553 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 avril 1791.) très, papiers et notes, qui indiquent clairement, comme il l’a avoué, qu’il était l’agent des sieurs abbés d’Eymar et Rumppler, des vicomtes de Mirabeau et Moyau ; qu’il entretenait à Bâle des correspondances suspectes, sous des noms supposés, et qu’il était particulièrement employé en qualité d’espion par le parti contre-révolutionnaire. Les faits qui lui sont imputés ont une relation trop intime avec les manœuvres attribuées aux autres accusés, pour que vos comités n’aient pas cru devoir vous proposer de citer encore le sieur Durivai à la haute cour nationale. Après avoir arrêté ces premières dispositions, vos comités ont cru que, pour achever d’assurer la tranquillité publique dans les départements du Rhin, ils devaient encore vous proposer d’autres mesures, devenues urgentes par les circonstances, et conformes à l’esprit des décrets sur la constitution civile du clergé. La première est relative au remplacement des fonctionnaires publics, réfractaires à la loi du serment. Dans les départements du Rhin, ainsi que dans tous ceux où il existe deux langues ou idiomes différents, il est indispensablement nécessaire que les ministres du culte les possèdent l’un et l’autre pour remplir utilement leurs fonctions; vos comités ont pensé que cette circonstance rendrait pour le moment leur remplacement très difficile si vous refusez de prononcer, par un article additionnel, que, pour cette année seulement et à l’effet de déjouer les menées du fanatisme, tout prêtre, tant séculier que régulier, qui aura prêté le serment civique, ou fait sa soumission pour le prêter, et qui connaîtra les deux langues ou idiomes du pays, pourra être élu par le peuple aux cure3 vacantes. Cette mesure, ajoutée aux dispositions des décrets qui déterminent les peines qui doivent être infligées aux fonctionnaires publics ecclésiastiques réfractaires à la loi et aux prédicateurs fanatiques , donnera aux administrateurs des armes suffisantes pour tenir en respect cette première classe de séditieux et pour rendre leurs efforts inutiles. Mais il en existe d’autres qui, également salariés par la nation et n’étant pas fonctionnaires publics, échappent à la juste animadversion des lois, bravent impunément toute autorité, profitent de leur nombre et de leur obscurité pour semer partout les écrits les plus séditieux, et fomenter la révolte par leurs discours incendiaires. L’influence de ces moines et ecclésiastiques est peut-être plus dangereuse dans les départements du Rhin que dans toute autre partie du royaume, à cause de l’ignorance superstitieuse dans laquelle ils ont cherché à entretenir le peuple, à cause de la rivalité des religions, et du voisinage du pays étranger : mais pour déconcerter leurs manœuvres pernicieuses, pour les attacher à la Constitution par les liens puissants de leur intérêt, il a paru à vos comités qu’il fallait les livrer à la surveillance active des tribunaux et administrateurs, priver de leurs pensions ceux qui se permettraient un acte public de désobéissance à la loi et les poursuivre extraordinairement comme perturbateurs du repos public. Telles sont, Messieurs, les mesures principales auxquelles vos comités ont cru devoir indispensablement s’arrêter ; telles sont celles qui leur ont paru impérieusement commandées et par la nature des circonstances et par la gravité des délits. Mais cherchant à prévoir tout ce qui, même comme accessoire, pourrait encore laisser subsister dans les départements du Rhin quelques motifs d’inquiétude, vos comités ont pensé que les négociations entamées, depuis si longtemps, avec plusieurs des princes possessionnés en Alsace, avaient une relation assez intime avec les intérêts politiques de cette partie du royaume, pour qu’il pût être utile de provoquer votre surveillance a cet égard et de vous engager à charger votre comité diplomatique de vous rendre compte incessamment de l’état et des progrès de ces négociations. Quant aux moyens de défense rassemblés sur cette frontière, ils vous ont été détaillés eu dernier lieu par le ministre de la guerre ; et vos comités pensent que votre confiance peut se reposer également, et sur la masse imposante des troupes de ligne qui bientôt se trouveront réunies dans les départements du Rhin, et sur l’énergie des nombreuses gardes nationales dont l’accord, l’union et le zèle présentent à la fois un appui solide à la Constitution, et aux ennemis, un rempart redoutable. Voici les deux projets de décret que vos comités vous proposent : Premier décret. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des rapports, militaire, ecclésiastique, diplomatique et des recherches, décrète ce qui suit ; Art. 1er. Dans les départements où les ministres de la religion sont dans la nécessité d’employer plus d’un idiome pour donner aux peuples les secours spirituels, et même dans ceux des autres départements du royaume où, par des circonstances particulières, il pourrait ne pas se trouver suffisamment de prêtres réunissant toutes les conditions requises par le décret du 7 janvier dernier, il suffira, pendant la présente année seulement, pour être éligible aux cures et appelé aux vicariats, d’être prêtre séculier ou régulier ; l’Assemblée nationale dispensant à cet effet de la seule condition du temps de prêtrise exigé par l’article 2 du décret du 7 janvier dernier, et validant les élections et les choix déjà faits de semblables ecclésiastiques. Art. 2. « L’Assemblée nationale charge les municipalités et les corps administratifs de dénoncer, et les tribunaux de district de poursuivre diligemment toutes personnes ecclésiastiques ou laïques qui se trouveront dans les cas prévus par les articles 6, 7 et 8 du décret rendu le 27 novembre dernier, relativement à la prestation de serment des fonctionnaires publics ecclésiastiques, et que les peines portées auxdits articles, et notamment la privation de leurs traitements, leur seront appliquées; ordonne qu’après l'information et le décret, les tribunaux enverront à l’Assemblée nationale une copie de la procédure, pour être statué par elle sur les cas dont le jugement devra être attribué à la haute cour nationale établie à Orléans. « Charge son Président de porter le présent décret dans le jour à la sanction du roi. » 554 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES [4 avril 1794.) Deuxième décret. