SÉANCE DU 13 PRAIRIAL AN II (1er JUIN 1794) - N° 76 207 D’après ces réflexions, voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer (1) : t Adopté ] Au nom du comité des secours publics, un membre [COLLOMBEL] propose d’accorder une somme de 790 liv, à titre de secours, aux citoyens François d’Angoulême et Jean Vaillant. Sur son rapport, la Convention nationale rend le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition des citoyens François Dangoulême, marchand dans la commune d’Agnets; et Jean-Louis Vaillant, charron dans la commune de Bulle, décrète : « Art. I. - La trésorerie nationale mettra à la disposition du district de Clermont-Oise la somme de 790 liv., pour être remise par portion égale, à titre de secours, aux citoyens François Dangoulême et Jean Vaillant, à raison des pertes qu’ils ont éprouvées. « II. - Le présent décret ne sera point imprimé » (2) . 76 COLLOT d’HERBOIS, au nom du comité de salut public : Citoyens, au nom de vos comités de salut public, des secours et de liquidation réunis, je vais satisfaire cette active et prévoyante sollicitude qui sans cesse porte nos regards vers les défenseurs de la patrie. Chaque jour, depuis longtemps, vous dispensez à ces héros tout ce que la gloire peut réserver de cher et de précieux à de vrais républicains. La victoire, qui plane sans cesse sur leurs bataillons, a peine à les suivre dans leur marche rapide; sur les bords de la Moselle, de la Lys, de la Sambre, dans les plaines du Nord, sur la cime des Alpes, au sommet des Pyrénées, elle vient de grouper de nouveaux lauriers, des palmes nouvelles avec leurs anciens trophées, autour de leurs étendards, signes étemels et sacrés de la liberté française. Sur les mers impatientes de servir la liberté qu’elles réclament, des prises nombreuses, des combats toujours favorables, l’ardeur patriotique de nos braves marins, présagent une gloire solide et continuelle au nouveau pavillon qui vient d’être arboré sur les vaisseaux de la république. Vos comités vont fixer votre attention sur des tableaux non moins intéressans, sur les vertueuses familles de ces intrépides défenseurs de la patrie. Il y a sous leurs toits domestiques d’énergiques enfans qui déjà ont pris Barra pour leur modèle; il y a des orphelins qui, dans la faiblesse de l’âge, ont déjà la force du cœur, et qui plus d’une fois ont levé vers le ciel leurs jeunes mains tremblantes d’indignation, en jurant de venger leurs frères, les enfans inhumainement massacrés par les tyrans; il y a des mères généreuses, des épouses dévouées, (1) Mon., XX, 627. (2) P.V., XXXVIII, 260. Minute de la main de Collombel. Décret n° 9365. Reproduit dans Bln, 13 prair. (2e suppl‘); Débats, n° 520, p. 193; Mention dans J. Lois, n° 612; J. Mont., n° 37; J. Sablier, n° 1355; J. Fr., n° 616; F18 2654. des veuves glorieuses : ces républicaines ont surpassé en vertus civiques les exemples que Lacédémone put fournir autrefois à l’histoire. L’admiration des siècles futurs les attend. Contentons nos âmes avides, en remplissant, à ce nouveau trimestre, le devoir le plus doux de tous ceux que la patrie nous impose, celui de chercher et rechercher les plus sûrs moyens de les secourir et de pourvoir à leurs besoins. Déjà la loi du 21 pluviôse dernier a fait ouvrir de nouvelles sources pour de fécondes distributions : les effets en ont été abondans; mais il y a encore beaucoup à désirer. L’exécution de la loi a été généralement passive et lente; l’intention n’en a pas été bien sentie; plusieurs administrations et fonctionnaires se sont amusés à disputer sur les mots; les distributeurs ont souvent donné des paroles et des raisonnemens, au lieu de payer ainsi que l’ordonnait la loi. Autant votre volonté fut efficiente, autant l’exécution a été péniblement instrumentée. Il n’est que trop vrai, citoyens, que nous sommes encore dans cette position où il est difficile d’accélérer les salutaires effets des lois populaires. Il faut rendre justice, néanmoins, aux fonctionnaires qui ont partagé vos sentimens; ils sont dignes, ces fonctionnaires-là ! leurs cœurs étaient d’intelligence avec les vôtres. Par-tout où ils se sont rencontrés, la loi a été exécutée comme elle devoit l’être; dans plusieurs endroits, le terme fixé pour son accomplissement a même été devancé : c’est ce qui prouve évidemment que là où il y a eu des délais, il y a eu malveillance. Et sans doute il entrait bien dans le plan des conspirations de l’étranger de retarder tout le bien que vous voulez faire. Nous avons remarqué que, par une sorte de combinaison subite, le paiement des secours