312 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1791.] cours et à des raisonnements ; mais ce qu'il importe à l’accusé, c’est de recueillir les faits à sa décharge. Ainsi dans les débats qui auront lieu ce n’est point la tournure de la parole, des réflexions ou des débats qu’il s’agira de recueillir par écrit, c’est un nouveau fait, une nouvelle circonstance à la décharge de l’accusé ; et il me paraît de toute injustice que l’on refuse à l’accusé de constater dans l’instant un nouveau fait, une une nouvelle circonstance qui échappe au témoin, ou qu’ildéclare volontairement. Je demande donc que cette partie du projet de décret de M. Tronchet et de M. Goupil soit insérée dans le projet de décret qui sera adopté. M. Rewbel. La proposition de M. Malouet n’est qu’un simple amendement. Il ne faut pas pour cela interrompre la question de priorité ; quel que soit le décret auquel on l’accordera, il sera toujours temps de ramener cette proposition. (L’Assemblée accorde la priorité au plan du comité.) M. Duport, rapporteur, donne lecture de l’article lor du projet du comité, qui est ainsi conçu : Art. 1er. « Les dépositions des témoins seront faites et reçues par écrit, savoir : devant les officiers de police, pour ceux des témoins qui y seront produits; et devant le directeur du juré d’accusation, pour les témoins qui, n'ayant pas comparu devant l’officier de police, seront amenés d’abord devant le juré d’accusation. » M. Rey. Je demande que les dépositions soient rédigées par écrit devant le juré d’accusation. M. de Montlosler. Si vous adoptez la méthode de faire écrire les dépositions des témoins, vous perdez la plus belle partie de votre institution ; vous rendez le juré impossible. Si donc vous voulez un bon juré, il faut qu’il reçoive les dépositions, non pas par écrit, mais qu’il les reçoive et qu’il en tienne procès-verbal. (Ils' élève des murmures mêlés d'éclats de rire.) Quand je dis procès-verbal, je n’entends pas que les jurés copieront mol à mot tout ce qui sera dit devant eux; mais qu’ils tiendront procès-verbal de leurs séances, comme l’Assemblée nationale tient procès-verbal des siennes. 11 n’est pas question d’y entasser des inutilités, on n’entasse pas dans votre procès-verbal les inutilités qui se disent ici. Je demande donc que les dépositions des témoins ne soient point rédigées par écrit, mais que seulement les jurés en dressent procès-verbal, ou que l’accusé puisse faire insérer tout ce qu’il croira nécessaire à sa justification. M. Ruzot. Si on avait pris le juré dans sa nature, on n’aurait rien du tout écrit dans la procédure, et mon avis est parfaitement conforme en cela à celui du préopinant. Je ne sais comment il peut, après cela, venir nous proposer la rédaction d’un procès-verbal. Cette idée est bien incompatible avec la première. Je ne sais trop comment on s’y prendrait pour une pareille rédaction. Qui jugerait de la validité de tel ou tel moyen qui aurait été fourni de part ou d’autre? Je voudrais l’institution dans toute sa pureté; et j’avoue que le dernier plan du comité ne me paraît autre chose qu’un souvenir de l’ancien système et un aveu de la faiblesse de l’Assemblée. M. Oonpil de Préfeln. Je demande que la discussion soit rouverte. M. l’abbé lllaury. J’ai quelques observations à présenter sur la manière de poser toutes les questions dans cette matière. Il y a cent vingt ans qu’on a rédigé l’ordonnance criminelle. (Il s'élève beaucoup de murmures.) Je prie l’Assemblée d’être persuadée que je ne veux pas m’écarter de la question. Dans les projets de décret présentés, il y a des omissions importantes et une grande confusion. ( Nouveaux murmures.) Puisque cela paraît convenir à l’Assemblée, je vais commencer par mes conclusions. Elles sont, que le projet du décret est mal rédigé. Il vous faudra, comme pour l’ordonnance de 1670, cinquante déclarations interprétatives. Vous changez l’ordre judiciaire, l’organisation de la procédure criminelle; tout