(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (n août 1790.) m rien préjuger relativement aux malversations, délits ou dégradations qui peuvent avoir été commises dans l’administration des forêts et bois des départements dont il s’agit, pour raison desquels délits, la partie publique, ou autres parties intéressées, pourront se pourvoir devant les juges compétents. » M. de Barvllle, député d'Orléans , annonce que le dérangement de sa sauté l’oblige à donner sa démission, et qu’il a un suppléant dont les pouvoirs ont été vérifiés. L’Assemblée, sur le rapport de son comité de vérification, accepte cette démission, et admet M. de Gesargues, son suppléant, à la charge de prêter le serment ordonné. M. de Sillery, au nom du comité des recher - ches, fait lecture d’une lettre de la municipalité de Toulon, qui dénonce avec indignation une lettre pastorale envoyée par M. l’évêque de Toulon dans son diocèse. M. de Sillery lit ensuite une délibération de la commune de Toulon, qui, attendu la longue absence de cet évêque, son refus opiniâtre à prêter le serment civique, et ses intentions perverses, consignées dans sa lettre pastorale, déclare que ses revenus seront arrêtés. — M. de Sillery fait, de plus, leeture de la lettre pastorale de M. l’évêque de Toulon (Voyez ce document annexé à la séance de ce jour), propose un projet de décret conforme à la délibération de la commune de Toulon, et conclut à mander ce prélat à la barre. M. Duquesnoy propose un autre décret, dont la disposition est de renvoyer l’information de ce libelle par-devant les tribunaux ordinaires. M. Dufraisse. J’appuie la motion, mais je demande que l’information soit renvoyée au Châtelet. M. Gros, curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet de Paris . Qui mieux que moi est à portée de plaider la cause des persécutés, moi, qui, pour avoir signé la déclaration d’une partie de l’Assemblée, ai été en butte aux persécutions de plus d’un genre?... J’ai été si touché de la lecture de cette lettre pastorale, que je supplie l’Assemblée de me remettre parmi les signataires de cette déclaration, que j’ai eu la faiblesse de désavouer... Ne précipitez point votre jugement; je demande que cette affaire soit ajournée. Qui sait s'il ne se trouvera personne pour prendre la défense de M. l’évêque de Toulon ? M. Prieur. Qui osera prendre sa défense? (La majorité des membres du côté droit s’écrie : Moi ! moi !) (La priorité est accordée à la motion de M. Duquesnoy.) M. Dufraisse. Je demande que l’Evangile soit j oint à la lettre pastorale, pour servir de pièce de comparaison. M. Prieur. Je demande que le préopinant soit rappelé à l’ordre, pour avoir profané la majesté de l’Evangile. L’Assemblée, consultée, décrète la motion de M. Duquesnoy en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant que le premier devoir des ministres de la religion est d’éclairer les peuples sur l’obéissance qu’ils doivent aux lois; que ceux qui cherchent à les égarer, sous le prétexte de la religion, doivent être sévèrement réprimés, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, et la lecture de la lettre prétendue pastorale, attribuée à M. l’évêque de Toulon, a décrété que ladite lettre serait renvoyée aux juges ordinaires de Toulon, pour informer contre les auteurs, et suivre la procédure jusqu’à jugement définitif inclusivement; et attendu que M. l’évêque de Toulon est absent du royaume, le traitement attaché à l’exercice de ses fonctions demeurera séquestré, conformément au décret du 4 janvier dernier. » M. le Président annonce qu’il a reçu de M. Lambert, contrôleur général des finances, une lettre qui se rapporte à la perception de l'impôt du tabac. (Voyez cette lettre annexée à la séance de ce jour.) Cette lettre est renvoyée au comité des finances. La séance est levée à 10 heures du soir, PREMIÈRE ANNEXE A LÀ SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 AOUT 1790. Opinion de M. l’abbé d’Eymar, sur l'adresse des protestants d’Alsace. — Avertissement. Un seul membre de l’Assemblée est monté à la tribune après moi, lorsque j’ai prononcé l’opinion que je rends publique aujourd’hui : ce membre est le sieur Rewbell, député de la haute Alsace et chargé par conséquent comme moi des intérêts de cette province; j’ai cru les soutenir et les défendre en demandant, comme je l’ai fait, l’exécution et le maintien des traités qui servem