446 [Convention nationale,! ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f8 novèmbreT:93 reste sur le champ de l’honneur : bientôt il est atteint de deux autres blessures, l’une à la cuisse, l’autre à l’épaule. Armand SaiHand est mis hors de combat.; on le porte à l’hôpital : de nouveaux malheurs l’at¬ tendaient. Il est fait prisonnier par les brigands, qui ajoutent à ses souffrances. Les tigres altérés de sang, et dont rien ne peut assouvir la rage (les fanatiques ne connaissent pas l’humanité), se livrent au plaisir barbare de martyriser le jeune héros à coups de crosses de fusils. Il reste ainsi quatre jours, sans traitement, sans nourriture, et baigné dans son sang. Une seule idée le console, son sang a coulé pour la défense de sa patrie. Enfin, il est secouru par un de ses compa¬ gnons d’infortune, l’aide -chirurgien de son ba¬ taillon. Le jeune Sailland reçoit le soulagement que ses blessures et son état exigent. Trois mois après, on lui dit que les rebelles éprouvent une déroute, et qu’ils sont en fuite; transporté de joie du succès des armées, il oublie son mal, il se lève, il marche seul et presque nu, à plus d’un quart de lieue au-devant de notre armée, pour la féliciter d’avoir battu les brigands. Citoyens, ce trait d’héroïsme est digne d’ad¬ miration et d’attendrissement. Qu’il est beau de voir la jeunesse française se livrer ainsi à l’enthousiasme de la liberté ! Ces sentiments ne se trouvent que dans les pays libres : avec de tels défenseurs la République française est invin¬ cible et impérissable. Le jeune Sailland a droit à la reconnaissance nationale; il a goûté dans votre sein toute la jouissance que méritait son courage et sa vertu. Il a droit aux indemnités que ses blessures hono¬ rables lui ont si justement acquises. Le jeune Sailland, en versant son sang, for¬ mait des vœux ardents pour la prospérité de la nation; il criait à ses camarades : Vive la République ! C’est en honorant son courage, en lui décer¬ nant les récompenses qui lui sont dues, que la nation doit réunir sa voix à celle de ce brave républicain, et répéter avec lui : Vive la Répu¬ blique française ! W-(Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d’après le procès-verbal. ) « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de liquidation [Pottiee, rapporteur (1)], décrète : Art. 1er. « Il sera payé par la trésorerie nationale, à titre de pension annuelle et viagère, à la citoyenne Oletta, fille de Jean-Marie Oletta, capitaine corse, commandant la felouque la Vigilante , qui est mort glorieusement en défendant le pavillon de la République, la somme de 1,000 livres, à comp¬ ter du jour de la mort de son père, sous la déduc¬ tion de ce qu’elle peut avoir reçu à titre de secours provisoire, et en se conformant aux lois rendues pour tous les pensionnaires de l’État. (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 277, dossier 726. Art. 2. « Les traits de bravoure et d’intrépidité qui honorent la mémoire du capitaine Oletta seront transmis à la Commission Chargée de recueillir les actions d’éclat, aux armées et dans tous les ports de la République, par la voie du « Bulle¬ tin » (1). » Suit le texte du rapport de Charles Pottier, d’après le Bulletin de la Convention (2) : La Convention nationale a décrété le 7 de ce mois (3) que la fille du brave marin restée malade et infirme, privée des secours qu’elle recevait de son père mort glorieusement pour la défense de là patrie, jouirait d’une pension que son état lui rend nécessaire. Vous avez voulu honorer dans la personne de la fille, la mémoire du père, dont les traits de bravoure sont dignes de trouver place dans le recueil des actions éclatantes qui caractérisent la République naissante. Je veux parler du brave Oletta, marin corse, capitaine de la felouque la Vigilante, dont notre collègue, Lacombe-Saint-Michel, vous a entretenus avec tant d’intérêt. Oletta s’est distingué dans trois circonstances vraiment mémorables. Les