[États gén. 1789. Cahiers.] sur cette matière soient exécutés suivant leur forme et teneur. Que leurs propriétés étant pour ainsi dire anéanties, tant par la forme des impôts que par les plantations et l’abus de la chasse , les habitants sont réduits à ne vivre que de leur travail ; que leurs journées ne portent qu’à 20 sous et celles de leurs femmes à G ou 8 sous, ce qui est insuffisant pour leur nourriture et celle de leur famille, eu égard à la valeur des denrées Fait à l’assemblée du tiers-état de Guisy, le 15 avril 1789. Signé Herin, syndic ; Augustin Tellier ; Jean-Pierre Plailly ; Fiacre Herin ; N. Gilles ; Jean-Pierre Villette ; Tellier, greffier; Jean-François Plailly ; Jacques-François Gochois ; Marc Cauchois , et Dubuas. Les habitants de la paroisse de Cuisy, ont omis d’insérer dans leur cahier de doléances, signé du juge de l’endroit, que le seigneur de l’endroit s’empare des eaux et sources qui sont pour l’utilité de toute la paroisse. Aussitôt qu’ils peuvent découvrir quelque source pour former une fontaine, ledit seigneur fait conduire les eaux, sous terre, directement à son château, éloigné de trois quarts de lieue de l’endroit; qu’ils sont très-malheureux, n’ayant aucune eau propre dans l’endroit, et à cause de l’éloignement de celle qu’ils devraient aller puiser, sont obligés de se servir d’eau, malsaine telle que celle que boivent les chevaux et qui coule le long des fossés. Ils demandent alors la liberté de jouissance des eaux pour eux trop nécessaires et qu’il soit fait défense audit seigneur de ne plus s’en emparer à l’avenir; qu’au contraire il soit tenu de remettre l’ancienne fontaine dans l’état où elle était ci-devant. Que lesdits habitants jouiront sans trouble des communes qui leur appartiennent en payant les droits légitimement dus au seigneur, sans qu’il puisse s’emparer de l’usufruit qui leur appartient. Que se soumettant aux impositions que la nation décidera, pour lesquelles ils ne font aucunes protestations , ils observeront seulement que le seigneur de l’endroit leur porte un préjudice trop important pour le laisser à néant, en leur faisant payer journellement des droits qui lui sont mal acquis. Que ledit seigneur sera tenu, comme lesdits habitants, à l’entretien des chemins sur lesquels il est seigneur. Que la quantité de gibier qui règne sur leur terroir leur cause un tort considérable, non-seulement par le délit occasionné naturellement par le gibier, mais encore par les gardes. Le seigneur, chassant avec ses chiens, détruit une grande partie des grains qui croissent sur ledit terrain et ravage même les vignes en foulant aux pieds plantes et fruits. Que tous laboureurs ne pourront faire valoir qu’une seule et même ferme composée d’une certaine quantité d’arpents; que toutes les personnes qu’ils emploieront à leur service à titre de journaliers seront payées d’un prix juste et à pouvoir se substanter; que ne donnant aux femmes que 6 sous par jour et aux hommes 20 sous, ce prix est absolument trop médiocre, notamment à cause de la cherté des denréçs, et qu’il leur est de toute impossibilité de pouvoir faire vivre une nombreuse famille de laquelle ils sont chargés. Il est trop essentiel, pour le bon ordre, d’avoir dans l’endroit des gens de justice pour leur faire observer le bon ordre, principalement un procureur fiscal, à l’effet d’empêcher que, pendant le [Paris hors les murs.J 483 service divin, ils ne tiennent le cabaret, ce qui se fait journellement, n’y ayant aucun homme pourvu du ministère pour y surveiller; qu’ils sont même obligés d’aller plaider dans un autre endroit que le leur où se tenait ci-devant la justice et où ils demandent qu’elle se tienne encore, ou qu’au moins il y ait une personne chargée d’exercer, comme ils viennent de le dire, le bon ordre, laquelle sera tenue de faire son rapport contre chacun contrevenant devant les juges qui doivent en connaître. Que cette même personne sera autorisée, à titre de sergent ou autrement, à faire les ventes de meubles, soit après décès, soit par autorité de justice, soit comme meubles inutiles, etc., etc., concurremment dans leur endroit, seulement avec tous les huissiers royaux, et qu’alors les huissiers-priseurs soient supprimés , en percevant par le seigneur Roi les 4 deniers pour livre du montant des ventes. Qu’il est trop préjudiciable pour tous les habitants d’être obligés de faire cinq à six lieues, plus ou moins, pour aller chercher un huissier-priseur, qui, étant seul, les fait attendre souvent six semaines, même plus, sans faire leur vente et exigeant les droits que bon lui semble parce qu’il est seul de son état, ce qu’il serait fort intéressant de supprimer. Signé Marc Gochois; Herain fils, syndic; Jean-François Tellier; Jean Bouchet; Antoine Senolles; Augustin Tellier ; Jean-Pierre Villette ; Tellier, greffier; Jean-Pierre Plailly; Fiacre Herain ; Jean-François Plailly, et Antoine Pérauly. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Dammartin, diocèse et élection , de Meaux , à remettre aux députés qui seront élus par lesdits habitants pour comparaître en leur nom en l’assemblée générale de la prévôté et vicomté de Paris , à l'effet de concourir à l’élection des députés du tiers-état de ladite prévôté aux» Etat généraux , et de présenter a ladite assemblée les articles de doléances, plaintes et remontrances qui suivent , et requérir qu’elles soient insérées au cahier commun de ladite prévôté , lequel sera porté par les députés d’icelle à l'assemblée des Etats généraux du royaume (1). Art. 1er. Retour périodique des Etats généraux à l’époque la moins longue, comme trois ans, et en attendant que les assemblées provinciales établies soient confirmées et veillent au régime intérieur. Art. 2. Que les trois pouvoirs de législation, d’exécution et de jugement, demeurent stables et inaltérables avec la séparation distinctive de chacun d’eux. Art. 3. Que la liberté individuelle du citoyen soit assurée ; que nul homme ne puisse être arrêté sans être aussitôt remis entre les mains du juge naturel, en sorte qu’il n’existe sur cet objet aucun arbitraire. Art. 4. Qu’aucun impôt ne puisse être établi sansle consentement des Etats généraux ; que sans aucune distinction de privilèges entre les trois ordres, la répartition en soit faite individuellement, et que cet impôt ne soit perçu que sous une seule dénomination. Art. 5. Que les administrateurs généraux des (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 484 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mors.] finances demeurent garants et responsables envers la nation de leur gestion. Art. 6. Que les députés concourent aux moyens d’établir entre les cultivateurs et propriétaires d’une part, et les capitalistes de l’autre, un équilibre sans lequel l’impôt pèserait entièrement sur l’agriculture, les arts et le commerce. Art. 7. Que le droit de propriété soit respecté, et dans le cas de nécessité publique, que le prix en soit remboursé comptant et sur-le-champ, suivant la valeur de la chose. Art. 8. Suppression de la levée des soldats provinciaux et exclusion de tout privilège relativement au logement des gens de guerre. Art. 9. Que désormais la noblesse ne puisse s’acquérir que par le mérite et la distinction dans le militaire, la magistrature, les arts et le commerce. Art. 10. Suppression totale des capitaineries et diminution de remises sur les terres particulières des seigneurs. Art. 11. Que la vénalité de l’administration des sacrements soit entièrement abolie, et que chaque ministre des autels soit pourvu d’un revenu honnête et suffisant. Art. 12. Qu’il soit établi un nouveau code pour l’administration de la justice tant civile que criminelle et de police. Art. 13. Que les officiers de justice subalterne soient inamovibles, et qu’ils ne puissent être révoqués que par forfaiture jugée. Art. 14. Qu’il soit pourvu à de bons et sages règlements concernant la mendicité, les vagabonds et les gens inutiles. Art. 15. La suppression des annates. Art. 16. L’étroite obligation aux prélats du royaume de résider dans le lieu de leur bénéfice, et de ne pouvoir posséder qu’un seul bénéfice. Art. 17. Suppression des aides et gabelles. Etablissement uniforme du prix du sel dans tout le royaume, et qu’il soit fait un nouveau tarif pour la perception plus exacte des droits de contrôle et qui en anéantira l’arbitraire. Art. 18. Que, pour le bien de l’agriculture et du peuple, aucun laboureur ne puisse tenir deux corps de ferme, ni faire valoir aucun moulin. Que le prix du blé soit fixé à 25 francs le setier, mesure de Paris, jusqu’à la moisson prochaine, et qu’il ne soit permis de faire aucune exportation hors du royaume. Art. 19. Qü’enfinun nouveau régime dans l’administration prochaine