72 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 août 1790.J mandent la parole au sujet des bruits mis en circulation sur les faits qui se passent dans cette province. M. Salicetti. Je viens d’être informé que les ennemis de la chose publique répandent sourdement dans la capitale et dans l’Assemblée nationale que le général Paoli a déterminé les Corses à se soumettre aux Anglais. Comme il n’y a rien de plus faux, je m’empresse de détruire des calomnies qui sont injurieuses à l’attachement du général Paoli pour la Constitution, et à la fidélité des Corses pour les engagements qu’ils ont contractés. ( Une grande partie de V Assemblée applaudit.) Si les ennemis de la chose publique ne veulent pas croire à notre fidélité et à notre loyauté, qu’ils croient du moins à notre intérêt. Les Corses unis à l’empire français seront heureux, et, je vous le certifie, jamais ils ne songeront à se donner un maître. (On applaudit.) Les plus ardents amis de la liberté sont calomniés -, on les appelle des traîtres : je ne suis pas étonné qu’on calomnie ma patrie. Toutes les lettres que j’ai reçues m’apprennent que depuis la Révolution les affaires sont meilleures qu’elles n’ont jamais été, et la tranquillité plus assurée. Le parti des aristocrates à la vérité... (Il s'élève des applaudissements et des murmures.) S’il existe quelqu’un qui ait des renseignements pour prouver que les Corses ne sont pas fidèles à la France, qu’il se présente et je le réfuterai pleinement. Vous avez ordonné qu’il y aurait des municipalités partout, et les Corses ont établi des municipalités ; vous avez ordonné qu’il serait fait des assemblées primaires, et ils s’occupent actuellement des assemblées primaires. J’ai reçu une lettre du générai Paoli et de M. Golonna, député qui se trouve dans ce moment en Corse; je les dépose toutes deux sur le bureau. M. Bnttafnoco. La nouvelle qu’on a répandue est une fausseté dénuée de toute vraisemblance. On vous a parlé d’aristocrates ; en vérité il est bien ridicule de vouloir faire croire qu’il y a en Corse des aristocrates. Interrogez les membres de cette Assemblée qui ont été dans ce pays, ils vous diront si cela est. Il y a des nobles eu Corse ( Plusieurs voix s'élèvent et disent : Il y eu avait), mais ils sont tous pauvres. C’est pour vous irriter qu’on vous a parlé d’aristocrates. (L’Assemblée décide, à une très grande majorité, qu’il sera fait mention sur le procès-verbal de la déclaration faite par les députés de l’île de Corse, que les bruits répandus sur ce département sont calomnieux.) M. le Président prévient l’Assemblée qu’a-près la levée de la séance elle aura à se retirer dans ses bureaux pour la nomination de son président et de trois secrétaires en remplacement de MM. Rewbell, Goster et JBouteville-Dumetz. M. Lebrun. Dans le décret sur les jurés-priseurs, il se trouve un oubli qu’il faut réparer. Plusieurs jurés-priseurs ne sont point huissiers ; en leur accordant le droit de faire des ventes, il en résultera une concurrence avantageuse pour le service public. Le comité des finances propose l’article suivant : « Ceux qui étaient précédemment jurés-priseurs continueront leurs fonctions concurremment aveç les notaires, huissiers et sergents. » M. Le Chapelier. Si l’on rembourse ces officiers, je ne conçois pas pourquoi on leur accorderait une concurrence avec des officiers qui conservent des charges en vertu des finances qu’ils ont faites. On ne peut laisser aux jurés-priseurs une concurrence que jusqu’au moment de la liquidation de leurs offices. M. Lebrun. Les officiers appelés à faire des ventes de meubles n’ont rien payé pour les faire. La plupart des jurés-priseurs ont acheté de la seconde main; ils ont perdu considérablement; il est juste de leur donner cette consolation. M. Thévenot. Je m’oppose à l’article proposé jusqu’à ce que le rapporteur se soit expliqué plus catégoriquement, car s’il veut parler des jurés-priseurs de moderne création, tout le monde sait qu’ils ont commis dans les provinces des vexations