321 [Etats gén. i789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] çue, sans que cet argent soit employé au rétablissement des chemins de communication de chaque paroisse, quoique le Roi l’ait désiré et promis dans son principe. Art. 9. De plus, celte assemblée si respectable de la nation, qui aura pour chef son Roi, et où résidera la science et la sagesse, saura certainement remédier aussi à l’abus le plus délicat : c’est l’administration de la religion. Les scandales qui se commettent tous les jours tendent absolument à la détruire. Gomment le bon ordre se maintiendra-t-il? La trop grande abondance et richesse parmi les bénéliciers, et l’inégalité qui y règne, peuvent en être une des plus grandes causes. Ces usufruitiers de biens immenses ne connaissent, la majeure partie, que les plaisirs et la plaidoirie. Le mépris des biens de ce monde ne les occupe nullement. L’exemple, à cet égard, est ce dont ils s’occupent le moins. La dîme, surtout, principale pépinière de leurs procès, ne devrait-elle pas être fixée égale partout, être convertie en argent, et assignée à une somme quelconque, proportionnée aux travaux des bénéficiers, que l’on devrait obliger à la résidence et à opter? L’indigent trouverait plus de ressources. Ils auraient occasion de connaître la peine et la pauvreté de leurs frères. Ils ne pourraient manquer d’en être touchés -, et ils partageraient un bien dont ils ne doivent prélever que la vie et la vêture. Ils reviendraient insensiblement aux dogmes de la primitive Eglise. Ils feraient leurs devoirs avec exactitude-, ils persuaderaient par le bon exemple et leurs discours, qu’ils auraient le temps d’étudier. Le bon ordre se rétablirait ; et, par la suite, ceux qui prendraient cet état feraient plus de réflexion avant de se décider. Et, après un certain nombre d’années de travail dans une cure, leur accorder un bénéfice simple pour retraite. Sans abolir absolument les ordres religieux, ne conviendrait-il pas mieux de leur fixer une pension ; et encore, pourquoi ne pourrait-on pas leur trouver une branche de travail qui puisse concourir au bien de l’Etat? L’oisiveté, comme mère de tous les vices, et la trop grande licence qui leur est accordée, occasionnent une infinité de vices et d’abus. Enfin, ne pourrait-on pas trouver, parmi eux, des sujets capables de tenir tous les colleges, sans qu’il en coûte un sou au Roi? Ceux qui sont vraiment appelés à la vie solitaire, rien de mieux qu’ils remplissent leurs devoirs, en choisissant l’ordre le plus strict, et qu’ils évitent absolument l’occasion de sortir, paraître dans le monde, et porter leurs vœux à vingt-six ans accomplis, ainsi que pour les religieuses. Art. 10. Enfin, le cœur de chaque Français est tout entier pour son Roi et les princes, qui sont naturellement faits pour briller. Ce n’est pas une économie personnelle que l’on souhaiterait avec plus d’ardeur. On voit même toujours avec un nouveau plaisir le riche appareil et l’ostentation du trône ; et quand il plaît à Sa Majesté de se montrer dans toute sa grandeur et richesse, le généreux Français le voit toujours avec satisfaction ; et c’est une jouissance agréable à l’un et à l’autre. Mais tout le monde désirerait qu’il soit trouvé un moyen pour prévenir les pièges que tendent journellement à leurs bontés la plupart de ceux qui, jusqu’alors, les ont entourés, en faisant parade d’attachement , tandis qu’au fond, l’intérêt le plus vil seul les conduit. Que la puissance des ministres soit bornée, et que, pour peu qu’une lre Série, T. IV. affaire soit délicate et intéressante, elle soit renvoyée, pour la décision, à un comité établi, composé de gens qui auront acquis la plus intègre réputation, et qui auront fait preuve de science, de sagesse, de désintéressement et de vertu. C’est le vœu de la paroisse d’Attillv, qui se réserve, par la suite, de faire de nouvelles observations. Délibéré lesdits jour et an ; et ont signé lesdits habitants, les autres avant déclaré ne le savoir. Signé Boucot de Fouille ; Flaiche; Thibault; Ricqbour; Parvy ; Cornua, et Gaillard, greffier. CAHIER Des plaintes et doléances des habitants de la paroisse d' Attainvillc, diocèse de Paris, remisa leurs députés à rassemblée du tiers-état tenue a Paris le 18 avril 1789 (1). Art. 1er. Que le tirage de la milice, si onéreux aux habitants de la