a cessé en beaucoup d’endroits, au même instant où la famine, les trahisons, les assassinats ont été mis à l’enchère par nos infâmes ennemis. Il serait difficile d’énumérer toutes les mauvaises objections qui assaillirent alors le comité de salut public pour dénaturer le vœu de la loi. L’hypocrisie et la mauvaise foi en surchargeaient les couriers. Tontôt on arrêtait les paiements réglés par les lois antérieures, comme si la générosité nationale qui distribue, pouvait jamais reprendre ce qu’elle donne légalement. On faisait mille questions en quelque sorte insultantes au caractère et à l’esprit de la nouvelle loi. On demandoit si les enfans devenus infirmes, au-dessus de l’âge de douze ans, dévoient être secourus; si des citoyennes, à-la-fois mères et veuves, ou veuves et épouses, avaient droit au traitement cumulatif; enfin on nous a demandé une fois quel étoit le maximum du nombre des enfans à secourir dans une famille : comme si ce maximum pouvait être jamais fixé aussi haut que nous le désirons; comme si la République pouvait jamais avoir trop de citoyens. Vos âmes de feu avaient prononcé la loi, et c’est avec une froideur glaciale qu’elle a souvent été effectuée. Les commissaires de district, agens bien nécessaires, n’ont pas en général mis dans leurs opérations la rapide activité que nous devions en attendre; les receveurs, pour l’ordinaire assez récalci-trans, ont surchargé comme à leur ordinaire, la bonne chose, de formalités surabondantes et inutiles. Trop souvent, vous le savez, la bien-SÉANCE DU 13 PRAIRIAL AN II (1er JUIN 1794) - N° 76 207 D’après ces réflexions, voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer (1) : t Adopté ] Au nom du comité des secours publics, un membre [COLLOMBEL] propose d’accorder une somme de 790 liv, à titre de secours, aux citoyens François d’Angoulême et Jean Vaillant. Sur son rapport, la Convention nationale rend le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition des citoyens François Dangoulême, marchand dans la commune d’Agnets; et Jean-Louis Vaillant, charron dans la commune de Bulle, décrète : « Art. I. - La trésorerie nationale mettra à la disposition du district de Clermont-Oise la somme de 790 liv., pour être remise par portion égale, à titre de secours, aux citoyens François Dangoulême et Jean Vaillant, à raison des pertes qu’ils ont éprouvées. « II. - Le présent décret ne sera point imprimé » (2) . 76 COLLOT d’HERBOIS, au nom du comité de salut public : Citoyens, au nom de vos comités de salut public, des secours et de liquidation réunis, je vais satisfaire cette active et prévoyante sollicitude qui sans cesse porte nos regards vers les défenseurs de la patrie. Chaque jour, depuis longtemps, vous dispensez à ces héros tout ce que la gloire peut réserver de cher et de précieux à de vrais républicains. La victoire, qui plane sans cesse sur leurs bataillons, a peine à les suivre dans leur marche rapide; sur les bords de la Moselle, de la Lys, de la Sambre, dans les plaines du Nord, sur la cime des Alpes, au sommet des Pyrénées, elle vient de grouper de nouveaux lauriers, des palmes nouvelles avec leurs anciens trophées, autour de leurs étendards, signes étemels et sacrés de la liberté française. Sur les mers impatientes de servir la liberté qu’elles réclament, des prises nombreuses, des combats toujours favorables, l’ardeur patriotique de nos braves marins, présagent une gloire solide et continuelle au nouveau pavillon qui vient d’être arboré sur les vaisseaux de la république. Vos comités vont fixer votre attention sur des tableaux non moins intéressans, sur les vertueuses familles de ces intrépides défenseurs de la patrie. Il y a sous leurs toits domestiques d’énergiques enfans qui déjà ont pris Barra pour leur modèle; il y a des orphelins qui, dans la faiblesse de l’âge, ont déjà la force du cœur, et qui plus d’une fois ont levé vers le ciel leurs jeunes mains tremblantes d’indignation, en jurant de venger leurs frères, les enfans inhumainement massacrés par les tyrans; il y a des mères généreuses, des épouses dévouées, (1) Mon., XX, 627. (2) P.V., XXXVIII, 260. Minute de la main de Collombel. Décret n° 9365. Reproduit dans Bln, 13 prair. (2e suppl‘); Débats, n° 520, p. 193; Mention dans J. Lois, n° 612; J. Mont., n° 37; J. Sablier, n° 1355; J. Fr., n° 616; F18 2654. des veuves glorieuses : ces républicaines ont surpassé en vertus civiques les exemples que Lacédémone put fournir autrefois à l’histoire. L’admiration des siècles futurs les attend. Contentons nos âmes avides, en remplissant, à ce nouveau