de base à la constitution particulière de l’Alsace et sur lesquels reposent l’exeicice et la possession sollicitée par nos frères de la confession d’Augsbourg : ces considérations, comme on va le voir, et mon sentiment personnel m’ont dicté et les raisonnements que j’ai présentés et les conclusions que j’ai prises. M. Rewbell n’a pas craint, étant du même avis que moi sur le fond du premier article, de me prêter cependant des intentions perverses et d’exprimer avec autant de grossièreté que d’indécence, au milieu de l’Assemblée la plus auguste, des soupçons auxquels il n’est dû d’autre réponse par l’homme de bonne foi que l’indignation et le mépris. Relativement au second article de mes conclusions sur la parité et l’alternative dans les emplois civiis, M. Rewbell est d’une opinion différente de la mienne, et pour combattre la pétition de MM. les Luthériens des villes mixtes à ce sujet, ainsi que les motifs sur lesquels je l’ai moi-même appuyée, il m’a nié d’abord que MM. les députés extraordinaires des villes mixtes fussent munis des pouvoirs nécessaires pour solliciter cette loi : il a dit en termes formels que celui de Colmar serait fort embarrassé de produire le cahier qui les renferme. Il semble, après une telle assertion que M. Rewbell était fondé au moins à avoir des doutes sur l’existence de ces pouvoirs. Eh bien ! non seulement le sieur Rew-beil connaissait la délibération prise à Colmar par la commune de MM. les Luthériens de la con- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 août 1790.] fession d’Ausbourg, mais encore c’est par son propre conseil que l’article a été rédigé de la raa-mière suivante, et je suis autorisé par M. le député lui-même à publier cette vérité. Voici l’articlede ces cahiers, en date du 15 février 1790 : Ils chargent , en outre , les membres du Consistoire ainsi que leurs députés , de solliciter auprès de l'Assemblée nationale , la conservation de tous leurs droits ecclésiastiques , religieux et civils , et pour ce qui regarde la nomination aux places du district et des départements , ainsi qu’aux offices de judicature et à la représentation à l'Assemblée nationale, de demander que les élections soient proportionnées à la population des citoyens des deux religions , vu qu'une telle forme, qui est fondée sur la justice, ne fera que modifier la liberté indéfinie et est la seule capable de conserver la tranquillité, la paix et la sûreté publique; de mettre un frein salutaire à l'esprit de parti et de fanatisme et d'éteindre les. haines réciproques qui en seraient la suite inévitable. M. le député de Colmar a montré lui-même à M.Rewbell, à Paris, le cahier contenantcet article de ses instructions, rédigé ainsi, je le répète, par le conseil de M. Re'wbell. Je tiens de la bouche même de M. le député extraordinaire de Strasbourg qu’en décembre 1789, même commission et mêmes instructions lui ont été données par les commettants de la capitale d’Alsace. M. Rewbell a ajouté, dans le cours de sa diatribe, qu’un très petit nombre d’individus avait manifesté le désir de voir cette parité établie, etc., etc. M. le baron de Rathzamhauzen, député comme nous à l'Assemblée nationale et chargé spécialement des intérêts d’une infinité de communautés luthériennes en Alsace dont il possède la confiance à si juste titre, a fait imprimer, le 21 mai de cette année, son opinion sur l’adresse des communautés protestantes d’Alsace et il a appuyé dans ce petit ouvrage, distribué à l’Assemblée, toutes les pétitions des villes mixtes et notamment celle de la parité. Qu’on juge actuellement et la conduite et les assertions de M. Re'wbell ; que nos commettants respectifs, que la province d’Alsace tout entière connaissent ceux auxquels elle a confié le droit précieux de la représenter et de travailler à son bonheur. Qu’elle nous juge enfin et qu’elle prononce. On peut errer dans son opinion, on peut céder avec une facilité malheureuse à un zèle impétueux, c’est le sort de la faible humanité, la bonne fui excuse ces écarts. Mais qui peut excuser la mauvaise foi et le désir manifeste de nuire et d’en imposer ? Dire et Opinion. Messieurs, deux raisons majeures, la justice et la haine politique, viennent militer en faveur de plusieurs des demandes qui vous sont présentées par les communautés protestantes ou mixtes de la province d’Alsace : j’élève la voix dans cette circonstance avec d’autant plus de satisfaction que je paraîtrai moins suspect en défendant leur cause. Nos frères de la confession d’Augsbourg demandent : 1° que le culte public des protestauts, avec tout ce qui en dépend, soit continué en Alsace et confirmé en conformité des traités, et de l’année normale de 1624; ils désirent: 2° que la loi de l’alternative ou de la parité dans les élections Série. T. XVIII. 