campagne, n’ait plus lieu. Art. 2. Que l’impôt sur les terres soit également réparti entre toutes les classes des citoyens propriétaires, et que toute exem*ption pécuniaire, en faveur de tous particuliers ou corps quelconque, soit supprimée. Art. 3. Qu’il est injuste qu’un arpent de terre soit imposé plus chèrement pour le propriétaire que pour le locataire, la terre n’ayant pas plus de valeur intrinsèque pour l’un que pour l’autre. On supplie instamment les députés du tiers-état aux Etats généraux de prendre en considération cette observation, ne voyant pas sur quoi peut être fondée, pour l’impôt, la différence qu’on a coutume d’v mettre. Art. 4. Que la justice dans tous les tribunaux soit moins chère et plus prompte. Art. 5. Qu’il est indispensable de porter une loi sur les abus de la chasse, telle que toute personne, constituée en dignité ou autorité quelconque, puisse être facilement amenée, avec les moindres frais possibles, à payer les dommages faits par la bête fauve ou le menu gibier. Art. 6. Que les lois existantes sur cet objet sont insuffisantes, et que le malheureux cultivateur, frappé par l’intempérie des saisons, ne se voit que trop souvent réduit au désespoir par la fureur, généralement répandue, d’entretenir une grande quantité de gibier, et l’impossibilité de recourir avec fruit, contre les grands, aux voies judiciaires. Que spécialement à Attain ville, malgré le nombre de mémoires adressés à l’assemblée intermédiaire de Saint-Germain, qui n’à rien négligé à cet égard, on n’a pu parvenir à obtenir la destruction, quoique promise, d’un gibier évidemment destructeur des biens de la terre. Art. 7. Que les malades de nos campagnes meurent souvent victimes de l’ignorance et de l’impéritie des chirurgiens de nos villages ; que, pour remédier à ce malheur, il serait bien à désirer que le gouvernement pût, dans tous les chefs-lieux, appointer des chirurgiens instruits qui fussent en état de soigner gratis les pauvres malades, et leur procurer, sans frais, les remèdes nécessaires : lesdits chirurgiens révocables à la volonté du gouvernement, quand, sur le rapport des curés et syndics des paroisses, ils seraient convaincus de ne pas remplir leur devoir. Art. 8. Que le sel, une des denrées de première nécessité, soit enfin porté à une valeur oû (1) Nous publions ce cahier d'après un manuscrit des Archives de l’Empire. 21 322 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] le malheureux puisse atteindre, et ne se voie plus forcé, par un rôle fait au grenier à sel, de prendre une denrée dont le prix excède ses pouvoirs. Art. 9. Que le commerce, si essentiel à la prospérité de l’Etat, soit rétabli par la faveur accordée aux manufactures du royaume sur celles de l’étranger, et par le soutien aes travaux publics, qui alimentent, quand ils sont en vigueur, des milliers de citoyens qui, sans ce secours, périraient de misère. Art. 10. Qu’en conséquence de cette vérité, les députés de notre ordre aux Etats généraux, représentent, avec tout le zèle dont ils sont capables, la situation déplorable de plus de dix mille femmes et filles qui, dans un grand nombre de villages des environs de Paris et plus loin, n’ayant, pour toute ressource et unique talent, que le travail de la blonde, dont le produit n’est lus de mode, sont réduites à l’état le plus mal-eureux ; qu’ils supplient le gouvernement de s’occuper du moyen d’assurer leur subsistance par un travail qui, proportionné à leur force, puisse tourner à l’avantage de la nation, et leur fournisse le pain qui leur manque. Art. 11. Que la mendicité, si honteuse dans une monarchie bien policée, soit à jamais bannie du royaume. Que les vrais pauvres soient secourus, chacun dans leur paroisse ; et que, pour parvenir à cette importante opération, chaque paroisse ait un fonds de charité, proportionné à ses besoins, assigné sur les propriétaires de fonds, de quelque état qu’ils soient, taxés par le gouvernement, par arpent, à la somme que l’on jugera convenable. Art. 12. Qu’il serait bien important, pour la tranquillité 'du royaume et le bonheur des peuples, de prévenir, par de sages précautions, la cherté des grains, en établissant des magasins où serait renfermé , dans chaque province, l’excédant de la consommation de chaque année ; en sorte que, dans les années où le grain deviendrait plus