369 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (11 novembre 1790.] Champion, sur les six faits ci-dessous dénoncés, et d’ordonner que l’accusation sera instruite et jugée dans les formes prescrites par les lois constitutionnelles, par le tribunal qui sera incessamment organisé pour connaître des crimes delèse-nation et des cas de responsabilité des agents du pouvoir exécutif. Cette accusation légale contre un ministre, ou contre tout autre agent du pouvoir exécutif, doit avoir deux effets : 1° Le ministre ou l’agent inculpé doit, dès l’instant de l’accusation, être contraint de s’abstenir provisoirement de toute espèce de fonction publique; car il est impossible de confier provisoirement l’emploi et la direction de la force publique à des hommes que la nation accuse d’en abuser contre elle; 2° Dès l’instant de l’accusation, il faut s’assurer de la personne du ministre ou de l’agent inculpé ; car la toi de la responsabilité sera illusoire si l’on laisse aux coupables les moyens de s’évader. La commune de Paris supplie donc l’Assemblée nationale : 1° D’ordonner, par un décret constitutionnel, que tout ministre et tout agent du pouvoir exécutif, contre lequel il sera intervenu un décret du Corps législatif, portant qu’il y a lieu à l’accuser du crime de lèse-nation, sera par ce seul fait suspendu provisoirement dans l’exercice de toutes fonctions publiques; 2° De prendre les mesures que sa sagesse lui suggérera, pour qu’aucun ministre ou agent du pouvoir exécutif, accusé du crime de lèse-nation, ne puisse s’évader. Il serait même bon d’étendre cette mesure à tous les ministres et agents du pouvoir exécutif qui se retirent ou qui sont renvoyés, quoiqu’il n’y ait contre eux aucune accusation, jusqu’à ce qu’ils aient rendu compte de leur administration, et qu’ils en aient été légalement déchargés. L’Assemblée nationale est surtout priée de considérer que jamais violations plus manifestes des lois constitutionnelles ne lui ont été dénoncées plus solennellement, que celle que lui présente aujourd’hui la commune de Paris contre le garde des sceaux. Si celles-là restent impunies, c’en est fait de la Constitution. PIÈCE JUSTIFICATIVE. Copie de la réponse faite par le directeur de Vim-primerie royale , à la demande du comité. Je viens de faire des recherches vaines pour trouver un exemplaire des instructions que désire M. Voidel ; je les connais parfaitement ; mais comme ces instructions n’ont été faites que sur la demande particulière et pour le service de M. le garde des sceaux, il n’en reste pas à l’imprimerie royale un seul exemplaire. Je supplie M. Yoidel d’être persuadé de tout le regret de ne pouvoir le satisfaire. Signé : AnISSON-DüPERRON. Paris, le 15 novembre 1790. Gertifié conforme à l’original, déposé au comité des recherches de l’Assemblée nationale. Signé : Richard, secrétaire-commis. Paris, le 15 novembre 1790. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHASSET. Séance du jeudi 11 novembre 1790, au matin. La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Coroller, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. d’Fstourmel. L’Assemblée n’a rien statué hier sur la pétition de la commune de'Paris. Il est cependant indispensable de prononcer d’une manière ou d’autre. L’orateur de la députation nous a annoncé qu’il avait des preuves des crimes des ministres. Il n’y a rien de plus impolitique que de laisser ainsi des hommes sous les coups de l’accusation sans les juger : je demande donc le renvoi de cette pétition au comité des rapports. M. Merlin. Si on renvoyait cette pétition au comité, les ministres resteraient en place, par entêtement, jusqu’à ce que l’Assemblée ait prononcé : je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour. M. d’Fstourmel. Je demande si le ministre de la guerre, qui vient de donner sa démission, n’est pas cependant sous le coup de la dénonciation? (L’Assemblée passe à l’ordre du jour et adopte le procès-verbal.) M-JFricawd, député de Charolles. Vous avez décrété que les Français catholiques n’iraient plus chercher à Rome des dispenses pour leurs mariages, et qu’il serait ordonné aux évêques d’y pourvoir : ce décret n’est pas exécuté. Un perruquier du diocèse de M. l’évêque d’Autun a longtemps sollicité de lui une dispense pour épouser une de ses parentes, et cet évêque s’est obstiDé à la lui refuser. M. Lanjulnais. Le comité s’occupe de ces objets et vous fera bientôt son rapport. Je demande donc l’ajournement à quinzaine de la proposition du préopinaut. M. Fricaud. Eh mais ! Messieurs, c’est que ce mariage presse ! M. Martineau. Je ne vois pas qu’il y ait rien de si pressant; il existe des lois qui défendent les alliances des proches parents, et malgré cela on ne manque pas d’occasion de se marier. M. Fricaud. Je répète que ce mariage presse parce que la femme qui sollicite des dispenses est déjà enceinte. M. Bouche. En ce cas, vous n’avez pas besoin d’un décret provisoire. La question se trouve elle-même décidée par provision. (L’ajournement à quinzaine, proposé par M. Lan-juinais, est prononcé.) M. Mévolhon, député de Forcalquier , demande et obtient un congé pour un mois. M. Rousselet, député de Provins , prie l’As-24 lr0 Série. T. XX. 370 [Awemblée nationale . ] ARCHIYE5 PARLEMENTAIRES. [11 noyembre 1790.] semblée de lui permettre de s’absenter pour huit jours. Cette autorisation lui est accordée. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le tribunal de cassation. La question à résoudre est la suivante : Les jugements en dernier ressort des juges de paix seront-ils soumis à la cassation? M. Moreau. Il me semble que cette question n’en doit pas faire une; un particulier qui n’a que 50 francs, s’il n’a pas dû perdre son procès, on ne peut, sans injustice, lui refuser la voie de cassation. M. Chabroud. Vous avez décrété que la cassation ne pourrait avoir lieu que dans le cas de violation des formes ou des principes constitutionnels ; or, les formalités sont bannies du tribunal de paix, et le juge de paix ne pourra pas, dans ses fonctions très circonscrites, heurter les principes constitutionnels. Il ne doit donc pas y avoir lieu à la cassation pour les jugements du tribunal de paix; ce serait donner au plaideur la tentation de se ruiner pour un procès de 50 livres. (L’Assemblée décrète qu’il n’y aura pas lieu en cassation contre les jugements des juges de paix.) Question : Les demandes en renvoi du tribunal de district à un autre, pour cause de suspicion légitime , seront-elles de la compétence de la cour de cassation ? (L’Assemblée décrète l'affirmative sans discussion.) Question : Les demandes en prise a partie seront-elles de la compétence de la cour de cassation ? M. Chabroud. Les demandes en prise à partie contre un tribunal entier et contre les commissaires du roi doivent appartenir à la cour de cassation, mais les demandes contre un seul juge doivent être décidées par les tribunaux dedistricts. M. Couppé. Si cette proposition était adoptée, on accorderait aux commissaires du roi, dans les trois quarts du royaume, le privilège de n’êlre poursuivis dans leurs prévarications qu’à cinquante, cents ou deux cents lieues de justiciables qui auraient à se plaindre d’eux ; ce serait leur donner uti brevet d’impunité. M. Groiipllleau. Je ne suis pas étonné de la tendresse paternelle de M. Chabroud pour les commissaires du roi, dont il est l’inventeur; mais je dois vous prévenir que ces commissaires du roi, qui viennent de naître, menacent déjà les tribunaux de les faire fouetter par le pouvoir exécutif. (On applaudit .) 11 est juste de contenir cette ardeur anticipée en soumettant les commissaires, ainsi que les juges pris individuellement, à être jugés dans les cas de prise à partie par les tribunaux de districts. Après quelques discussions, l’Assemblée décrète que — « les demandes en prise à partie, formées contre un tribunal entier, seront portées à la cour de cassation. Mais celles qui seront dirigées contre un OU plusieurs juges et contre les commissaires du roi seront décidées par les tribunaux de districts .» On demande qbe l’Assemblée décide la question de savoir comment et où seront formées les demandes en requête civile. (Cette proposition est ajournée.) Question : De combien de membres sera composé le tribunal de cassation ? M. d’André. Après avoir fixé la compétence du tribunal de cassation, vous avez à vous occuper de sa composition. Je crois que nous pourrions beaucoup abréger notre travail en décidant une question préliminaire, qui est celle-ci : Ni les législateurs, ni le roi n’auront aucune participation à la nomination du tribunal de cassation. M. lie Chapelier. Votre comité de Constitution pourra proposer de décréter que l’Assemblée nationale choisira quarante sujets tirés sur le tableau qui lui sera présenté, et que, de ces quarante sujets, le roi en choisira trente pour le tribunal de cassation. Si la législature ne doit avoir aucune part aux nominations, le roi ne doit pas y en avoir non plus. On peut donG aller aux voix sur la proposition de M. d’André. M. de Montlosier. Je demande la question préalable sur la proposition de M. d’André, ou du moins la division, parce que, dans mon opinion, le roi doit avoir une influence sur l’élection des membres qui composeront le tribunal de cassation. Vous avez décrété que les juges seraient nommés par le peuple. Mais si l’on voulait bien examiner, il ne serait pas difficile de prouver que vous n’avez pas entendu parler 4e «eux dont il est ici question, attendu que le tribunal de cassation sort des règles ordinaires. Il faut donc que le roi y ait de l’influence, si vous voulez lui rendre ce qui lui appartient. (La discussion est fermée.) « L’Assemblée décrète que la cour de cassation sera formée de membres choisis par le peuple, sans aucune participation du roi ni de l’Assemblée nationale.» M. lie Chapelier. D’après cette disposition, il est nécessaire de recomposer une très grande partie des articles que nous vous avions présentés, et je demande l’ajournement. M. Duport. Je demande que l’Assemblée décide sur-le-champ si le ministre du roi, chargé du département de l’administration de la justice, sera président du tribunal de cassation ; j’imagine que l’Assemblée se décidera aisément sur la négative. M. le Chapelier. Cette question est assez importante pour être ajournée. Je ne dis pas qu’il n’y ait d’excellentes raisons à alléguer; mais il me semble du moins qu’on doit y réfléchir mûrement. M. Malouet. J’insiste sur l’ajournement. Si on nous avait proposé, il y a dix mois, de ne donner au roi aucune influence dans le tribunal de cassation, je doute que cette opinion eût obtenu la majorité. On veut que vous réduisiez les fonctions du garde des sceaux à celles d’un simple avocat de bailliage. Je ne reconnais point là les principes qui constituent la monarchie. M. le Chapelier. Si l’Assemblée croit qu’il serait dangereux de donner au garde des sceaux la présidence du tribunal de cassation, je demanderai que du moins elle décide qu’il y aura auprès de ce tribunal, comme auprès des autres, un commissaire du roi. « L’Assemblée décrète que le garde des sceaux ne sera point président du tribunal de cassation.» M. Barnave. Les jugements des conseils su-