129 municipales ait lieu à l’avenir, et qu’en conséquence la moitié ou un nombre proportionné à la population des officiers municipaux, ainsi que de tous les autres emplois civils� soit nécessairement remplie par des personnes des deux religions, ainsi que cette loi d’alternation et de parité a été observée jusqu’ici dans les principales villes mixtes de la province, voulant étendre encore cette alternative et cette parité à la composition des tribunaux et autres places administratives dans toutes les classes. La première de ces demandes est fondée en justice et le culte public de la religion protestante ne saurait être refusé à ceux qui la professent en Alsace, sans manquer aux premières lois de l’équité, sans fouler aux pieds le droit des gens, la foi des traités. La seconde, qui concerne l’alternative et la parité dans les emplois civils et administratifs, est d’autant plus intéressante et plus digne de votre attention qu’elle peut devenir le gage du calme de cette province et le sceau d’une harmonie parfaite entre les habitants des diverses croyances. J’abandonne à votre sagesse , Messieurs , de prononcer sur quelques autres demandes secondaires contenues dans les adresses de MM. les protestants d’Alsace ; elles tiennent à des principes d’administration et de législation, particulières que vous n’avez pas déterminés encore, que le rapporteur du comité vous a, si je ne me trompe, offert prématurément, et qui exigera probablement des discussions importantes, puisées, et dans l’ordre civil et dans la morale religieuse; je me bornerai donc à vous présenter quelques réflexions sur les deux articles principaux, dont le premier, ai-je dit, est fondé en justice, c’est le culte public de la religion protestante en Alsace. L’unité du culte public et solennel est sans doute un grand bien dans un vaste empire, et il faut s’y main tenir quand il y est établi dès l’origine : il eût été aussi sage que heureux si l’on avait pu prévenir la naissance du luthéranisme en Alsace; mais lorsqu’il est introduit depuis deux siècles révolus; lorsque des principes transmis d’âge en âge les ont consacrés, par l’habitude, et par ce penchant invincible que l’on a pour des opinions profondément enracinées, la persécution est le plus redoutable des fléaux et le plus grand des crimes, puisqu’elle devient, pour l’ordinaire, la source funeste d’une infinité de maux ; c’est à force de vertus , de bienfaisance et de douceur qu’il convient d’établir la préexcellence d’une doctrine, et qu’on peut espérer de faire de véritables prosélytes; ces maximes conviennent à une religion sainte, dont les bases sont la paix et l’amour du prochain, elles conviennent également à un empire dont on cherche à assurer le bonheur par la liberté et par l’union ; elles doivent être adoptées dans toutes leurs conséquences par une Assemblée qui cherche à fonder le bonheur commun sur la justice et sur l’égalité ; elles sont dans le cœur de tous les bons catholiques d’Alsace, jaloux de concourir de tout leur pouvoir au maintien de l’harmonie et de la tranquillité. Ce sont elles encore qui, jusqu’à ce moment, ont lutté avec succès contre les efforts criminels qu’on a faits et qu’on fait peut-être encore pour rompre cette bienheureuse union. Une grande partie des habitants de l’Alsace adopta les principes de la confession d’Augsbourg, à l’époque où ils furent connus et manifestés : après de longs malheurs, des dissensions cruelles, 9 igh (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lTaoût 1790.] la tolérance fit entendre sa voix, et les divisions occasionnées par la non conformité d’opinions furent éteintes dans des conventions sages, dans des dispositions propres à rapprocher les esprits fet à concilier les intérêts réciproques : non seulement l’exercice public de la religion protestante fut la base de ces conventions, mais les jouissances et possessions annexées à ce culte, furent déterminées de la manière la plus claire et la plus précise : des traités