rare, par la médiocrité ou l’insuffisance des récoltes, les greniers publics, ouverts à propos, pussent toujours fournir les marchés d’un grain ui, essentiel à la subsistance des peuples, ne serait jamais porté à une valeur plus forte, même dans les temps de disette; que le prix de cette denrée de première nécessité devrait être invariablement fixé pour le peuple, en observant toujours d’emmagasiner des grains plutôt que des farines, qui, ne pouvant se remuer, sont sujettes à s’échauffer, ainsi qu’une triste expérience ne cesse de l’apprendre, presque sans succès, au détriment du bien public. Art. 13. Que l’extrême cherté de la viande est encore un malheur qui intéresse trop toutes les classes des citoyens, pour ne pas sérieusement s’occuper de ce qui en peut être la cause ; qu’il est surprenant qu’on ne cherche pas à la prévenir en favorisant tout ce qui peut assurer l’abondance et procurer au royaume, dans ce genre, une denrée toujours proportionnée à sa consommation; et singulièrement, en veillant à l’exécution des règlements de police, faits sur cet objet, dont l’inexécution produit la disette qui nous afflige. Art. 14. Que nous soyons autorisés a rembourser toutes les rentes foncières, cens, cham-parts, et autre nature de rentes non rachetables, d’après une juste estimation ; que les dîmes soient supprimées. Art. 15. Que les maîtres de poste payent l’impôt sans exemption. Art. 16. Que les remises, qui servent de retraite au gibier qui nous désole, soient détruites. Art. 17. Que les enfants partagent avec égalité les terres des successions et fiefs. Art. 18. Que chaque paroisse fasse sa corvée en nature. Art. 19. Que les péages soient supprimés. Art. 20. Qu’il y ait, par tout le royaume, égalité de poids et de mesures. Art. 21. Que les ordonnances sur le fait des pigeons et des colombiers soient remises en vigueur. Art. 22. Que les propriétaires des terres, qui avoisinent les grands chemins, et sur lesquelles se trouvent plantées des avenues d’arbres, soient autorisés à émonder les arbres pour leur compte, à la charge de replanter au besoin ; auquel cas, le corps des arbres morts leur appartiendra : règlement d’autant plus juste pour la paroisse d’At-tainyille, que le grand chemin de Yiarmes ayant été pris sur son territoire, on avait promis’aux propriétaires du terrain ce dédommagement qui ne leur a pas été accordé. Art. 23. Qu’attendu la courte durée des baux, qui empêche le cultivateur de donner à sa terre l’engrais dont elle est susceptible, et de la marner lorsqu’elle en a besoin, dans la crainte d’en être dépossédé au moment de jouir du fruit de son travail, lesdits baux soient prolongés et fixés à dix-huit ans : objet très-utile à l’agriculture, qui demande la plus grande attention. Art. 24. Que la vente d’une terre n’en casse pas les baux, vu le tort considérable que cela fait au cultivateur qui se trouve privé de son état et fort souvent dans l’impossibilité de se procurer d’autre fermage ; à moins qu’il n’y ait besoin du tiers par le bail existant de la part du vendeur. Art. 25. Que les capitaineries soient abolies. Art. 26. Que les banqueroutes frauduleuses soient absolument défendues sous peine de punition corporelle ; et qu’elles soient regardées comme telles, à moins que le banqueroutier ne prouve très-clairement les pertes qu’il a essuyées. Art. 27. et dernier. Que tous droits de banalité soient abolis. Signé Pierre Masson, fermier des seigneqrs d’Attainville ; Bulté; Pierre Garlet; Guillaume Devouge, syndic; François Bourges; Michel Ja-ciin; Alphonse-Denis Bourgeois; Richard; de Castres; Beron; Richer; et Divory. CAHIER Des plaintes et doléances de la paroisse d' Auber-villiers, dites les Vertus, et signées par les habitants de ladite paroisse , en l'assemblée du 14 avril 1789 (1). La paroisse d’Auber villiers, composée d’environ quatre cent vingt feux, est située dans la plaine de Saint-Denis, et fait partie de la banlieue. Son terroir est composé d’environ 1,600 arpents; l’arpent ayant 100 perches, et la perche 18 pieds seulement. Environ les deux tiers de ces 1,600 arpents sont cultivés en gros légumes, servant à l’approvisionnement de Paris ; le reste en prés et grains. Excès de la taille. La taille sur les terres est poussée, dans cette (1) Nous publions oc cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.