[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ brumaire an II 221 t 14 novembre 1793 battus comme des Français, mais ils ont été défaits comme des soldats abandonnés et trahis, on ne sait ce qui en est resté sur la place, mais à en juger par ce qui en est échappé, à ma connaissance actuelle, le nombre a été considé¬ rable, puisque sur 7,000 homïnes au moins qui composaient l’armée d’Avranches, j’en ai à peine ici 1,000 qui se sont réunis de tous les côtés et qui vont former un nouveau corps des débris de tous. S’il ne s’en est pas retiré davantage du côté de Rennes et vers l’armée du Calvados, cette perte sera notable pour la République, et cPautant plus que ces 5,000 hommes, — (il résulte de l’état qui vient de m’être apporté que, des premiers bataillons, il ne reste ici que 580 hommes), — s’ils avaient été repliés avec ordre sur Avranches à l’approche de l’ennemi au lieu d’avoir été exposés à une déroute devant des forces supérieures de près des deux tiers, au¬ raient composé, avec les nouvelles troupes que j’ai mises sur pied, une armée d’environ 12,000 hommes, et tous ensemble ils auraient déjà, sans doute, exterminé l’armée entière des re¬ belles. « Outre la pérte irréparable de nos hommes, vous avons aussi perdu presque toutes les pièces de campagne de la petite armée d’A¬ vranches; des prisonniers échappés nous ont rapporté qu’ils avaient vu à Fougères les rebelles briser nos canons pour en faire de la mitraille. Ces monstres ont égorgé tous les gardes nationaux qu’ils ont rencontrés en habit bleu, ils n’ont pas même épargné les femmes qu’ils ont soupçonnées d’appartenir à des pa¬ triotes. « Mais, quelle que soit l’atrocité de ces bri¬ gands, ce n’est point là qu’il faut chercher la cause de la déroute d’Ernée; on la trouve d’a¬ bord dans la turpitude et la perfidie de l’ad¬ judant général Brière qui, presque toujours ivre, est resté chargé du commandement des troupes en l’absence du général Peyre, qui, selon les différents rapports, tous d’accord sur ce point, a fait marcher, sans l’ordre convenable, les bataillons au-devant de l’ennemi, quand ils devaient rester sur la défensive; et qui, au moment de l’action, a été le premier à s’enfuir. On la trouve encore dans la désertion du com¬ mandant en second du 8e bataillon du Cal¬ vados, qui est passé du côté des rebelles; on la trouvera de plus dans les nouveaux renseigne¬ ments qui nous parviendront. « Nous devons compter, parmi nos pertes, celle de d’Aubenème (1) officier de génie d’un trop rare mérite, qui a été pris et tué par les brigands. Cet officier était chargé de tous les états de situation des ports et des côtes de cette division; le directeur en chef des fortifications que j’ai ici avec moi, et qui m’a fait ce rapport, craignait que ces papiers importants ne fussent tombés au pouvoir des rebelles, ainsi que des mémoires d’attaque et de défense, mais il paraît, d’après d’autres rapports, que le do¬ mestique de d’Aubenème, chargé de ce dépôt, l’a sauvé après la prise de son maître. « Vous avez vu par la copie de ma dernière lettre à mon collègue Garnier, que je ne lui ai pas dissimulé mon opinion sur son absence et celle du général Peyre, encore je ne savais pas (1) M. Aulard écrit d’ Obenheim. (Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 8, p. 326.) tout ce que je vous transmets à présent. Mais je savais d’avance qu’il n’était ni prudent ni nécessaire de dégarnir une armée de ses princi¬ paux officiers à l’approche de l’ennemi, pour aller conférer avec eux, dans un conseil où il ne devait pas manquer de lumières puisqu’il y avait plusieurs représentants du peuple et déjà 4 à 5 généraux, et que Garnier, après s’être entendu d’abord avec le général Peyre, aurait pu lui transmettre ensuite le résultat du conseil sans déranger l’ensemble du plan et sans com¬ promettre la sûreté de