[Assembléô nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 Septembre 1790.] 19g livrante Vis-à-Vis des municipalité» sera de 3 livres. La municipalité B, située dans ce district, est a livrée 500 livres, elle se chargera de 1,500 livres d’imposition; elle y ajoutera les quatre sixièmes des sommes qui lui sont nécessaires pour ses dépenses particulières, on les suppose de 2,500 livres : elle aura à imposer 1,750 livres : sa livre livrante vis-à-vis des particuliers sera de 3 livres 10 sols, et chaque particulier payera autant de fois 3 livres 10 sols, qu’il aura delivres d’allivre-ment, à raison du revenu net de ses propriétés. La livre livrante peut varier dans les départements, à raison de leurs affaires particulières ; mais vis-à-vis du Trésorfpublic, elle est uniforme dans tout le royaume. Maintenant arrive-t-il que l’Etat ait besoin de quelques secours extraordinaires? La législature décrète quelques sols additionnels à la livre livrante générale et les fonds sont aussitôt et en tout temps mis en recouvrement. Un département, un district, une municipalité éprouvent-ils quelques malheurs? On diminue leur allivrement, ou Lien on augmente la livre livrante générale ; on leur tient compte du produit de cette augmentation: le Trésor public fait la même recette et cependant la contrée est soulagée. Demandent-ils à entreprendre quelque objet important? On examine la somme totale de leur allivrement, létaux de leur livre livrante, et l’on juge s’ils sont à même de se livrer à la dépense qu’il nécessite. Peu de projets peuvent être d’uné exécution aussi facile que celui-ci ; il mettra l’Assemblée nationale à portée de terminer bientôt ses travaux, de convoquer la prochaine législature et de se séparer pour aller faire exécuter les décrets qu’elle aura portés à cet effet; on lui propose de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale décrète : « Pour le service de 1791, il sera fait un fonds de 500 millions. 11 sera, en conséquence, établi des impôts jusqu’à concurrence de 440 millions, attendu que les revenus de l’Etat s’élèvent d’ailleurs à 60 millions. « Ces impôts consisteront en un impôt du contrôle et centième denier de 30 millions. « Uû droit de timbre et marque de 30 millions. « Un droit des traites et douanes de 30 millions. « Un droit sur les consommations de 50 millions. « Un impôt personnel de 50 millions. « Un impôt sur les bâtiments de 50 millions. « Une contribution foncière de 200 millions. « Les corps administratifs et les municipalités fourniront à leurs dépenses particulières, au moyen de sols additionnels, pour un sixième à l’impôt personnel, pour un sixième à l’impôt des bâtiments, pourquatre sixièmes à la contribution foncière. Les municipalités pourront être d’ailleurs autorisées à établir pour leurs besoins particuliers tels octrois qu’il sera jugé convenable. Le comité des impositions donnera successivement des projets de décrets sur les impôts ci-dessus énoncés. » M. de La Rochefoucauld. La discussion s’est un peu égarée depuis quelque temps et je prie l’Assemblée de revenir à la question précise qui nous occupe en décrétant l’assiette et la répartition dé l’impôt. Il suffit pour cela de délibérer sur le titre Ier du projet de décret que nous vous avons soumis. On ne peut fixer en ce moment la somme de la contribution foncière. Les dépenses publiques ne sont pas suffisamment établies. Ce qu’il importe de définir, c’est le principe afin que les corps administratifs puissent travailler sur les bases que vous pouvez décréter tout de suite: M. Regnaud {de Saint-Jeati-d' Angèly). le croi» qu’On peut ainsi poser la question : sera-t-il établi Une contribution foncière? {On Murmuré dé toutes parts.) Messieurs, je dois à l'Assemblée ié tribut de ma pensée ; mon opinion peut être ëtroUée, mais je la dirai toujours avec la fermeté qui caractérise un homme qui veut le bien. M. Charles de Lameth. L'établissement d’une contribution foncière n’est contesté par personne; ce que nous recherchons tous, c’est le meilleur mode d’application. M. Rœderer. Ce n’est pas sur des surfaces et sur le nombre de têtes qu’il faut établir des impôts, comme vient de le proposer le premier orateur entendu dans cette séance, mais sur la richesse du sol. Je crois qu’il faut circonscrire la discussion si nous ne