ôte les frais de transport dans le versement des différentes caisses ; qu’à cet effet, tous receveurs généraux et particuliers demeurent supprimés. Fait et arrêté en l’assemblée desdits habitants, tenue cejourd’hui 14 avril 1789, une heure de relevée, en l’église paroissiale de Saint-Jean dudit Dammartin, par-devant nous, Jean-Claude Rous-quin, avocat en parlement, lieutenant général au bailliage et comté dudit lieu, et avons signé avec ceux desdits habitants qui le savent. Ainsi signé : Gommeron ; Caillard ; Dardel ; Etienne Barbon ; Bousquin ; Sadion ; Philippe Barbon ; Gouffe ; Laville ; Ganneron ; François Bonnegent ; Maulmy ; La Ruelle ; François Bon-negent ; Laville ; D. Bounart ; Mareschal ; Bonni-chon ; Lavallée; D. Blaquet ; Rousquin ; Coste fils; Remy Gouffé; Lemaire; Hambert ; Jean-Guais ; Blanche ; Tippares ; Lemaire ; Lotte père ; Barbon; Remy Gouffe ; Charbon ; Chaunary; Walle ; Laurent Barbon ; Offroy père ; Guilletin ; Robin ; Pierre Guay ; Pierre-Louis Chobert ; Dardel ; Pierre Hé-riYaux ; Flours ; Berthault. CAHIER Des .réclamations de la paroisse de Dampmart , près Lagny - sur-Marne [ 1). MM. les députés élus par la communauté des habitants de Dampmart, pour les représenter aux assemblées préliminaires qui doivent se tenir à Paris le 18 de ce mois, sont chargés des instructions et pouvoirs suivants, auxquels ils seront obligés de se conformer suivant le vœu de leurs commettants; ils représenteront: Art. 1er. Que les habitants n’entendent point séparer de leurs intérêts les autres sujets du royaume, et que s’ils font de vives réclamations contre les abus et les privilèges odieux qui les dégradent et les avilissent aux yeux de la noblesse et du haut clergé ; que s’ils forment des plaintes amères contre leurs accablantes impositions, contre la forme onéreuse d’en faire les recouvrements; que si, enfin, ils font une peinture touchante de leur oppression et de l’avilissement où ils languissent depuis tant de siècles, ils déclarent que leurs plaintes ne doivent pas se borner à leur seule communauté, mais qu elles doivent s’étendre aussi aux bourgs et villages, qui sont également écrasés et sacrifiés aux privilèges des grands. Art. 2. Ils observeront que le terroir de Dampmart, d’après un procès-verbal d’arpentage dressé, par ordre de M. l’intendant, par le sieur Semane, arpenteur-géomètre, sous les indications du syndic de cette paroisse alors en charge, le 22 juillet 1782, contient 1,450 arpents de terre, mesure de Dampmart , c’est-à-dire 100 perches l’arpent ; suivant le même procès-verbal il y en a 173 occupés par les chemins, traversins, ruelles, ravins, rivières et trait à chable ; 54 occupés par les châteaux, églises, presbytères, cimetières, maisons, granges, écuries, parcs, jardins et cours ; en outre 60 arpents au lieu dit les Vallières, terrain inculte et stérile abandonné absolument à la pâture des troupeaux. Toutes ces terres réunies inutiles à la végétation forment un total de 288 en non-valeur et qu’il faut retrancher des 1,450; reste donc 1,162, dont le produit répond difficilement à l’infatigable activité du cultivateur. La taille se monte à la somme de 8,000 livres; les vingtièmes à 1,800 livres, la corvée à 419 livres, qui forment 10,219 livres. 250 arpents dans la paroisse, tous plantés en vignes, produisent par arpent, année commune, 10 pièces de vin à 20 livres, sur lesquels il faut payer 4 livres de gros, 3 livres de futailles, de sorte que, les échalas et fumiers achetés, les vignerons ne retirent que 10 à 11 livres par pièce de vin dont les deux tiers sont destinés aux vinaigriers de Paris, qui payent les mêmes droits que les vins de bonne qualité. On ignore pourquoi les commis des aides se permettent de lever des droits exorbitants sur les vins gâtés qui ne peuvent servir qu’à l’usage des vinaigriers. L’avidité insatiable des fermiers généraux, à qui rien ne résiste, a trouvé les moyens de s’approprier les mêmes droits que les vins de bonne qualité, au mépris des déclarations du Roi. Soit timidité, 'soit impuissance de la part des commettants, ces droits désastreux ont été levés jusqu’à ce jour sans réclamations ; mais aujourd’hui qu’il est permis de faire entendre la voix de la justice et de l’équité, il est temps de protester contre cette vexation et d’éclairer le Roi et (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire .