04 [Assemblée nationale*} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \AnnexesA puissent s’entre-nuire et devenir funestes au commerce et à l’agriculture en les décourageant. C’est même relativement au danger de cette multiplication irréfléchie que le comité croit devoir placer ici une observation qui, vous étant offerte, Messieurs, frappera davantage les différents administrateurs qui seront dans le cas d’être consultés sur des établissements de foires et de marchés. Depuis l’époque de la Révolution, les demandes pour en obtenir ont été extrêmement fréquentes ; on a même cru les circonstances favorables au rétablissement de ceux qui avaient absolument cessé d’eux-mêmes, et le comité a eu occasion de remarquer qu’on n’avait quelquefois gardé aucune modération à cet égard ; il lui a même paru que les directoires de district et de département avaient cru assez souvent qu’ils donnaient une marque d’attachement aux administrés en adoptant les mêmes vues qu’eux, sans se ressouvenir qu’ils sont plutôt des juges que des compétiteurs. Cette facilité serait cependant elle-même la source d’un véritable abus et même d’un désordre réel, si les corps administratifs ne sentaient pas le besoin d’y résister. En effet, indépendamment du danger du trop grand nombre des foires et des marchés, parce qu’ils cessent alors d’offrir des rendez-vous certains où doivent se réaliser des ventes et des achats, il en résulte encore qu’ils deviennent une occasion de détournement pour les habitants des campagnes, qui contractent ainsi le goût des déplacements, qui ne sont rien moins qu’utiles aux mœurs rurales. Il y a même une maladie morale d’autant plus dangereuse qu’elle tend à ôter à l’homme l’amour de la propriété, qui, dans le cultivateur surtout, est une des vertus domestiques et par conséquent une des sources du vrai civisme ; celui qui a contracté l’habitude d’aller trop fréquemment aux foires et aux marchés, ne sent plus le bonheur de la vie sédentaire; il est exposé à prendre l’esprit de brocantage, qui fait qu’on troque toujours, qu’on ne s’attache à rien de ce qu’on possède, et de cet état au désœuvrement, il y a si près qu’on est conduit au vice presque infailliblement. Cette considération d’un ordre supérieur et de la nature de celles qui doivent frapper des législateurs qui ont aussi songé à la régénération de l’Empire par les mœurs, s’est présentée à votre comité, Messieurs, comme un des motifs propres à rendre circonspect dans l’examen des demandes des foires et marchés, examen qu’il a cru important de soumettre aux règles contenues dans le projet de décret suivant, que j’ai l’honneur de vous proposer en son nom : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Lorsqu’une communauté quelconque désirera l’établissement d’un ou de plusieurs marchés, d’une ou de plusieurs foires, son vœu à cet égard sera manifesté par une délibération du conseil général de la commune. Art. 2. « La délibération contiendra les motifs de la demande, l’indication des époques et de la durée des foires et marchés, et celle des moyens de parvenir aux frais de leur établissement. Art. 3. « Cette délibération sera adressée, par le conseil général de la commune, au directoire du district, qui sera tenu de la faire connaître : 1° à chaque commune dépendant du même canton que la commune requérante, et 2° à la commune de chaque chef-lieu des cantons du même district, et qui seront limitrophes de la commune qui aura fait la demande. Art. 4. « S’il se trouve dans les communes du même canton, ou dans les autres cantons limitrophes ainsi prévenus, des lieux intéressés à discuter la demande formée pour obtenir des foires ou des marchés, leurs observations ou oppositions seront consignées dans une délibération du conseil général de leur commune. Art. 5. « Il sera loisible aux communes qui auront intérêt au succès de la demande, d’exprimer de la même manière l’adhésion qu’elles y donnent. Art. 6. « Toute délibération , soit approbative , soit désapprobative , prise par le conseil général d’une commune, sera envoyée par lui au directoire du district. Art. 7. « Six semaines après que le directoire du district aura communiqué la demande, conformément à l’article 3 ci-dessus, il donnera, tant sur cette demande que sur les observations, oppositions ou adhésions qu’elle aura produites, son avis motivé, et il adressera ensuite le tout au directoire du département. Art. 8. « Le département fera connaître aux directoires des districts limitrophes de celui dans l’étendue duquel on aura demandé des foires et marchés, et la demande, et tout ce qui l’aura suivie, pour avoir leur avis. Art. 9. « Les directoires de district ainsi consultés, prendront dans leur territoire les renseignements qu’ils croiront nécessaires, et les adresseront au directoire du département. Art. 10. « Un mois après la connaissance donnée aux districts, suivant l’article 8, le directoire du département fera parvenir aux directoires du département qui lui sont contigus la demande primitive et les différentes réclamations ou adhésions dont elle aura été suivie, pour avoir leur avis. Art. 11. « Un mois après cet envoi aux directoires des départements limitrophes, le directoire du département dont relèvera la commune qui aura emandé des foires ou marchés, donnera sur le [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ Anntxes .] @5 tout son avis motivé, qu’il adressera au Corps législatif avec toutes les pièces. Art. 12. « N’entend l’Assemblée nationale exclure les précautions que les directoires de district ou de département croiront devoir prendre surabondamment à celles ci-dessus prescrites, pour s’as-„ surer de plus en plus de l’utilité de l’établissement des foires et marchés, et notamment celle de communiquer au conseil général de la commune, qui l’aura sollicité, les oppositions élevées contre sa demande, afin qu’il puisse y fournir des réponses. Art. 13. « Il ne pourra être établi aucun marché ni foire, sans un décret exprès du Corps législatif, sanctionné par le roi. Art. 14. « Toute foire ou marché existant en ce moment, demeure maintenu : mais ceux suspendus depuis le l8r janvier 1786. sont censés abolis, et ils ne pourront être rétablis qu’en se conformant aux formalités prescrites pour obtenir l’établissement d’une nouvelle foire ou d’un nouveau marché. Art. 15. « Il ne pourra être rien changé à l’égard des époques des jours, de la durée des foires et marchés, qu’en prenant la même voie que pour les foires a établir. Art. 16. « II ne pourra être perçu, à titre d’imposition particulière, aucun droit' sur les objets quelconques qui seront transportés ou conduits aux foires ou marchés; et réciproquement il ne pourra être prétendu aucune franchise pour des objets soumis à des taxes quelconques par les lois décrétées sur l’imposition du royaume, sous le prétexte qu’ils sont destinés à des foires, ou qu’ils en reviennent. Art. 17 « Conformément aux décrets de l’Assemblée nationale, la police des foires et marchés appartiendra aux municipalités, qui veilleront scrupuleusement à tout ce qui peut intéresser la salubrité, et notamment à l’état des animaux, afin de prévenir les ravages des épizooties. Art. 18. « La gendarmerie nationale, d’après la loi qui règle son organisation, sera employée à la sûreté des foires et marchés. Art. 19 et dernier. « Si les foires et marchés se trouvent établis dans l’étendue de la juridiction d’un tribunal de commerce, les contestations qui s’élèveront sur les conventions faites dans les foires et marchés, seront de sa compétence; sinon elles appartiendront aux tribunaux ordinaires, sans préjudice toutefois de la compétence du juge de paix. » ¥ lr* Série. ï. XXX.11.