horribles. (L’article est rejeté par la question préalable.) La séance est levée à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BR101S DE BEAÜMETZ, EX-PRÉSIDENT. Séance du samedi 14 août 1790, au soir (1). M. Briols de Beaumetz , ex-président, occupe le fauteuil et ouvre la séance à six heures et demie du soir. M. de Kyspoter, secrétaire , donneleeture du procès-verbal de la séance du 13 août. M. Pinteville de Cernon, autre secrétaire , lit le procès-verbal de la séance du 12 août au soir. Ces procès-verbaux sont adoptés sans réclamation. M. de Kyspoter présente l’extrait d’un grand nombre d’adresses de diverses municipalités , assemblées primaires, districts et départements dont la teneur suit : Adresse des officiers, connus sous le nom d’officiers de fortune dans le corps royal de l’artillerie, en garnison à Besançon, qui expriment la plus vive indignation contre un libelle incendiaire, intitulé : Copie de la lettre circulaire deM. le chev... Al... de Lam... à ses correspondants à Metz, Strasbourg, Lille et dans toutes les garnisons du royaume, qui a pour but l’insurrection u es officiers de fortune, des sous-officiers de l’armée et son entière dissolution. Ils jurent, entre les mains de l’Assemblée, de donner toujours l’exemple de la subordination et de l’exacte observation de la discipline militaire, et protestent de leur entier dévouement pour l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi. Des officiers municipaux de la ville de Bour-goin, qui annoncent que, d’après une lettre du comité des recherches de l’Assemblée, ils ont remis en liberté le sieur Gouveilot, qu’ils avaient arrêté, et lui ont rendu ses papiers; qu’ayant (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 août 1790.] 73 ensuite reçu le décret de l’Assemblée, du 29 juillet dernier, qui ordonne que le sieur Gouvellot serait conduit à Paris, ils ont été dans l’impossibilité de satisfaire à ce décret; ces officiers municipaux protestent de leur entier dévouement à la chose publique et supplient l’Assemblée de leur accorder le tribunal de district, qu’ils sollicitent depuis plus de six mois. Des électeurs du district de l’Assay, des administrateurs du district de Domfront, et du district de Roman, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présentera l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Des municipalités et gardes nationales de Se-nestin,de Saint-Porebaire,de Saint-Domès, d’Haut-viilers, de Talluyers, département de Rhône et Loire; des villes de Belle-Isle en terre, du Puy et de Marennes. Toutes ces municipalités et gardes nationales annoncent que tous les citoyens se sont empressés de célébrer le jour mémorable du 14 juillet par une fête civique, dans laquelle ils ont fait éclater les sentiments de l’allégresse la plus vive, de l’union la plus étroite, et ont prononcé le serment fédératif du Champ-de-Mars. Les habitants delà ville de Marennes supplient l’Assemblée de naturaliser Français, le sieur Sa muelCanier, natif de Dublin,enlrlande, domicilié dans cette ville, depuis plus de trois ans, et qu’ils ont admis à prêter le serment civique. Adresse de la section du Roi-de-Siciie, qui exprime ses sentiments avec une dignité et une sagesse, telles qu’on ne peut mieux les faire con-naitrequ’en en empruntantlespropresexpressions: « Ce n’est pas, disent-ils, un acte d'adhésion que nous venons offrir; cet acte d’adhésion serait aujourd’hui superflu : mais avec toute la France, et dans ce jour solennel où elle s’est confédérée, nous avons fait le serment d’exécuter la volonté générale exprimée par les décrets. Notre adresse n’est donc, ajoutent-ils, qu’un nouveau témoignage de patriotisme, d’attachement parfaitement libre à la Constitution, un acte d’admiration pour les sublimes travaux de nos représentants, un acte enfin de reconnaissance, que tout bon citoyen doit s’empresser de leur offrir. Que pourraient même, s’écrient-ils, contre nous des ligues extérieures? N’est-ce pas la cause de tous les peuples que nous défendons? Ces soldats étrangers, dont