[Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f /Sombre 1793 - 77 La pétition est renvoyée au comité de Salut publie pour en faire un rapport. Voici le décret : (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus, page 49 d'après le procès-verbal. ) II. Compte rendu du Mercure universel (1). La Convention admet à sa barre les citoyens et citoyennes de lâ section des Tuileries. L'orateur. Législateurs, c’est avec douleur que nous avons entendu la lecture d’une lettre du citoyen Laplanche, représentant à l’armée de l’Ouest. Il nous annonce la trahison de nos enfants. Nous sommes affligés; mais nous avons du courage. Ils avaient été envoyés à la défense de la patrie, et ces monstres ont osé chanter : O Richard ! ô mon roi ! Montagne ! qu’un feu vengeur sorte de ton sein pour dévorer ces rebelles ! Que le plomb destiné aux Autrichiens soit tourné contre ces coupables ! Que cet exemple épouvante les traîtres. La section des Tuileries a arrêté qu’elle vous demanderait la punition de ses enfants, si nous pouvons encore les nommer ainsi. Nous sommes prêts à réparer l’outrage qu’ils ont fait à la patrie; nous irons, oui nous irons tous remplacer ces coupables. (Vifs applaudissements.) Nous demandons aussi d’être nous-mêmes porteurs des mesures de rigueur que vous prendrez contre eux, d’être témoins de l’exécution de ces lâches. (Applau¬ dissements.) Le Président. Vertueux républicains, entre la tendresse et l’amour de la patrie, vous ne choisissez pas. Nouveaux Brutus, vous appelez sur vos enfants coupables la rigueur des lois. La Convention est juste; elle prendra votre demande en considération. En. attendant qu’elle prononce, elle vous invite d’assister à sa séance. Merlin (de Thionville). Un Romain fonda la République en faisant couler le sang d’un tyran; aujourd’hui plus de six cents Brutus deman¬ dent vengeance contre leurs enfants coupables. Tremblez, tyrans, puisque dans cette enceinte vous voyez six cents Brutus. Un bataillon des Tuileries, d’hommes accoutumés à dévorer les peines, la sueur du peuple, était envoyé pour combattre les rebelles de la Vendée. Qui l’aurait cru? C’était engager des brigands contre des brigands. Il y avait sans doute de bons citoyens parmi eux; mais l’innocence triomphera et les coupables seront punis. Je demande que la Convention nomme deux députés pour se trans¬ porter à Cherbourg et y prendre des renseigne¬ ments sur ces infâmes. Léonard Bourdon. J’étais hier à la séance de la section des Tuileries. A la lecture de la lettre de Laplanohe, plus de 4;000 voix s’éle¬ vaient pour que ces lâches fussent fusillés jus¬ qu’au dernier. Je demande que l’arrêté de la (1) Mercure universel [5 frimaire an II (lundi 25 novembre 17931 p. 76, col. 1]. section des Tuileries soit consigné dans le recueil, des actions héroïques. Thuriot. Il n’est personne qui ne puisse être attendri de la scène touchante qui vient de se passer sous nos yeux. L’aurions-nous cru, que des défenseurs de la patrie eussent pu se livrer au crime inouï que l’on vient de nous dénoncer t’ Mais pensons encore qu’il n’y a eu qu’une partie-de ces hommes qui se soient rendus coupables,. que les autres n’ont été qu’abusés, et gardons-nous de prononcer avant que nous ayons été-parfaitement éclairés sur les détails. C’est au comité de Salut public à prendre les renseigne¬ ments nécessaires. Félicitons-nous en voyant ces dignes citoyens,. ces pères de famille, qui, le cœur déchiré, vien¬ nent nous dire : « Nos enfants nous sont bien chers, mais ils sont coupables; nous venons vous les dénoncer et les livrer à la loi. » Qui,. comme moi, ne serait pas touché de ce trait héroïque ; qui, comme moi, ne verserait des-larmes, en voyant ces dignes citoyens préférer la patrie au sentiment sacré de la nature? Je demande que la Convention décrète que la sec¬ tion des Tuileries a bien mérité de la patrie.. ( Applaudissements. ) L’Assemblée décrète cette proposition; elle décrète en outre que l’arrêté de la section des Tuileries sera inséré au Bulletin; l’acte de civisme de ces citoyens sera placé dans le recueil; des traits de vertu et d’héroïsme, et envoyé aux armées et aux Sociétés populaires. La dé¬ nonciation est renvoyée au comité de Salut public. III. Compte rendu de V Auditeur national (lp Les citoyens et citoyennes de la section des-Tuileries se sont présentés en masse à la Con¬ vention. Leur contenance exprimait à la fois-la douceur de la nature et l’indignation répu-, blicaine. « Représentants, a dit l’orateur, nous sommes trahis...... » (Suit un résumé de l'adresse que-nous avons insérée ci-dessus au cours de la séance p. 49. j « Jugez, républicains, du sentiment que cet héroïque dévouement a excité dans l’âme des législateurs d’un peuple libre et celle de tous les auditeurs. Le silence de l’admiration d’abord,. et ensuite les plus vifs applaudissements ont exprimé tout ce qu’un pareil trait devait natu¬ rellement inspirer. « Un Romain fonda une République, s’est écrié Merlin, en faisant couler le sang de ses fils; aujourd’hui, plus de 600 républicains fran¬ çais demandent vengeance contre leurs enfants-coupables envers la patrie. Tremblez donc, tyrans du monde. Il y a dans cette enceinte plus de 600 Brutus armés contre vous. » Léonard Bourdon. La