288 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE doute tous les bons patriotes doivent se rallier autour de la Convention. (On applaudit.) Sans doute nous sommes tous convaincus que sans la Convention la liberté est perdue. ( Nouveaux applaudissements.) Mais il ne faut pas que la Convention se laisse calomnier par ceux qui se couvrent de son nom. Je demande que le comité de Sûreté générale fasse un rapport sur cet objet. DUBOIS-CRANCÉ : Il est temps que la Convention se prononce, et qu’elle ne devienne pas le centre des fluctuations que quelques brigands, couverts de crimes, et qui ont pillé la République, cherchent à y exciter. (On applaudit.) Oui, sans doute, il y a deux partis dans Paris ; l’un est composé de tous ceux qui aiment la liberté, qui se rallient autour de la Convention; l’autre, de tous ces hommes pervers qui ont servi le despotisme de Robespierre, qui ont trempé leurs mains dans le sang, qui ont fouillé dans le sang. (On applaudit.) C’est particulièrement dans les anciens comités révolutionnaires que vous trouverez des conspirateurs contre la patrie. En vain se sont-ils couverts d’un masque de patriotisme; la Convention finira par le leur arracher. (Nouveaux applaudissements.) Toute la France vous a remerciés de la journée du 9 thermidor : la France entière vous dit : Soyez unis, et nous sommes sauvés. Le peuple veut la justice et non la terreur. Nous avons combattu longtemps avec toute l’énergie révolutionnaire, lorsqu’il a fallu abattre la monarchie, le fédéralisme et les factions. Aujourd’hui devons-nous être ce que nous étions? Oui, en principes; mais en action, non. Il faut de l’énergie pour conquérir la liberté : pour la conserver il faut de la sagesse. Ce n’est pas en portant le désespoir dans les familles; ce n’est pas en faisant, comme quelques hommes revêtus de la confiance des Robespierre et des Couthon, plus d’aristocrates en un jour que la révolution en cinq années de crises politiques, qu’on peut conserver la liberté. (On applaudit.) On parle de ce qui s’est passé hier au ci-devant Palais-Royal. Eh bien, je sais qu’il y avait dans ce lieu deux partis dont l’un criait : Vivent les Jacobins ! et l’autre Vive la Convention ! (Toute l’assemblée et les spectateurs se lèvent en criant : Vive la Convention ! La salle retentit d’applaudissements). Je suis allé hier me délasser à l’Opéra ; on y a chanté un couplet dans lequel on disait : Les Jacobins abattront le Marais, les Pitt et les Cobourg. Il a été redemandé, répété, et vivement applaudi par une troupe de brigands et de scélérats. Citoyens, ne vous endormez point... Il y a des hommes qui disent : Nous triompherons, et ce ne sera pas long. On entend partout des menaces atroces, partout on voit des serments de guerre civile. On rencontre des hommes qui ont reçu des cartes des comités révolutionnaires, ou qui ont fui leurs départements pour éviter la peine due à leurs crimes. Il est temps, encore une fois, que la Convention se prononce. Il y a huit jours que j’ai demandé la parole pour une motion d’ordre; si la Convention veut me l’accorder, je lui présenterai quelques vues qui pourront contribuer à l’éclairer sur les mesures à prendre pour soutenir à flot le vaisseau de la République, et l’empêcher d’être englouti par les orages soulevés par des brigands. La Convention accorde la parole à Dubois-Crancé. Il monte à la tribune. DUBOIS-CRANCÉ : Par décret du 28 fructidor (40) vous avez chargé tous les représentants du peuple de vous indiquer, autant qu’il serait en leur pouvoir, les meilleurs moyens de rétablir en France le commerce, l’agriculture et les arts ; déjà Isoré vous a présenté des vues utiles (41) ; il a calculé les entraves qu’opposaient au bien public l’aristocratie, l’égoïsme et la malveillance; il vous a proposé des moyens de réformer les abus qui en résultaient, mais il n’a pas touché au principal point de la question ; ce