Séance du 20 vendémiaire an III (samedi 11 octobre 1794) Présidence de CAMBACÉRÈS La séance est ouverte à 9 heures par la lecture de la correspondance (1). 1 Les citoyens assemblés de la commune de Châtellerault [Vienne] félicitent la Convention sur son énergie, et les armées sur leur courage ; ils annoncent que depuis la chûte du dernier tyran, et la cessation de son affreux système, le bonheur est revenu habiter au milieu d’eux; ils remercient la Convention d’avoir brisé les fers des patriotes opprimés, des cultivateurs et de tous les hommes utiles; ils peignent la joie qui a régné dans leur commune lorsque ces malheureuses victimes du despotisme de Robespierre ont pu se précipiter dans les bras de leurs parens et de leurs amis ; ils jurent de maintenir le gouvernement révolutionnaire, de terrasser l’aristocratie et le modérantisme; et ils invitent la Convention à démasquer les scélérats qui, sous le voile du patriotisme, voudroient ramener la tyrannie de Robespierre et de ses complices. La Convention nationale décrète la mention honorable de cette adresse, son insertion au bulletin, et son renvoi au comité de Sûreté générale (2). Les citoyens de la commune de Châtellerault écrivent à la Convention (3) : Depuis la mort du tyran Robespierre, le calme renaît parmi nous, les jours d’oppression s’oublient. Oui, nous avons vu une infinité de citoyens, de pères de famille, de laborieux cultivateurs, victimes de l’erreur et du système monstrueux qu’avoit enfanté ce monstre, rendus à leurs familles; ces verroux si insultans pour de vrais républicains, ont été brisés, et ces citoyens, ces hommes qui ne connurent jamais l’art funeste des conspirations, grossissent maintenant la masse des hommes utiles, prêts non seulement à tout sacrifier, mais encore à périr pour maintenir la liberté. Si des hommes qui n’ont d’autre jouissance que de tourmenter le citoyen paisible, le vrai républicain, osent élever la voix et calomnier le représentant qui a porté la paix dans nos murs, ah ! citoyens, déchirez le voile, vous apercevrez que la malveillance seule les anime, qu’ils veulent le régime tyrannique, qu’ils sacrifieroient la France entière pour satisfaire leurs haines, leurs passions et leurs intérêts. Les citoyens de Châtellerault terminent leur adresse en désapprouvant formellement l’adhésion donnée par quelques meneurs à celle de Montauban ; En jurant une union inviolable à la Convention nationale, de la défendre jusqu’à la mort, de remplir avec énergie tous les devoirs que la patrie a droit d’attendre d’eux, et de tout sacrifier pour elle. Suivent un grand nombre de signatures. 2 Le comité révolutionnaire du district de Sedan [Ardennes] félicite la Convention sur le retour à la vie du représentant Tallien, et l’invite à surveiller les traîtres qui annoncent de grandes mesures tramées dans le silence, et ils protestent de leur fidélité à la Convention, seul point de ralliement de tous les Français. Mention honorable, insertion au bulletin (4). (1) P. V., XLVTI, 104. (2) P. V., XLVII, 104. (3) Bull., 3 brum. C. Eg„ n 798. (4) P. V., XLVII, 104. C. Eg., n° 785; M.U., XLIV, 317. 56 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [Le comité révolutionnaire du district de Sedan au président de la Convention nationale, le 9 vendémiaire an III] (5) Législateurs ! Nous n’avons pas été les derniers à frémir d’horreur en apprenant l’horrible assassinat commis dans la personne d’un de vos dignes collègues, le vertueux Tallien. Nous ne serons pas les derniers encore à vous féliciter de son retour à la vie, puisque l’Etre suprême a décidé qu’il serait rendu à l’amour de ses concitoyens. Les scélérats qui ont osé porter une main sacrilège et parricide sur un représentant du peuple, doivent rougir de honte d’avoir commis un crime infructueux. De grandes mesures se préparaient dans le silence et ces mesures