SÉNÉCHAUSSÉE DE FOUGÈRES. Nota. La noblesse et le clergé de Bretagne refusèrent de députer aux Etats généraux de 1789. (Yoy. plus loin l’article Saint-B) ie.uc.) Il nous a élé impossible jusqu’à ce jour de nous procurer le cahier du tiers-état de la sénéchaussée de Fougères : nous l’insérerons dans le Supplément qui terminera notre Recueil, si nous parvenons à le découvrir. PATS DE GEX. CAHIER GÉNÉRAL Des doléances et demandes du pays de Gex (1). AU ROI. Sire, Le clergé du pays de Gex, assemblé en exécution des lettres de convocation de Votre Majesté du 24 janvier dernier, pénétré de la plus vive reconnaissance pour les vues paternelles qu’elle a daigné y manifester, s’empresse de confier à son amour pour tous ses sujets ses plaintes et demandes; il charge ses députés aux Etats généraux de les lui exposer en lui présentant le cahier qui les renferme, et il la supplie très-respectueusement de les prendre en considération et de lui accorder : Art. 1er. De réformer les abus qui se sont introduits dans l’administration du pays et de la rendre plus utile en lui donnant une forme différente. Le pays de Gex, ainsi que ceux de Bresse et de Bugey, étaient anciennement régis par un conseil composé des représentants des trois ordres librement élus; des abus sans nombre qui se sont introduits dans l’administration en demandent et en nécessitent la régénération. Pour s’en convaincre il suffira d’exposer l’état dans lequel elle se trouve surtout depuis 1782. A cette époque il s’éleva entre les administrateurs une mésintelligence dont le représentant du clergé fut la victime; il fut destitué, sans être ouï, par un arrêt du conseil qui ordonnait en même temps de nommer à sa place; mais en vain présenta-t-on des sujets pour la remplir, en vain a-t-on sollicité constamment depuis pour obtenir cette justice, ce premier corps est toujours resté et il reste toujours exclu de l’administration. 11 est vrai que dans le mois de juillet 1788 l’on a paru vouloir le tirer de cette oppression en obtenant un ordre du Roi qui lui nommait ses officiers ; mais quand ses représentants qui lui étaient ainsi donnés sans sa participation auraient cru pouvoir accepter une place dont la volonté seule de leurs corps pouvait disposer, auraient-ils pu se flatter d’en obtenir la confiance ? Aussi la refusèrent-ils. Il n’y a donc dans le corps de l’administration, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. depuis plus de sept ans, aucuns représentants du clergé. La noblesse a à peu près les mêmes plaintes à former; depuis plus de dix ans que son dernier conseiller est mort, elle est réduite à un seul syndic que son âge et ses infirmités éloignent presque de toutes affaires. Les représentants du tiers-état composent donc seuls le conseil administrateur; mais, par un abus aussi étrange que funeste, ces officiers se nommant entre eux seuls ou d’après des ordres supérieurs qui ôtent la liberté du choix, ils n’ont jamais obtenu les suffrages de leur ordre, et ils ne peuvent être revêtus de la confiance de ceux dont ils prétendent défendre les intérêts. Ces officiers, nommés d’une manière si illégale, sont encore continués chaque triennalité par une lettre du ministre d’Etat, et ils deviennent ainsi inamovibles. Cette formation monstrueuse a des conséquences qui paraîtront à peine vraisemblables; le premier syndic actuel du tiers-état étant subdélégué de M. l’intendant de Bourgogne et noble, conserve néanmoins sa première place comme inamovible, et le peuple se trouve ainsi représenté par un officier qu’il n’a pas choisi et dont l’état ainsi que la place sont si contraires à ses intérêts. De ce désordre estnéeune réclamation générale; il n’est aucun individu qui n’élève la voix pour solliciter une réforme dans l’administration actuelle, et le clergé dont les intérêts ne sauraient être séparés de ceux de ses concitoyens, se réunit à eux pour l’obtenir. Il demande donc une administration telle qu’il charge son député d’en présenter la forme appropriée au bien et à l’avantage de la province. Il