point c’est de commencer par rétablir en France l’harmonie, la confiance, la sûreté des opérations tendantes au bien public; ce point est la garantie bien déterminée de la sûreté des personnes et des propriétés, si longtemps violées par un régime de sang et de la plus féroce extravagance. Je viens essayer de remplir cette tâche ; je viens me lancer dans une carrière immense, et, si je ne fixe pas votre attention sur tous les objets qui la méritent, j’espère que d’autres personnes, la parcourant après moi, en rechercheront avec soin tous les détours. Je vais tâcher du moins de placer quelques points de reconnaissance, et d’attacher le fil qui doit nous guider dans ce labyrinthe. Je n’entrerai point dans des détails d’administration; je n’en parlerai que sous les rapports politiques ; je dirai franchement nos fautes, je les crois faciles à réparer, et il ne faut pas que nos ennemis triomphent un instant de nos incertitudes. Depuis l’époque où la cour, écrasée du poids de ses dilapidations, luttant d’autorité contre les parlements, ayant perdu toute son influence en Europe, ne vit plus de ressource que dans l’assemblée des Etats-Généraux, il est évident que la masse du peuple ne variant jamais dans ses principes, a toujours conduit dans le bon sentier le char de la révolution. Dans les trois Assemblées qui se sont succédé, quelques hommes habiles, tantôt ont soutenu les principes, tantôt en ont dévié; et si l’histoire de la révolution française est le tableau fidèle de tout ce qu’un peuple peut développer de vertus et d’énergie, elle est aussi dans ses détails le complément de tous les crimes. Depuis Marie-Antoinette jusqu’à Cornélie Copeau (42) ; depuis Louis XVI jusqu’à Robespierre, en cinq années de mouvements rapides (40) Voir ci-dessus Archiv. Parlement., 28 fruct., n° 41. (41) Voir ci-dessus Archiv. Parlement., 2e jour s.-c., n° 49. (42) Note du Moniteur, XXII, 5 : La fille Dupleix, le premier ministre de Robespierre ; on l’appelait ainsi, parce que Dupleix était menuisier. SÉANCE DU 3e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (VENDREDI 19 SEPTEMBRE 1794) - N° 17 289 nous avons vu passer tous les conspirateurs dont l’histoire ancienne a pu fournir les modèles. Qu’en conclure? que nous sommes incapables de nous gouverner? Non; mais que nous sommes épurés de la lie que la liberté bouillonnante devait rejeter sur ses bords; dans l’espace d’un lustre, nous avons vécu cent ans, et nous sommes plus avancés dans la connaissance et la pratique des principes, que ne le fut jamais aucune nation. Je ne jetterai donc mes regards en arrière que pour y chercher des garants contre l’avenir, je ne fixerai votre attention sur les oscillations qui nous agitent encore que pour renouer le faisceau qui doit rendre imperturbable le bonheur de 26 millions de Français. Le peuple, je vous l’ai déjà dit, n’a jamais été égaré, mais on l’a souvent cruellement trompé. Voyez au milieu des intrigues du royalisme et de l’aristocratie combien de factieux ont pris le masque de la popularité pour faire tourner à leur profit la révolution. Depuis cinq ans, quoique nous ayons passé de l’état monarchique au républicanisme, le gouvernement n’a pas cessé d’être dans l’anarchie ; le peuple seul est resté fixe dans sa conduite comme dans ses principes. Voulez-vous approfondir les motifs de cette anarchie? oui sans doute, car ce n’est qu’en la détruisant que vous pourrez espérer de consolider la révolution; c’est que jusqu’ici dans cette Assemblée un petit nombre d’hommes a gouverné ; c’est que des intrigants, des orgueilleux, investis de la confiance populaire, seuls dans leurs intentions criminelles, mais puissants par les divisions, qu’ils avaient l’art de nourrir parmi vous, établissaient dans votre sein leur empire absolu, sous prétexte de factions imaginaires, dont chacun de nous craignait d’être atteint. C’est qu’il y a eu dans cette Assemblée, des