l’armée, car je me per¬ suade que s’ils eussent été tous deux à la tête des troupes, elles n’auraient pas été battues ainsi. « Voilà mes réflexions, vous les jugerez. J’ai été vivement affecté de cet échec; j’ai cru devoir en rechercher toutes les causes réelles et possibles. Votre sagacité suppléera à la mienne, vous aurez aussi reçu des renseignements de mon collègue et vous prononcerez votre opinion sur ce revers, tandis que je travaille à le réparer selon mes facultés. Je vais vous rendre compte, dans une autre lettre, des mesures que j’ai prises à cet effet. « Le Carpentier. « P. 8. Le général Peyre n’est point encore arrivé, quoiqu’on m’ait annoncé, il y a plu¬ sieurs jours, qu’il se rendrait par mer à Gran¬ ville. Je vous envoie copie de la lettre que je lui ai écrite, sauf ses explications. « L’adjudant général Brière était de la division de Rennes ; on dit que mon collègue l’a fait tra¬ duire devant le tribunal révolutionnaire; ses adjudants paraissent coupables aussi; je les aurais déjà fait arrêter s’ils eussent été à ma portée. « Les communications sont interceptées d’ici à Rennes : je ne reçois plus de nouvelles de Gar¬ nier, et le courrier qui lui portait mes dernières dépêches a été arrêté sur sa route, heureuse¬ ment qu’il a sauvé les lettres. » B. Jean-Baptiste Le Carpentier, représentant du peuple dans le département de la Manche, au comité de Salut public (1). « Granville, le 20 du 2e mois l’an II de la République. « Citoyens collègues, « Par ma dernière, qui vous a été écrite do Coutances, en date du 16 de ce mois, je vous annonçais que je ramassais toutes les forces disponibles dans ce département pour les faire filer sur Granville, et que je me tiendrais exacte¬ ment sur la défensive, jusqu’à ce que ma jonction avec l’armée du Calvados nous permît d’agir offensivement avec succès. C’est ce dont je me suis occupé en effet, et aujourd’hui j’ai à Gran¬ ville les troupes dont l’état suit par aperçu : « 1° Le 1er bataillon du 31e régiment ci-devant Aunis .................. . ........ 800 h. « 2° Le 6e bataillon de la Somme. . 1.000 h. « 3° Le bataillon du 1er contingent (1) Archives du ministère de la guerre, armée des côtes de Cherbourg, carton 5/17. 222 [Convention nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j \\ nombre ?793 du district de Carentan, ou le onzième de la Manche ..... . ........ . ..... 1 . 000 h. « 4° Quatre compagnies du contins gent, idem ...... ......... ........ 400 « 5° Un bataillon résultant des diffé¬ rents corps battus à Ernée, hors ma division ................... ...... 1 . 000 « 6° La compagnie des chasseurs d’Evreux .... .......... , . . ....... 150 Total actuel de l’infanterie. 4,370 h. Compagnies de canonniers. « Du 31e régiment ........ . . ........ ... 1 « De la Somme .............. . ......... 1 « De la garde nationale de Valognes ...... 1 « De la section de la Croix-Rouge ........ 1 « De la section des Tuileries .... ....... . . 1 « Total actuel des compagnies de canon¬ niers ..................... ..... ......... 5 « Ajoutez le 6e bataillon de la Manche qui sera aujourd’hui à Çoutances, et demain à Granville avec ses canonniers . .......... .... 1 . 000 h. « Ainsi, la nouvelle armée de la Manche, grossie des gardes nationales en réquisition qui sont actuellement à Avranches, va être composée d’environ 6.000 hommes d’infanterie, dont 4.000 seulement disponibles à cause du défaut d’armes. Canonniers : 6 compagnies. « Pièces de canon : 15; dont 13 de 4 et deux de 8. « Nous avons en outre 50 gendarmes ou environ, 25 hussards, 40 ou 50 cavaliers de nou¬ velle formation; il en va arriver tous les jours de Çoutances, Carentan, Valognes et Cherbourg, et j’espère avoir sons peu 5 à 600 hommes de cavalerie. J’ai encore demandé 2 pièces de 8 et 2 de 12 à Cherbourg, sauf le plus prompt rem¬ placement car, selon le