voulons pas perdre un temps précieux. M. d’Harambtire. Je propose dé continuer la discussion en laissant aux orateurs la plus grande liberté. Toutes les opinions doivent avoir le moyen de se produire. L’Assemblée décidera en dernier ressort. ( Voy.aux annexes de la sèancô les observations de M. d' Haramburé sur V impôt foncier . ) M. RoiipHIean. J’appuie la proposition de M. Rœderer ayant pour objet dé circonscrire lâ discussion au rapport de votre comité d’imposition. M. de Delley. La mesure serait trop rigoureuse. Je crois que la discussion doit porter principalement sur le projet de décret du comité, mais sans borner l’opinion de Ceux qui sont inscrits pour l’ordre de la parole. M. le Président consulte l’Assemblée qui adopte la proposition de M. de Delley. (M. Rey, député de fiéziers est appelé à la tribune et prononce un discours sur le mode d'impôt.) M. Rey, député de Béziers (1). Messieurs, après avoir examiné le plan du comité de t’irüpositiofl sur la contribution foncière et sur l’impôt personnel, j’ai aperçu la possibilité d’établir qu’il est contraire aux principes de la Gonstitutiod, injuste dans ses dispositions, vicieux dans ses formes. Mais j’ai cru qu’à une époque oü un nouveau régime est indispensable dans l’administration des finances, je vous montrerais en vain les dangers où ce projet expose la chose publique, si je n’indiquais, en même temps, les moyens de le3 éviter. Vous ne sere£ donc pas étonnés, Messieurs, de voir concourir avec la réfutation du plan du comité un autre projet, et les motifs qüi doivent, selon moi, le faire adopter. Je n’eom» :.s pas vous soumettre des vues générales sur cette importante question : l’embarras, en matière d’impôt, n’est pas dans le choix des principes qui doivent régler la marche du légis-(1) Le Moniteur a mentionné le discours do M. Rey, mais ne l’a pas inséré. 156 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] laieur; c’est dans leur application qu’il rencontre les difficultés. Quelque grandes qu’elles soient dans notre hypothèse, je vais tenter de les aplanir, en vous présentant un mode d’imposition qui, ayant ses bases dans la justice, impérieusement prescrit par le plus solennel de vos décrets, ramènerait presque tous les citoyens à une égalité proportionnelle dans le payement des impôts, en faisant cesser l’arbitraire partout où il est impossible de l’empêcher, et en le plaçant dans d’étroites limites, là où la nature des choses ne permet pas de le rejeter absolument. Je vais vous faire connaître les dispositions principales de mon plan : j’en ai placé les détails dans le projet de deux décrets particuliers dont je vous donnerai lecture, si vous le permettez, quand j’aurai terminé mon opinion. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, considérant qu’après avoir établi l’égalité politique entre tous les citoyens, il est de son devoir de faire exécuter, dans la perception des impôts, ce principe équitable qu’elle a consacré dans l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, a décrété constitutionnellement les articles suivants : Art. 1er. Tout individu possédant en France des biens de quelle nature que ce soit, à l’exception du roi et des étrangers actuellement propriétaires de rentes sur l’Etat, payera trois vingtièmes du revenu net de ses propriétés. Art. 2. Les fonctionnaires publics, quelles que soient leurs fonctions, ne sont pas compris dans les dispositions de l’article 1er; mais ceux qui, étant en fonctions, ont un traitement extraordinaire, seront soumis au payement des trois vingtièmes, à raison de ce traitement extraordinaire lorsque l’un et l’autre traitement excéderont 1,500 livres. Art. 3. Tous pensionnaires publics, quelle que soit la nature des pensions, seront aussi tenus de l'impôt des trois vingtièmes, quand leur pension excédera 1,200 livres, auquel cas cet impôt ne pourra réduire la pension à moins de 1 ,200 livres. Art. 4. Indépendamment de l’impôt auquel les propriétaires, quelles que soient leurs propriétés, seront soumis en vertu du premier article, tout citoyen, à l’exception du roi, des femmes mariées et des fils de famille vivant avec leurs maris et leurs pères, lorsque ces fils de famille n’exerceront pas de profession, sera sujet à une taxe personnelle, laquelle aura pour base l’état et les fonctions de chaque citoyen. Art. 5. 