le monde voudra s’en tenir à vos décrets; personne ne voudra rien prendre sur soi. Plusieurs voix : La discussion est fermée, présentez votre amendement. M. l’abbé lllaury . Mais il est impossible à douze cents personnes de rédiger un bon projet de décret : il faudrait que le comité nous en présentât un autre. Je voudrais qu’il me fût permis de lui expliquer ce que je désire. Dans le premier article nous isolons trop notre travail ; on ne nous y dit rien des juges de paix, et plusieurs personnes confondent les nouveaux juges, avec les jurés, et les jurés avec les juges de aix ..... Une loi ne peut jamais être trop claire. uisque les juges de paix sont les premiers instruments de la loi, indiquez-les autrement que par ces mots : les officiers de police. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas autoriser ces officiers à interroger les témoins? La loi n’ayant pas prononcé, les témoins diront : « Ecoutez-moi, je ne dois pas vous répondre, et je ne dois dire que ce que je veux...» L’article a dix ou douze lignes; or, vous n’aurez jamais une bonne loi, quand elle aura plus de deux ou trois lignes... Faisons le moins d’innovations possibles; la nation en supporte assez. Rédigez donc le premier article ainsi : « Les dépositions des témoins, en matière criminelle, seront reçues par écrit comme par le passé. » M. lioys. Il me paraît absolument inutile de faire écrire les dépositions, si elles ne doivent plus reparaître devant les jurés. Le comité, après avoir entendu le premier discours de M. Tronchet, a cherché à se donner l’air de se rapprocher de ce système, et il a paru faire un sacrifice qui, véritablement, n’aboutit à rien. Il faut absolument, ou abandonner toute espèce d’écriture, ou écrire tout devant le juré. M. de I�afayette. Les difficultés élevées par les préopinants me démontrent de plus en plus les inconvénients de l’espèce de transaction que le comité a faite avec ses adversaires. Nous avons demandé l’institution des jurés, qui, jusqu’à présent, a maintenu la liberté anglaise, malgré les vices de sa constitution, et qui est pratiquée avec tant de succès en Amérique. Craignons d’altérer par des modifications cette institution précieuse; adoptons le jury anglais et américain dans tonte sa pureté. Je demande la suppression du premier article, et je me réfère au premier avis du comité. (On applaudit.) Plusieurs membres : Aux voix ! {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (18 janvier 1791.) M. Garat l'aîné. Si l’avis de l’honorable préopinant était adopté, il rendrait inutile l’article présenté et l’amendement que je voulais vous proposer. Je dois auparavant combattre cet avis. M. Lafayette s’est autorisé de l’exemple de l’Angleterre ..... Plusieurs voix : Votre amendement! M. Garat l’aîné. Après avoir combattu celui de M. Laf'ayette, je présenterai le mien: vous avez donné la priorité au second projet du comité; c’est sur celui-là qu’il faut délibérer. Plusieurs voix : Point de discussion, votre amendement ! M. Garat l’aîné. Eh bien ! ma seule observation sur l’avis du préopinant, c’est qu’on doit à son égard passer à l’ordre du jour. Je suppose que vous en êtes aussi convaincus que moi, et voici mon amendement. Il consiste à ajouter dans l’article, après ces mots : Reçues far écrit , ceux-ci : Comme elles seront dictées par les témoins eux-mêmes. Il faut empêcher l’ancien abus de se renouveler. De tous les éléments dont se compose le témoignage, les expressions exactes du témoin seront toujours la donnée la plus sûre pour faire reconnaître le degré de confiance qu’il mérite. Ce n’est plus la moralité du témoin, si ce ne sont pas ses expressions. ... Je soutiens que le témoin qui ne saura pas dicter sa déposition ne saura pas déposer. M. Démennier. Parmi les préopinants, les uns ont proposé des amendements sur l’article premier, les autres ont demandé la question préalable. Pour apprécier ces diverses demandes, il faut bien examiner quelle est l’intention