rapport de nos prison¬ niers échappés des mains des rebelles, l’ennemi a une très forte artillerie, puisqu’on la fait monter à 50 ou 60 pièces de tout calibre. Il a aussi une nombreuse cavalerie, et quinze mille hommes à pied et aguerris, sans compter leur suite qui est considérable. « Vous voilà à portée de juger des forces de l’armée de la Manche et de celles de la Vendée. Je vous avoue que malgré les inconvénients qui s’ensuivent, j’aurais déjà recouru à la levée en masse générale pour sauver ce pays, si l’armée du Calvados ne marchait de son côté; celle de Rennes doit marcher du sien, l’armée de Mayence approche, dit-on, et notre jonction doit décider du sort des rebelles. « Le Carpentier. » C. Jean-Baptiste Le Carpentier, représentant du peuple dans le département de ta Manche, au comité de Salut public (1). « Granville, le 20e jour du 2e mois, l’an II de la République. « Citoyens collègues, # Je vous envoie d’abord trente-cinq arrêtés depuis le n° 215 jusqu’au n° 261, composant la série des arrêtés dont je vous ai transmis, de Valognes, la partie la plus urgente en vous annonçant que je vous adresserais le reste par une autre occasion. « J’y joins trente autres arrêtés formant une série complète depuis le n° 262 jusqu’au n° 291, Ces derniers comprennent encore quelques mesures administratives, jusqu’à ce moment les dernières de mes opérations dans ce genre; mais la plupart sont relatifs aux dispositions militaires que j’ai eu à faire depuis l’approche des rebelles de la Vendée. « Le tout ensemble, joint aux envois précé¬ dents vous donnera une connaissance aussi exacte qu’étendue de toutes mes opérations. J’ai fait mettre en marge l’extrait de chaque arrêté, afin de vous en faciliter l’examen. « Le Carpentier. » D. Jean-Baptiste Le Carpentier, représentant du peuple dans le département de la Manche, au comité de Salut public (1), « Granville, le 21e jour du 2e mois de l’an II de la République. « Citoyens collègues, « J’avais tant de choses à vous communiquer tout à coup qu’il m’a fallu vous écrire plusieurs lettres pour éviter la confusion. « Je vous envoie six nouveaux arrêtés : « Le premier portant que l’armée de la Manche ne fera aucun mouvement effectif avant que le général Sepher nous ait informé du jour et du lieu de la jonction de l’armée du Calvados avec la nôtre; « Le second ordonnant la levée et le cantonne¬ ment des citoyens du département de la Manche, depuis 25 jusqu’à 30 ans, mais sursis à cause de la certitude de la prochaine jonction de l’armée du Calvados avec celle de la Manche et de la probabilité de la réunion des armées de Mayence et de Rennes avec les deux premières ; « Le troisième relatif à la prompte réparation des routes du département de la Manche; « Le quatrième, peu important, fixant le remplacement de plusieurs notables de Périers ; « Le cinquième, mettant 60.000 livres à la disposition du département pour les dépenses militaires faites ou à faire par cette administra¬ tion, à charge d’en rendre compte exactement; « Le sixième enfin, révoquant l’arrêté compris dans la série précédente, par lequel j’avais nommé l’inspecteur général des côtes comman¬ dant général provisoire, en l’absence du général Peyre qui est revenu à son poste. « Tous ces arrêtés portent leurs motifs dans les considérants qui les précèdent, et j’en agirai toujours ainsi, afin d’éviter des développements trop longs dans ma correspondance avec vous. « On vient d’apporter ici une caisse contenant les importants papiers de l’ingénieur d’Aube-nème, que nous avons perdu, la même caisse renfermait aussi entre autres choses les papiers de mon collègue Garnier : il est bien heureux qu’elle ait échappé à l’ennemi. (1 ) Archives nalionalesi carton AF11 121, pla-J (1) Archives du ministère de la guerre , armée des quette 918, pièce 29. I côtes de Cherbourg, carton 5/17,