21 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]12 mai 1791.] dois vous dire quels sont les moyens qui établissent la sûreté militaire. Dans les plus hautes mers, les digues de Cherbourg n’étant couvertes que de 18 pieds d’eau, il est impossible qu’aucun vaisseau de guerre puisse les franchir; une armée ennemie ne peut donc pénétrer que par l’espace laissé aux extrémités, et alors elle se trouve sous le feu ou du fort Royal ou du fort de Querqueville. Le premier est déjà dans un état respectable de défense que le second acquerra bientôt. Les brûlois pourraient à la vérité franchir les digues dans les hautes marées ; mais ces bâtiments qu’il faut toujours abandonner à eux-mêmes, aussitôt qu’ils sont enflammés, n’obéissent uère qu’aux courants. Ainsi ceux qui régnent ans la Manche, ayant une direction parallèle aux digues, emporteraient dans cette même direction les brûlots destinés à incendier son intérieur. Mais rien n’assure encore le mouillage de Cherbourg contre le feu des galiotes à bombes, ou d’une armée supérieure, qui, pour attaquer nos vaisseaux, se placeraient en dehors des digues, à égales distances des forts situés aux deux extrémités. Tour remédier à cet inconvénient, les uns proposent d'élever une partie des digues, d’autres veulent en élever la totalité au-dessus des pli s hautes mers, et trouvent dans ce projet le double avantage de défendre la rade, et d’y procurer en tout temps un calme absolu. Tous s’accordent à placer de distance en distance des feux croisés, et en attendant proposent d’y suppléer par des bombardes et des batteries flottantes. Enfin, Messieurs, il n’y a qu’une opinion pour s’occuper, à l’ouverture de la campagne prochaine, d’un établissement qui assure à des vaisseaux désemparés les moyens de recevoir les premières réparations nécessaires pour être en état de regagner Brest. C’est cet établissement que j’avais en vue lorsque j’eus l’honneur de vous proposer, le 12 iuars dernier, d’atfecter l’abbaye de Notre-Dame-du-Vœu et ses dépendances au service du département de la marine. J ai parcouru, Messieurs, avec quelque étendue les principaux faits qui ont rapport à l’établissement de Cherbourg. Si j’ai pu saisir la vérité que je m’étais propo.-ée pour but, vous conviendrez sans peine que l’idée de cet établissement maritime était grande et politique, qu’il a fallu une comtance raie pour persévérer dans l’exécution d’un projet qui a éprouvé toutes sortes d’oppositions et d’obstacles ; qu’enfin le succès de cette étonnante entreprise, auquel vos ennemis même ne voulaient pas croire, assure une reconnaissance éternelle aux hommes d’Etat qui ont su forcer la nature et l'opinion publique. Vous avez donc une ra le à Cherbourg, déjà protégée à l’est par le fort Royal, à l’ouest par le fort de Querqueville, au sud par le fort d’Artois; 1,900 toises de dignes, élevées au-des?us des basses mers, procurent la tranquillité du mouillage, et renferment un espace où quarante vaisseaux et un grand nombre de frégates ou bâtiments de transport sont assurés de trouver un asile. Mais ces avantages, les plus difficiles à obtenir, ne suffisent pas. Il faut perfectionner tous les ouvrages, et ajouter ceux qui manquent au complément d’unétablissement maritime. Il convient donc de faire examiner sur les lieux tout ce qui reste à entreprendre, et de contier cette mission importante aux hommes les, plus sûrs et les plus expérimentés. . . . . : . . Alors vous assurez à jamais aux armées, aux convois, au commerce de France, un a�ile contre les fureurs de la mer, et la supériorité possible de forces ennemies. Vous balancez, par la position seule de Cherbourg, tous les avantages que procure à l’Angleterre une côie abordable en tous les temps et couverte de rades et de ports aussi vastes que commodes; maîtres de surveiller ses plans de campagne, et de contrarier à votre gré ses opérations, vous l’obligez à ne paraître dans la Manche qu’avec des escadres nombreuses. Enfin vous la menacez sans cesse, par le voisinage des forces françaises, du genre d’attaque qu’elle redoute le plus, celui de porter rapidement la guerre jusque dans ses foyers. Des raisons, sur lesquelles il est permis de s’arrêter avec plus de complaisance, vous invitent encore à perfectionner les travaux de cet établissement. Jusqu’à présent votre. commerce avec le Nord a été presque nul. J’ai vu, ' pendant la guerre dernière, le Sund et la Baltique couverts de bâtiments anglais, lorsque je cherchais en vain le pavillon de ma patrie. J’ai vu ces mêmes bâtiments, après avoir choisi dans les chantiers les objets qui devaient assortir leurs cargaisons, voguer tranquillement sans escorte, et regagner leurs ports, comme si les temps heureux de la paix eussent assuré leur retour. D’où venait une supériorité si décidée ? Les Anglais avaient des ports dans la Manche, et la France ne prc-seniait dans les mêmes parages que des écueils et des dangers. C’est pour mettre un terme à une inégalité aussi désastreuse que votre comité, approuvant les travaux entrepris à Cherbourg, vous propose le décret suivant : Projet de décret. « L’Assemblée nationale, ouï son comité de marine, décrète : « 1° Qu il sera fait un fonds extraordinaire de 631,284 livres pour complé er la somme de 881,284 livres demandée par le minisire delà marine, pourexécuter le rechargement général des digue de Cherbourg; « 2° Qu’il sera fait un examen de la rade ,de Cherbourg pour constater les avantages qu’on peut en retirer dans son état actuel, et reconnaître ceux qu’on doit attendre du complément de cet établissement ; « 3° En conséquence, il sera dressé des projets de toutes les constructions nouvelles qui seront jugées utiles pour la perfection des digues, les moyens de défense, elles établissements nécessaires aux réparations, radoubs et ravitaillements des escadres, et aux secours à donner aux malades et blessés ; « 4° Décrète que son Président se retirera par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de nommer des commissaires à cet effet, et d’y envoyer en même temps une frégate qui sera spécialement chargée de vérifier les fonds de toutes les parties de la rade, en mouillant successivemeut dans tous les points. »