représentants du peuple avaient connu ses principes, son caractère et son courage; ils lui avaient donné le commandement d’une felouque montée d’environ 20 hommes d’équi¬ page et de deux canons de 4. Envoyé dans le port d’Ajaccio avec des dé¬ pêches des commissaires, il reçoit ordre de la municipalité contre-révolutionnaire et du lâche d’Alkerion, commandant des forces de mer, de tirer à terre la felouque; Oletta conçoit avec raison des craintes et de la défiance; il ren¬ voie dans son canot trois ou quatre hommes dont il n’était pas sûr, avec promesse d’obéir aux ordres de la municipalité. Il lève son ancre ; mais au lieu de s’approcher du rivage et de se rendre aux desseins perfides d’une ville en con¬ tre-révolution, il fait route pour sortir du port. II s’échappe au milieu des coups de canon qu’on tire sur lui de la forteresse, et par l’habileté et la vitesse de sa manœuvre, il rejoint heureuse¬ ment les représentants du peuple qui étaient à l’entrée du golfe d’Ajaccio. C’est Oletta qui a entretenu, depuis, la corres¬ pondance entre la République et la Corse. Oletta se trouvait dans le port de Toulon, au moment où cette commune rebelle livrait lâche¬ ment ses murs aux féroces Anglais. Oletta donne une nouvelle preuve de sa fidé¬ lité à la République. Il appareille promptement de ce port, il échappe avec intrépidité au milieu des forces combinées d’Angleterre et d’Espagne; il va donner avis à l’armée d’Italie de ce qui se passe à Toulon. Oletta poursuivait sa glorieuse carrière. Il avait fait une prise, poursuivi par une frégate anglaise; il se réfugie dans une petite anse du cap Corse; il débarque ses deux canons de 4 (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25/"p. 309. (2) Second supplément au Bulletin de la Conven¬ tion du 6 frimaire an II (mardi 26 novembre 1793). (3) C’est une erreur; le décret auquel Pottier fait allusion est du 6 bruiraire (Voy. Archives Parle¬ mentaires, lre série, tome 77, séance du 6 1 rumaire an II dimanche 27 octobre 1793, p. 656. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ?8 brimée an H 447 1 ï 18 novembre 1793 qu’il place auprès d’une tour; il se bat pendant quatre heures, sans vouloir se rendre, quoique les coups du canon ennemi fissent crouler la tour de tous côtés. Un boulet renversa le pavil¬ lon national; Oletta en veut soutenir l’honneur; il le relève, et en l’assurant, il est atteint d’un coup mortel dans la poitrine. Citoyens ! voilà les traits qui distinguent le brave marin que la République a perdu. Oletta est mort au champ de la gloire; il nous laisse sa mémoire à honorer, une fille infirme et malade, au besoin de laquelle la nation française doit pourvoir. Oletta avait une fabrique de tuiles à peu de distance de Bastia; il était l’ennemi dé¬ claré du traître Paoli. Paoli a fait détruire et dévaster cette propriété par ses satellites. Déjà, la Convention a consacré la reconnais¬ sance nationale envers ce patriote malheureux; il s’agit de pourvoir au sort de sa fille, dont l’état languissant et faible est aggravé par la perte d’un père si digne de ses regrets. Le comité a pensé que la nation devait lui assurer le maximum des pensions accordées aux veuves des militaires qui versent leur sang pour la patrie. Les actions éclatantes d’un père, son intrépidité et l’état douloureux de la fille : voilà les premiers motifs qui ont déterminé le comité. Une considération non moins puissante a fixé son attention. Vous connaissez, citoyens, l’état actuel de la Corse; vous savez combien la malveillance a fait d’efforts pour y pervertir l’opinion publique. On n’a cessé d’y répandre que la Convention nationale perdait de vue cette île précieuse; qu’elle ne s’intéressait plus à son sort; qu’elle l’abandonnait. Il est intéressant de confondre les malveil¬ lants et les traîtres par un exemple frappant; il importe de convaincre les insulaires de Corse que les représentants du peuple ont les yeux fixés sur eux; qu’ils font partie de