[Assemblée nationale ARCHIVES PARLEMENTAIRES [18 août 1790.) ministre de la guerre sur l'organisation de l'ar-■ mée. Divers membres demandent la parole. M. d’Estourmel. Je suis loin de m’opposer au dispositif de l’article 8; je rends au corpsdes carabiniers toute la justice qu’il mérite, mais je pense que, pour son avantage, il doit être fait à l’article une addition explicative du mode de recrutement ; j’ai été colonel d’un régiment de cavalerie, j’y ai trouvé un préjugé établi, et je crains que ce préjugé ne règne dans tous les autres régiments ; il avait pour objet de donner aux carabiniers un bel homme, sans s’attacher à examiner s’il avait toutes les qualités requises pour être admis au corps d’élite; je pense donc qu’après ces mots, ils se recruteront dans' les troupes à cheval, on doit ajouter : suivant le mode qui sera déterminé sur les règles d’admission au service ; ce mode doit être tel, que tout homme qui, dans la première année de son admission aux carabiniers, se sera mis dans le cas d’être puni, sera renvoyé dans le régiment d’où il aura été tiré, aux frais dudit régiment, un corps d’élite ne devant être composé que de gens dont l’honneur soit le seul guide. Telle est mon opinion ; elle est appuyée par trente ans d’expérience, ayant fait mes premières armes dans un corps (la gendarmerie) où l’honneur était pareillement le seul guide de chaque individu. Un membre propose un amendement qui permettrait de recruter le corps des carabiniers hors des régiments. M. d’Ambly. Les carabiniers ne seraient plus qu’un régiment ordinaire si la cavalerie ne lui fournissait pas des hommes. Je conviens qu’on leur donne souvent des éveillés un peu libertins , mais ce sont toujours les plus braves, et le corps en a donné des preuves dans toutes les occasions. M. de Eautrec rappelle que les carabiniers se sont illustrés dans différentes batailles, et ajoute : il faut, dans une armée, des corps d’élite comme celui-là, parce que leur exemple électrise toutes les troupes. (L’amendement est rejeté.) M. de Promeut demande la suppression des adjudants-majors qui ne sont que des aides-majors renouvelés. On s’est borné, dit-il, à rajeunir leur nom. M. de Wimpffen. Après une discussion très complète, le comité militaire a reconnu que les adjudants-majors étaient nécessaires dans les grands mouvements d’une armée. (L’amendement de M. de Froment est rejeté par la question préalable.) M. Prieur. L’article 16 concerne les dépenses de bureau pour lesquelles le ministre propose en bloc une somme de 1,500,000 francs; je trouve ce chiffre très élevé, et je suis surpris qu’il ne soit accompagné d’aucun état justificatif. Je demande l’ajuurnement de l’article 16. M. de Wlmpffen. Ajourner l’article, ce serait supprimer les bureaux, puisqu’il n’y aurait plus d’argent pour les payer; or, supprimer les bureaux, c’est supprimer l’armée du même coup, ce qui, je crois, n’est dans l'intention ni du préopinant ni de l’Assemblée. M. Mougins. Je demande une réduction provisoire en attendant l’impression des états contenant les détails des traitements. M. de Noailles. J’observe qu’on ne peut voter une réduction provisoire qu’en indiquant les personnes et les objets sur lesquels portera la réduction. M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angély). Je propose un amendement qui répondra à toutes les objections. C’est de voter le crédit pour un mois seulement, et d’ordonner en même temps l’impression de l’état justificatif de la dépense. (Cet amendement est adopté.) M. Iè Président met ensuite aux voix les divers articles et le décret est rendu eu ces termes : L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. L’armée, à dater du premier septembre 1790, et de cette époque pour l’année 1791, sera composée de 150,848 hommes, tant officiers que soldats, dont 110,485 d’infanterie, 30,040 de troupes à cheval, 10,137 d’artillerie ou du génie. Le nombre des officiers généraux employés ne pourra pas excéder 94; l’Assemblée nationale se réserve de statuer sur le nombre des adjudants, sur celui des aides de camp, et sur le nombre des commissaires