magnanimité des ci¬ toyens de la section des Tuileries ne peut être bien connue que par ce qui s’est passé à son. (I) Auditeur national [n° 429 du 5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 5]. _ 78 [Convention nationale.] ARCHU ES PARLEMENTAIRES, i 4 frimaire an W 1 1 (81 novembre 1793 assemblée générale, lorsqu’elle fut informée de la trahison qu’elle vient de vous dénoncer. J’ai eu le bonheur d’assister à cette assemblée. A peine y eut-on entendu la lecture de la lettre du représentant Laplanche, que plus de 4,000 voix firent entendre ce cri : « Qu’on les fusille ! » L’opinant a demandé que cet acte sublime fût placé à côté de celui de Brutus que nous a transcrit l’histoire romaine. Thuriot a observé qu’il ne fallait pas être étonné de la trahison du bataillon, puisqu’il ren¬ fermait des nobles, marquis, comtes, barons, ecclésiastiques, etc. « Ce sont eux, a-t-il ajouté, qui ont levé l’ étendard de la rébellion, et j’aime à croire que le crime n’est pas général. J’en juge par le civisme et les larmes de ces pères de famille qui, plus grands que les Brutus et les Sccevolas, viennent appeler la vengeance de la loi sur la tête de leurs enfants. Je demande que les citoyens qui font une démarche aussi sublime soient déclarés avoir bien mérité de la patrie. » La Convention a décrété cette motion pour toute la section des Tuileries, dont la con¬ duite sera aussi inscrite au recueil des actions héroïques, et de plus l’insertion en entier au Bulletin de son discours et de son arrêté, qui seront imprimés et envoyés aux départements, aux armées et aux Sociétés populaires. C’est au milieu des plus vifs applaudissements que ce décret a été rendu. IV. Compte rendu du Journal de Berlet (1). La section des Tuileries, informée par une lettre de Laplanche, représentant du peuple à Cherbourg, que le 11e bataillon de Paris, composé des jeunes gens de la réquisition de son arrondissement, s’est insurgé à Coutances, et a osé chanter : O Richard! ô mon roi! etc... se présente en masse à la barre pour demander que les traîtres soient fusillés. « S’il le faut, dit l’orateur, nous irons nous-mêmes remplacer ces enfants coupables et réparer ce grand attentat. Nous demandons _à porter à Cherbourg le décret que vous rendrez. » Le Président. Il est douloureux sans doute pour des pères et des mères d’accuser leurs propres enfants; il est encore plus douloureux pour des républicains d’avoir à dénoncer de nouveaux traîtres. Vous demandiez vengeance, vous l’obtiendrez. Merlin (de Thionville). Un Romain fonda la République en faisant couler le sang de ses deux fils. Plus de 600 républicains français demandent la mort de leurs fils traîtres à la cause de la liberté. Tremblez, tyrans du monde, puisque vous voyez ici 600 Brutus. (Vifs applau¬ dissements. ) Je demande que deux représentants du peuple (1) Journal de Perlel [n° 429 du 5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 444]. soient adjoints à Laplanche pour s’enquérir des coupables, des faire punir et absoudre les innocents. La pétition est renvoyée au comité de Salut public. La Convention nationale décrète que la sec¬ tion des Tuileries a bien mérité de la patrie, ordonne que son arrêté sera inséré au Bulletin, affiché dans toutes les sections de la Répu¬ blique et rapporté dans les annales qui doivent transmettre à la postérité les traits d’héroïsme des défenseurs de la liberté. Ce décret sera envoyé aux armées et à toutes les Sociétés popu¬ laires. V. Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires (1). La République française est à son berceau; mais déjà elle peut compter dans ses annales des faits aussi héroïques, aussi grands, que ceux qui ont jeté un si brillant éclat sur les répu¬ bliques anciennes. La section des Tuileries s’est présentée tout entière à la Convention. Une douleur profonde était peinte sur la physionomie des pères et des mères qui défilaient dans le sanctuaire des lois. L'orateur, dans un discours énergique, a té¬ moigné l’indignation qui s’était emparée de la section en apprenant la conduite de quelques jeunes gens de cette section qui, presque en face de l’ennemi, ont eu la lâcheté de . répéter ce chant impie : O Richard! ô mon roi ! L'orateur, au nom des pères, des mères de ces enfants ingrats a demandé que la hache nationale frappât les coupables. Un mouvement d’admiration a saisi les légis¬ lateurs à la vue de ces Brutus nouveaux. Merlin a proposé de consigner dans le jour¬ nal des belles actions ce dévouement sublime et l’insertion de la pétition au Bulletin. Thuriot a demandé qu’il fût décrété que les citoyens signataires de cet honorable arrêté avaient bien mérité de la patrie et que le comité de Salut public fût chargé d’examiner tous les détails de cette affaire, afin de distinguer les innocents d’avec les lâches. Un membre propose do décréter que la section des Tuileries tout entière a bien mérité de la patrie. Cette dernière proposition est adoptée. La Convention décrète aussi que l’arrêté et la pétition seront insérés au Bulletin et envoyés aux armées. L’Assemblée renvoie au comité de Salut public le fond de cette affaire. (1) Annales patriotiques et littéraires [n° 328 du 5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 1519, col. 1],