demande en second lieu que l’arrêt du conseil du mois de février 1782, qui a destitué son syndic, digne à tous égards de sa confiance et qui a préjudicié à ses droits dans la forme qu’il lui prescrit pour la nomination de ses officiers, soit révoqué. Art. 2. De continuer au pays son affranchissement des cinq grosses fermes. Par ses lettres patentes de 1775, le Roi affranchit le pays de Gex des cinq grosses fermes et ordonna eh conséquence que tous les bureaux de traites et autres établis tant sur les frontières que dans l’intérieur du pays, demeureraient supprimés. Il «st inutile de répéter les motifs qui détermi- ]États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES nèrent Sa Majesté à établir cet ordre; leur sagesse en est démontrée par l’avantage qui en est résulté. Une seule preuve et qui doit être bien précieuse aux yeux du gouvernement suffit pour établir le bien qu’il a produit; la population, augmentée de plus d’un cinquième, ne démontre-t-elle pas les progrès de l’agriculture et le bonheur du peuple? Le reculement des barrières aux frontières alarme déjà ce pays; déjà il craint de perdre cette prérogative à laquelle il doit son bien-être, et avec les bureaux il ne doute pas de voir reparaître tous les maux dont il fut autrefois accablé. L’état de prospérité dont il a joui ne lui permet pas d’envisager sans frayeur celui qui le menace, et le clergé regarde comme son premier devoir de demander avec toute l’énergie que lui inspire l'intérêt public, qu’il plaise à Sa Majesté de se faire remettre sous les yeux les motifs qui la déterminèrent en 1775 d’accorder à son pays de Gex cette prérogative ; il ne doute pas qu’ils ne lui araissent tous les jours les mêmes, et que sa onté paternelle ne la détermine à continuer un privilège sans lequel les habitants de ce pays seraient les plus malheureux de ses peuples. 11 croit qu’il n’y aura aucun changement à faire aux conditions de cet affranchissement renfermées dans les lettres patentes, si quelques abus se sont glissés dans cette régie; la nouvelle administration, y portant un œil attentif, parviendra aisément à les détruire. Il observe seulement que le sol ne parviendra as à fournir de quoi à la consommation de ses abilants; le pays de Gex a obtenu la facilité d’extraire des provinces voisines, lorsqu’il y a une défense d’exportation, 3,000 coupes de blé chaque mois ; le clergé demande également que cette permission soit confirmée et que les peuples puissent s’en procurer sur le certificat seul des curés qui constatera de leurs besoins. Art. 3. De conserver au pays une administration particulière et absolument distincte et indépendante de celle de Bresse et de Bugey, le Bugey et la Bresse ayant une administration absolument séparée de celle du pays de Gex, font des efforts pour incorporer celle-ci dans la leur ; les motifs qu’ils peuvent alléguer sont sans réalité, et cette réunion tournerait au plue grand désavantage du pays. Pour sœn convaincre il suffit de jeter un coup d’œil sur sa position; environné de toute part et séparé de ses voisins par une chaîne de montagnes, souvent les routes sont interceptées et les abords de Belley et de Bourg, qui serait le chef-lieu de l’administration, lui seraient impraticables. Eloigné de plus de dix-huit lieues de la plus proche de ces villes, les membres que ce pays fournirait au conseil administrateur pourraient-ils s’y rendre à chaque assemblée sans de grands inconvénients, et ses intérêts ne seraient-ils pas oubliés s’ils en étaient absents? D’ailleurs les deux peuples, quoique voisins, ont si peu de rapport, ils ont entre eux si peu de commerce, si peu d’habitudes, qu’il y a tout lieu de penser que l’harmonie si nécessaire pour le bien ne s’y trouverait pas, et alors le pays de Gex fournissant un moindre nombre de représentants, serait constamment sacrifié. Mais il paraît presque inutile de s’opposer à une pareille réunion; le gouvernement ne saurait en accueillir la proposition au moment ou le Viva-rais et différents autres pays sollicitent des