la grande famille; que les patriotes sont nos amis et nos frères. Il importe de soutenir leur énergie, d’en¬ courager le généreux dévouement des marins, en-leur présentant et les honneurs rendus à la bra¬ voure et les indemnités accordées au malheur. Honorons la vertu, récompensons le courage et la République française n’aura que des hommes vertueux et courageux. Décret. ( Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d'après le procès-verbal.) « La Convention nationale décrète (1) que tous les citoyens ci-devant décorés de la croix de Saint-Louis ou autres décorations, qui ne les auront pas déposées à leur municipalité, avec les titres de ces ci-devant décorations, dans le délai de huit jours après la publication du présent décret, seront suspects par le Sait; et les municipalités, comités révolutionnaires et autres autorités sont chargées, Sous leur responsabilité, de les faire arrêter (2). » (1) Ce décret a été rendu sur la motion de Merlin (de Thionville), d’après la minute qui existe aux Archives nationales, carton C 277. (2) Procès-verbaux de là Convention, t. 25, p. 310. Compte rendu du Mercure universel (I). Rühl dépose sur le bureau plusieurs croix de Saint-Louis et annonce qu’il n’a rien négligé dans sa mission pour faire démolir tous les ch⬠teaux, en exécution d’un décret. Il demande que les ci-devant chevaliers et nobles soient tenus sous un mois, de déposer à leurs municipalités respectives leurs croix de Saint-Louis. Merlin, en joignant son vœu à cette motion, demande que les chevaliers et ci-devant nobles soient tenus, en même temps, de déposer leurs lettres et titres. Ces deux propositions sont décrétées. « La Convention nationale décrète (2) : Art. 1er. « La pièce d’un décime aura pour empreinte, d’un côté, l’arche de la Constitution et le fais¬ ceau surmonté du bonnet; au-dessous de la ligne de terre, on lira : 10 août; et plus bas le diffé¬ rent de l’atelier monétaire, la légende : le Peuple souverain; de l’autre côté, la valeur de la pièce; l’encadrement et le millésime seront comme dans le revers de la pièce de 5 décimes. Art. 2. « Les comités d’instruction publique et des monnaies, réunis, sont chargés de rassembler (1) Mercure universel [29 brumaire an II (mardi 19 novembre 1793), p. 298, col. 2]. D’autre part, Y Auditeur national [n° 423 du 29 brumaire an II (mardi 19 novembre 1793), p. 3] et le Journal de la Montagne [n° 5 du 29e jour du 2e mois de l’an II (mardi 19 novembre 1793), p. 46, col. 2] rendent compte de la proposition qui donna lieu à ce décret dans les termes suivants : I. Compte rendu de Y Auditeur national. Rühl, en rendant compte de sa mission dans le département de la Haute-Marne, annonce qu’il est chargé de déposer sur le bureau deux croix dites de Saint-Louis, que lui ont remises d’anciens mili¬ taires. 11 observe, à cet égard, qu’il a remarqué que c’était avec peine que les militaires se dépouillaient ainsi de leurs croix et qu’ils semblaient mettre un grand prix à leur offrande. Il a, en conséquence, demandé qu’il fût rendu un décret portant que les militaires qui, dans le délai de huit jours, à compter de la publication du décret, n’auraient pas remis leurs croix, seraient regardés comme suspects et mis en état d’arrestation. Cette proposition a été décrétée. Compte rendu du Journal de la Montagne. Rühl remet quelques croix qui lui ont été en¬ voyées. Quoiqu’à l’époque de la Révolution ces sortes de décorations fussent déjà dégradées dans l’opinion et qu’il fût presque aussi humiliant de les obtenir que de ne pas les obtenir, il observe que quelques hommes y tiennent encore et croient beau¬ coup abandonner en sacrifiant un hochet qui leur était commun avec des espions de police et des proxénètes. Il demande que ceux qui ne s’en seront pas défaits sous huitaine soient déclarés suspects et traités comme tels. (Adopté.) (2) C’est Romme qui a été le rapporteur du pro¬ jet, d’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 277.