SÉANCE DU 28 BRUMAIRE AN III (18 NOVEMBRE 1794) - N°1 355 Liberté, Égalité, Fraternité, Vérité, Justice, et souveraineté du peuple! Pères de la patrie, Nous ne sommes pas savans, nous ; nous ignorons l’art dangereux de faire des phrases séduisantes ; mais nous sommes de francs républicains, et comme tels nous ne reconnaissons d’autre règle de conduite et d’autre boussole que les sages et bienfaisantes lois que vous nous donnez ; d’autre centre d’union que la représentation nationale; d’autre évangile que la déclaration des droits et la constitution Républicaine ; d’autre code de morale enfin que votre sublime adresse au peuple français. Pour vous faire ici notre profession de foi, il faudrait vous lire votre propre ouvrage, l’immortelle et philosophique adresse que vous venez de nous envoyer, quels prodiges étonnans n’a-t-elle pas déjà opérés dans les campagnes? Un même coeur, un même esprit et un même sentiment régnent maintenant parmi nous. Ouï, Citoyens Représentons, votre adresse au peuple français a gagné plus de coeurs à la République que ne le ferons jamais les maximes sanguinaires de tous les terroristes. Elle a fixé d’une manière invariable l’opinion publique sur la Convention nationale, et elle a posé sur des bases inébranlables les fondemens de la morale républicaine, grâces vous en soient à jamais rendues dans la suite des générations futures ! nous ne nous étendrons pas davantage sur le bien que peut procurer et opérer la lecture fréquente de cette adresse dans les assemblées décadaires et dans les écoles primaires de la campagne surtout; nous nous contenterons de crier de coeur et d’esprit comme de bouche : vivent la liberté, la fraternité et l’union! Vive la république, une, indivisible et démocratique! vive la Convention nationale ! vivent tous les vrais amis de la liberté, de l’égalité, de la probité, de la justice et de la République démocratique! honneur, respect, reconnaissance et ralliement universel autour de la réprésentation nationale corne à l’unique centre d’autorité légitime ! malheur à quiconque tenterait d’établir, sous quelque dénomination que ce soit, une puissance rivale de la représentation nationale en mettant en principe que la souveraineté du peuple réside dans les sociétés populaires, ou qui chercherait à les dominer, à les égarer et à les éloigner de l’unique but de leur institution primitive qui est la surveillance générale, la propagation de l’esprit public et l’instruction du peuple! Malheur à quiconque chercherait à corrompre l’esprit public et à provoquer par ses écrits, ses discours ou ses intrigues, l’avilissement ou la dissolution de la Réprésentation nationale! Malheur à quiconque voudrait faire revivre parmi nous cet affreux et désolant système de terreur inventé et mis à l’ordre du jour par Roberspierre, Saint-Just, Couthon et leurs infâmes complices! anathème étemel enfin aux tyrans, aux traitres, aux conspirateurs, aux fripons, aux dilapidateurs de la fortune publique, aux hypocrites, aux terroristes et aux intrigans de tous les genres, de tous les costumes et de toutes les couleurs! gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix, mais juste, qui protège l’innocence opprimée et qui punisse le crime par tout ou il se trouve! telle est, citoyens représentons, notre profession de foi, et tels sont nos voeux et nos sermens. Vive la République ! vive la Convention nationale ! périssent tous les êtres sanguinaires et immoraux! Vaureix, rédacteur et 35 autres signatures. Tous les citoyens de notre commune en général qui savent signer, excepté Amable Bouchet, neveu du prêtre déporté, ont signe individuellement la présente adresse. o’ [Les citoyens de la commune d’Ivoy à la Convention nationale, le 3 brumaire an III] (48) Égalité, Liberté. Citoyens Représentants d’un peuple libre, recevés les sermens invariables d’une commune ardennoise qui n’a pas le talent de bien écrire, mais qui saura toujours obéir aux loix. Main-tenés le courage et l’énergie qui vous donne tant de droits à notre reconnoissance. Restés, restés à votre poste jusqu’à ce que les intrigans, tous les dominateurs soient anéantis et que vous ayés forcé les tirans coalisés a vous demander la paix. Vous serez toujours le point de ralie-ment des citoyens d’Ivoy qui jurent de ne recon-noitre jamais d’autre autorité que la Convention nationale. Vive la République. Winquet, juge de paix et 87 autres signatures. P ’ [Extrait du procès-verbal de l’assemblée générale de la section du Mont-Blanc, Paris, à la Convention nationale, le 20 brumaire an 7/7] (49) Un citoyen ayant dit à la tribune que dans les circonstances actuelles, il etoit du devoir de la section du mont blanc calomniée dans l’opinion publique, de se prononcer et de manifester ses sentimens d’amour pour la liberté et l’égalité, de respect et de dévouement a la Convention nationale. Tous les citoyens composant l’assemblée se sont levés spontanément et avec l’enthousiasme des hommes libres qui votent le maintien de la Republique, ils ont crié vive la Republique, vive la Convention nationale le seul point de ralliement des républicains. Sur la motion d’un membre, l’assemblée generale a arreté que ce voeu unanime de ne reconnoitre d’autre centre que la Convention et (48) C 326, pl. 1421, p. 1. (49) C 326, pl. 1421, p. 22. 