démembrements, et n’est-il pas dans l’ordre que PARLEMENTAIRES. [Pays de Gex.] 389 moins une administration est étendue, plus elle trouvera de facilité à opérer le bien. D’ailleurs, si le pays de Gex obtient la conservation de ses franchises comme tout concourt à le lui faire espérer, son administration aura à régler des intérêts si différents de ceux de la Bresse et du Bugey, que leur réunion conduirait nécessairement au désordre. Le clergé, effrayé des suites d’une pareille opération, supplie donc le Roi de n’avoir aucun égard aux demandes de la Bresse et du Bugey et de laisser à chacun des pays une administration Earticulière qui, étant a portée de connaître le ien, aura aussi plus de moyens de l’opérer. Art. 4. D’accorder au bailliage de Gex l’attribution de la connaissance des eaux et forêts, et d’ordonner que toute justice seigneuriale soit exercée dans la ville de Gex. Le clergé demande que le bailliage de Gex connaisse, privativement à tout tribunal d’exception, de tout ce qui regarde les matières des eaux et forêts ; les bois de communauté et des particuliers n’en seront que mieux ménagés, et les habitants du pays auront par ce moyen plus prompte et moins dispendieuse justice. La multitude des tribunaux subalternes fournissant aux habitants des paroisses qui les avoisinent une facilité malheureuse d’intenter à leurs voisins des procès en leur élevant des difficultés toujours accueillies et toujours regardées comme fondées par des personnes à qui il intéresse de les discuter, il est important d’enlever à l’artisan et au laboureur cette pierre d’achoppement et de les concentrer clans leurs travaux intéressants en leur ôtant la proximité et presque jusqu’au nom de ces justices inférieures où l'ignorance, la cupidité dominent presque toujours. Le clergé, touché des maux innombrables qui en résultent et pour conserver dans des mains qui l’ont acquise avec peine et par des soins soutenus une fortune suffisante pour l’entretien honnête d’une famille et qui bientôt s’absorbe dans des procès où l’entêtement et l’ivrognerie ont ordinairement plus de part que la valeur intrinsèque des objets contestés et poursuivis, demande que la justice ne soit plus rendue que dans la ville de Gex par les officiers que les seigneurs y auront choisis, réclamations d’autant mieux fondées, que les tribunaux inférieurs où se forme la première instance ne finissent aucun procès et u’ils sont à peu près toujours portés par la voie ’appel au bailliage, qui , si la cause y eût d’abord été instruite aurait évité aux parties des frais faits en pure perte et des longueurs toujours inutiles. Art. 5. Une augmentation de portion congrue. Le clergé du pays de Gex, pénétré de reconnaissance envers Sa Majesté qui, en 1786, a porté la portion congrue des curés à la somme de 700 livres et celle des vicaires à la somme de 350 livres, profite avec confiance de l’accès qu’elle lui donne auprès du trône pour lui représenter que ces sommes sont insuffisantes pour l’entretien honnête des ministres des autels et pour en solliciter l’augmentation ; il fonde sa demande sur les raisons suivantes: 1® Les fabriques ordonnées par les édits et supposées établies par tous les règlements n’existent dans aucune paroisse du pays de Gex ; tous les objets incontestablement à la charge des fabriques retombent sur les curés, qui s’en trouvent surchargés. En second lieu, le casuel qui fait dans toutes les autres provinces une portion du revenu des 390 [États gên. 1780. Cahiers.] ARCHIVES pasteurs secondaires, n’est pas connu dans cette province; le voisinage de Genève a constamment rendu les curés délicats à cet égard, iis ont préféré et ils préfèrent encore à cet égard une vie moins qu’aisée au blâme d’une existence avide et intéressée que Sauraient pas manqué de jeter sur eux les peu pies voisins; la crainte d'énerver et de compromettre par le plus léger endroit la grau* deur de leur ministère leur a strictement interdit la ressource du casuel que les lois leur permetten t et qui leur serait absolumént nécessaire. Le