de tester semblent s’être réunis, semblent se reproduire sous toutes les formes. Et ce que nous dirons à cet égard s’appliquera naturellement aux dispositions de l’homme dans les diverses parties de l’Empire. Il est libre, vous le savez, aux pères et mères, dans le pays de droit écrit, de se créer un héritier et de réduire leurs autres enfants à la légitime. Cette faculté est devenue la loi de toutes les familles; elle est suivie avec d’autant plus de rigueur, qu’elle est commandée par le préjugé. Il est rare, infiniment rare que des pères et mères décèdent sans instituer un héritier; les pauvres comme les riches imitent ce coupable usage. Si la tendresse éprouve quelques remords en se livrant à cette prédilection injuste, bientôt ils sont étouffés par l’exemple, ce tyran impérieux des âmes faibles, je pourrais dire du genre humain. La cupidité, l’ambiiion ont vaincu les sentiments de la nature, ont détruit cet amour de l’égalité qui estun instinct chez l’homme, lorsqu’il n’est pas encore dépravé; et enfin, on en est venu à ce point, que celui-là est odieux et paraît dénaturé, qui ne porte pas toutes les affections et ne verse pas sa fortune sur un de ses enfants. C’est presque toujours l’aîné des mâles qui est l’objet de cette criminelle préférence. Partez, je vous prie, de ce point certain, et ne le perdez jamais de vue, c’est que l’institution d’héritier en (1) Ce discours, prononcé dans la séance du 2 mars 1791, n’a pu être inséré à sa place dans ce volume.