hommes dont le patriotisme feint exagérait tous nos dangers ; et d’autres qui, les oreilles toujours frappées d’expressions méprisantes à leur égard, perdaient leur énergie, et redoutaient de se livrer à la discussion d’une mesure que leur conscience repoussait, dans la crainte de passer pour aristocrates. Voilà ce qui a fait pendant six mois de Robespierre un tyran ; voilà ce qui a fait passer la loi du 22 prairial, et livrer la France aux brigands. Votre marche est donc tracée par l’expérience ; rendez au gouvernement cet ensemble, cette unité d’action, qui, tendant au même but, ne peut plus fournir qu’une opinion. Placez d’une main ferme et vigoureuse le niveau de la loi sur toutes les têtes, et la France est sauvée. Songez que vous êtes la boussole de tous les départements ; que nous sommes les représentants de toutes les vertus et de toutes les passions; que celles qui nous animent réfléchissent jusqu’aux extrémités de la France; que partout il existe des caméléons politiques, toujours prêts à prendre la teinte que vous leur donnerez ; que, si l’on se dispute ici, l’on se disputera partout, et que ce ne sera qu’à notre honte qu’on verra le mot fraternité sur tous nos portiques, si la haine reste dans nos cœurs. C’est donc cette enceinte qui est le grand laboratoire de la félicité publique ; tous les talents de Pitt, tous ses efforts conspirateurs doivent se briser contre ce rocher; ses véritables agents sont nos passions. Voulons-nous, avec certitude du succès, rétablir la confiance, sans laquelle tous les décrets les plus favorables à l’industrie seraient inutiles ; commençons par donner un grand exemple au peuple français; soyons unis; marchons du même pied; il ne peut plus y avoir de différence d’opinions ; le royabsme et l’aristocratie sont unanimement proscrits, si quelqu’un en doute, qu’il monte à cette tribune, qu’il dénonce le factieux qui veut trahir la patrie; nous en ferons justice, car il est temps que nous tenions compte à nos volontaires de leurs efforts aux frontières; il est temps que nous vengions le peuple de tant de sacrifices inutiles : mais, s’il n’y a que de viles passions qui puissent nous diviser, le peuple souverain veut que nous les foulions aux pieds. Oui, Montagne sainte, tu as fait ton devoir, mais tu as aussi payé ton tribut à l’humanité. Après avoir combattu avec courage toutes les factions, tu t’es vue près de succomber sous la tyrannie d’un démagogue perfide ; eh bien, qui t’a sauvée ? Ce sont ceux qui, inquiets dans des moments orageux sur l’abolition de la monarchie, n’ont cessé depuis la mort de Capet de marcher dans le sentier de la République, qui, calmes, impassibles au milieu de ses agitations politiques, en apercevaient le but, attendaient dans le silence le moment de sauver la liberté, et l’ont fait sans balancer. Rendons-nous donc une justice mutuelle, et puisque tous ensemble nous sommes montés à la brèche contre la tyrannie, que nos bras restent levés et tombent ensemble pour anéantir les débris de ces passions méprisables qui déchiraient la France en nous déshonorant. Quelques histrions politiques diront que je viens montrer ici un bout d’oreille : je ne sais pas dissimuler, je vous dirai mon opinion toute entière : je pense que le temps des combats violents est passé, et que c’est à la sagesse à finir la révolution. Prenons garde que tel qui dans une société, dans un groupe, fait aujourd’hui V enragé, fut au commencement de la révolution beaucoup trop modéré ; et qu’il pourrait bien être encore, sous un masque different, ce qu’il fut jusqu’à ce moment, l’ennemi juré de la liberté et des intérêts du peuple. Prenons garde à ces hommes sans mœurs, qui voient l’aristocratie partout où ils ne reconnaissent pas leurs vices, et qui servent mieux M. Pitt que toutes les armées de l’Europe, puisqu’ils placent la gangrène au cœur de la France, dont ils dévorent la substance, et