pays de Gex enfin n’ayant de richesse que celle dé son commerce avec Genève, le numéraire ne circulant dans cette province qu’à raison des denrées qu’elle rapporté et qui se consomment dans cette ville, il en résulte que les curés à portion congrue sont les seuls à qui ce débouché de* vient inutile et nuisible, n’àyarit en effet aucunes denrées à vendre et se trouvant dans le cas d’acheter tous les objets de première nécessité ; ces objets sont, pour les curés, à un prix que rien ne compense; la proportion qu’avait voulu mettre le souverain entre leur portion congrue et les choses absolument nécessaires à la vie ne se trouve pas encore établie dans le pays de Gex. Les curés pourraient ajouter ici qu’ils éprouvent presque ordinairement de la part des hauts décimateurs, lorsqu’ils manifestent les besoins de leurs sacristies et ce que demande la décence du culte, des refus, des délais, des contestations qui les forcent, pour peu de zèle qu’ils aient, à fournir de leurs deniers des objets auxquels ils ne sont as tenus ; l’on aperçoit aisément que pour fourni e toutes ces dépenses ils sont obligés de prendre sur leur honnête entretien ou d’être encore à charge à leurs familles, souvent épuisées par les frais de leur éducation. Art. 6. Une nouvelle loi concernant les cabarets. Tous les efforts du gouvernement devant ten* dré à porter la pqpulation au plus haut degré possible comme étant la principale source de la puissance, tout citoyen doit lui dénoncer les dé* sordres qui s’y opposant et lui indiquer les moyens qu’il croit les plus propres pour le prévenir. Il en est un dont le clergé' gémit parce qu’il en est journellement je témoin et contre lequel il doit élever la voix pvec d’autant plus d» force qu’il a des suites aussi funestes dans l’ordre religieux que dans l’ordre politique : c’est la multiplication des cabarets et des tavernes qui, dans tous les yillages, est portée aujourd’hui à un point effrayant ; ces pofnpes aspirant continuellement le produit dés journées du manœuvre et la petite fortuné des propriétaires; réduisent bientôt l’un et l’autre à l’indigence la plus extrême, delà les mariages mqins communs dans les campagnes et les enfants qui en naissenfmknquant des premiers secppïs, loin de préparer à l’Ëtat une ressource, ne semblent exister que pour augmenter ses charges.' : : ■ r / ' ■ - L’on peut ajouter que les enfants de famille et les domestique� qui sont reçus indistinctement dans ces cabarets ehejrchent souvent dans des vols un mqyen dp satisfaire à de? dépenses qui vont bien au delà de leurs ressources. Les règlements qui existent sur eet objet et qui sont dictés par la Sagesse deviennent dans l'exécution d’une difficulté qui les rend nuis’ Il i�’est personpe de ceüx qui sont chargés de les faire observer qui n’atteste cette vérité. Le seul moyen d'éviter ces désordres serait d’en éloigner les occasions. Il est des villages oii les cabarets devraient être défendus et d’autres dans lesquels le nombre devrait en être limité. Ainsi i PARLEMENTAIRES. (Pays de Ç�.J dans tous ceux qui ne sont pas éloignés de plus d’une demie-lieue des villes, dans ceux qm ne sont pas sur un passage, il faudrait en interdire l’établissement, parce qu’ils ne peuvent avoir d’autres effets que de donner aux habitants, aux fils de famille et aux domestiques un moyen de débauche. - ’ Dans les villages situés sur les routes, le nombre devrait en être fixé ; il serait proportionné à la grandeur du passage et au nombre des étran* gers ; ces établissements ainsi restreints seraient facilement surveillés, L’on parviendra même à retrancher tout ce qu’ils ont de vicieux en ordonnant que pul rie pourra établir une auberge saos en avoir obtenu le droit d’un conseil de paroisse, qui pourrait lë révoquer dès que des abus connus l’exigeraient. Ce règlement serait la source des plus précieux avantages; bientôt l’on verrait la misère diminuer, la population s’accroître, l’agriculture fleurir, bientôt l’on verrait les principes religieux, la probité, les mœurs et la vertu