344 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d’hommes corrompus qui voudroient qu’il n’existât plus un seul homme de bien sur la terre pour n’avoir plus à rougir de leurs forfaits. Citoyens Représentans, si la liberté de la presse n’avoit point été enchainée, les pages de l’histoire de la plus belle Révolution se-roient-elles teintes du sang de tant de victimes innocentes égorgées par le crime ? Si la liberté de la presse n’avoit point été enchainée vous auroit-on laissé si longtems ignorer que sous le prétexte de sauver la République on immo-loit ses enfans et ses deffenseurs? La liberté de la presse n’est point le seul de nos droits que la malveillance ose attaquer pour établir sa funeste domination, elle prétend rompre le niveau de l’égalité, mais égaux par la nature et devant la loi, nous ne re-connoissons et nous ne voulons reconnoitre d’autres distinctions que celle qui résulte des talents et des vertus. Nous ne reconnoissons que deux classes d’hommes, les bons qu’il faut protéger et les méchants qu’il faut punir. Tout acte qui contrarieroit ce principe immüable se-roit à nos yeux un acte d’oppression et de ti-rannie. Nous méditons sans cesse les droits de l’homme parce que nous sçavons que leur ignorance ou leur oubli mene à l’esclavage et que nous voulons être libres. Représentans, vous avez bien mérité de la patrie dans les journées des 9 et 10 thermidor ; restez à votre poste pour consommer vôtre ouvrage. Ne décrétez point la liberté de la presse, ni l’admissibilité de tous les citoyens à tous les emplois sans autres distinctions que celle des talens et des vertus, mais frappez quiconque oseroit porter atteinte à ces droits inaliénables, que le crime tremble, nos yeux sont fixés sur vous, nos bras sont armés et nôtre sang est prêt à couler pour vous deffendre. A ce moment nous apprenons qu’un monstre vient d’attenter aux jours d’un Représentant fidèle. Autant cette scélératesse nous cause d’indignation, autant elle ajoûte à notre attachement inviolable à la Représentation nationale. Brave Tallien, tu seras vengé ; peuple de Paris, citoyens magnanimes, fidèles dépositaires de l’espérance de la patrie, veillez sans cesse sur ce dépôt sacré et si jamais les médians pouvoient prévaloir, parlez, vos frères de Saint-Pol, volent partager vos périls et vos triomphes. F. L. Monchaux, H. Delepierre, François Hamelin, Branquart, Paget et deux pages de signatures. 9 La société populaire de la commune de Caen [département du Calvados] exprime les mêmes sentimens d’admiration sur l’énergie de la Convention dans les journées des 9 et 10 thermidor, et enfin de son indignation contre les scélérats qui ont osé porter une main coupable sur la personne du représentant Tallien. Mention honorable, insertion au bulletin en entier (16). [La société populaire républicaine et régénérée de Caen à la Convention nationale, le 29 fructidor an II] (17) Liberté, Egalité, Fraternité ou la Mort. Mort aux traitres et aux tyrans, Caën le 29 fructidor l’an 2e de la République française une, indivisible et impérissable. Représentans du peuple, Un nouvel attentat vient de porter l’horreur dans l’ame des amis de la patrie, ceux qui font briller le poignard de Brutus seroient immolés par les satellites d’un nouveau Tarquin!... Ils ne sont donc pas tous anéantis dans la personne du dernier tyran. Vengeance, Législateurs, la nation outragée dans un de ses représentans vous la demande, elle l’attent de vous, votre énergie a sauvé la chose publique, votre fermeté nous assure qu’elle ne périra pas dans vos mains, mais le peuple qui doit son salut à votre courage veut que la Repésenta-tion nationale soit repectée, qu’elle soit à l’abri des poignards, de la calomnie et du fer des assassins... qu’ils périssent les scélérats qui ont osé porter une main parricide sur les délégués du peuple; et vous dignes Représentans, continuez à consolider les bazes du bonheur public par l’action du gouvernement révolutionnaire, l’amour du peuple vous environne, vous êtes son centre et son appui et comme vos actions sa reconnoissance sera immortelle. S. Bexon, président, Gebert, secrétaire. Les membres du bureau de correspondance : Fleury, Belbarbe, Massieu, Mesnil, Detruis-sard, Lapoterie, et deux autres signatures illisibles. 10 Une députation de la section du Panthéon [Paris] est admise à la barre; elle annonce qu’un exemplaire de l’adresse attribuée à la société populaire de Dijon avoit été déposé sur le bureau, et qu’après en avoir fait lecture, l’assemblée avoit fait éclater son improbation. Mention honorable, insertion en entier au bulletin, et renvoi au comité de Sûreté générale (18). L’orateur : La section du Panthéon-Français nous députe vers vous pour vous informer des menées perfides que l’on emploie pour sonder l’opinion publique, et la diriger sans doute vers un but coupable. (16) P.-V., XLVI, 3. (17) C 321, pl. 1349, p. 6. Ann. Patr., n° 633 ; Bull., 3 vend. ; C. Eg., n° 768. (18) P.