11 ne sera établi ni perçu d’autre impôt sur les propriétés, que celai des* vingtièmes. Art. 6. L’impôt personnel, après avoir été fixé par un tarif, et l’impôt des trois vingtièmes qui aura été établi sur les immeubles, seront susceptibles de décroissement et d’augmentation, quand les besoins de l’Etat et les dépenses locales pourront le permettre ou l’exiger. Art. 7. L’augmentation et le décroissement auront lieu par égalité personnelle sur les objets qui y ont été soumis par l’article précédent ; ceux dont la taxe personnelle n’égalera pas le taux de la contribution requise pour être citoyen actif, ne set ont pas sujets à l’augmentation/ Art. 8. La taxe qui sera faite en raison des propriétés qui ne sont pas foncières, éprouverait la même dimiuution que celle des immeubles, si le décroissement de l’impôt des propriétés et de l’impôt personnel avait jamais lieu. Art. 9. Le montant des trois vingtièmes sur les immeubles etde l’impôt personnel sera, à compter de 1792, la base de la répartition, quand même les taxes qui seront faites annuellement pour la fixation de ce dernier impôt, éprouveraient des décroissements ou des augmentations. Art. 10. Les législatures feront, d’après cette ba>e, l’assiette des dépenses publiques sur chaque département; elle sera faite ensuite par les départements sur les districts, et par les districts sur les municipalités dépendantes de leur arrondissement. Les dépenses locales seront comprises, en conformité des articles 6 et 7, dans l’assiette qui sera faite par les départements, les districts et les municipalités. Art. 11. Les administrations de département et de district, ainsi que les municipalités, ne pourront, sous aucun prétexte, et sous peine de forfaiture, se dispenser de répartir la portion contributive qui leur aura été assignée; savoir: aux districts, par la commission de l’administration du département; et aux municipalités, par le mandement de l’administration du district. Art. 12. Aucun département, aucun district, aucune municipalité, ni aucun contribuable, ne pourront, sous aucun prétexte, même de réclamations contre la répartition, se dispenser de payer la portion contributive qui leur aura été assignée, sauf à faire valoir leurs réclamations selon les règles qui seront prescrites. Je me propose, Messieurs, de vous démontrer la justice des dispositions que. je viens de vous soumettre ; je réfuterai ensuite les objections que je me suis faites; je vous montrerai les moyens d’exécution; je finirai par vous faire remarquer les injustices, les contradictions et les inconvénients que le projet du comité m’a paru renfermer. J’ai distingué dans l’impôt direct, dont j’ai seulement en vue de vous entretenir, le citoyen d’avec le propriétaire. L’individu qui réunit ces deux qualités, ayant un double intérêt dans l’administration, m’a paru devoir contribuer sous deux rapports aux frais qu’elle exige: et j’en ai conclu que le citoyen non propriétaire doit être soumis à une contribution. Son intérêt dans l’administration, moins grand à la vérité que l’intérêt du citoyen propriétaire, est cependant bien sensible; c’est pour lui, comme pour tous les autres citoyens, que les ministres d’autel sont salariés; c’est pour sa sûreté que des tribunaux sont créés, que la force publique est établie; c’est pour sa liberté que des lois sont faites; c’est par là qu’il exerce paisiblement et sans trouble la profession à laquelle il s’est destiné. J’ai donc proposé deux divers genres d’impôt direct : l’un consiste à trois vingtièmes sur toutes les propriétés; l’autre, à une taxe personnelle sur tous les citoyens, soit qu’ils aient ou non des propriétés. Le premier de ces impôts produira d’abord 150 livres pour un revenu net de 1,000 livres; il aura pour objet, d’après le projet du décret que je vous ai présenté : 1° Les terres labourables, vignes, prés, jardins, bois, vacants, et tous autres fonds susceptibles d’occupation ; 2° Les carrières, étangs, les maisons des villes et des campagnes, les moulins, forges, manufactures et tous bâtiments quelconques, à l’excep- [23 septembre 1790.] 