renaître dans les capi* pagnes ; touché de ce tableau, le clergé qui, par état, doit être le bienfaiteur des peuples, euppjiq le Roi d’accorder ce règlement et d’enjoindre do nouveau que les ordonnances d’Orléans et de BJpis ainsi que les arrêts de règlement du parlement de Dijon sur cet objet soient remis en vigueur e| exécutés aveG soin. Art. 7. Que les ordonnances concernant la sanctification des fêtes et dimanches et celles qui regardent la vente de la viande dans les temps prohibés soient renouvelées. Dans des cahiers destinés à contenir ses doléances, le clergé pourrait-il ne Ras dénoncer au gouvernement des abus qui l’affligent d’autant plus qu’ils intéressent essentiellement la religion et qu’ils s’opposent atout le bien de leur ministère? Les fêtes et dimanches, ces jours destinés, dès l’origine de la religion, à rendre à Dieu le culte qui lui est dû, n’existent plus pour ce grand objet ; ce sont des jours de trafic et de travail, des jours de désordre et de libertinage: dans ces jours, les routes couvertes de voitures, les boutiques ousev-tes, les artisans occupés, annoncent que les mur vres serviles ne sont plus regardées pomme des transgressions punissables ; les cris de la débauche qui se font entendre au loin ces jours-là, ce prouvent que trop que les cabarets, établissements destinés au soulagement des étrangers, sont devenus une source de désordre pour les habitants ; nulles heures, pas même celles qui sont consacrées aux offices divins, ne sont respectées ; notre douleur est au comble. Situés sur la frontière de deux États différents dont la religion et le culte sont plus différents, encore, nous y voyons l’ordre rpr gner, la police faire respecter les jours reljgieux, et ceux d’entre eux qui veulent les transgresser obligés de se jeter dans les paroisses voisines pour en trouver la facilité. Quel contraste i Lp Roi Très-Chrétien voudra*tril le croire ? Nous nous jetons donc à ses pieds pour lui demander de prendre dans sa sagesse des moyeps pour que la religion revoie ces temps heureux où les dimanches et les fêtes étaient uniquement les jours du Seigneur. Un autre objet anime encore notre zèle. Il est dans la religion des jours d’abstinence, une loi de l’Etat vient sur ce point à l’appui de la loi de l’Église; mais l’une et l’autre sont également méprisées. L’on voit dans des établissements publics lu viande se vendre publiquement sans distinction de temps, les auberges donnent aussi indistinctement des mets gras aux jours qu’ils sont prqhi- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Pays de Gex.] 391 bés ; les peuples s’en scandalisent encore, mais ils sont bientôt entraînés, parce que l’attachement à ce devoir est devenu un ridicule. Le clergé demande donc avec la plus viye instance que les lois établies sur des poinfs si importants soient renouvelée� et qu’injonction soit faite de plus fort aux ministres qui en sont chargés de les faire observer avep plus d’exactitude à l’avenir. Art. 8. Qqe les curés sofenj; autorisés à exiger les legs qui se font en fqveur des pauvres et qu’ils sofent toujours appelés à la distribution des fonds destinés à les secourir. Les curés, comme pères des pauvres, doivent veiller avec zèle à leurs intérêts ; c’est le devoir le plus cher à leur cœur, parce qu’il intéresse les lus malheureux de ceux qui leur sont confiés. lusieurs testaments leur assurent quelques secours, mais rarement ces secours parviennent à leur destination : ou ils ne sont pas distribués, ou ils le sont mal parles héritiers. Le clergé demande donc d’être déclaré le dépositaire nécessaire de ces legs pour les répandre d’une manière plus utile; il demande encore d’être toujours chargé, ou seul ou avec les administrateurs de la distribution, de tous les fonds destinés dans leur paroisse au même objet. Qui mieux que le cierge connaît les malheureux, qui mieux que lui s’empressera de leur distribuer avec justice et sans partialité des secours qu’il gémit tous le jours de ne pouvoir pas accroître autant que leS besoins l’exigeraient? Le