-V., XLVI, 3. SÉANCE DU 1er VENDÉMIAIRE AN III (LUNDI 22 SEPTEMBRE 1794) - N° 11 345 Le 20 fructidor, deux citoyens de la section de l’Unité déposèrent sur le bureau de l’assemblée générale une adresse attribuée à la société populaire de Dijon. Après en avoir entendu la lecture, l’assemblée fit éclater son indignation d’un manière bien prononcée : elle arrêta de suite que plusieurs de ses membres se transporteroient dans les diverses sections de Paris, à l’effet d’y manifester les sentimens d’indignation dont elle s’étoit sentie pénétrée sur les résultats de ces demandes. Le 30 fructidor, le commissaire de police de la section de Châlier vint (ainsi que son président l’avoit promis à ceux qui, le décadi d’auparavant, lui avoit remis notre arrêté) rendre compte de la manière dont l’adresse des Di-jonnais avoit été accueillie dans leur assemblée ; il n’ignoroit pas nos sentimens à cet égard, puisqu’il étoit chargé d’y répondre ; mais se croyant assez adroit pour nous faire rapporter notre arrêté, il flagorna long-temps les citoyens pour obtenir la permission de relire cette adresse, dont nous n’avions peut-être pas bien pu, disoit-il, saisir l’esprit à la première lecture ; il fut donc entendu avec ce calme qui mûrit la réflexion ; et si son collègue ne se fût pas chargé de l’applaudir, il auroit apprécié la valeur de notre silence. L’assemblée, pour la seconde fois, rejeta ce chef-d’œuvre de perfidie dont vous aviez précédemment fait justice ; mais elle ne put contenir son indignation lorsque le colporteur de l’adresse élevant la voix, dit qu’il alloit se retirer, afin que les contre-révolutionnaires ne pussent pas l’accuser d’avoir influencé la délibération : Arrêtez, lui dit le président avec véhémence : je vous ordonne au nom de l’assemblée que vous venez d’outrager d’une manière aussi indécente que coupable, d’assister jusqu’à la fin des débats qui vont avoir lieu sur cette adresse. Témoin muet des délibérations, il vit établir les grands principes qui fondent les Républiques, et dévoiler d’une main hardie les vices et les crimes qui les anéantissent ; il dut s’appercevoir à travers son trouble, de l’animadversion de l’assemblée, surtout lorsqu’il mit sur la même ligne, pour son point de ralliement la Convention nationale et les Jacobins (19). Nous ne donnons point dans un piège aussi grossier; nous savons que la République est une et indivisible comme la représentation nationale. Nous sommes soumis aux lois; et quiconque est plus sévère que la loi, est un tyran à nos yeux. Nos cœurs, nos bras et notre sang appartiennent à la République ; tout ce qui blesse la raison et les principes de la justice, ne peut avoir le suffrage des républicains. Que d’autres se déhonorent en proposant le retour du règne de la tyrannie : ils creusent leurs tombeaux, lorsqu’ils rappellent les maximes de l’oppression. Dans tous les temps, dans toutes les circonstances périlleuses, la section du Panthéon-Français aura pour banière la déclaration des droits, et (19) Insistance de la majorité des gazettes sur ce point : Ann. Pair., n° 630; J. Fr., n° 727 ; C. Eg., n° 765. pour unique point de ralliement la représentation nationale. [(On applaudit )] (20). Législateurs, notre horizon politique se rembrunit ; des nuages pleins de météores sulfureux s’amoncellent sur nos têtes ; tout semble présager qu’il se médite encore dans l’ombre quelque nouvel attentat. Convention nationale ! reste toujours pénétrée des grands intérêts confiés à tes soins, et nous serons pour toi la flèche électrique qui te préservera de l’orage. Surveillons ces fabri-cateurs de révolutions ; disons-leur, si l’exemple récent d’une commune conspiratrice conduite à l’échafaud, malgré les immenses moyens de rébellion qui sembloient être aux ordres de son chef, ne peut vous effrayer et vous contenir, sachez qu’un peuple vraiment républicain ne dort plus maintenant qu’appuyé sur ses armes ; qu’au moindre mouvement, il saura préserver la représentation nationale de toute atteinte et faire rentrer dans le néant ceux qui s’enorgueillissent d’en être à peine sortis. Justice, probité, courage, vous saurez épouvanter la terreur qui n’a peut être bientôt plus qu’une période à exister pour être à jamais rayée dans les fastes de la République (21). D’après ces considérations, l’assemblée générale de la section du Panthéon français nous a chargés de vous informer que, persistant dans son arrêté du 20 fructidor dernier, qui improuvoit l’adresse de la société populaire de Dijon, et l’adhésion de la section de l’Unité, elle improuve également l’arrêté et l’adhésion de la section Chalier, comme contraire aux principes de la liberté et de la Convention nationale. L’assemblée générale nomme pour ses commissaires, à l’effet de porter son vœu, les citoyens Chatelin, Le Clerc, Hardy, Garnier, Mourot, Desormaux, Merceraux, Koen, Serin et Dimpre (22). La Convention applaudit vivement à cette pétition et en ordonne la mention honorable et l’insertion en entier au bulletin (23). 11 La société populaire d’Argenton [département de l’Indre], peu nombreuse et composée de membres peu fortunés, ajoute à l’adresse envoyée à la Convention, dans laquelle elle l’invite à continuer ses honorables travaux et à déjouer sur-tout les trames des ennemis de la patrie, un don de 2 578 L en assignats, et (20) Moniteur, XXII, 54. (21) Bull., 2 vend.(suppL). Moniteur, XXII, 53-54 ; Débats, n° 731, 6-7 ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Fr., n° 727. (22) Bull., 2 vend, (suppl.). (23) Moniteur, XXII, 54. Débats, n° 731, 7 ; Bull., 2 vend. (suppl.) ; C. Eg., n° 765 ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146; M.U., XLIV, 12 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 765 ; Gazette Fr., n° 996 ; Ann. R.F., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2 ; J. Perlet, n° 730. J. Paris, n° 2.