trimestre, le devoir le plus doux de tous ceux que la patrie nous impose, celui de chercher et rechercher les plus sûrs moyens de les secourir et de pourvoir à leurs besoins. Déjà la loi du 21 pluviôse dernier a fait ouvrir de nouvelles sources pour de fécondes distributions : les effets en ont été abondans; mais il y a encore beaucoup à désirer. L’exécution de la loi a été généralement passive et lente; l’intention n’en a pas été bien sentie; plusieurs administrations et fonctionnaires se sont amusés à disputer sur les mots; les distributeurs ont souvent donné des paroles et des raisonnemens, au lieu de payer ainsi que l’ordonnait la loi. Autant votre volonté fut efficiente, autant l’exécution a été péniblement instrumentée. Il n’est que trop vrai, citoyens, que nous sommes encore dans cette position où il est difficile d’accélérer les salutaires effets des lois populaires. Il faut rendre justice, néanmoins, aux fonctionnaires qui ont partagé vos sentimens; ils sont dignes, ces fonctionnaires-là ! leurs cœurs étaient d’intelligence avec les vôtres. Par-tout où ils se sont rencontrés, la loi a été exécutée comme elle devoit l’être; dans plusieurs endroits, le terme fixé pour son accomplissement a même été devancé : c’est ce qui prouve évidemment que là où il y a eu des délais, il y a eu malveillance. Et sans doute il entrait bien dans le plan des conspirations de l’étranger de retarder tout le bien que vous voulez faire. Nous avons remarqué que, par une sorte de combinaison subite, le paiement des secours a cessé en beaucoup d’endroits, au même instant où la famine, les trahisons, les assassinats ont été mis à l’enchère par nos infâmes ennemis. Il serait difficile d’énumérer toutes les mauvaises objections qui assaillirent alors le comité de salut public pour dénaturer le vœu de la loi. L’hypocrisie et la mauvaise foi en surchargeaient les couriers. Tontôt on arrêtait les paiements réglés par les lois antérieures, comme si la générosité nationale qui distribue, pouvait jamais reprendre ce qu’elle donne légalement. On faisait mille questions en quelque sorte insultantes au caractère et à l’esprit de la nouvelle loi. On demandoit si les enfans devenus infirmes, au-dessus de l’âge de douze ans, dévoient être secourus; si des citoyennes, à-la-fois mères et veuves, ou veuves et épouses, avaient droit au traitement cumulatif; enfin on nous a demandé une fois quel étoit le maximum du nombre des enfans à secourir dans une famille : comme si ce maximum pouvait être jamais fixé aussi haut que nous le désirons; comme si la République pouvait jamais avoir trop de citoyens. Vos âmes de feu avaient prononcé la loi, et c’est avec une froideur glaciale qu’elle a souvent été effectuée. Les commissaires de district, agens bien nécessaires, n’ont pas en général mis dans leurs opérations la rapide activité que nous devions en attendre; les receveurs, pour l’ordinaire assez récalci-trans, ont surchargé comme à leur ordinaire, la bonne chose, de formalités surabondantes et inutiles. Trop souvent, vous le savez, la bien- 208 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE faisance nationale est étouffée dans le difficile passage des bureaux. Cependant vous aviez prévu, par un nouveau mode de paiement, toutes les difficultés de cette nature; mais non-seulement plusieurs autorités, qui n’étaient point appelées dans la loi, se sont mal-à-propos mises en mouvement, mais encore l’ont entravée par des décisions contraires. Ces observations ont nécessité, dans le projet de décret que je vous présenterai, une prévoyance particulière, et sans doute nous n’aurons plus de regrets à exprimer à cet égard. Ce qui sur-tout doit assurer l’exécution d’une pareille loi, c’est de bien se pénétrer des principes qui l’ont dictée, et d’en apprécier les moyens. Les principes de la bienfaisance nationale sont grands et purs, tout-à-fait différens de ceux qui dirigeaient le despotisme exécré, dans ses largesses immondes et hypocrites. Les moyens de la bienfaisance nationale sont analogues à elle -même; ils se font sentir dans toutes les lois pareilles à celles dont il s’agit; ils sont hors de l’ancienne routine : c’est la probité, la conscience et la vérité; il est impossible de poser des barrières plus sûres entre les dilapidations nuisibles à la République et la malveillance ennemie qui retarde l’exécution de vos décrets. Les bons citoyens, les vrais patriotes sentiront combien les mœurs et la vertu sont à leur aise quand la loi porte ce caractère de candeur et de confiance; et cette réflexion seule fera sans doute