157 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tion des lieux publics qui ne seront pas non plus compris dans l’article premier; les domaines réservés au roi seront aussi exceptés de ces deux dispositions ; 3» Les rentes de toute espèce que les citoyens ont sur l’Etat, sur les départements, districts, municipalités, corporations, et sur les particuliers; 4° Le traitement extraordinaire de certains fonctionnaires publics, lorsque ce traitement, joint au traitement ordinaire, excédera 1,500 livres. 5° Les pensions payées par l’Etat et par les assemblées administratives, quelle qu’en soit la nature, lors seulement que la pension excédera 1,200 livres, auquel cas cet impôt ne pourra jamais réduire la pension à moins de 1,200 livres. Enfin, les lods et autres droits casuels. JL’impôt personnel, au contraire, sera relatif à l’état et aux fonctions de chaque citoyen, d’après un tarif auquel les administrateurs seront tenus de se conformer. Ce tarif sera progressif, non d'après les propriétés de chaque citoyen, car au moyen de l'impôt des vingtièmes, le propriétaire aura payé tout ce qu’il doit en cette qualité, mais d’après son état et ses fonctions. Plus on a une profession lucrative, plus on a d’intérêt dans l’administration qui en assure l’exercice, plus on est obligé à contribuer aux dépenses qu’exige cette administration. Les principes que je viens d’établir sont avoués par le comité d’imposition; non seulement il propose deux impôts directs, l’un sur les propriétés foncières, l’autre sur la qualité de citoyen actif, et sur les facultés qui seront déterminées sur le prix des loyers des maisons ; mais il convient encore, page 7 du premier rapport, « que le temps « des erreurs est passé, que l’Assemblée nationale, « ayant détruit tout ce qui s’opposait à l’égale « autorité des lois, et les bienfaits de la Constitu-« tion étant les mêmes pour tous les citoyens, « tous doivent fournir aux besoins de la patrie. » Nous ne différons que sur l’application des principes admis dans les deux projets. Le mien a pour objet de soulager l’agriculture, en faisant la répartition de l’impôt des vingtièmes sur toutes les propriétés, et en soumettant les propriétés à ce seul impôt. Le plan du comité a, au contraire, en vue d’établir uniquement cet impôt sur les propriétés foncières, et de soumettre encore ces propriétés, à l’impôt personnel, auquel les autres propriétés qui ne sont pas foncières, sont seulement soumises par le plan du comité. Ce n’est pas le moment de vous faire apercevoir les injustices, les contradictions et les inconvénients que renferme ce projet ; je vous ferai seulement remarquer ici que mon plan a pour bases la justice et l’intérêt public. Il est juste, parce qu’il soumet tous lesproprié-taires et tous les citoyens à une égalité proportionnelle dans la contribution ; car vous avez solennellement déclaré qu'une contribution commune aux charges publiques étant indispensable , elle doit être également répartie entre tous les citoyens , en raison de leurs facultés. Celte grande maxime sur laquelle repose le plan que je vous ai fourni, a été dicté par l’intérêt public, qui sollicite le décroissement des impôts perçus sur l’agriculture, au lieu d’en demander l’augmentation. Vous savez, Messieurs, que suivant l’ancien ordre le fardeau de l’impôt pesait principalement sur ceux qui ont des propriétés foncières, et que les impôts sur le commerce étaient considérables et arbitraires, tandis qu’un grand nombre de riches propriétaires, je veux dire les capitalistes et les rentiers, ne contribuaient que faiblement aux charges de l’Etat. Il en était résulté la ruine des agriculteurs, le découragement dans le commerce; ces grandes sources des richesses de la France étaient presque taries; les acquéreurs attachaient d’autant moins d’importance à des biens surchargés d’impôt, qu’il ne se passait pas d’années où les impôts n’éprouvassent d’accroissement, et qu’ils trouvaient dans les lois fiscales des moyens sûrs de tirer un grand parti de leurs fonds, sans rien payer à l’Etat. Les commerçants, vexés par le même régime, renonçaient ou ne s’attachaient pas assez à une profession dont le produit ne répondait pas à l’intérêt de leurs mises, aux peines qu’elle exige, aux hasards qu’il faut courir. Voulez-vous, Messieurs, que l’agriculture et le commerce soient en vigueur? éloignez les impositions arbitraires avec lesquelles il n’est pas de véritables propriétés, étendez sur tous les propriétaires le fardeau