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des rapports, des recherches, diplomatique, militaire et ecclésiastique, réunis, sur les troubles récemment survenus dans le département du Bas-Rhin, notamment dans la ville de Strasbourg, le 26 du mois dernier, et avoir pris connaissance des dénonciations, procès-verbaux, mandements, monitions canoniques, et autres pièces adressées, soit par les commissaires du roi près les départements du Rhin, soit par les corps administratifs, soit enfin par la municipalité de Strasbourg, décrète ce qui suit : Art. l6r. « Qu’il y a lieu à accusation, tant contre le sieur Louis-René-Edouard, cardinal de Rohan, ci-devant évêque de Strasbourg, comme prévenu principalement d’avoir tenté, par diverses menées et pratiques, de soulever les peuples dans les départements du Haut et Bas-Rhin, et d’y exciter des révoltes contre les lois constitutionnelles de l’Etat, que contre les sieurs Jœglé, ci-devant curé de Saint-Laurent de Strasbourg; Zipp, curé de Schierrieth ; Ignace Zipp, son neveu, vicaire audit lieu; Jean-Nicolas Wilhelm, homme de loi; Etienne Durival, se disant ingénieur; et la nommée Barbe Zimbert, femme du sieur Biaise Burkner, chantre à la cathédrale de Strasbourg, tous prévenus d’être les agents, complices, fauteurs et adhérents dudit sieur Louis-René-Edouard de Rohan ; qu’en conséquence, les mandements, lettres pastorales, monitions canoniques, ensemble toutes les pièces qui y sont relatives, envoyées à l’ Assemblée nationale, seront adressées à l’officier chargé des fonctions d’accusateur public près la haute cour nationale provisoire, séante à Orléans, pour, sur lesdites pièces et les faits résultant de la procédure, le procès être fait et parfait auxdits accusés, jusqu’à jugement définitif inclusivement. Art. 2. « Qu’en exécution du présent décret, le roi sera prié de donner des ordres pour faire arrêter les personnes ci-dessus dénommées, et faire transférer, sous bonne et sûre garde, dans les prisons d’Orléans, celles qui se trouvent déjà détenues. « Charge son président de porter, dans le jour, e présent décret à la sanction du roi. » M. de Montlosier. Il serait, je pense, à propos de donner plus d’extension au décret qui vous est propose et de faire un règlement général relatif à tous les citoyens français qui s’obstineraient à regarder les” nouveaux évêques et les nouveaux curés comme des intrus. (Bruit.) Un grand nombre de membres : A l’ordre! à l’ordre ! M. de Montlosicr. Je demande à expliquer ce que je viens de dire et je ne veux pas l’atténuer. Je le répète, le décret n’est pas assez général et vous devriez l’étendre au royaume entier ( Murmures ) : car j’ose vous annoncer que la moitié du royaume s’obstinera à regarder comme instrus... ( Murmures prolongés.) Un grand nombre de membres : A l’ordre! à Tordre I Plusieurs membres : A l’Abbaye ! M. Prieur. Je demande que ce calomniateur de la nation soit rappelé à Tordre; on ne doit pas souffrir que la nation soit calomniée dans le sein de l’Assemblée nationale. (Applaudissements.) Une partie des membres du côté gauche se lèvent et appuient cette motion. (Tumulte prolongé.) M. ChabromI, Je m’oppose à ce que M. de Montlosier soit rappelé à Tordre. Je ne crois pas que quelques mots inconsidérés que j’ai entendu prononcer à la tribune doivent empêcher M. le Président de mettre aux voix le décret proposé par le comité. (La discussion est fermée.) M. le Président. Je mets aux voix les deux projets de décret présentés par M. de Broglie. (L’Assemblée adopte ces décrets.) M. de Montlosier. G’est un décret de violence; et, comme membre de cette Assemblée, je déclare que je proteste contre ce décret. Messieurs les suppléants ayant fait demander à M. le Président de vouloir bien les autoriser à se réunir à l’Assemblée pour assister avec elle au convoi de M. de Mirabeau, M. le Président les y autorise. M. le Président lève la séance à deux heures et invite tous les membres de l’Assemblée à se réunir à quatre heures précises. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 AVRIL 1791, AU MATIN. De Vètendue et des bornes naturelles du droit de tester , par M. Dupont (de Nemours ), député à l'Assemblée nationale. Avertissement. — L’Assemblée nationale va s’occuper des lois sur les successions. Je regarderai comme un devoir d’exposer et de discuter avec toute la clarté qui pourrait dépendre de moi les principes qui me paraissent ceux de la raison, de la nature et de la justice, sur cette branche importante de la législation; la possibilité m’en est enlevée par l’obligation de hâter les autres travaux que mes collègues ont daigné me prescrire. Je hasarderai, du moins, de faire réimprimer un petit écrit qu’un homme très éclairé et dont l’amitié m’est très précieuse (M. Mazzei) me permit, il y a 2 ans, de placer en note parmi celles dont il a enrichi la traduction, qu’il a publiée, de Y Examen du gouvernement d’Angleterre, comparé aux constitutions des Etats-Unis d’Amérique , par M. Livingston. Je n’ai pu y tracer que les premiers linéaments des vérités fondamentales sur lesquelles les droits de succession me semblent assis ; mais cette esquisse imparfaite peut donner aux excellents esprits, dont l’Assemblée nationale abonde, l’occasion des plus utiles développements.