du comité. Cet article ne dit autre chose sinon que les dépositions seront écrites devant l’officier de police; j’observe à M. l’abbé Maury que, d’après les décrets, officier de police signifie les juges de paix et certains officiers de la gendarmerie nationale. L’article porte ensuite que si les dépositions ne sont pas faites devant l’officier de police, elles se feront devant le directeur du juré d’accusation. Votre comité ne pense pas que ces dépositions puissent êtes probantes. Un autre point sur lequel on a fait des amendements, c’est celui de savoir si on fera lecture des dépositions à l’accusé. Mais tous les amendements de cette nature doivent être renvoyés à l’article 3. L’amendement de M. Rewbel rétablit les preuves écrites; celui de M. Loys se rapporte encore à l’article 3. Il est donc évident que l’article, tel qu’il est, n’est susceptible d’amendements que pour ceux qui veulent reproduire la procédure écrite. Le seul point est de savoir si vous adopterez cet article ou la question préalable contre ce même article, en le considérant comme attaquant le principe fondamental du juré. Les comités ont été unanimes sur ce principe; mais non pas sur les détails. Leur premier mouvement les a portés à condescendre au vœu de l’Assemblée. Quelques personnes ont vu des inconvénienîs à s’écarter au principe; elles ont pensé que faire écrire les dépositions devant l’officier de police c’était embarrasser la marche de la procédure par des écritures inutiles, puisqu’elles ne sont pas probantes, puisque les dépositions ne devien-313 draient pas légales après le jugement ; dès lors qu’il est certain que dans les débats les témoins pourront changer. D’autres ont vu dans l’écriture des dépositions un avantage réel ; ils ont craint que des témoins peu accoutumés aux assemblées publiques ne fussent intimidés en paraissant devant le public, les jurés, l’accusé et le conseil, tandis qu’auprès de l’officier de police ils diront mieux tous les détails du fait. Ce léger avantage n’est important que pour la circonstance présente; il en est un autre de même nature et relatif à l’inexpérience des jurés : le directeur du juré d’accusation ayant connaissance des preuves écrites pourra plus aisément établir devant le juré la question à examiner pour décider s’il y a lieu à l’accusation. Il y a donc des inconvénients et des avantages dans ces propositions ; c’est à les balancer que l’Assemblée doit s’attacher. Quant à moi, mettant un vif intérêt à ce que l’institution ne soit pas étouffée dans son berceau, j’adopte l’article premier et je demande qu’on supprime de l’article 3 ces mots : Après la lecture publique qui sera faite de toutes les dépositions . M. Barnave. J’appuie la question préalable sur l’article, et je soutiens que l’inconvénient qu’il présente est tellement grave, qu’il tend à ôter le jugement aux jurés pour en investir celui à qui la rédaction des dépositions sera confiée ; Il ne présente aucun avantage. Quant à la révision, il est parfaitement inutile; car des dépositions écrites qui ne serviront pas au jugement ne peuvent servir à la révision. . . . Plusieurs membres : Aux voix ! M. Garat l'aîné. On n’a pas voulu me laisser combattre la question préalable; le préopinant ne peut pas l’appuyer. M. Barnave. Vous n’avez pas la parole. Quant aux faux témoignages, le comité convient ..... M. Goupil de Préfeln. Je demande à parler contre la question préalable. M. Barnave. Quant aux faux témoignages.... ( Nouvelle interruption.) le comité convient, et il a dit qu’il était non seulement permis, mais même nécessaire que le témoin put varier dans le débat, et qu’un juré qui connaîirait les hommes pourrait aisément ramener à la vérité un témoin qui c'aurait rien laissé d’écrit derrière lui. Il est donc certain, d’après le comité même, que les dépositions écrites, en forçant le témoin à s’en tenir à sa première déposition, sont contraires à l’innocence. M. de Beauharnais l'aîné. Il faut ou