détruisent les ressources. Vous avez, il ne faut pas se le dissimuler, des plaies profondes à cicatriser ; à force d’exagérer certains dangers, moins réels peut-être qu’exaltés dans d’imprudents cerveaux, on a fait incarcérer en France presque tous les gros 290 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE laboureurs; il en est résulté que leurs fonds sont absorbés ; leur basse-cour est détruite, et leurs domaines ont perdu le fruit incalculable de leur industrie. Dans la Vendée six millions d’arpents de terre sont vacants, et 500 mille bœufs ou mulets, perdus pour nos besoins, recherchent inutilement chaque soir leur étable et leurs maîtres. A Lyon, où 10 millions se transformaient annuellement par l’industrie en valeur de 200 millions au profit de la République, les fabricants ont été réduits jusqu’ici, pour subsister, à transporter, à grands frais, d’une place à l’autre les pierres des démolitions qu’on vous a fait ordonner après le siège, comme si les maisons pouvaient être aristocrates. A Sedan, le plus riche atelier de nos draperies, on a recherché les manufacturiers sur des faits relatifs à La Fayette, faits sur lesquels l’Assemblée législative avait rendu un décret d’amnistie. On les a fait mourir, et les manufactures sont détruites, et 10 mille ouvriers n’ont que la ressource de porter leur industrie dans le Limbourg, si l’on ne vient pas à leur secours. Vous parlerai-je de Nantes, de Bordeaux, de Nîmes, de Montpellier, de Marseille, de Rouen, de Lorient, de Paris? partout le commerce est anéanti, parce que tout homme qui faisait circuler des fonds était suspect et accusé d’accaparement ; ce n’étaient donc plus votre système et vos lois que l’on exécutait ; ce n’étaient plus les aristocrates que l’on poursuivait, c’étaient tous les riches, tous ceux dont la fortune met en activité les talents et l’industrie du peuple, que l’on pillait, que l’on égorgeait, sous le nom d’aristocrates. Je sais ce que l’on a eu de reproches à faire à quelques commerçants ; mais fallait-il pour cela les tuer ou les incarcérer tous ? ne valait-il pas mieux diriger, par de bonnes lois, leurs actions dans le gouvernement, rendre utiles leurs fonds, leurs connaissances ; les désaristocratiser, en les intéressant personnellement au bien-être de la République? Une simple réflexion va vous faire sonder la profondeur de l’abîme : la fortune d’un million d’hommes en France nourrit l’industrie de 25 autres; anéantissez les ressources de ce million d’hommes, et la contre-révolution est faite. Voilà le système de M. Pitt, vous reconnaîtrez ses satellites aux moyens d’exécution. Le commerce que l’on vous a fait faire jusqu’à présent est affreux. C’était à un tribunal de sang que se faisaient les enchères, et l’exécuteur concluait le marché à la place de la Révolution. Sans doute beaucoup d’aristocrates ont subi le sort qu’ils avaient mérité; mais, ne vous y trompez pas, cet acte de justice envers le peuple, n’était que le voile perfide dont ôn couvrait le précipice où l’on voulait l’entraîner : sans cela eût-on violé les formes que le peuple, qui n’est pas anthropophage, aime tant à voir observer? Eût-on imaginé, ce que les Tibère et les Néron n’eussent jamais soupçonné, des conspirations de prisons! Grand Dieu ! le sang sue par tous les pores en retraçant de pareils excès : des conspirations de prisons! Et à quoi servent donc ces portes, ces verrous, ces chaînes, ces gardes continues?... Si l’intérêt de la société veut qu’on en séquestre tout homme présumé coupable, dès lors c’est à la justice qu’est confié le soin de procurer l’exécution de la loi ; elle a toute autorité pour atteindre ce but. Un homme peut-il mériter la mort pour tenter de se soustraire à ce qu’il croit être l’oppression?... Non, c’est à la police, qui l’a enchaîné, à surveiller ses efforts ; et la France même, sous l’ancien régime, a vu avec horreur condamner à