70 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES** [15 avril! 790.] Le renvoi au comité de constitution est mis aux Voix et ordonné. La parole est donnée à un membre du comité des recherches. M. Palasme de Champeaux, rapporteur du comité des recherches , commence par annoncer que la capitale et les provinces sont infestées de libelles infâmes contre l’Assemblée nationale et même contre le roi; qu’il existe des ennemis acharnés contre la Révolution, qu’il n’en connaît ni les auteurs, ni les propagateurs. Un membre. C’est votre devoir de les découvrir, sans cela on vous appellera le comité sans recherches. M. Palasme de Champeaux. Eh bien ! nous avons découvert un coupable et c’est M. l’évêque de Blois. Ce prélat, mécontent de la révolution actuelle, ne cache pas ses sentiments. Sous prétexte d’éclairer un ecclésiastique qu’il suppose l’avoir consulté, il s’élève contre les décrets de l’Assemblée nationale, blâme le serment civique, et cherche à le rendre nul ; ailleurs, il annonce que les moines qui quitteront leurs maisons ne pourront plus dire la messe dans son diocèse ; qu’il défendra de les recevoir à confesse, excepté m articulo mortis. Voici ses expressions au sujet des moines : « De lâches déserteurs, car ils ne méritent plus le nom de religieux, en offrant leurs biens et en se mettant à prix, ont joint à l’inutilité des offrandes et des calculs mercenaires, la honte d’une apostasie publique et anticipée. « Si nous avons la douleur de voir les pierres de l’édifice dispersées dans les places publiques, des cadavres épars venir répandre dans le diocèse une odeur de péché et de mort et si la Providence ne nous raye pas du nombre des pasteurs, nous ordonnerons de ne point admettre les religieux à célébrer la sainte messe ou à exercer quelque sanction sans une permission spéciale signée de nous ; nous ordonnerons également à tous les confesseurs de ne pas les entendre, ainsi que les religieuses, sans un pouvoir particulier, excepté dans le cas de maladie, et de n’avoir alors pour eux ni réconciliation, ni miséricorde, que sous la promesse expresse de retourner dans le cloître pleurer leur scandaleuse désertion. » Le comité des recherches pense que les paroles de M. l’évêque de Blois sont coupables, et il vous propose de les déférer, par un décret, au procu-du roi au Châtelet. (On rit et on murmure ). M. Bouche. Je demande l’impression du rapport. M. l’abbé Manry. Et son renvoi à l’évêque de Blois. M. de Clermont-Tonnerre. La question préalable sur l’impression du rapport et sur le projet de décret. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide qu’il n’y a lieu à délibérer. La séance est levée à 10 heures du soir. PREMIÈRE [ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 15 avril 1790. Opinion de M. le marquis de Montes-quiou (1) sur les assignats-monnaie (2). Messieurs, une masse considérable de domaines nationaux est destinée à acquitter la dette la plus urgente. Anticipera-t-on sur la vente de ces domaines par une création d’assignats ? Donnera-t-on à ces assignats un cours de monnaie? Voilà les deux grandes questions qui occupent aujourd’hui cette Assemblée. Quant à la première, elle n’en est plus une, vos décrets l’ont décidé depuis longtemps. Quant à la seconde, les opinions différentes, les divers intérêts la jugent de manières absolument opposées : et c’est au milieu des assertions les plus contradictoires et les plus touchantes, toutes appuyées ou de raisons ou de sophismes qu’il faut aller chercher la vérité ! Les assignats auront-ils cours de monnaie? Voilà la vraie question. Auront-ils un cours libre ou forcé ? Voilà comme elle nous a été présentée. A ce mot de liberté, son apologiste paraît environné de la faveur publique. Celui qui entreprend de la restreindre ose à ipeine élever la voix dans cette tribune qui lui est consacrée ; mais, Messieurs, n’a-t-on jamais abusé des mots les plus saints ? La liberté que nous avons tous juré d’établir et de défendre, est-ce celle qui donnait le pouvoir et des armes à un petit nombre d’hommes pour opprimer le reste de la nation ? Il me semble au contraire que c’est contre cette prétendue liberté que nous sommes venus combattre pour établir la vraie liberté, la liberté publique. C’est pour garantir cette dernière liberté, le but de nos travaux, qu’il est bien important de ne pas vous laisser abuser par des mots. Considérez, Messieurs, la position des affaires publiques et les motifs qui vous ont amenés à la grande entreprise qui vous occupe. Le numéraire en circulation est devenu insuffisant pour les besoins du commerce, et cependant vous ne pensez pas que le numéraire ait cessé d’exister dans le royaume. Le mal dont nous nous plaignons vient évidemment de son inégale distribution. Dans ce partage des richesses, le petit nombre possesseur des écus, fait la loi au grand nombre qui en désire. Tel a toujours été l’effet de toute concurrence. Un papier qui devrait être aussi bon que l’argent, qui le serait encore si le gouvernement n’en avait pas abusé de toutes les manières possibles, se trouve aujourd’hui répandu avec excès. Discrédité justement, parce que sans perdre sa forme d’acte de dépôt, il a cessé d’en être un, chacun cherche à s’en débarrasser, et le grand nombre d’acheteurs d’argent étant soumis, par la seule force des circonstances, au petit nombre de ceux qui le vendent, chaque jour le prix de la (1) L’opinion de M. de Montesquiou n’a pas été insérée au Moniteur. (2) La discussion ayant été fermée avant que mon tour de parole fût arrivé, j’ai pris le parti de faire imprimer mon opinion parce que ayant été interpellé sur celle que j’avais eue au mois de décembre, j’ai cru devoir faire connaître le motif que j’ai toujours eu.