rouvrir la discussiou, ou convenir que l’Assemblée n’a plus de règlement. M. Barnave. Voici quelle est la seconde raison. Ceux qui ont défendu la preuve écrite, et notamment M. Tronchet, sont convenus que ce n’ciait pas les témoignages écrits qui devaient déterminer le jury. Plusieurs voix : C’est l’un et l’autre. M. Barnave. M. Tronchet, dans la première opinion, où il a demandé que les dépositions et même les débats fussent écrits, a dit que ce se- 3�4 [Assemblée nationale.) rait pour y avoir tel égard que de raison : or, il est reconnu que c’est dans le débat oral que les jurés doivent trouver leur véritable conviction. On anéantirait donc cette conviction.... M. Férand. Il faut rouvrir la discussion, puisque MM. Barnave et de Lafayette ont parlé sur le fond. M. Barnave. Il y aura donc deux moyens : les preuves écrites et les preuves orales. Les premières existeront toujours ; les autres disparaîtront : c’est sur les premières que pourra être jugée la décision du juré; ainsi les jurés, pour conserver leur honneur, jugeront sur les preuves écrites ; alors le jugement appartiendra réellement et uniquement à l’ofticier qui aura fait la rédaction des dépositions. . . {On applaudit.) Une voix à droite : La discussion est-elle fermée pour nous et ouverte pour vous ? Plusieurs membres : Aux voix ! M. Barnave. Le rédacteur des dépositions étant en même temps le directeur du juré, son influence sera sans bornes... {On demande de nouveau à aller aux voix sur V article, et plusieurs minutes se passent dans des agitations tumultueuses.) Ainsi donc vous aurez remis le sort des accusés entre les mains du seul homme qui , rédacteur des dépositions, et supérieur au juré par l’expérience, influera puissamment sur ie jugement. M. le Président. Je vais mettre aux voix la question préalable. M. d’André. Nous avons accordé la priorité au plan du comité.... M. le Président. Je vous dis, Monsieur, qu’on demande que je mette aux voix la question préalable. M. Thévenot de Maroise. Moi, je demande la question préalable sur tout le projet. M. d’Estourmel. La priorité a été décrétée. La question préalable ne peut donc point être mise aux voix. . . . M. le Président. On demande la question Sréalable sur l’article. On demande aussi que .. Garat l’aîné soit entendu ; ce n’est pas à moi à le priver de la parole ; je vais consulter l’Assemblée. (L’Assemblée accorde la parole à M. Garat l’aîné.) M. Garat l’aîné. Les observations par lesquelles M. Barnave a appuyé la question préalable présentent un défaut essentiel qui n’aura pas échappé aux esprits attentifs : c’est de supposer que les deux autres articles du projet de décret seront adoptés. Qui lui a dit qu’on n’accueillera pas sur ces deux autres articles des amendements qui garantiront les moyens propres à faire sortir la vérité des débats ? Après avoir moniré ce vice radical de son raisonnement, j’attaque les observations de M. Barnave, une à une. Les déposilions écrites ne seront pas probantes. Oui , mais elles seront des renseignements dont on pourra se servir pour deman-(18 janvier 1791, ] der la révision ou la réhabilitation. Ainsi celte première observation est convaincue d’absurdité. La seconde observation a pour objet de laisser ati témoin la faculté de varier. M. Barnave ignore que la loi permettait la variation dans le récolement et dans la confrontation même ; ainsi, les dépositions, quoique écrites, permettront aux témoins de varier poDr le salut de l’innocence. Pourquoi ne voulez-vous pas aussi qu’ils varient pour le salut de la société à venger? Si vous êtes conséquents, vous croirez le témoin, quand après avoir attesté l’innocence de l’accusé, il vous dira : J'ai ôté trompé. {Il s'élève des murmures.) Plusieurs membres : Aux voix ! Plusieurs voix: La question préalable ! M. Garat l'aîné. Vous ne voudriez pas, ni moi non plus, car je suis aussi humain que vous tous, perdre un innocent pour le salut de la société, ni compromettre la société pour