356 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de ne souffrir aucune puissance qui voulut rivaliser avec elle, seroit inscrit en entier au procès-verbal et qu’extrait en seroit porté a la Convention. Pour copie conforme. Cadet dit Gassicourt, président, Duperrée, secrétaire greffier. 2 Un secrétaire lit le procès-verbal de la séance du 23; la rédaction en est adoptée (50). 3 La société populaire de Tonneins-la-Montagne, département du Lot-et-Garonne, exprime son indignation contre les ennemis de la liberté de la presse, elle la réclame avec force et dit anathème à tous ceux qui voudroient se l’approprier sans partage. Mention honorable, insertion au bulletin (51). [La société populaire de Tonneins-la-Montagne à la Convention nationale, le 24 vendémiaire an III\ (52) Représentans, Nous n’aurions jamais cru que ceux qui se proclament les amis exclusifs de la liberté et de l’égalité, fussent les violateurs les plus audacieux de la déclaration des droits de l’homme; mais les efforts de ces mêmes personnages pour anéantir la liberté de la presse ne laissent subsister aucun doute sur leurs intentions aux yeux de tous les Français qui ne sont pas les instrumens aveugles ou les fauteurs intéréssés des cabales et des partis. Semblables à ces oiseaux de proie dont la nuit avec ses sombres voiles secondé l’atroce lachetté, certains hommes redoutent l’éclat de la lumière et veulent empêcher la communication des pensées et la manifestation de l’opinion publique. Comme aux membres du souverain dont ils se sont peut etre rendus indignes de faire partie, nous venons réclamer la liberté des opinions sans laquelle ne sauraient subsister en France la réalité ni même l’ombre de la démocratie. L’immortel J.-J. Rousseau dont la société populaire d’Ussel dénature les principes vraiment républicains dit dans son Contrat social (50) P.-V., XLIX, 258. (51) P.-V., XLIX, 258-259. (52) C 326, pl. 1421, p. 2. Bull., 28 brum. que pour avoir bien l’énoncé de la volonté générale, il importe... que chaque citoyen n’opine que d’après lui. Il résulte de cette maxime dont la source ne saurait etre suspecte aux vrays patriotes que loin d’etre soumis à l’influence de telle ou telle association partielle, tout Français a le droit de manifester ses sentimens politiques et que dans une vaste république comme la France où les citoyens ne peuvent communiquer entre eux par la parole, la liberté de la presse est indispensable au maintien du gouvernement démocratique. Des hommes qui voulaient s’arroger le privilège exclusif de parler et d’écrire sans contrainte font semblant de croire que la liberté de la presse est incompatible avec le gouvernement révolutionnaire et s’étayant sur ce prétexte, ils objectent que les aristocrates et les royalistes en feraient un mauvais usage et s’en serviraient pour faire retomber le peuple dans le cahos des anciens abus. Nous répondrons que les dangers qu’on veut nous faire prévoir et craindre sont chimériques et que des lois sevères fondées sur la fidélité que chaque citoyen doit au gouvernement de son pays, sont plus que suffisants, pour refréner l’audace de ceux qui seraient tentés d’écrire en faveur de la royauté ou d’abuser de la liberté de la presse pour faire opérer la dissolution du gouvernement représentatif. Que veulent donc ceux qui s’opposent avec tant d’acharnement à la liberté de la presse qu’ils n’osent s’expliquer; ils ont un but ostensible dont ils ne cessent de parler, et un but secret dont il leur importe de cacher même l’apparence. Leur but ostensible, c’est de se faire considérer comme des atlas qui soutiennent seuls le gouvernement républicain, comme des Hercules armés d’une énorme massue, dont ils ne font usage que pour écraser les aristocrates, les royalistes et tous les ennemis de la révolution ; leur but secret, c’est d’empecher que quelque nouveau Saluste, quelque Tacite moderne, ne parlent dans leurs écrits énergiques des abus monstrueux que l’intrigue ténébreuse a introduit dans un gouvernement bon et juste dans son essence et ne tracent le sombre tableau des vexations, des rapines, des assassinats couverts du voile des formes légales dont depuis près d’un an les Français ont été les témoins ou les victimes. Représentans nous nous défions singulièrement de tous ceux qui en prétextant sans cesse la haine des tirans, des aristocrates et des fanatiques pratiquent leurs exécrables main-mises et propagent leurs infernales doctrines. Jadis du temps du despotisme et pendant le reigne de Louis Capet, sous le plausible prétexte de la raison d’Etat, on enchaînoit la pensée, on empechoit les lumières utiles de circuler, si quelque écrit philosophique servoit d’écho aux crix de l’humanité outragée, des censeurs appel-lés royaux prohibaient l’impression de cette prédication intéressante ou en rayaient les meilleurs chapitres avant de soufrir qu’elle parvint à la publicité : une corporation monstrueuse appel-lée Parlement de Paris prenant insolemment le titre d’etat généraux au petit pied prétandait en