[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |23 août 1791.] 645 pas suspect, a fait continuer à Boulogne son entrepôt: il a été étendu aux ports de Calais, Ros-coff, Fécamp et Cherbourg, où beaucoup de bâtiments étrangers viennent s’approvisionner d’environ 10,000 banques de cette liqueur importée de Hollande, en grosses futailles, et réexportée en barils, d’où il est résulté l’établissement très avantageux d’un nouveau genre d’industrie, celui du tonnelage qu’il est utile d’y conserver. Vos comités d’agriculture et de commerce, et des contributions publiques, n’ont vu aucun motif de ne pas continuer ces entrepôts jusqu’au moment où nous pourrons y suppléer par notre industrie; ils ont pensé qu’il convenait même de l’étendre à ceux des autres ports à qui il pourrait être utile, et dans lesquels on pourrait établir les précautions nécessaires pour en empêcher les abus; ils ont reconnu que ce commerce était la seule ressource des habitants de quelques-uns de nos ports, et qu’il employait plus de 10,000 ouvriers. Ils ont également pensé que nous assurerions un débouché inléressant aux tafias de nos colonies, si, en en permettant la conversion en rhum, l’Assemblée nationale exemptait de droit ces liqueurs lorsqu’elles seraient envoyées à l’étranger. Vos comités vous proposent également d’accor-deraux ports qui avoisinent l’Angleterre, l’entrepôt réel des raisins de Corinthe dont il se fait une grande consommation e , Angleterre, et que nous pourrions lui revendre, par assortiment, si nous n’avions point à payer les droits d’entrées des quantités que nous trouverions à exporier. Le projet de décret que je vais vous présenter vous fera connaître les formalités que nous jugeons nécessaires pour prévenir les abus. Voici ce projet de décret: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit: i Art. 1er. Les eaux-de-vie de grain, dites de genièvre, venant de l’étranger, pourront être entreposées, en franchise de tous droits, dans les ports de Gravelines, Calais, Boulogne, Dieppe, Fécamp, Cherbourg, Saint-Malo, Morlaix et Ros-coff, à la charge d’être réexportées à l’étranger, dans l’année de l’arrivée, en observant les formalités prescrites pour les entrepôts, et sous les peines déterminées par l’article 5 ci-après. « Art. 2. Il pourra être établi, dans lesdits ports, aux frais du commerce, et dans les lieux qui seront convenus avec la régie nationale des douanes, des dépôis où les tafias des colonies françaises reçus en entrepôt pourront être convertis en rhum, en exemption de droits, à la charge d’être également réexportés, dans l’année, à l’étranger. « Art. 3. Les cours et bâtiments destinés aux-dites fabriques n’auront de communication extérieure que par une seule porte placée du côté du port, laquel le fermera, à deux clefs différentes, dont une sera remise à un préposé de la régie nationale des douanes, et l’autre aux propriétaires. Lesdits tafia et rhum ne pourront être transportés que dans les magasins de l’entrepôt, ou pour être embarqués à la destination de l’étranger. « Art. 4. Les habitants des ports dénommés dans l’article 1er pourront également recevoir en entrepôt réel, et réexporter à l’étranger, en exemption de droits, les raisins de Corinthe. « Art. 5. Toute soustraction et tout versement, auxquels les entrepôts, transvasement et conversions permis par le présent décret, pourraient donner lieu, seront punis par la confiscation de la marchandise ou de la valeur, et d’une amende de 300 livres pour la première fois; eu cas de récidive, l’amende sera du double, et celui qui aura fait, ou contribué à la fraude, sera déchu de la faculté d’entrepôt ou de fabrication. Les propriétaires des marchandises seront garants, à cet égard, des faits de leurs agents. » Plusieurs membres demandent l’impression de ce rapport et de ce projet de décret et l’ajournement jusqu’après la distribution . Un membre observe qu’il s’est élevé des difficultés sur la fabrication des eaux de vie degram dans le département du Nord; qu’il est persuadé que l’opposition de cette fabrication est contraire à la loi, mais qu’il est par cela même instant de les faire cesser. M. Groudard, rapporteur, répond que rien ne s’oppose aux distilleries de ce genre; qu’elles sont libres comme toutes les distilleries d’eaux-de-vie; qu’elles doivent jouir de la protection de la loi et que la prohibition de ce genre d’industrie est une erreur du gouvernement qu’il faut faire cesser. (L’Assemblée, consultée, décrète l’impression du rapport et du projet de décret présentés par M. Goudard et en ordonne l’ajournement jusqu’après l’impression). L’ordre du jour est la suite de la discussion des articles à ajouter dans l'acte constitutionnel (1). M. Thouret, rapporteur. Nous én sommes restés, Messieurs, au paragraphe 2 de l’article 1er sur la répression des délits commis par la voie de la presse. Ce paragraphe est ainsi conçu : « Les calomnies volontaires contre la probité des fonctionnaires publics, et contre la droiture de leurs intentions dans l’exercice de leurs fonctions, pourront être dénoncées ou poursuivies par ceux qui en sont l’objet. » Les comités ont été provoqués pour adopter deux propositionsdiamétralement contraires, etqui nous ont paru tenir à des excès également nuisibles. L’une de ces propositions était qu’il fût non pas défendu d’imprimer, mais qu’on fût punissable d’avoir fait imprimer des faits faux contre la conduite des fonctionnaires publics, quoiqu’on n’eût rien imprimé de taxatif nersonnellement contre l’honneur et la probité de ces fonctionnaires. Nous n’avons pu, Messieurs, adopter cette première proposition, qui renferme la presse dans un espace si étroit que sa liberté serait une chimère. La seconde était qu’on ne fût pas punissable pour avoir imprimé, relativement aux fonctions de l’administration, des imputations même calomnieuses, attaquant directement la probité, l’honneur, la droiture des intentions des fonctionnaires publics. Nous n’avons pu de même adopter cette seconde disposition, qui nous jetterait dans un océan sans bornes de calomnies excitant sans cesse des orages politiques. Nous avons dû donner à la Lberté de la presse, relativement à la conduite des fonctionnaires publics, toute la latitude dont elle est raisonnablement susceptible. (1) Voy. ci-dessus, séance du 22 août 1791, p. 628.