solennels, faits et renouvelés à diverses époques, ont cimenté la volonté des contractants, de telle sorte que, pour me servir des mêmes termes de l’adresse qui vous est présentée par ceux de la confession d’Augs-bourg, ce qui est juste relativement aux uns doit l’être également aux autres. C’est prononcer indirectement une vérité qu’il ne faut pas craindre de manifester ; c’est qu’en effet, en Alsace, le bonheur et l'existence de ceux qui l’habitent, tiennent au maintien exact de tout ce qui a été fixé tant en faveur des catholiques qu’en faveur des protestants : les uns et les autres sont intéressés à ce que la ligne de démarcation religieuse et politique n’éprouve aucun transport, aucun changement : priver les uns de certains points de liberté, ou de certaines possessions attribuées f»ar les conventions, c’est donner atteinte à une oi sacrée, et c’est menacer les autres de la même injustice , puisque leurs propriétés respectives reposent sur la même base et sur le même droit : il leur appartient donc d’élever également la voix lorsque l'une des deux parties sollicite et réclame le maintien de son état , l’exécution de la loi sous laquelle elle a vécu, sous laquelle elle veut exister. Je dois à la justice et à l’intêrêt de la religion catholique elle-même, d’appuyer la demande formée par les protestants de la confession d'Àugsbourg en faveur de l’exercice public de leur culte, comme faisant partie du droit en vigueur dans la province, et comme une suite nécessaire des traités et des conventions qui ont déterminé et consommé la réunion volontaire d’une grande partie de cette province à la couronne de France; sans cette stipulation expresse, jurée solennellement par Louis XIV au nom delà nation, et consolidée ensuite par des traités subséquents garantis, accep-tésà la face de l’Europe par les puissances intéressées, jamais les protestants d’Alsace n’eussent ac-cèdéà la réunion proposée ; jamais elle n’eûtobtenu leur adhésion et leur consentement, si la jouissance future et constante de cette portion de biens ecclésiastiques, dont les guerres et les révolutions les avaient mis en possession, ne leur eût été assurée â perpétuité, telle qu’elle existait à l’époque déter-Ininéede 1624, nommée pour cela l’année normale. Ainsi, ces mêmes motifs engagèrent les catholiques de toutes les classes à entrer librement sous la domination française, après avoir établi de leur Côté et consigné avec la même authenticité les conditions sans lesquelles ils n’eussent pas plus consenti que les protestants à faire partie du royaume français. C’est à l’appui de ces titres imposants et respectables, communs aux deux religions, Messieurs, Que nos frères de la confession d’Augsbourg réclament auprès de vous la profession libre de leur Culte en Alsace et toutes les jouissances qui tiennent à cet exercice, conformément aux traités et aux pactes, qui, à diverses époques et même sous Ce règne, en 1783, ont été renouvelées et sanctionnées : s’il était possible d’ajouter à ces motifs des motifs plus instants encore, il me serait facile de vous démontrer, Messieurs, que la tranquillité réciproque et générale de tous les Alsaciens dépend absolument du maintien continuel des règles fixes établies pour cette province seule: c’est lorsque ces lois ont été violées, que l'harmonie et la paix y ont reçu des échecs fâcheux; c’est lorsqu’on a exécuté littéralement et respectivement chaque article des traités en matière de culte, que le peuple d’Alsace a présenté dans toute son étendue le spectacle du bonheur : il tient, je le répète, à maintenir les deux cultes dans la jouissance qui leur appartient, et à les couvrir également de l’égide de la loi, de la bonne foi et de la justice, pour repousser toute innovation, tout empiétement illégitime, et pour éterniser, au milieu, de ses habitants, l’accord, l’union et la modération, dont les préceptes sont également consignés dans l’évangile et dans le code de la raison : il est donc juste, et je le sollicite avec messieurs les députés extraordinaires protestants d’Alsace, d’accorder à ceux qui professent la confession d’Augsbourg, la continuation du culte public, avec tout ce qui en dépend, en conformité des traités et de l’année normale 1624. 