des impôts, pour qu’il pèse moins sur les propriétaires fonciers ; que ceux-ci sachent quel doit être le taux de la contribution ordinaire des propriétés, et que cette contribution est répartie avec une égalité proportionnelle sur tous ceux qui ont des propriétés; qu’ils soient certains que leur quotité ne sera augmentée qu’autant que les besoins de l’Etat auront exigé un accroissement d’impôt. Vous verrez alors l’agriculteur s’attacher à son territoire, le négociant augmenter son commerce, l’un et l’autre vivifier et enrichir la France par d’immenses productions et des établissements avantageux. Remarquez, Messieurs, l’époque où je vous soumets ces réflexions ; c’est lorsque vous allez vendre une grande quantité de biens nationaux. Gomment pourriez-vous tirer parti de ces biens et les porter à leur juste valeur, si, eu achetant des propriétés, on n’était pas assuré de les conserver; si des impôts arbitraires et excessifs pouvaient diminuer encore le revenu qu’on aura l’espoir d’en retirer? Si mon plan n’est pas exactement juste dans l’établissement de l’impôt sur les propriétés, c’est à l’égard des propriétaires des immeubles et de ceux qui ont des rentes sur des particuliers, puisqu’eux seuls devront supporter les accroissements de l’impôt des vingtièmes, s’il y a insuffisance dans les revenus publics, ou nécessité d’augmenter les impositions. Il eût été rigoureusement juste, sans doute, de soumettre les autres propriétaires à cet accroissement, j’en avais d’abord formé le projet, et j’avais adopté un plan d’exécution ; mais la perception et la comptabilité infiniment simples, si le décret que je vous propose est adopté, seraient devenues compliquées et difficiles, et ces difficultés auraient pu compromettre la chose publique, si les règles d’une exacte justice eussent été appliquées aux propriétaires des rentes et pensions sur le Trésor public, les assemblées administratives et les corporations. J’ai cédé d’autant plus volontiers à ces importantes considérations, que j’ai la confiance de croire que l’impôt des trois vingtièmes sur toutes les propriétés, et celui de la taxe personnelle sur tous les citoyens, joints aux impositions indirectes qne vous croirez devoir conserver ou établir, et aux autres revenus publics, seront suffisants pour l’acquit des charges publiques, et qu’eu supposant le contraire, l’établissement d’une imposition in- 138 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.) directe et le décroissement de l’impôt, à raison de lfextiiiction des rentes viagères et à cause des nouvelles économies qu’on fera dans l’administration, feraient bientôt cesser la surcharge que les propriétaires d’immeubles et ceux des rentes sur les particuliers pourraient éprouver. Je n’ai point, au surplus, considéré comme une propriété le traitement souvent passager accordé aux fonctionnaires publics , et je ne l’ai point soumis à l'impôt concernant les propriétaires; ce traitement étant le salaire de leur travail, il serait injuste de le diminuer sous le rapport de la propriété. J’ai distingué cette classe de citoyens qui a ïait� avec la nation, un contrat que chaque partie doit exécuter, d’avec la classe des pensionnaires, quelle que soit la nature de leurs pensions. Les pensions sont en général la récompense des services rendus et quelquefois l’effet de la faveur, et ceux qui les opt obtenues ont pendant leur ■yie une propriété qui n’exige aucun service, et qui est protégée par l’administration du royaume; ils doivent donc contribuer en qualité de propriétaires aux charges de cette administration. J’ai eu cependant l’attention d’exempter de l’impôt tous les pensionnaires qui ne reçoivent pas au delà de 1,2UQ livres; ceux qui jouissent d’une pension plus considérable n’éprouveraient point, au moyen de cet impôt, une réduction qui leur laissât moins de 1,200 livres. Au milieu des principes rigoureux dont je me suis environné, j’ai cru que les besoins devaient être respectés. J’ai encore distingué, dans certaines fonctions publiques, le traitement ordinaire attaché au service, d’avec le traitement extraordinaire relatif aux anciennes jouissances, et je n’ai pas hésité à penser que le traitement de la seconde espèce était sujet à l'imposition des vingtièmes, parce qu’il est une vraie propriété indépendante de tout