la roue deux gendarmes qui, pour s’échapper de l’Abbaye, avaient cependant assassiné le geôlier. Voyez dans quel abîme, sous prétexte de l’intérêt public, l’innocence était plongée ! Cherchait-on à fuir un tribunal féroce, on était mis hors de la loi. Osait-on comparaître, on se trouvait enveloppé dans une conspiration de prisons. Il n’y avait donc aucune victime qui pût sortir des serres de la tyrannie autrement qu’en lambeaux. Je sens que ces tableaux sont déchirants; mais il faut enfin arracher le voile qui couvre tant de forfaits, il faut répondre à ces adresses insensées où quelques hommes de sang, non contents des lois que vous avez faites contre les ennemis de la liberté, provoquent le rétablissement d’un arbitraire aussi injuste que cruel, et dont ils voudraient encore disposer au gré de leurs dévorantes passions : il faut que ceux qui crient sans cesse à l’aristocratie, sans parler de brigandages, et qui n’ont cependant que de bonnes intentions, sachent bien aussi qu’il n’est pas moins important de repousser tous les maux qu’ont faits la compression universelle, la fureur des destructions et la rage du puritanisme : il faut enfin que ceux qui sont scélérats soient bien convaincus que le système exécrable qu’ils poursuivaient est détruit, et que de la même main vous frapperez les aristocrates et les brigands, mais que vous tendrez une autre main protectrice à tout ce qui ne sera pas criminel. Alors vous verrez la confiance renaître, comme un beau jour après un orage dévastateur. Les Français savent bien qu’il faut acheter la liberté; ils oublieront leurs maux passés; sûrs de jouir de l’avenir, ils oublieront vos erreurs, car ces erreurs viennent de votre vertu ; c’est elle qui fut la cause de votre long silence : vous ne pouviez connaître tant de crimes. Ils jouiront de notre union ; comme nous, ils abjureront leurs passions, ils se serreront pour défendre la liberté. Alors, que les rapporteurs de vos comités montent à cette tribune, qu’ils y développent nos immenses ressources ; qu’ils appellent le Français au travail ; qu’ils lui démontrent que la misère publique est le résultat des avidités particulières, que tout gain illicite ou forcé est un vol fait à nos enfants, que c’est là ce qui tient dans le dénûment nos défenseurs aux frontières, et vous verrez, comme aux travaux SÉANCE DU 3e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (VENDREDI 19 SEPTEMBRE 1794) - N° 18 291 du Champ-de-Mars, que chacun s’empressera de concourir au salut de la République. Un aristocrate, s’il en reste, sera au milieu des Français comme un ermite dans les bois ; il sera le jouet des petits enfants. Je ne vous proposerai pas de projet de décret sur le premier objet de ce discours. Il n’est pas besoin de loi pour nous déterminer à mettre aux pieds de la statue de la Liberté nos passions : il suffit que nous soyons convaincus que l’intérêt du peuple l’exige impérieusement : mais voici ce que je propose pour maintenir aux lois révolutionnaires leur juste sévérité et faire disparaître la tyrannie. Article I. - Le gouvernement révolutionnaire sera conservé dans son intégrité pendant la guerre; mais tout agent de ce gouvernement, qui se permettra d’en outre-passer la limite, sera puni de mort. Art. II. - La fortune d’un homme arrêté comme suspect continuera à être régie comme auparavant par celui ou celle qui aura sa confiance, et au profit de sa famille, à charge de donner aux agents des domaines nationaux bonne et suffisante caution, pour le cas où il serait jugé coupable. Art. III. - L’obéissance à la loi étant sacrée pour tout républicain, celui qui se soustraira à un mandat d’arrêt, revêtu des formes exigées par la loi, et dûment notifié, ou qui s’évadera des prisons, sera considéré comme émigré. Mais nul ne peut être présumé coupable sous le prétexte d’avoir tenté de rompre ses chaînes ; c’est à la police chargée de l’administration