on nous menace, n’ont-ils pas aussi une patrie ? et loin d’employer leurs armes à nous rendre des fers, n’apprendraient-ils pas, au milieu de nous, à s’en servir pour briser les leurs ? Mais s’ils étaient assez vils pour vouloir être esclaves, et oublier qu’ils sont des hommes, qu’ils viennent sur nos foyers, ils éprouveront quelles sont les forces d’un Peuple libre. « Egalité des droits : liberté par les lois , voilà les droits que nos représentants nous ont rendus, nous en sommes fiers, et nous les défendrons jusqu’à la mort. « Respect des droits d’autrui, fidélité à la nation, à la loi et au roi : voilà les devoirs qui nous sont imposés, nous les remplirons avec toute l’exactitude du plus pur patriotisme. » Adresse du sieur Joseph-François-Louis Gro-bert, ancien officier au service de Sa Majesté apostolique, membre des académies de Florence et de Bologne, qui fait hommage à l’Assemblée de l’invention d’une machine balistique, qui, par l’effort continu de quatre hommes, tirerait 360 coups de fusil par minute ; offrande qu’il sait bien être peu digue des Français, qui ne veulent que paix et concorde avec tous les peuples de la terre, et qui du moins ne pourra leur être utile que s’il en existe qui veulent les premiers enfreindre ce pacte d’humanité et de bienfaisance universelle. M. de lia Touche demande qu’il soit fait un changement à l'article 6 du décret concernant les apanages . M. de IK urinais dit qu’il n’est pas admissible de modifier ainsi un article d’un décret sans avoir entendu les explications du comité. En conséquence, il propose de renvoyer la motion au comité des domaines. (Le renvoi est prononcé.) M. Pinteville de Cernon, secrétaire , commence la lecture d’une adresse du Châtelet de Paris, accompagnée d’une lettre de M. Boucher d’Ar-gis, qui repousse l’inculpation à lui faite par le comité des recherches de la ville de Paris, de vouloir, par ses poursuites relatives aux événements des 5 et 6 octobre 1789, faire le procès à la Révolution : Il assure que sa procédure n’a eu d’autre objet que les attentats commis au château de Versailles; que, d’ailleurs, la dénonciation du procureur du roi a été absolument calquée sur celle du procureur de la commune et pour en fournir la preuve,1 ler Châtelet joint, à son adresse, copie des deux dénonciations. Plusieurs membres font remarquer que la lecture entière du mémoire du Châtelet occuperait toute la séance; ils demandent qu’il soit renvoyé au comité des rapports. M. Dufraîsse-Duchey réclame la lecture intégrale, en disant que le renvoi serait un déni de justice de la part de l’Assemblée. L’Assemblée ordonne, néanmoins, le renvoi au comité des rapports. M. Vieillard, député de Coutances, au nom du comité des rapports, rend compte d’une pétition des officiers municipaux de Montauban. Il a été remis aujourd’hui à votre comité une adresse de quatre officiers municipaux de la ville de Montauban; ces officiers représentent que le 11 du mois de mai ils n’étaient que notables, et qu’ils n’ont été nommés officiers municipaux que le lendemain. Les officiers municipaux existants alors sont, disent-ils, seuls dans le cas du décret par lequel vous avez suspendu le conseil municipal de ses fonctions. Votre comité se bornera à vous faire observer que le conseil municipal n’est autre chose que le conseil général de la commune; que ce conseil général, comprenant les notables et ayant été suspendu sans distinction, les quatre officiers municipaux qui n’étaient que notables à l’époque des troubles, sont soumis aux dispositions de votre décrei. En conséquence, le comité des rapports pense qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur leur pétition et vous propose le décret suivant: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur la pétition des officiers municipaux de Montauban , en date du 5 de ce mois, déclare qu’il n’y a point lieu à délibérer. » (Le projet de décret est adopté.) M. Warin, organe dit comité des rapports , rend compte d’une affaire concernant la municipalité d’ingrande.