étaient l’assassinat contre les fidèles mandataires du peuple!... Législateurs ! écrasez sans pitié tous ces assassins nocturnes, ces monstres politiques qui ne répondent à la vérité que par des homicides... faites rentrer dans le néant ces hommes encore dégoûtans du sang de tant de victimes immolées à la faction de Robespierre et ses collaborateurs. Pour nous, comptez sur notre zèle, notre courage et notre inaltérable fidélité à la Convention nationale. Nous ne connaissons qu’elle; nous ne voulons qu’elle; nous n’avons nommé qu’elle; elle sera toujours notre centre unique, le point de ralliement des vrais français, et nous sommes convaincus que la Convention nationale écrasera toutes les factions, anéantira les conspirateurs de toutes espèces, et fera respecter et triompher la République française dans tout l’univers entier. Guerre à mort aux traîtres, aux factieux, aux dilapidateurs des deniers de la République ; ralliement éternel à la Convention nationale. Les vrais républicains ne reconnaissent qu’elle!... Les membres du comité révolutionnaire du district de Sedan, Faix, président et huit autres signatures. 3 La société populaire de Vire [Calvados] énonce les mêmes principes, et témoigne sa satisfaction sur la guérison de Tallien. Elle invite la Convention à rester à son poste, et à frapper les conspirateurs qui veulent anéantir la représentation nationale par des assassinats partiels (6). [La société républicaine de Vire à la Convention nationale, le 5 vendémiaire an III] (7) (5) C 321, pl. 1346, p. 1. (6) P. V., XL VII, 105. C. Eg., n° 785; J. Fr., n° 746; M.U., XLIV, 317. (7) C 322, pl. 1353, p. 4. Liberté Egalité Fraternité ou la Mort Représentans du peuple, L’indignation profonde que nous éprouvâmes en apprenant que Tallien avait été assassiné, a succédé bientôt l’idée consolante qu’il n’était pas perdu pour la patrie, et que ses forces rétablies lui permettroient de siéger parmi vous. Citoyens représentans, nous demandons à grands cris la recherche prompte et la punition de tous les scélérats qui veulent anéantir la liberté, en assassinant la représentation nationale. Vous avez mis la justice à l’ordre du jour, eh bien ! que le glaive de la loi frappe tous les coupables : voilà le moyen d’assurer le bonheur du peuple, qui saura triompher de tous les enémis. Restéz ferme à votre poste, environnés de la confiance, et du respect de tous les bons français; maintenez le gouvernement révolutionnaire qui nous a tous sauvés, nous vous serons invariablement attachés et la Convention nationale sera toujours le point unique de ralliement des amis de la liberté et de l’égalité. Vive le peuple français, vive la Convention nationale. Vimont, président, Trunez, secrétaire. 4 Celle de Condom [Gers] invite la Convention à ne pas se laisser entraîner par les sentimens d’une fausse pitié envers les conspirateurs et les traîtres ; elle témoigne de son horreur contre l’assassin de Tallien, et félicite la Convention sur son rétablissement. La mention honorable et l’insertion au bulletin de ces deux adresses sont décrétées (8). [La société populaire de Condom à la Convention nationale, le 4e jour s.-c. an II] (9) Représentants du peuple français, Des orages sans cesse renaissants se forment sous le ciel que vous habitez et semblent y menacer la liberté. Ses explosions ne sauraient lui être funestes, vous serez ce que vous fûtes toujours fermes dans ses principes. Qu’une fausse pitié ne prene point dans vos coeurs la place de cette justice sévère et rigoureuse qui doit infailliblement opérer le salut du peuple; que tous ses ennemis sous quelque dénomination qu’ils soient connus soient voués à la honte, à la proscription et à la mort, et que ceux-là désormais ayent seuls le privilège de jouir de tous les bienfaits de la révolution qui savent (8) P. V., XL VII, 105. (9) C 322, pl. 1353, p. 5.