Roi est donc supplié très-humblement d’accorder une loi conforme à ce vœu. Art. 9. D’ordonner dans toutes les paroisses l'établissement de petites écoles ainsi que des fabriques. Le clergé, affligé de voir l’ignorance des peuples des campagnes qui lui sont confiés et les soins qu’il leur donne n’ayoir pas tops les succès qu’il désirerait, en a depuis longtemps recherché la cause et demandé les moyens de la faire disparaître. C’est à ses sollicitations que l’on a accordé l’établissement de petites écoles dans différents villages. Cet établissement surtout nécessaire dans ce pays, où nos paroisses, voisines de Genève, ont besoin de plus de connaissances, ne s’y rencontre cependant presque nulle part. C’est pour l’obtenir conformément à la déclaration du Roi du mois de mai 1724, que le clergé renouvelle aujourd’hui ses instances. Les fabriques établies presque partout pour fournir dans toutes les églises paroissiales les ornements et les autres articles nécessaires pour la décence et la majesté du culte, n’existent pas non plus dans aucune paroisse du. pays de Gex ; il n’en est cependant pas où elles fussent plus essentielles. Situé sur la frontière de la Suisse et de Genève, Etats protestants, il est indispensable que l’extérieur du culte y soit plus imposant que dans bien d’autres endroits. D’ailleurs plusieurs amendes étant prononcées en faveur deees établissements et n’étant jamais exigées, les abus qu’elles devraient réprimer se multiplient. Enfin les fabriques devant être cjiargées des réparations des églises, les paroisses à la charge desquelles elles retombent s’en trouvent surchargées par les formalités qu’elles sont obligées de remplir avant de les faires exécuter. Le clergé demande donc Inexécution des ordonnances rendues à ce sujet, et qu’il soit au moins spécialement ordonné que dans toutes les paroisses l’on fournisse au moins un clerc aux frais de qui il appartiendra. Art. 10. Que la noblesse genevoise ne soit admise dans les assemblées du pays que par députés et jaïqais en corps. Le clergé ayant été témoin de la division qui a agité le corps de la noblesse dans l’assembléè des trois ordres et qui a été occasionnée par la permission accordée à la noblesse genevoise d’y paraître, craignant la trop grande influence que son nombre, qui s’accroît chaque jour et qui surpassera bientôt celui de la noblesse française, pourrait lui donner, demande qu’elle ne puisse paraître à l’avenir dans aucune assemblée de noblesse, en supposant que son droit soit reconnu à cet égard, que par des députés qui ne puissent jamais surpasser en nombre égal le quart des gentilshommes français qui y assisteront ; par là leurs intérêts seront ménagés sans que l’ordre public puisse sous aucun rapport en être compromis. Le clergé du pays de Gex, dans l’impossibilité d’exposer tous les maux généraux et particuliers qu’il apperçoit, borne ici ses doléances. Mais, Sire, il est trop plein de confiance dans la sagesse des vues de Votre Majesté pour ne pas espérer qu’elle en fera bientôt tarir la source. Elle maintiendra dans ses Etats la religion qui chancelle, en portant dans le choix des premiers pasteurs une attention qui assurera toujours la préférence à la vertu, en rétablissant les conciles nationaux et provinciaux, en proscrivant toute innovation dangereuse, en soutenant par son autorité les lois de l’Eglise, en refusant constamment la liberté de la presse dans ce qui regarde la religion et les mœurs et en ne permettant jamaisl’exercice public d’une autre religion que celle qu’elle se fait gloire de professer. Elle soulagera ses peuples que le poids des impôts accable, par l’ordre et l’économie dans ses finances, par une forme nouvelle dans la perception, qui la rendra plus simple et moins coûteuse, par lq suppression' de tant de places à charge a l’Etat, et surtout par le soin qu’elle prendra de ne placer à la tête de cette partie de l’administration que des hommes dont la probité austère égalera les talents et qui regarderont comme leurpremier devoir d’être