disparaître un des plus graves inconvénients qui aient frappé vos comités, je veux dire le peu de respect que les citoyens aisés et les riches eux-mêmes ont eu pour le patrimoine de l’indigence laborieuse, en réclamant sans pudeur une partie des secours qui lui étaient destinés; comme si l’égoïsme et la cupidité devaient être secourus par la loi; comme si de viles passions pouvaient être comptées et prendre place dans le dénombrement d’une famille républicaine. Les riches ont méconnu cette belle fonction de distributeurs que vous leur aviez offerte; et l’intrigue toujours éveillée et malfaisante, a livré plus d’une attaque à l’intègre probité des vérificateurs. Les vérificateurs ont secondé vos intentions, et vous ne vous êtes pas trompés en vous reposant sur leur vertu; seulement quelquefois ils ont été trop faciles envers les citoyens riches dont j’ai parlé. La loi cependant leur fournissoit des expressions sévères qu’ils n’ont pas assez souvent fait entendre; mais nous devons dire que, si les vérificateurs ont fait quelques objections, c’est avec pureté; ils étaient incertains de bonne foi, ils doivent être hors de toute inquiétude; les meilleures décisions sont celles qu’a prononcées leur conscience. Les mouvements multipliés des armées, la loi de l’embrigadement, la réforme de l’ancien ministère, ont retardé l’envoi des états que les bataillons devaient fournir; cependant il est urgent d’assurer le paiement du trimestre de messidor d’une manière uniforme et accélérée. La loi du 21 pluviôse nous a laissé un moyen facile : c’est de continuer ce qui a été pratiqué au paiement de germinal, et les nouvelles commissions exécutives que vous avez créées seront facilitantes à cet égard. Vos comités ont recherché tout ce qui pouvait faire le complément de ce que vous avez décrété jusqu’à présent. Vous avez déjà prévenu la proposition qu’ils devaient vous faire en faveur des citoyens remplaçants. Ils ont découvert, dans le conflit des différentes lois, une obstruction pénible et à laquelle on ne peut trop tôt remédier. Relativement aux veuves, plusieurs lois précédentes avaient consacré d’abord (et c’étoit en 1790) un principe que vous avez rejeté au nom de l’égalité, relativement aux grades de leurs époux : ce principe jetait de l’embarras dans l’application des lois nouvelles. Il a donc fallu fixer des mesures certaines et positives pour faire disparaître toute difficulté et tout inégalité, l’ancienneté de service étant seule considérée; c’est l’égalité elle-même qui a réclamé la nouvelle augmentation que nous vous proposons pour les veuves, dont le traitement n’était pas assez déterminé. Aussi lorsque le soldat de la liberté, qui tombe dans les combats, lègue sa mort glorieuse à son épouse, vous entrerez dans sa famille et, chargés de cette honorable tutelle vous assurerez d’une manière solide l’existence de la veuve honorée et de ses enfans, l’espoir de la patrie. Vos comités ont fixé la vue, avec un bien vif intérêt, sur les enfans orphelins reconnus par les défenseurs de la patrie, orphelins qu’ils faisaient vivre de leurs travaux avant leur enrôlement; la maternité nous présentait aussi des réclamations indécises; les frères, devenus chefs de famille, se trouvaient également dans une position particulière. La loi n’avait pas, à la vérité, prévu ces questions; mais tous les cœurs les avaient décidées d’avance; et celui-là qui serait embarrassé à prononcer, n’aurait point de fils ou de frères dans nos armées; il n’a point de parens dans la République; la famille de cet homme-là ne se trouve nulle part. Toutes les questions qui resteraient indécises seront à l’avenir facilement décidées; et vos comités ont convoqué à cet effet les consciences réunies des vérificateurs au chef-lieu du canton. Si vous approuvez cette mesure, il y aura tout à espérer de cet établissement qui prononcera, dans le courant d’une seule décade, sur toutes les difficultés. Ainsi, tous les secours seront payés à domicile, et le mois prochain ne s’écoulera point avant que le paiement soit complètement terminé. Votre comité de salut public s’est déjà concerté avec celui des finances sur les moyens de faire liquider les titres de pensions et indemnités, de manière à ce qu’ils soient reçus en échange de biens nationaux, et aussi pour que les défenseurs de la patrie puissent faire acheter par des fondés de pouvoirs une partie de ces biens. Alors tout ce que leur famille devra recevoir de la nation pourra se convertir facilement en un terrain fertile sur lequel le travail de ces familles respectables implantera les