[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 295 milieu de la tranquillité générale, et que notre premier devoir était de la maintenir dans notre sein. Nous avons porté plus loin nos vues, Nosseigneurs ; nous avons cherché à pénétrer du même esprit les différentes villes qui nous environnent ; nous les avons invitées à une fédération d’ordre et de bien public, à laquelle elles se sont em-préssées d’adhérer : plus de 30,000 citoyens armés en sont les garants, et nous avons l’heureuse certitude que, quels que puissent être les efforts des détracteurs de la nation, ils ne sauraient obtenir aucun succès dans le vaste arrondissement que nos soins ont formé. « Occupés de ces grands objets, Nosseigneurs, nous nous sommes reposés sur notre commune du soin de vous exprimer des sentiments que nous professions par notre conduite ; mais aujourd’hui que la paix, que nous avons eu la satisfaction de maintenir, repose à l’ombre de vos décrets sur des bases solides, nous ne pouvons résister à l’attrait impérieux du sentiment de tous les points de ce vaste empire ; un concert de bénédictions et de vœux s’élève vers vous : daignez permettre que nous joignions nos voix à cette acclamation générale, que l’hommage des sentiments qui nous animent interrompe un instant vos immenses travaux, et que la trop faible expression de notre entier dévouement retentisse dans votre Assemblée, Augustes restaurateurs des droits du peuple, vous qui, malgré de longs orages, élevez avec une persévérance infatigable l’édifice de notre bonheur, recevez le serment solennel que nous faisons, sous les drapeaux delà patrie, de mourir, s’il le faut, pour le soutien de vos décrets, de leur rester fidèles ainsi qu’au meilleur et au plus chéri des rois, de confondre toujours nos vœux, nos intérêts avec ceux de la grande famille dont vos heureux travaux vont rapprocher les membres trop longtemps désunis, de ne reconnaître enfin d’autres devoirs que ceux que vous avez fondés. « Nous ne redoutons plus les vains efforts de cette hydre effrayante dont vos mains victorieuses ont écrasé les têtes renaissantes ; mais nous vouons à l’opprobre et à l’infamie les perfides indignes du nom de Français, qui, dans l’espoir de la reproduire, pourraient former des projets ou fomenter des associations contraires à vos principes régénérateurs. » Signé, les citoyens officiers et soldats de la milice nationale de Montpellier. Adresse des élèves du collège de Rodez dont le don patriotique a été présenté dans la séance du 18 janvier, par M. de Golbert-Seignelay. Cette adresse est ainsi conçue : « Nosseigneurs, le patriotisme dont vous avez donné l’exemple, et qui anime dans ce moment tous les Français, a aussi embrasé nos cœurs. Nous voulons, comme les autres citoyens, sacrifier à la patrie, et lui payer le tribut de notre amour. Seuls, nous guéririons ses plaies, si nos moyens égalaient nos désirs ; mais la plupart d’entre nous étant peu favorisés des biens de la fortune, nous ne pouvons vous offrir qu’une faible ressource de 800 livres. « Cette somme devait être accordée à nos plaisirs : mais en est-il un plus doux que celui de servir son pays ? Elle ne changera donc pas de destination. C’est avec joie que nous la remettons entre vos mains, pour être par vous déposée, en notre nom, sur l’autel de la patrie. « Un jour, peut-être, si nous pouvons acquérir assez de vertus et de lumières, un jour nous lui [23 janvier 179J.[ ferons des offrandes plus précieuses et plus dignes d’elle : c’est le plus ardent de nos vœux et l’objet constant de nos travaux. En attendant, nous osons espérer qu’elle sourira au sacrifice que nous lui faisons aujourd’hui, et qu’elle ne verra pas sans quelque satisfaction les plus jeunes de ses enfants s’intéresser à son bonheur. « Eh ! qui doit plus que nous désirer de la voir florissante ! L’époque où nous entrerons dans le monde sera celle de sa prospérité et de sa gloire. Elle vous en sera redevable, à vous, Nosseigneurs, et au monarque adoré que vous avez appelé vous-raêmes le restaurateur de la liberté française. Il en jette les fondations, et vous en achevez l’édifice; élevé par des mains si habiles, il triomphera des siècles. Puisse ce Roi chéri y voir long temps les hommages