service public. Mais j’ai cru que l’application de la règle générale ne devait se faire à ce qas particulier, que lorsque les deux genres de traitement excéderaient 1,500 livres, et fut l’éxcédant de 1,200 livres-Â l’égard de l’impôt personnel, j’ai pensé qu’il devait être très modéré dans les classes pauvres des citoyens, et que la taxe pour ceux qui jouissent dans leur état d’une certaine aisance, ne devait pas être à beaucoup près proportionné au taux lixé pour l’impôt des vingtièmes, le revenu procédant dans le second cas des propriétés, taudis que, dans le premier, il est purement industriel. J’ai fixé, en conséquence, l’impôt personnel au vingtième pp’ur les fonctionnaires publics, et j’ai appliqué, autant qu’il m’a paru possible, cette règle à ceux qui exercent des professions lucratives ; en sorte que les propriétés foncières étant grevées, suivant mon pian, de trois vingtièmes, si un accroissement d’impôt devient indispensable, il sera principalement supporté par les propriétaires fonciers, dès qu’il doit être réparti au sol la livre sur ces deux impôts. fine explication devient à présent nécessaire par rapport aux commerçants, parmi lesquels les capitalistes! qui font valoir leur argent, devront être comptés-GettP classe de citoyens n'est pas comprise (jirecterpent dans l’impôt des vingtièmes, quoiqu'elle ait djins le commerce des sommes d’ar-Sent et d’autres fonds plus ou moins considéra-}és, sqiyamtiêà diverses facultps,et indépendants e leur* industrie. Vous en sentez le motif ; les propriétés de ce genre, présentant rarement une base certaine, ne peuvent être justement appréciées: ce serait une atteinte portée au crédit qui est le fondement du commerce, que d’obliger les commerçants à présenter chaque année leur bilan, en exigeant d’eux une déclaration de leurs fonds ; ce serait une inquisition alarmante pour ces citoyens et funeste au bien public, que d’examiner la vérité ou la fausseté de leurs assertions. C'est d’après ces motifs que je me suis déterminé à soumettre les commerçants au seul impôt personnel qui aura néanmoins pour base leur industrie et leurs facultés indépendantes des propriétés immobilières et des rentes dont ils seront créanciers; et pour faire cesser, autant qu’il est possible, l’arbitraire dans une matière où on ne peut appliquer un taux fixe et certain, je vous proposerai de former six classes, dans l’une desquelles chaque commerçant, chaque marchand, quelle que soit la nature de son commerce, devra être nécessairement placé. Là, les capitalistes, ceux qui font valoir leur argent, et que nous ne pouvons soumettre à l’impôt direct par aucune autre voie, n’échapperont pas à la vigilance des administrateurs. Là, les dilférentes fortunes pourront être classées ; les municipalités, à portée de les apprécier, seront d’autant moins sujettes à l’erreur, qu’elles ne pourront excéder le maximum que vous aurez fixé, et qu’elles auront une grande latitude qui leur présentera un minimum peu considérable sur lequel les fortunes médiocres pourront être taxées. Dans le cas de surcharge, le recours pourra avoir lieu au directoire du département, qui prononcera après avoir pris l’avis du directoire du district. C’était bien pire dans l’ancien régime, où cette taxe était absolument arbitraire, où rien ne dirigeait la marche des administrateurs. Plusieurs commerçants échapperont, j’en conviens, à la justice rigoureuse de l’impôt des vingtièmes ; quelquefois ils ne seront pas assez taxés d’après la proportion avec les autres propriétaires : mais outre que les institutions humaines ne peuvent atteindre au plus haut degré de perfection, le commerce est si utile à l’agriculture et au royaume en général, que la liberté, dont il jouira d’après la Constitution, leur procurera de bien plus grands avantages que celui d’une légère augmentation d’impôt sur ceux qui exercent cette profession. Je passe au second objet. Je vais vous présenter les objections que je me suis faites, et les réfuter. PREMIÈRE OBJECTION. On voit, dans les fonctions non salariées, des personnes du même métier plus ou moins occupées; il en résulte que certaines gagnent plus que d’autres: il est donc iqjuste de lés taxer également dans l’impôt personnel. Réponse. Je conviens de cet inconvénient, en vous faisant remarquer qu’il ne s’appliquera