des prisons à les surveiller. Le discours de Dubois-Crancé avait été fréquemment interrompu par de vifs applaudissements. La Convention ajourne la discussion à une prochaine séance. MERLIN (de Thionville) : Je ne suis pas d’avis des mesures proposées par Dubois-Crancé ; mais elles peuvent faire naître d’autres idées et amener des résultats heureux. A compter d’aujourd’hui il doit s’ouvrir une discussion solennelle, une discussion qui doit enfin amener des mesures vigoureuses et sages, une discussion dont le résultat doit assurer à chaque citoyen la sûreté de sa personne et de sa propriété, et au coupable la punition qu’il mérite. Je demande l’impression du discours. Cette proposition est décrétée. 18 BENTABOLE : Garnier nous a dit que, dans le nombre de ceux qui ont crié vive la Convention il y avait des royalistes ; [GARNIER de Saintes demande la parole.] (43) [BENTABOLE] : La Convention ne peut, sans crainte de compromettre la tranquillité (43) Débats, n° 729, 549. publique, ne pas vérifier ces faits. Il ne faut pas qu’un sans-culotte, lorsqu’il entendra crier vive la Convention, dans une place publique, puisse croire que c’est là un cri de royaliste. Si on laissait une pareille opinion s’accréditer, je vous demande qui oserait jamais crier vive la Convention [Tous, s’écrient les membres de l’Assemblée en se levant] (44). Je vous demande si ce ne serait pas tromper le peuple sur le compte de ses représentants, et l’éloigner d’eux. Je demande que le comité de Sûreté générale examine s’il y avait des royabstes parmi ceux qui ont crié vive la Convention, et qu’il nous fasse le rapport séance tenante. BOURDON de l’Oise : [Ce n’est pas au nom du comité que je vais parler. Si je m’égare, mes collègues sont ici, ils me redresseront] (45). Je ne suis mû que par le sentiment de la vérité ; je vais dire ce que je sais. Il est au-dessous de la Convention de s’occuper d’une poignée d’intrigants, tant d’un parti que de l’autre. Aucun grand événement ne s’est jamais passé que nos ennemis et les aristocrates, qui restent en petit nombre, n’aient tenté d’en profiter. Le mouvement qui s’est passé hier au Palais, ci-devant Royal, est un essai d’intrigants, peut-être payés de part et d’autre. ( Applaudissements et murmures .) Tout ce que l’on désirerait c’est que la Convention s’occupât de quelques hommes qui colorent leurs misérables intentions par un cri à jamais respectable. Parmi les crieurs de vive la Convention il y avait des muscadins, et des hommes qui, quoique bien portants avaient quitté l’armée sous prétexte de maladie, et qui feraient beaucoup mieux d’être à leur poste. D’un autre côté, j’ai vu des hommes perdus de vices, des soldats de Robespierre, qui ont rempli leurs poches de sommes qu’il prodiguait, et rougi leurs mains du sang qu’il faisait répandre. Je répète ce que j’ai dit au comité, il faut comprimer les crieurs des deux côtés. (Non, non, s’écrie-t-on). L’on se récrie sur ce que j’ai dit, parce qu’on ne s’attendait pas, peut-être, que j’aurais assez de franchise pour dire la contre-partie ; mais je ne connais que la vérité. Il y avait des gens qui regrettent leur 40 sous, qui regrettent les places dans lesquelles ils vexaient les honnêtes citoyens ; enfin il y avait des gens qui seraient beaucoup mieux aux frontières qu’ici. Je crois que ce que nous devons faire c’est d’entendre le rapport que les comités se proposent de nous faire, et de chasser de Paris tout ce qui en trouble la paix et la tranquillité. MERLIN (de Douai) : Vos comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation s’occupent sans relâche du rapport que vous les avez chargés de vous faire. Ils ne se sont encore aujourd’hui séparés qu’à quatre heures du matin. En attendant ils croient devoir présenter un projet de décret contenant quelques dispositions additionnelles à la loi du 18 fruc-(44) Débats, n° 729, 549. (45) Débats, n° 729, 549.