2° J’ai dit que la seconde demande que j’avais à appuyer dans ces adresses était la parité et ralternative dans les élections d’emplois municipaux et civils, le tout proportionnellement à la population et conformément à ce qui s’est observé dans plusieurs villes d’Alsai e : je pense qu’ici la saine politique et la convenance sont d’un grand poids pour étayer mon opinion en faveur de l’affirmative. Dans quelques villes d’Alsace, les catholiques étaient le plus grand nombre, dans quelques autres, ils étaient le moindre; cet ordre pouvait varier dans chaque génération ; une proportion juste et immuable était impossible à établir; on �convint donc alors, dans plusieurs villes, de statuer une parité égale. Les charges, les offices, l’autorité administrative furent également partagés entre les membres des deux cultes; à l’époque de la réuniun à la France, cet ordre sage fut conservé : il fut expressément stipulé dans les capitulations auxquelles le traité de West-phalie acheva de donner l’inviolabilité par la garantie de l’Europe entière : il est vrai( et il faut ne pas dissimuler que tes suites nuisibles de la révocation de l’édit de Nantes se firent sentir en Alsace, et que les privilèges et les droits accordés aux protestants de cetie proviuce souffrirent de l’altération. Le système ministériel qui présidait alors au timon du gouvernement se permit des ordres, des interprétations, des décisions défavorables et contraires, souvent aux principes de justice et d’équilibre qui avaient procuré et cimenté la réunion. MM. les députés ont exposé dans leur adresse comment ces altérations successives furent opérées : il faut dire, à la louange de ceux qui en furent momentanément les victimes, qmilsn'en restèrent pas moins fidèles et attachés à leur patrie : leur mécontentement dans une province frontière, aurait pu occasionner beaucoup de troubles et donner plus d’un sujet d’inquiétude aux administrateurs imprudents qui manquèrent aux égards de la justice comme à ceux de la politique. Mais les protestants gémirent en silence, et ils ont acquis par là même un droit imprescriptible à la justice, qu’ils réclament aujourd’hui : c’est une vérité de fait que je professe hautement et avec la môme sincérité qui animerait aujourd’hui mou zèie, si j’avais à faire l’apologie de la douceur, de la modération et de la contenance résignée des catholiques actuels de notre département, si j’avais à rendre compte de la patience et du courage [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 août 1790.] Ig* religieux qu’ils opposent aux efforts criminels u’on fait et qu’on renouvelle sans cesse, tant à trasbourg qu’ailleurs, pour briser les liens précieux de concorde et de fraternité dont ils sont bien résolus de ne jamais s’écarter. Votre décret du 13 avril, Messieurs, qui est l’expression d’un sentiment généreux et d’une vaste pensée, est inconciliable avec le repos de la province d’Alsace : là, trois cultes différents sont dans une telle proportion, qu’ils formeront certainement autant de partis qui déchireront la province, s’ils concourent, s’ils rivalisent sans modification pour des emplois publics : ce ne fut que pour éviter ce redoutable et dangereux conflit, que le partage fut imaginé comme un remède aux maux passés, et comme un préservatif contre les malheurs à venir : l’expérience fit échouer tous les systèmes et les traités cimentèrent cet arrangement. Je vous ai parlé. Messieurs, de trois cultes établis dans la province d’Alsace : j’entends celui des catholiques, celui des luthériens et celui des calvinistes, qui est une branche dissidente du dernier. Messieurs les luthériens consentent dans leur position actuelle à partager leurs droits de parité et d’alternative avec leurs concitoyens calvinistes : cet acte d’équité et de désintéresse-m< nt de leur part ajoute un nouveau titre à celui qu’ils invoquent: c’est un véritable hommage que le patriotisme offre à votre sagesse, puisqu’il est sans doute le fruit des principes et des décrets rendus sur cet objet important. Considérez donc. Messieurs, les conséquences qui dérivent de l’accord ou du refus que vous ferez de cette parité proportionnelle, ainsi que de l’alternative sollicitée par les protestants des villes mixtes. D’un côté, vous prévenez tous les inconvénients des brigues et des haines fomentées toujours d’une manière plus terrible; avouons-le, quand la différence des opinions religieuses les fait naître ; vous anéantissez jusqu’aux prétextes dont savent si bien se servir les esprits mal intentionnés