456 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1790.] Les effets n’ont pas baissé depuis un mois, et les agioteurs sont à l’aumône. Ils trouvent cette position fort incommode : M. l’évêque d’Autun vous a présenté un projet qui mérite d’être loué à jamais dans la rue Vivienne. Je n’ai pas l’honneur d’être confident de M. l’évêque d’Autun, et cependant je vais vous dire tous ses secrets. Je vous demande pardon si, dans cette discussion, le nom deM. l’évêque d’Autun est si souvent prononcé, mais je parle d’un plan proposé par lui et imprimé sous son nom.... (On observe que ce n’est pas là l’ordre du jour. M. de La Rochefoucauld se présente pour demander la parole. M. l’abbé Maury le pousse hors de la tribune par les épaules.... Il s’élève de grands mouvements.) M. Alquier demande la parole. M. Président. On élève une question incidente, en disant que l’opinant n’est pas dans l’ordre du jour : M. Alquier demande la parole, je la lui accorde. M. l'abbé Maury. M. le président, je ne puis la lui donner. M. lie Chapelier. J’ai à demander que l’opinant soit rappelé à l’ordre. M. le Président. On demande la parole sur les propositions du préopinant. Plusieurs voix : Et sur ses actions ! M. de Laneosne. Il y a une accusation à former contre M. l’abbé Maury : qu’il écoute son accusateur; il répondra ensuite. M. l’abbé llaury. Je supplie l’Assemblée de m’écouter avec la plus grande attention et la plus grande sévérité. J’ai dit que la proposition de mettre en vente tous les biens nationaux était une invention atroce de l’agiotage. Les agioteurs voyaient toutes leurs opérations dans une stagnation qui est pour eux la mort ; ils outdit : si nous mettons tous lesbiens nationaux en vente, il arrivera que les assignats, qui ne perdent que 3 0/0, ne vaudront pas plus que les autres effets, ou que ces effets vaudront autant que les assignats. Ce serait une belle proie pour ceux qui ont une grande quantité de ces effets en portefeuille : voilà ce qu’ils ont voulu : il s’agit d’examiner si c’est cela que vous devez vouloir. Pourquoi les assignats ont-ils une grande va!eur?G’est qu’ils sont hypothéqués sur des biens connus et liquides. Dès le moment oùtousles effets publics pourront être reçus comme les assignats, les assignats rentreront dans la classe des effets publics, et alors ils perdront 10 0/0, même avant leur émission. Si tous les effets publics qui portent 5 0/0 d’intérêt sont reçus comme les assignats, ou ils monteront au tauxde ceux-ci, ou ceux-ci descendront à la valeur de ceux-là. Ce calcul des agioteurs est très impatriotique. Votre comité de liquidation ne vous a pas encore fait connaître l’étendue de la dette publique. Plusieurs membres de ce comité m’ont communiqué le résultat de leurs travaux. On vous fera incessamment un rapport qui vous prouvera que la dette publiquese monte à 7 milliards ..... (Il s’élève des murmures.) Je parle de ce que j’ai appris par le comité de liquidation. Plusieurs voix : Vous n’en êtes pas! M. Dupont (de Bigorre ). Voilà un membre du comité qui demande à démentir M. l’abbé Maury. M. Biaille de Germon, membre du comité de liquidation, se présente à la tribune. M. l’abbé Maury ne veut pas la lui céder. Une partie de l’Assemblée insiste pour que M. Biaille de Germon soit entendu. M. l’abbé Maury. Permettez-moi de dire ce que je sais et de qui je le sais ; je ne prétends pas être cru sur ma parole. M. Lucas (de Moulins ). C’est l’assertion la plus odieuse, la plus incendiaire! M. l’abbé Maury veut anéantir la confiance. Je demande que le membre du comité de liquidation qui veut le démentir soit entendu. (Quelques moments s'écoulent dans une grande agitation.) M. Le Deist de Botidoux. M. le Président, on demande que vous consultiez l’Assemblée pour savoir si l’on entendra le comité, quand il est de sou devoir de donner un démenti à M. l’abbé Maury. Je vous somme de mettre cette demande aux voix ..... On ne peut souffrir que la tribune soit impunément souillée par d’aussi dange-reusesi mpostures. Beaucoup de membres du comité de liquidation se présentent à la tribune. M. l’abbé Maury les repousse. L’Assemblée décide que le comité de liquidation sera entendu. Après une longue résistance, M. l’abbé Maury quitte la tribune. M. l’abbé Gouttes. J’ai eu d’autant plus lieu d’être surpris de l’assertion de M. l’abbé Maury, que j’ai été secrétaire du comité de liquidation depuis sa formation, et qu’il y a quinze jours que j’ai l’honneur de le présider. J’ai assidûment assisté à toutes ses séances, et je ne crois pas qu’un seul de ses membres ait dit, ait pu dire ce que M. l’abbé Maury suppose. Nous avons une partie des états de la marine et des états du département de la guerre : des affaires particulières ont employé notre temps. Nous nous occupons à préparer un projet de décret pour assurer l’ordre dans notre travail. Je demande que M. l’abbé Maury nomme la personne qui lui a dit ce qu’il a avancé. Nous ne pouvons pas savoir qu’elle est t’étendue de la dette de l’Etat, puisque nous n’avons pas d’autres pièces que celles dont je viens de vous parler. M. l’abbé Maury. L’interruption qu’on m’a fait éprouver n'aurait pas été très nécessaire si on m’avait fait l’honneur de m’écouter. J’ai dit qu’un membre du comité.... Plusieurs voix : Vous avez dit plusieurs membres. M. Dupont (de Bigorre). M. l’abbé Maury a dit qu’il parlait au nom du comité. M. l’abbé Maury. M. Dupont dit une imposture. [Le soulèvement est général dans la partie gauche de V Assemblée). M. le Président. C’est en nous respectant nous-mêmes que nous conserverons le respect dû à cette Assemblée. Je demande qu’on veuille bien rentrer dans le calme et la tranquillité qui nous conviennent.