402 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PA « Puissent les despotes du monde reconnaître leur erreur insensée ! Puisse son exemple leur apprendre qu’ils ne pourront jamais être plus grands, plus heureux et plus puissants que lorsque, abjurant le pouvoir despotique, ils se placeront eux -mêmes, ainsi que les rois de France et d’Angleterre, à la tête de la constitution d’un gouvernement libre et d’un peuple éclairé !» Signé : Stanhope. Benjamin Cooper, secrétaire. M. Salomon, député d'Orléans , demande la parole pour désavouer authentiquement un pamphlet imprimé sous son nom, et rempli de traits aussi indécents contre les décrets de l’Assemblée qu’injurieux pour plusieurs de ses membres ; et FAssemblée témoigne par ses applaudissements que M. Salomon n’a pas besoin de justification. M. le Président demande à l’Assemblée qu’une famille malheureuse, la famille Verdure, nouvellement sortie des cachots où une fausse accusation de parricide l’a détenue pendant lus de 10 ans, soit admise à la barre de l’Assem-lée. L’Assemblée, applaudissant à cette demande, la famille est introduite. MM. Faucher, défenseurs de la famille Verdure, introduits avec elle ; l’un deux a dit : « Nosseigneurs, nous menons devant vous une famille qui, depuis dix ans, injustement accusée de parricide, vient enfin d’être rendue à la société par un jugement conforme à vos décrets. « 11 honorera notre vie le jour où nous venons offrir à la bienfaisance des lois nouvelles ces malheureuses victimes des anciennes lois. « En rendant cet hommage à l’Assemblée nationale, nous en devons un à cette classe de nos concitoyens particulièrement dévouée au service de l’Etat, et à laquelle nous avons l’honneur d’appartenir. « Elle nous a appris que nous devons autant à l’infortune particulière qu’à la défense de la patrie. » M. le Président. Votre longue infortune touche vivement l’Assemblée. Ses pénibles travaux ont pour but d’écarter les erreurs qui ont fait tant de victimes. Oubliez, s’il est possible, les peines cruelles que vous avez éprouvées, et goûtez du moins cette consolation, que l’époque où l’on a reconnu votre innocence est celle d’un nouvel ordre de choses, qui préviendra d’aussi funestes méprises. L’Assemblée vous permet d’assister à sa séance. M. Barrère de Heuzac. Messieurs, vous voyez paraître devant vous une famille pauvre et malheureuse, victime de l’ancienne tyrannie de nos lois, détenue injustement, depuis dix ans, dans un affreux cachot et que la calomnie la plus atroce a maoqué de conduire sur l’échafaud. Mais, grâce à l’exécution de vos sages décrets, au constant et généreux enthousiasme d’un avocat de Rouen, M. Vieillard de Bois-Martin, zélé protecteur de l’innocence, ces cinq infortunés ont échappé à l’opprobre et à la mort. Quoi qu’il en soit, Messieurs, il est pourtant un autre malheur qu’ils n’ont pu éviter, c’est celui de l’indigence et de l’indigence la plus certaine. M. Vieillard de Bois-Martin, non content de partager leurs peines et leur malheur, a cru aussi, bien convaincu de leur innocence, devoir leur offrir tous les secours que sa fortune lui permettait de faire ; que dis-ÆMENT AIRES. [30 janvier 1790.] je ? II a tout sacrifié et sa famille, et son repos, et sa fortune pour voler au secours de ces innocentes victimes et les arracher à la cruauté des lois. Je ne demande pas si, d’un côté, ces sacrifices, aussi rares qu’ils sont louables, et de l’autre l’innocence opprimée pendant dix ans , c’est-à-dire dix siècles d’humiliation et de dangers, mais enfin reconnue, mais triomphante, je ne demande pas, dis-je si tous ces puissants motifs touchent les cœurs des pères de la patrie et les ouvrent à la pitié. Ils en ont donné la plus forte preuve en faveur du vieillard du Mont-Jura dont les seuls titres étaient le besoin et le hasard d’une longue vie. Je demande que par un effet de bienfaisance, l’innocence, opprimée pour la sûreté sociale, trouve dans la sagesse de vos décrets la consolation et l’adoucissement à ses maux ; que l’Etat l’indemnise et la dédommage autant qu’il sera possible des vexations injustes qu’elle a souffertes. Par là, vous consolerez l’innocent accusé, vous releverez son courage, et au fond de son cachot, le coupable même ne sentira que plus fortement l’horreur de son crime, et ne pourra s’empêcher de bénir la sagesse de vos lois ; mais en protégeant l’innocence, vous ne feriez qu’une partie du bien que vous vous proposez de faire, si vous ne tourniez vos regards vers celui qui en est le défenseur. Peu d’hommes, dans ce pénible ministère, ont montré cette constance de courage et de générosité qui a porté M. Vieillard de Bois-Martin à consacrer dix années à la défense d’une famille obscure. A Rome, on avait établi une méthode honorable pour récompenser un citoyen qui en avait sauvé un autre, et la couronne civique était un des monuments les plus flatteurs dont un citoyen pût décorer sa maison ; et une feuille de chêne fit faire des prodiges en faveur de l’humanité. Il ne fallait pour l’obtenir qu’avoir sauvé la vie à un citoyen, et M. Vieillard de Bois-Martin l’a sauvée à une famille entière. Ainsi, Messieurs, je propose d’ouvrir une souscription volontaire en faveur de cette famille malheureuse, et de décerner une couronne civique à M. Vieillard de Bois-Martin, son défenseur. La commune de Paris vient de renouveler une scène aussi honorable, en couronnant ces jours derniers, un jeune Anglais qui, dansuue émeute, a sauvé la vie à M. Planter de Vernon : l’Assemblée nationale ne rendrait-elle pas à un Français le môme hommage puisque, l’un n’a sauvé qu’un citoyen et que l’autre a sauvé une famille entière? La motion de M. Barrère de Vieuzac n'est pas appuyée et n’a pas de suite. M. le Président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur l'affaire du prévôt de Marseille. M. l’abbé Maury prend la parole pour se disculper, dit-il, sur certains faits, à l’égard desquels on l’a accusé dans cette affaire. M. RegnaultdJEpercy.JedemandeàM. l’abbé Maury s’il résulte des pièces que les accusés aient récidivé postérieurement aux lettres d’amnistie. M. l’abbé Maury. Je crois ce fait étranger à l’affaire; on n’a fait que présenter la cause des accusés, et cette question ne nous regarde pas ; le prévôt de Provence peut avoir commis une erreur, mais les juges n’en sont pas exempts, et ce n’est pas là un crime de lèse-nation. M. le comte de Mirabeau. Comment peut-il