de guerre qui doivent être mis en activité pendant l’année 1791. Art. 2. Les troupes étrangères qui feront partie du nombre ci-dessus, et qui seront à la solde de la nation, ne pourront pas, sans un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi, excéder celui de 26,000 hommes. Art. 3. Le nombre d’individus de chaque grade et dans chaque arme sera déterminé, ainsi qu’il est expliqué à l’état n°l, du ministre de la guerre, sans y comprendre l’artillerie et le génie sur lesquels il sera fait uu rapport particulier, et sauf les changements que les circonstances pourraient exiger dans les corps de l’armée. Art. 4. Le ministre proposera les changements qui pourront avoir lieu dans l’armée, dans les notes particulières qu’il adressera au Corps législatif. Art. 5. Les appointements et solde seront fixés pour chaque grade, à compter, ainsi qu’il est dit en l’état n° 2, du ministre de la guerre. Art. 6. Les régiments suisses et grisous conserveront, jusqu’au renouvellement de leur capitulations, les appointements et solde dont ils jouissent en vertu d’icelles. Art. 7. Les officiers, sous-officiers et soldats qui, par l’effet de la nouvelle formation, éprouveraient une nouvelle réduction sur leur traitement actuelle conserveront jusqu’à ce qu’ils en obtiennent un équivalent; en attendant, ils seront payés du supplément sur des états particuliers, dans la forme prescrite par les ordonnances. Art. 8. Les carabiniers serons rendus à leur institution primitive des grenadiers de la cavalerie; en conséquence, ils se recruteront dans les troupes à cheval, ou des sujets ayant fait au moins un congé dans lesdites troupes, et ils jouiront d’un soi de haute paye comme les greuadiers en jouissent dans l’infanterie. Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1790.] !43 Art. 9. Les appointements et solde réglés par l’article 4, seront payés par le Trésor public, sur des revues en raison du nombre de jours dont chaque mois est composé. Art. 10. Indépendamment de la solde réglée par l’article 4, il sera fourni à chaque soldat, sous les drapeaux ou détaché pour Je service, conformément au décret du 24 juin, une ration de pain de munition du poids de 24 onces, laquelle ration fera partie de la solde de l’homme présent, sans que l’homme absent des drapeaux puisse y rien prétendre. Art. 11. Il sera fourni des rations de fourrage aux chevaux des officiers suivant le détail ci-après, savoir : Infanterie. Cavalerie. . Rations. à chaque colonel ............. 2 à chaque lieutenant-colonel... 1 à chaque colonel ............. 3 à chaque lieutenant-colonel et capitaine ................ 2 à chacun des autres officiers. 1 Art 12. Les payements qui seront faits en vertu des articles précédents, ne devant avoir lieu qu’à l’effectif, il sera constaté tous les trois mois par des revues de commissaires de guerre, dans la forme qui sera prescrite par les ordonnances. Art. 13. Pour subvenir aux dépenses du recrutement, rengagement, remonte, habillement, équipement, armement, frais de bureaux, il sera payé à chaque régiment une somme par homme au complet pour former la masse générale, suivant ce qui sera réglé dans un travail particulier. Art. 14. Il sera également formé des masses pour subvenir aux dépenses des vivres, fourrages, hôpitaux et effets de campement, dont les fonds seront faits au département de la guerre sur le pied du complet de l’armée. Toutes les masses ci-dessus indiquées, non comprises celle de linge et chaussures, sont destinées au besoin collectif de tous les régiments ; mais elles appartiennent à la nation : en conséquence, nul individu n'a droit d’y prétendre; les corps en rendront compte tous les ans au ministre de la guerre, et celui-ci aux personnes qui en auront été chargées par le Corps législatif. Art. 15. Les fonds destinés tant aux travaux de l’artillerie qu’à ceux du génie pour l’année 1791, seront provisoirement fixés à 5,400,000 livres, dont la répartition sera faite par le ministre de la guerre. Art. 16. Il y aura pareillement un fonds affecté pour les frais de bureau du ministre, frais d’impression des ordonnances, ceux