vertus, la fécondité et le bonheur. Ainsi, lorsque les tyrans et leurs suppôts s’agitent en convulsions au milieu de tous les crimes, la représentation nationale du peuple français mesure avec dédain, et défie tous les bourreaux du genre humain contre elle coalisés. Ainsi, la rage de nos ennemis, qui ne peut énerver notre courage est impuissante aussi pour affaiblir les doux sentiments sur lesquels vos âmes se reposent; toujours magnanimes, vous accomplissez les plus hautes destinées auxquelles aucun peuple puisse atteindre. Vous assurez 208 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE faisance nationale est étouffée dans le difficile passage des bureaux. Cependant vous aviez prévu, par un nouveau mode de paiement, toutes les difficultés de cette nature; mais non-seulement plusieurs autorités, qui n’étaient point appelées dans la loi, se sont mal-à-propos mises en mouvement, mais encore l’ont entravée par des décisions contraires. Ces observations ont nécessité, dans le projet de décret que je vous présenterai, une prévoyance particulière, et sans doute nous n’aurons plus de regrets à exprimer à cet égard. Ce qui sur-tout doit assurer l’exécution d’une pareille loi, c’est de bien se pénétrer des principes qui l’ont dictée, et d’en apprécier les moyens. Les principes de la bienfaisance nationale sont grands et purs, tout-à-fait différens de ceux qui dirigeaient le despotisme exécré, dans ses largesses immondes et hypocrites. Les moyens de la bienfaisance nationale sont analogues à elle -même; ils se font sentir dans toutes les lois pareilles à celles dont il s’agit; ils sont hors de l’ancienne routine : c’est la probité, la conscience et la vérité; il est impossible de poser des barrières plus sûres entre les dilapidations nuisibles à la République et la malveillance ennemie qui retarde l’exécution de vos décrets. Les bons citoyens, les vrais patriotes sentiront combien les mœurs et la vertu sont à leur aise quand la loi porte ce caractère de candeur et de confiance; et cette réflexion seule fera sans doute disparaître un des plus graves inconvénients qui aient frappé vos comités, je veux dire le peu de respect que les citoyens aisés et les riches eux-mêmes ont eu pour le patrimoine de l’indigence laborieuse, en réclamant sans pudeur une partie des secours qui lui étaient destinés; comme si l’égoïsme et la cupidité devaient être secourus par la loi; comme si de viles passions pouvaient être comptées et prendre place dans le dénombrement d’une famille républicaine. Les riches ont méconnu cette belle fonction de distributeurs que vous leur aviez offerte; et l’intrigue toujours éveillée et malfaisante, a livré plus d’une attaque à l’intègre probité des vérificateurs. Les vérificateurs ont secondé vos intentions, et vous ne vous êtes pas trompés en vous reposant sur leur vertu; seulement quelquefois ils ont été trop faciles envers les citoyens riches dont j’ai parlé. La loi cependant leur fournissoit des expressions sévères qu’ils n’ont pas assez souvent fait entendre; mais nous devons dire que, si les vérificateurs ont fait quelques objections, c’est avec pureté; ils étaient incertains de bonne foi, ils doivent être hors de toute inquiétude; les meilleures décisions sont celles qu’a prononcées leur conscience. Les mouvements multipliés des armées, la loi de l’embrigadement, la réforme de l’ancien ministère, ont retardé l’envoi des états que les bataillons devaient fournir; cependant il est urgent d’assurer le paiement du trimestre de messidor d’une manière uniforme et accélérée. La loi du 21 pluviôse nous a laissé un moyen facile : c’est de continuer ce qui a été pratiqué au paiement de germinal, et les nouvelles commissions exécutives que vous avez créées seront facilitantes à cet égard. Vos comités ont recherché tout ce qui pouvait faire le complément de ce que vous avez décrété jusqu’à présent. Vous avez déjà prévenu la proposition qu’ils devaient vous faire en faveur des citoyens remplaçants. Ils ont découvert, dans le conflit des différentes lois, une obstruction pénible et à laquelle on ne peut trop tôt remédier. Relativement aux veuves, plusieurs lois précédentes avaient consacré d’abord (et c’étoit en 1790) un principe que vous avez rejeté au nom de l’égalité, relativement aux grades de leurs époux : ce principe jetait de l’embarras dans l’application des lois nouvelles. Il a donc fallu fixer des mesures certaines et positives pour faire disparaître toute difficulté et tout inégalité, l’ancienneté de service étant seule considérée; c’est l’égalité elle-même qui a