dans tous les cultes; d’un autre côté, refusez-vous à la sagesse de ce règlement, et vous donnez carrière aux cabales les plus multipliées, aux intentions les plus hostiles : je dis plus, et l’expérience vient encore ici à l’appui de mes craintes, vous frayez la voie aux émigrations les plus désavantageuses à l’Etat et à la province : dans les lieux respectifs où la population d’un tel culte prédomine, ceux de la minorité, sans espoir apparent d’occuper des places dont la majorité ne cessera de les exclure, iront porter l’industrie et la population chez l’étranger, vous ajouterez aux richesses et aux moyens de nos voisins, et vous diminuerez ceux de la patrie, pourquc ne le dirais-je pas? vous perdez des amis et vous vous créez nécessairement à la longue des ennemis ; car on ne peut aimer le climat et la terre dont les lois administratives n’ont pu s’allier avec le bonheur de ceux qui l’habitent (1). Je finis par une réflexion que je soumets autant à votre sagacité que votre probité. Si lors-(1) S’il fallait, par des exemples, prouver combien cette parité demandée est utile à l'entretien de la paix, je citerais que, dans les assemblées primaires qui viennent d’avoir lieu dans toutes les parties de la province, nul trouble, nulle division n’ont agité les esprits dans les cantons et districts où, d’un commun accord, il a été réglé que les élections seraient reparties entre les deux cultes, selon la proportion locale, ün ne peut en dire autant des assemblées où cet accord n’a pas précédé les élections. que l’Alsace se réunit à la France, les piHotes-tants n’avaient pas été confirmés dans leurs droits religieux et civils, ils étaient trop attachés à leur culte, ils étaient trop puissants aussi pour que leur résistance n’eût point retardé, morcelé, ou empêché même cette réunion. Ils ont donc nécessairement et essentiellement concouru à l’incorporation par leur consentement donné eu échange de cette conservation qui a été un véritable pacte avec eux : la même hypothèse s’applique visiblement et absolument aux catholiques; si le Corps législatif, dans un moment de restauration, pouvait contempler froidement les craintes et les doléances de nos frères delà confession d’Augsbourg, ne serait-ce point faire naître la désastreuse idée que le pacte peut être violé des deux côtés? Eh! quel bon citoyen, quel sage législateur ne cherchera point à prévenir des réflexions qui doivent naître plus facilement dans un temps où tout ce qui est arrivé et où tout ce qui se passe, prouve si énergiquement que l'injustice à la fin produit l'indépendance. Je propose donc que l’Assemblée nationale décrète : 1° Que les protestants de la confession d’Augsbourg continueront de jouir en Alsace d’une entière liberté de culte public, avec églises, consistoires, écoles, collèges, universités, fondations, fabriques, payement des ministres, des maîtres d’école, etc., conformément au traité de West-phalie, et à tous ceux qui ont fixé ou réglé le droit public de cette province, et nommément en conformité de l’année normale 1624, et que toutes atteintes portées à la teneur de ces traités seront envisagées comme nulles et non-avenues. 2° Que la loi de l’alternative et de la parité aura lieu daDS les élections pour les places d’administration et de judicature dans la proportion analogue à la population des districts, et de la manière dont il sera convenu et réglé daus les assemblées de département. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 AOUT 1790. Lettre pastorale de Monseigneur l'évêque de Toulon aux fidèles de son diocèse (1). «Accablé, nos très chers frères, depuis plusd’un an sous le poids de nos peines, nous nous sommes imposé le plus rigoureux silence, tant qu’elles ne nous ont été que personnelles. Nous avons gémi, sans nous eu plaindre, de vos injustices et de vos outrages à notre égard. L’éluignement même auquel vous nous avez forcé pour notre sûreté et pour vous éviter de nouveaux torts, quelque douloureux qu’il fût pour nous, n’a pu nous déterminer à vous en faire des reproches. Humilié sous la main de Dieu, qui nous châtie de nos fautes, nous l’avons adoré, et nous avons conjuré le père de miséricorde de ne faire tomber ses coups que sur nous, et d’épargner le peuple qu’il avait confié à nos soins; car vos (1) L© Moniteur se borne, dans la séance du 17 ftQÛt au soir, à une simple mention de ce document.