libres de la nation la plus noble etla plus loyale del’univers! Puissiez-vous longtemps aussi vous-mêmes, nosseigneurs y jouir du succès de vos travaux, de la gloire que vous méritez, et de la reconnaissance de vos heureux concitoyens, « Nous sommes avec le plus profond respect, Nosseigneurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les écoliers du collège de Rodez. » M. le baron de Menou dit qu’il est chargé par M. le duc d’Aumont d’annoncer à l’Assemblée que le district Saint-Honoré vient de donner l’exemple mémorable de fouler aux pieds l’opinion barbare qui flétrissait la famille de ceux qui sont condamnée, au dernier supplice; ce district a, en effet témoigné son respect pour les décrets que l’Assemblée nationale vient de rendre pour faire cesser cet injuste préjugé, en nommant à une place de lieutenant honoraire des grenadiers de son bataillon, le sieur Agasse, frère de deux particuliers qui sont condamnés par le Châtelet au dernier supplice, pour crime de faux. M. Agasse qui était simple grenadier, avait voulu quitter son habit aussitôt après le jugement de ses frères. M. Fréteau demande que le président soit autorisé à écrire au district Saint-Honoré pour lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur sa conduite envers M. Agasse. Cette motion est adoptée sans opposition. M. d’Harambure communique à l’Assemblée une lettre du ministre de la guerre, qui est renvoyée au comité militaire, et qui concerne les préséances entre les milices nationales et les troupes de ligne. Cette lettre est ainsi conçue : « Vous me faites l’honneur de me prévenir, Monsieur, que le 25 de ce mois, les gardes citoyennes de la ville de Tours et le régiment d’Anjou doivent être assemblés pour assister à la cérémonie de l’installation de la nouvelle municipalité, et que M. M. les officiers de la garde citoyenne vous écrivent pour obtenir une décision sur le rang que cette garde et les troupes de lignes doivent tenir entre elles. « II ne m’appartient pas, Monsieur, de décider une question de cette importance ; c’est à l’Assemblée de la nation à prononcer sur l’existence que doivent avoir les gardes citoyennes, et je ner pourrait prendre les ordres du Roi sur la question dont il s’agit que lorsque l’Assemblée aura présenté à Sa Majesté les décrets qu’elle jugera à propos de rendre à cet égard. « Mais puisque la chose paraît instante et qu’il ne faut jamais négliger aucun moyen de concourir au maintien de la concorde et de l’union 296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1790.] entre les troupes de ligne et les gardes citoyennes, je me permettrai de vous développer mon opinion particulière. « Je crois, Monsieur, que les municipalités et les gardes nationales, représentant l’ensemble de la nation, doivent avoir toute préséance, toutes les fois qu’elles sont assemblées dans leurs villes, soit pour quelque cérémonie, soit autrement, et alors les gardes citoyennes doivent prendre la droite sur les troupes de ligne, qui ne forment qu’un corps particulier dans la nation. Mais je pense aussi que toutes les fois que les gardes nationales sont employées hors de l'enceinte de leurs foyers, conjointement avec des troupes de ligne, elles doivent, comme toute autre troupe, prendre rang avec celles de ligne, suivant la date de leur création. « Si vous pensez comme moi, Monsieur, je crois qu’il convient que vous écriviez dans cet esprit à MM. les officiers des gardes nationales de Tours ; de mon côté, j’envoie copie de cette lettre au commandant du régiment d’Anjou, en l’invitant à se conformer à l’opinion que j’y établis. « J’ai l’honneur d’être, etc. Signé LatoüR-du -Pin. » Divers membres de l’Assemblée ont ensuite rempli les missions particulières qu’ils avaient reçues pour des offres de dons patriotiques. M. Pison du Galland offre, au nom de treize communautés composant l’arrondissement de La Mure en Dauphiné, une somme de 8,365 livres, 16 sous, 6 deniers, provenant d’une créance sur le Trésor Royal, montant autrefois à la somme d’environ 21,000 livres et réduite, par contrat du 18 juin 1766, sur l’Hôtel-de-Ville de Paris, à cette somme de 8,365 livres, 16 sous, 6 deniers avec les arrérages depuis 1783, sans que ce don puisse libérer ceux qui en font