de course et d’escorte, et autres frais relatifs aux procédures et jugements militaires; mais les sommes qui doivent y être destinées ne seront définitivement réglées qu’après avoir eu une connaissance exacte et motivée des tableaux des dépenses de ces divers objets, et provisoirement, et pour un mois, elles seront réduites sur le pied de 1,500,000 livres par an. M. le Président. Il y a des précautions à prendre relativement à l’introduction de M. Per-rotin à la barre. Je demande s’il n’est pas nécessaire que la garde soit doublée à tous les postes de la salle, et s’il ne doit pas être accompagné à la barre par l’officier qui a la garde de sa personne ? (Il s'élève des murmures�)l\ vous paraîtra peut-être plus convenable de le faire accompagner par sa garde jusqu’à la barre ; il sera reçu par deux huissiers, qui resteront à ses côtés pendant qu’il parlera; deux autres seront placés devant la barre, en dedans de l’Assemblée. (Ces dernières dispositions sont convenues.) M. le Président. Le comité de l’imposition demande à vous présenter, dans un premier rapportas idées générales sur le mode constitutionnel de l'impôt. ( Des applaudissements accueillent cette déclaration). M. de La Rochefoucauld, rapporteur , député de Paris (1). Messieurs, lorsque par votre arrêté mémorable du 17 juin de l’année dernière vous avez déclaré que la nation française rentrait dans le droit inaliénable, imprescriptible, de ne reconnaître d’autorité que la sienne en matière de contributions, vous avez pris l’engagement sacré de lui conserver, par la Constitution qu’elle vous a chargés de lui tracer, l’exercice de ce droit dans toute son intégrité, et d’opérer, dans cette partie si importante pour le bonheur des citoyens et pour la liberté publique, la même régénération que dans toutes les autres de son économie politique. Vous avez donc deux devoirs à remplir: l’un de déterminer la place que le régime des contributions publiques doit occuper dans cette Constitution, l’autre de déterminer la nature, le mode et le montant de ces contributions. Telle sera donc la division du travail que votre comité de l’imposition va commencer à mettre sous vos yeux: un rapport dans lequel il développera les principes qui dérivent nécessairement de ceux que vous avez posés dans la déclaration des droits, et dans les parties déjà terminées de la Constitution, précédera un projet de décret, contenant les articles qu’il regarde comme constitutionnels : vous y verrez non seulement tout ce qui tient à l’établissement des contributions, mais encore tout ce qui concerne leur assiette, leur répartition, leur recouvrement, réservé soigneusement au Corps législatif, et sous ses ordres, aux corps administratifs et aux municipalités, qui, composées comme lui de membres élus par leurs concitoyens, mériteront leur confiance, et sauront allier la justice due à tous, avec la fermeté que le bien de l’Etat exige contre ceux qui voudraient troubler l’ordre public, en se soustrayant au tribut que chacun doit a la patrie, et avec les égards auxquels le malheur aura des droits dans la distribution des soulagements, dont la disposition leur sera confiée. Vous verrez les bases d’un ordre de comptabilité simple et clair, d’après lequel les recettes publiques, acquittant immédiatement les dépenses, ne passeront plus par ce nombre de mains, qui, même supposées pures, en retenaient toujours une portion à titre de services ou d’émoluments, et d’après lequel aussi toutes les caisses particulières répondront à un centre commun, pour pouvoir présenter dans tous les moments la situation des finances de la nation à la vigilance de ses représentants. Vous avez déchiré le voile mystérieux dans lequel les opérations fiscales s’enveloppaient, on vous proposera d’empêcher qu'on ne tente d’en conserver quelque partie, et de couvrir, sous l’apparence de la publicité même, des moyens toujours désastreux lorsqu’ils sont présentes avec art, et difficiles à saisir. On déterminera le degré d’action que les agents (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du rapport de M. de La Rochefoucauld.