comptables de leur gestion à la nation assemblée. Elle rappellera l’administration de la justice à sa première institution en réformant comme elle l’a résolu le Gode civil et criminel, en abolissant une foule de formalités dans là procédure, aussi ruineuses qu’inutiles, en supprimant tous les tribunaux d’exception, en admettant dans la formation des cours souveraines des membres tirés de tous les ordres, et en confiant aux juges naturels seuls le pouvoir de connaître des délits et de prononcer seuls sur la punition des coupables. Tels sont, Sire, les vœux, les très-humbles demandes et doléances du clergé du bailliage de Gex, qui ont été rédigés par nous, François-Denis Basson, curé de Perron et archiprêtre ; Pierre Hugonet, curé de Fernexet archiprêtre; et Louis-Marie Martin, curé d’Ornex et promoteur du diocèse de Genève en là partie de France, nommés commissaires à la pluralité des voix dans la séance de l’après-midi du 17 mars 1789 et dont la lecture ayant été faite dans celle du 18 au matin, ont été approuvés par tous les membres. Ledit cahier déclaré ensuite clos et arrêté, lesdits commissaires l’ont signé avec nous, Pierre-Marin Raup de Taricourt official de Genève en la partie de France et président de l’assemblée. Signé lesdits jour et an, Basson, curé de Perron ; Iiugonet, curé de Fernex; Martin, curé d’Ornex ; de Taricourt, président. 392 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES Par extraitdes registres de l’assemblée duclergé . du 16 mars 1789 et collationné sur l’original par nous, secrétaire de ladite assemblée, le 19 mars 1789. Signé Romain Quiet, curé de Prégny. CAHIER GÉNÉRAL Des doléances , plaintes , remontrances et demandes de la noblesse du pays de Gex (1). AU ROI. Sire, la noblesse du pays de Gex, convoquée en assemblée par vos ordres, ainsi que le clergé et tiers-état de ce bailliage, pour nommer un député de son ordre chargé de présenter à Votre Majesté et à nosseigneurs les Etats généraux de France ses demandes, plaintes, doléances et remontrances sur les abus de l’administration locale et générale qui minent la prospérité de cette province et de la monarchie française, demande respectueusement à Votre Majesté : Art. 1er. Que l’ancienne administration municipale de cette province, confirmée par le traité d’échange qui ï’a réunie en 1601 avec ses franchises à la monarchie, et à la liberté de laquelle il a été porté différentes atteintes par les commissaires départis et par leurs subdélégués, soit rétablie. Qu’en conséquence les Etats provinciaux soient convoqués régulièrement et assemblés périodiquement tous les trois ans en la ville de Gex ou à Fernex, lieu centrai, en présence de votre grand bailli ou de son lieutenant, sur la demande des syndics généraux suivie de l’approbation de Votre Majesté, pour entre eux ou séparément d’ordre à ordre délibérer sur les intérêts et élire librement leurs représentants au nombre de douze, savoir : deux du clergé, quatre de la noblesse et six du tiers-état, chargés, sous le titre de commission intermédiaire, de toute répartition des impositions royales et locales qui pourront être librement accordées ou conservées par nosseigneurs les Etats généraux de France, et successivement des recettes, payements, dépenses et manutention, à charge par ladite commission de rendre compte aux assemblées générales et triennales par des états au vrai signés et justifiés par délibérations et quittances valables, à cause desdites délibérations. Qu’il plaise à Votre Majesté ordonner que les discussions qui pourraient naître sur le résultat de la comptabilité triennale soient jugées sommairement et sans frais à vue des pièces mises sur le bureau par la chambre des comptes ou le parlement de la province. Art. 2. Demande qu’en considération du sacrifice fait par son ordre des exemptions pécuniaires qui lui appartiennent et dont elle jouit, consenti librement pour subvenir dans sa quote-part et contingent aux dettes du gouvernement, la noblesse française ne soit plus sujette à encourir les peines de la dérogeance. Art. 3. Demande que toutes les gratifications annuelles quelconques ci-devant accordées pour l’administration de la province soient supprimées à jamais comme abusives, et qu’il ne puisse être accordé dorénavant que des récompenses une fois payées pour exciter l’émulation mécanique des gens utiles au service de la province et sans que lesdits dons ou récompenses puissent être accordés que par les assemblées générales et d’après le (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. PARLEMENTAIRES. fPay« de Gex.] compte rendu par la commission intermédiaire. Art. 4. Demande que l’impôt désastreux de la gabelle, abusif en cette province en ce qu’il a été remplacé par la libre concession des tailles en 1564, soit anéanti comme destructeur de l’agriculture et de la population, et qu’en attendant cette salutaire opération, l’abonnement actuel contracté entre le Roi et l’administration du pays soit maintenu suivant sa forme et teneur. Qu’en exécution de la liberté indéfinie stipulée dans l’arrêt du conseil du 22 décembre 1775, qui sanctionne l'abonnement, il soit loisible à chaque communauté du bailliage de Gex d’avoir chez elle pour sa commodité un ou plusieurs débitants de sel autorisé, par délibération desdites communautés, avec liberté néanmoins à chaque consommateur de s’approvisionner où bon lui semblera ; qu’il soit également loisible aux Etats provinciaux et à la commission intermédiaire, d’extraire des salines de France quelconques les approvisionnements généraux de la province, s’il y échet, sans être tenus à aucun droit autre que le prix convenu de l’abonnement. Art. 5. Demande que les comptes de finances et gestion de l’administration de ce pays, qui depuis nombre d’années n’ont été rendus aux assemblées générales des trois ordres, le soient à la prochaine assemblée, et que la cause de cet abus occasionné par la cumulation des pouvoirs incompatibles et même des comptabilités dans une même personne, soit réformée à jamais par la liberté dans les élections et par l’obligation de ne pouvoir réunir deux charges ou commissions sur la même tête, afin de ne pas privtr l’administration de ses contradicteurs légitimes. Art. 6. Demande que vu la stérilité du pays de Gex, qui ne produit pas la sixième partie du blé nécessaire à sa consommation, chaque particulier domicilié puisse, moyennant un certificat délivré par les syndics et le curé de son domicile qui constate ses besoins, extraire de France les grains qui lui seront nécessaires, sans avoir besoin d’autorisation des subdélégués du commissaire départi, et que dans le cas où le bien public exigerait en France une défense d’exportation , il en soit accordé sur la demande des syndics généraux la quantité nécessaire aux besoins des consommateurs du pays de Gex. Art. 7. Demande que le franc-alleu naturel au pays de Gex, reconnu et confirmé par arrêt du conseil de juillet 1693, enregistré au parlement de Bourgogne, soit maintenu et dorénavant à l’ abri des inquisitions des agents du fisc qui cherchent à soumettre le pays au droit de franc-fief incompatible avec le franc-alleu naturel, sans préjudice néanmoins des rentes foncières créées par les seigneurs ou autres sous le nom d’abergeage et des conditions stipulées et convenues entre les parties par les concessions libres de ce genre indépendantes du domaine et de la mouvance du Roi. Art. 8. Expose que les seigneuries n’étant dans ce pays que des fiefs d’honneur et de nobles magistratures sans autres concessions des souverains que l’exercice de la justice inféodée et des émoluments qui en résultent, elles ne sauraient être assujetties gratuitement et arbitrairement aux conditions dures et abusives auxquelles a paru les soumettre l’édit de 1771 qui condamne les seigneurs aux frais de justice criminelle en cas de prévention de la part des gens de Votre Majesté; les exécutoires décernés dans ce cas contre les domaines patrimoniaux des seigneurs ne sont qu’indues vexations, parce que d’une part les ruraux des seigneurs indépendants de la seigneurie