l’hommage de la contribution patriotique du quart de leurs revenus, qu’ils s’obligent d’acquitter avec exactitude. M. Dubois-Maurïn, au nom de la ville de Villeneuve-de-Berg en Vivarais, fait l’hommage d'une créance sur le trésor public de 4,400 livres au principal, et qui, avec les accessoires aussi abandonnés, s’élève à un capital de plus de 8,000 livres. L’Assemblée nationale agréé aussi l’offrande faite par de jeunes élèves français aux écoles de Rome, d’une somme d’argent, et de quelques médailles d’or obtenues pour prix de leurs efforts et de leurs talents Un membre offre une médaille d’or du poids de 25 louis, donnée à M. de Retz, médecin du Roi, dans les hôpitaux militaires, par l’Impératrice Marie-Thérèse, d’après le jugement de l’Académie des Sciences de Bruxelles. L’Assemblée ordonne qu’il serait écrit par son président à M. de Retz, une lettre contenant les témoignages de la satisfaction de l’Assemblée. Les villes de Lude en Anjou et de de Saint-Just-sur-Loire en Forez, offrent les six mois d’impositions extraordinaires, levées sur leurs ci-devant privilégiés. La communauté de Gielge, près de Château-ThierrL a fait l’offre de 2,000 livres sur le montant d’une coupe de bois dont elle sollicite Vagrément ; et cette offre a été refusée par l’Assemblée comme portant une condition. M. Ilébrard, membre du comité des rapports, rend compte à l’Assemblée d’une difficulté élevée dans la ville deBrives, par quelques citoyens, ci-devant privilégiés, qui refusent de se soumettre à la charge du logement des gens de guerre avant que l’Assemblée ait expressément prononcé sur cet article. Le rapporteur, en présentant les motifs du projet de décret du comité, parle de la nécessité de prévenir de pareilles difficultés dans toutes villes, bourgs et villages du royaume dans lesquels il n’y a point de caserne. M. Malès a pris ensuite la parole. Il rappelé que, malgré les décrets de l’Assemblée nationale , sanctionnés par le Roi, qui rendent toutes les charges communes et proportionnelles entre tous les citoyens, il est encore des villes où certains ci-devant privilégiés refusent de se soumettre au logement des gens de guerre, comme les autres citoyens et fondent leurs refus sur un défaut d’expression littérale dans les décrets ; il en propose un qu’il croit nécessaire pour faire cesser toutes ces contestations, ce décret porte : « Que dans toutes les villes et villages du royaume où il n’y a point de caserne, aucun habitant de ces villes et villages ne pourra se prétendre exempt de loger dans sa maison, ou ailleurs à ses frais , les officiers ou soldats qui leur seront envoyés par les officiers municipaux, et de fournir à ces officiers ou soldats tout ce qu’il est d’usage de leur fournir, et ce nonobstant toute ordonnance, chartes et privilèges auxquels l’Assemblée nationale déroge. » M. Dubois de Crancé propose un décret portant : « Que nul citoyen dans l’empire ne pourra se prétendre exempt du logement des gens de guerre, soit en nature, soit en argent. » M. le comte de Mirabeau. Je suis loin de donner mon assentiment à ce principe, que nul citoyen ne peut se prétendre exempt du logement des gens de guerre; je prétends, au contraire, que nul citoyen dans l’empire français ne doit v être astreint et que toutes les troupes doivent êt 70 casernées. M. le marquis d’Ambly pense que les troupes doivent toujours camper, même à l’intérieur. M. le vicomte de üoailles dit que cette question ne doit être réglée que lorsque l’Assemblée statuera sur le militaire. M. le marquis d’Ambly ajoute que rien n’est plus conforme que le campement au véritable esprit militaire; en ce que, d’une part, il s’accorde avec la permanence des garnisons, et de l’autre, avec l’utilité d’accoutumer, en tout temps, les soldats à la fatigue et au genre de vie auxquels ils sont destinés. M. Alexandre de Lameth observe qu’il ne croit pas que ce soit le moment ni de développer le principe de M. le comte de Mirabeau, ni de discuter des questions relatives à. l’organisation future de l’armée; que lorsqu’elles seront discutées, on décidera quelles devront être les mesures à prendre pour la marche des toupes; mais que dans ce moment il s’agit d’un décret provisoire ; que des régiments ont changé de