réclamé la nouvelle augmentation que nous vous proposons pour les veuves, dont le traitement n’était pas assez déterminé. Aussi lorsque le soldat de la liberté, qui tombe dans les combats, lègue sa mort glorieuse à son épouse, vous entrerez dans sa famille et, chargés de cette honorable tutelle vous assurerez d’une manière solide l’existence de la veuve honorée et de ses enfans, l’espoir de la patrie. Vos comités ont fixé la vue, avec un bien vif intérêt, sur les enfans orphelins reconnus par les défenseurs de la patrie, orphelins qu’ils faisaient vivre de leurs travaux avant leur enrôlement; la maternité nous présentait aussi des réclamations indécises; les frères, devenus chefs de famille, se trouvaient également dans une position particulière. La loi n’avait pas, à la vérité, prévu ces questions; mais tous les cœurs les avaient décidées d’avance; et celui-là qui serait embarrassé à prononcer, n’aurait point de fils ou de frères dans nos armées; il n’a point de parens dans la République; la famille de cet homme-là ne se trouve nulle part. Toutes les questions qui resteraient indécises seront à l’avenir facilement décidées; et vos comités ont convoqué à cet effet les consciences réunies des vérificateurs au chef-lieu du canton. Si vous approuvez cette mesure, il y aura tout à espérer de cet établissement qui prononcera, dans le courant d’une seule décade, sur toutes les difficultés. Ainsi, tous les secours seront payés à domicile, et le mois prochain ne s’écoulera point avant que le paiement soit complètement terminé. Votre comité de salut public s’est déjà concerté avec celui des finances sur les moyens de faire liquider les titres de pensions et indemnités, de manière à ce qu’ils soient reçus en échange de biens nationaux, et aussi pour que les défenseurs de la patrie puissent faire acheter par des fondés de pouvoirs une partie de ces biens. Alors tout ce que leur famille devra recevoir de la nation pourra se convertir facilement en un terrain fertile sur lequel le travail de ces familles respectables implantera les vertus, la fécondité et le bonheur. Ainsi, lorsque les tyrans et leurs suppôts s’agitent en convulsions au milieu de tous les crimes, la représentation nationale du peuple français mesure avec dédain, et défie tous les bourreaux du genre humain contre elle coalisés. Ainsi, la rage de nos ennemis, qui ne peut énerver notre courage est impuissante aussi pour affaiblir les doux sentiments sur lesquels vos âmes se reposent; toujours magnanimes, vous accomplissez les plus hautes destinées auxquelles aucun peuple puisse atteindre. Vous assurez SÉANCE DU 13 PRAIRIAL AN II (1er JUIN 1794) - N° 76 209 la prospérité publique par la morale et l’exercice des vertus. Vous êtes sous la tente avec les héros de la liberté, et vous visitez leurs chaumières. Organes de la volonté de la nation, vous jouissez les premiers de sa bienfaisance, puisque c’est pour vous un plaisir bien vif d’en être les dispensateurs, et d’avoir à en proclamer les effets. Voici le projet de décret : ( Adopté , au milieu des plus vifs applaudissements) (1). Au nom des comités de salut public, des secours et de liquidation, un membre [COLLOT d’HERBOIS] propose un projet de décret sur les secours dus aux familles des défenseurs de la patrie. Sur son rapport, la Convention nationale rend le décret suivant : « La Convention nationale voulant ne laisser aucun prétexte à retarder la distribution des secours dus aux familles des défenseurs de leur patrie, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public, des secours et de liquidation, réunis, décrète : TITRE PREMIER Des secours accordés « Art. I. - Toute citoyenne, veuve d’un citoyen mort en défendant la patrie, ou faisant un service requis et commandé au nom de la République, aura droit à une pension de 300 livres, en justifiant de ses besoins conformément à l’article 1er de la loi du 4 juin 1793 (vieux style). « II. - La pension de la veuve sera susceptible d’augmentation relativement à l’ancienneté de service du citoyen son époux; elle ne le sera point relativement au grade. « III. - L’augmentation progressive de ces pensions sera de 50 liv. par chaque année de service effectif du citoyen; la dernière année sera comptée double. « IV. - Le maximum de la pension des veuves sera de 1,500 liv. « V. - La veuve dont le mari sera mort sur le champ de bataille, ou de la suite de blessures reçues dans le combat, recevra une indemnité provisoire non sujette à être retenue. « VI. - L’indemnité provisoire pour les veuves sera d’une année de la solde des militaires morts n’ayant point grade d’officier, et d’une demi-année de ceux morts ayant grade d’officiers. Le maximum de ces indemnités sera de 3,000 liv. « VII. - Les enfans des défenseurs de la patrie recevront, jusqu’à l’âge de 12 ans, la moitié des pensions, indemnités et provisoires payés aux veuves. Les enfans infirmes, et hors d’état d’agir, en jouiront pendant toute leur vie, quelque soit l’époque de leurs infirmités. « VIII. - Les pères et mères et autres parens des défenseurs de la patrie morts dans les combats, ou en faisant un service requis et commandé, recevront en secours provisoire (1) Mon., XX, 630. Bin, 14 prair. (1er suppl*). Rapport imprimé par ordre de la Conv. Broch. in-8° (B.N. 8° Le 38 805). une année de ce qu’ils ont droit de prétendre, conformément aux articles VIII et IX du titre IV de la loi du 21 Pluviôse, sauf retenue sur le définitif. « IX. - Les soldats gravement mutilés recevront cumulativement tout ce qui leur est attribué par la loi en indemnités ou pensions, relativement à leur ancienneté de service et à leurs blessures. Il n’y aura point de maximum qui leur soit applicable. Ils recevront en provisoire le tiers de ce qu’ils ont droit de prétendre par année, sauf retenue sur ce qui leur sera attribué définitivement. « X. - Le service des défenseurs de la patrie datera toujours de l’époque où ce service effectif a commencé, et les secours pour leurs familles sont applicables à tout le temps de son activité maintenue par la loi. « X. - Les pensions des veuves, payées en exécution et relativement à la date et aux dispositions des lois précédentes, continueront à l’être sur le même pied, à moins que les veuves ne déclarent préférer le traitement qui leur est attribué par les lois postérieures; elles ne pourront opter qu’une fois. « X. - Les citoyennes qui réuniront à-la-fois les titres de mères et d’épouses, de veuves et épouses, ou tout ensemble de mères, veuves et épouses de défenseurs de la patrie, recevront cumulativement les pensions et indemnités attribuées par la loi à chacun de ces titres respectables. « XIII. - Les citoyennes devenues mères par adoption, qui ont soigné dès l’enfance leurs fils adoptifs employés à la défense de la patrie ; » Les belles-mères dont le mariage a précédé l’enrôlement du volontaire devenu leur fils; » Les enfans reconnus par les défenseurs, qui sont restés orphelins ou réunis à leur domicile en famille, ainsi que leurs mères lorsqu’elles auront rempli fidèlement les devoirs de la maternité par des soins continués avant et depuis l’enrôlement du père, jouiront de tous les bienfaits de la loi envers les enfans, mères et veuves des défenseurs de la patrie. « XIV. - Lorsque le défenseur de la patrie sera reconnu avoir eu le caractère de père de famille envers ses frères et sœurs ou parens orphelins, il leur transmettra par l’activité de son service, les mêmes droits que le père de famille vivant, et les secourant de son travail, aurait pu leur transmettre étant en état de service. TITRE II De l’éxécution de la loi relative aux secours « Art I. - Les paiemens de toutes les pensions, indemnités et provisoires se feront dans les communes et sections par les commissaires distributeurs. » Les indemnités et provisoires seront payés sur visa, approuvés par les commisaires-véri-ficateurs des communes et sections. » Tous les brevets et titres de pensions seront délivrés ultérieurement et définitivement par la commission des mouvemens des armées, visés à la commission des secours, après en avoir communiqué l’état au comité de liquidation de la Convention nationale. 14 SÉANCE DU 13 PRAIRIAL AN II (1er JUIN 1794) - N° 76 209 la prospérité publique par la morale et l’exercice des vertus. Vous êtes sous la tente avec les héros de la liberté, et vous visitez leurs chaumières. Organes de la volonté de la nation, vous jouissez les premiers de sa bienfaisance, puisque c’est pour vous un plaisir bien vif d’en être les dispensateurs, et d’avoir à en proclamer les effets. Voici le projet de décret : ( Adopté , au milieu des plus vifs applaudissements) (1). Au nom des comités de salut public, des secours et de liquidation, un membre [COLLOT d’HERBOIS] propose un projet de décret sur les secours dus aux familles des défenseurs de la patrie. Sur son rapport, la Convention nationale rend le décret suivant : « La Convention nationale voulant ne laisser aucun prétexte à retarder la distribution des secours dus aux familles des défenseurs de leur patrie, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public, des secours et de liquidation, réunis, décrète : TITRE PREMIER Des secours accordés « Art. I. - Toute citoyenne, veuve d’un citoyen mort en défendant la patrie, ou faisant un service requis et commandé au nom de la République, aura droit à une pension de 300 livres, en justifiant de ses besoins conformément à l’article 1er de la loi du 4 juin 1793 (vieux style). « II. - La pension de la veuve sera susceptible d’augmentation relativement à l’ancienneté de service du citoyen son époux; elle ne le sera point relativement au grade. « III. - L’augmentation progressive de ces pensions sera de 50 liv. par chaque année de service effectif du citoyen; la dernière année sera comptée double. « IV. - Le maximum de la pension des veuves sera de 1,500 liv. « V. - La veuve dont le mari sera mort sur le champ de bataille, ou de la suite de blessures reçues dans le combat, recevra une indemnité provisoire non sujette à être retenue. « VI. - L’indemnité provisoire pour les veuves sera d’une année de la solde des militaires morts n’ayant point grade d’officier, et d’une demi-année de ceux morts ayant grade d’officiers. Le maximum de ces indemnités sera de 3,000 liv. « VII. - Les enfans des défenseurs de la patrie recevront, jusqu’à l’âge de 12 ans, la moitié des pensions, indemnités et provisoires payés aux veuves. Les enfans infirmes, et hors d’état d’agir, en jouiront pendant toute leur vie, quelque soit l’époque de leurs infirmités. « VIII. - Les pères et mères et autres parens des défenseurs de la patrie morts dans les combats, ou en faisant un service requis et commandé, recevront en secours provisoire (1) Mon., XX, 630. Bin, 14 prair. (1er suppl*). Rapport imprimé par ordre de la Conv. Broch. in-8° (B.N. 8° Le 38 805). une année de ce qu’ils ont droit de prétendre, conformément aux articles VIII et IX du titre IV de la loi du 21 Pluviôse, sauf retenue sur le définitif. « IX. - Les soldats gravement mutilés recevront cumulativement tout ce qui leur est attribué par la loi en indemnités ou pensions, relativement à leur ancienneté de service et à leurs blessures. Il n’y aura point de maximum qui leur soit applicable. Ils recevront en provisoire le tiers de ce qu’ils ont droit de prétendre par année, sauf retenue sur ce qui leur sera attribué définitivement. « X. - Le service des défenseurs de la patrie datera toujours de l’époque où ce service effectif a commencé, et les secours pour leurs familles sont applicables à tout le temps de son activité maintenue par la loi. « X. - Les pensions des veuves, payées en exécution et relativement à la date et aux dispositions des lois précédentes, continueront à l’être sur le même pied, à moins que les veuves ne déclarent préférer le traitement qui leur est attribué par les lois postérieures; elles ne pourront opter qu’une fois. « X. - Les citoyennes qui réuniront à-la-fois les titres de mères et d’épouses, de veuves et épouses, ou tout ensemble de mères, veuves et épouses de défenseurs de la patrie, recevront cumulativement les pensions et indemnités attribuées par la loi à chacun de ces titres respectables. « XIII. - Les citoyennes devenues mères par adoption, qui ont soigné dès l’enfance leurs fils adoptifs employés à la défense de la patrie ; » Les belles-mères dont le mariage a précédé l’enrôlement du volontaire devenu leur fils; » Les enfans reconnus par les défenseurs, qui sont restés orphelins ou réunis à leur domicile en famille, ainsi que leurs mères lorsqu’elles auront rempli fidèlement les devoirs de la maternité par des soins continués avant et depuis l’enrôlement du père, jouiront de tous les bienfaits de la loi envers les enfans, mères et veuves des défenseurs de la patrie. « XIV. - Lorsque le défenseur de la patrie sera reconnu avoir eu le caractère de père de famille envers ses frères et sœurs ou parens orphelins, il leur transmettra par l’activité de son service, les mêmes droits que le père de famille vivant, et les secourant de son travail, aurait pu leur transmettre étant en état de service. TITRE II De l’éxécution de la loi relative aux secours « Art I. - Les paiemens de toutes les pensions, indemnités et provisoires se feront dans les communes et sections par les commissaires distributeurs. » Les indemnités et provisoires seront payés sur visa, approuvés par les commisaires-véri-ficateurs des communes et sections. » Tous les brevets et titres de pensions seront délivrés ultérieurement et définitivement par la commission des mouvemens des armées, visés à la commission des secours, après en avoir communiqué l’état au comité de liquidation de la Convention nationale. 14