sauver un coupable. La troisième observation consiste à dire que les dépositions écrites ramèneront la doctrine des preuves légales et soumettront les jurés au juge qui aura été chargé de ia rédaction. Comment M. Barnave, qui se montre si docile à l’opinion du comité, n’a-t-il pas vu dans cette opinion que ce sera la discussion animée des débats qui décidera le jugement? Les jurés seront, je l’espère, des hommes d’un jugement sain ; voulez-vous qu’ils oublient la variation du débat pour s’en tenir à la preuve écrite que cette variation aura détruite? Au reste, l’Assemblée ayant décidé que le second projet du comité aurait la priorité, on ne peut admettre sur le premier article de ce projet la question préalable. Ce premier article étant mis en délibération, il ne s’ensuivra pas que les deux autres seront adoptés. J’ai établi ce vice ladical du raisonnement de M. Barnave ; or, je conclus que ses observations sont dénuées de sens et de sa logique coutumière. M. Charles de Cameth. Je ne demande pas la parole sur le fond, mais sur la marche de la délibération. Plusieurs projets de décret ont été présentés ; le nouveau projet du comité a obtenu la priorité. M. de Lafayette a demandé qu’on revînt au premier projet que le comité avait offert; en cela M. de Lafayette n’a faitqu’un amendement à l’article dont il s’agit. [Il s'élève des murmures à droite.) M. de Lafayette a motivé.,.. Plusieurs voix de la droite : Ii n’a pas donné une raison. M. Charles de Fameth . Il a motivé son amendement, et très bien à mon gré. Il a demandé qu’on tranchât cette espèce de transaction entre le comité et le parti opposé, et que l’Assemblée se conformât aux principes de l’Angleterre. Il faut donc, non pas délibérer sur la question préalable, mais sur l’amendement de M. de Lafayette ; s’il passe, tout sera dit ; s’il ne passe pas, le second projet du comité sera mis aux voix; s’il est rejeté, vous vous occuperez de ceux de MM. Goupil et Tronchet, et amendés l’un par l’autre. . .. M. de Bochebrune. Je demande la question préalable sur ce que dit M. de Lamelh,et sur la proposition de M. de Lafayette. M. Charles de Canicth. Je crois qu’en ce ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1191.1 313 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. moment, ayant entendu toutes les opinions pour et contre, vous devez délibérer sur les propositions qui ont été laites. Le désordre qu’on a occasionné dans l’Assemblée a pour objet de faire rendre un mauvais décret, afin de décrier ensuite, dans l’opinion publique, une institution protectrice de la liberté. M. Le Chapelier. Je crois que cette marche n’est pas conforme à la règle : on ne peut mettre en question si l’on délibérera sur une priorité accordée. La proposition de M. de Lafayettequi, j’en conviens, est dans les principes, ne peut être considérée comme un amendement, puisqu’elle ramène au premier projet de décret, auquel la priorité a été refusée. Le premier article de celui qui a obtenu la priorité, n’étant que réglementaire, ne se présentant que comme un essai accessoire de Constitution décrété sous ce rapport, présente un avantage du moment. On indiquera avec soin, dans Je procès-verbal, que cet article n’est que réglementaire ; il pourrait être révoqué par la suite. L’utilité momentanée de cette disposition n’est pas équivoque. Nos concitoyens seraient effrayés de la célérité de la nouvelle procédure criminelle, et il ne faut pas fournir aux ennemis de cette institution les moyens de l’attaquer. Cette disposition pourra aussi être nécessaire au futur. Les jurés ne doivent pas, il est vrai, prendre connaissance des dépositions : on ne doit pas les leur lire ; mais n’est-il pas important que l’accusé ait un dépôt où il puisse trouver les traces qui conduisent à son innocence? Mais si le témoin est mort ou s’il est impossible de le reproduire, ne serait-il pas utile de pouvoir reproduire les dépositions? Ainsi voilà, pour l’accusé, des avantages certains, auxquels aucun inconvénient ne se joindra si la lecture des dépositions n’est pas faite au juré. Dès lors je ne sais pas comment les vrais amis de l’institution des jurés pourraient se refuser à rejeter l'amendement, et à adopter purement et simplement l’article qui doit ensuite être mis aux voix. Voilà quelle doit, être la marche de la délibération. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements.) L’article premier du projet de décret du comité, auquel la priorité avait été accordée, est adopté sans aucun changement, à une très grande majorité. (La séance est levée à trois heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GRÉGOIRE. Séance du mardi 18 janvier 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du matin qui est adopté et des adresses suivantes : Adresses des juges du district de Montluçon, et de celui de Quimperlé, qui, dès les premiers moments de leur installation, présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Les juges du district de Quimperlé annoncent que le curé de Saint-Michel de cette ville, tous les ecclésiastiques attachés à son église, et tous les religieux, capucins, bénédictins et bernardins, ont adopté, le 8 du présent mois, par un serment solennel, l’organisation civile du clergé. Adresse du commissaire du roi à Remiremont, département des Vosges, qui fait hommage à l’Assemblée nationale du discours patriotique qu’il a prononcé à l’installation des juges du tribunal du district. Adresse de M. Balin, curé de Gondecourt, près Meulau-sur-Seine, qui, convaincu que la constitution civile du clergé, bien loin de porter atteinte à la religion, ne fait que rétablir l’ancien ordre, dont on n’aurait dû jamais s’écarter, s’est hâté de prêter le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier, avant sa publication légale. Il envoie le procès-verbal que le conseil général de la commune en a dressé. Adresse de M. Blanc-Pompirac, curé et procureur-syndic de la commune du Goudray-sur-Seine, district de Gorbeil, contenant le procès-verbal de son serment civique, prêté le 1er janvier dernier. Cette adresse est ainsi conçue fl): « Monsieur le Président, « Aujourd’hui 12 du courant, j’ai reçu un paquet franc de port et contre-signé en lettres rouges Assemblée nationale , contenant quatre petites brochures de huit à dix pages chacune, dont ies titres sont : « 1° Liste des évêques, députés à V Assemblée nationale, qui ont signé l'exposition des principes sur la constitution du clergé, des autres ecclésiastiques, députés , qui y ont adhéré, et des évêques qui ont envoyé leur adhésion, A Paris, chez Lau-rens jeune, libraire , imprimeur du clergé de France, rue Saint-Jacques ; « 2° Développement du serment exigé des prêtres en fonctions , par l'Assemblée nationale, extrait du Journal ecclésiastique, n° 129. De l'imprimerie de Crapart, place Saint-Michel; « 3° La conduite des curés dans les circonstances présentes ; ou bien lettre d'un curé de campagne à son confrère, député à l’Assemblée nationale , sur la conduite à tenir par les pasteurs des Cmes dans les affaires du jour . A Paris, de l'imprimerie de Crapart, 1790; « 4° Prône d'un bon curé sur le serment civique exigé des évêques et des curés , des prêtres en fonctions. À Paris , chez Crapart. « J’ai lu tout de suite ces quatre brochures; la liste même, en y apercevant M. l’abbé Maury, jadis de ma connaissance, m’a dessillé ies yeux sur cet envoi. En conséquence, je ne puis croire que l’auguste Assemblée ait voulu mettre à l’épreuve mou respect pour ses décrets, et ma conscience à m’y soumettre, et mon zèle à les défendre. « Si elle avait en cette intention, elle n’y est pins à temps. Je n’ai pas attendu la réception du décret pour donner à la nation des preuves de mon civisme. Je ne l’ai pas même encore reçu ; mais j’ai cru ne pouvoir mieux commencer cette (1) Celte séance est incomplète au Moniteur. (1) Nous empruntons ce document au Journal logo-graphique, t. XVIII, p. 258.