ni aux gens de commerce ni aux fonctionnaires publics, et qu’il sera modifié à l’égard des autres par une distinction entre ceux qui habitent des villes où la population est plus où moins considérable : (Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, (23 septembre 1790.] mais l’inconvénient serait bien plus grand encore, si la taxe de cet impôt était arbitraire dans les mains des administrateurs. Il arriverait alors, comme dans l'ancien régime, à l’égard de la capitation, que les pauvres, dénués d’appui, seraient opprimés, et que les riches, protégés ordinairement dans toutes les administrations, seraient moins taxés que ceux dont la fortune serait beaucoup moindre. De telles surcharges, de pareilles faveurs souvent l’ouvrage du crédit, pourraient avoir lieu encore par l’effet de l’erreur. Pourrait-on savoir toujours quels sont ceux qui retirent un produit plus ou moins considérable de leur profession ? Les citoyens qui seraient lésés, ou qui croiraient l’étre, auraient raison de se plaindre d’une loi qui n’aurait eu aucune base et qui aurait laissé à l’arbitrage des administrateurs une taxe qui, dans mon plan, est fondée sur la profession du contribuable, qu’il lui est libre d’exercer avec toute l'étendue dont elle est susceptible, à une taxe soumise, dans mon projet, à une règle commune d’autant plus simple, qu’elle n’admet pas de distinction, d’autant plus propre à exciter l’émulation, que J’ouvrier, l’artiste et l’homme de loi seraient assurés que leur quotité ne serait jamais augmentée au delà du taux commun, quelle que fût la quantité ou la valeur de leurs ouvrages, quelque considérables que pussent être les gains qui doivent en résulter. Si vous laissez à l’arbitraire des administrateurs la taxe de l’impôt personnel, vous autorisez annuellement, dans toutes les municipalités du royaume, une foule de réclamations; vous n’aurez rien de solide à répondre à ceux dont les plaintes n’auront pas été écoutées; vous ferez naître des inimitiés entre les administrateurs et les contribuables. Si vous faites, au contraire, une taxe uniforme pour chaque profession, vous ne laissez subsister aucune réclamation à ce sujet ; vous évitez des inquisitions toujours alarmantes et souvent injustes; vous délivrez les personnes en place de la malveillance des citoyens. Organes d’une loi claire et précise qui, protégeant également tous ceux qui exercent le même métier, les aura soumis, à raison de leur industrie, à une quotité parfaitement égale, ils en feront l’application sans injustice et sans erreur. 2e OBJECTION. L’impôt personnel, ayant pour objet les salaires produits par les diverses professions, ne pourra pas s’appliquer à cette classe d’hommes appelés bourgeois, qui vivent, sans rien faire, du revenu de leurs propriétés. Réponse. Les salaires sont, dans mon plan, la principale base de l’impôt personnel; mais ils ne l’ont pas seuls déterminée. Je vous ai déjà observé que le citoyen jouissait en cette seule qualité, sous une infinité de rapports, des avantages de l’administration : d’où résulte la justice de l’imposer, dans la contribution, aux charges publiques. Il est vrai que cette classe de citoyens, n’ayant aucun métier, ne fait aucun gain par sa propre industrie. Aussi je propose, à leur égard, une taxe médiocre qui sera égale pour tous, quelle que soit m leur fortune, en établissant seulement une différence entre les deux sexes, parce que, comme je l’ai déjà dit, les citoyens, ayant payé l’impôt des vingtièmes, ne devront plus rien â l’Etat, en raison de leurs propriétés. 11 faut espérer que cette classe d’hommes inutiles diminuera dans le nouveau régime; et il serait impolitique, sans doute, de les attacher davantage à une vie qisive, en les exemptant de l'impôt personnel. Cette considération, jointe à leur obligation résultant de la seule qualité de citoyen, m’a déterminé dans la fixation de la quotité à laquelle je les ai soumis. 3° observation. Elle est prise des conventions que les rentiers ont faites avec le gouvernement, les assemblées administratives, les corporations et les particuliers, et qui assurent aux créanciers l’exemption des charges de l’Etat. La foi publique serait violée, si ces conventions n’étaient pas maintenues; elle le serait surtout à l’égard des rentiers sur le Trésor public, auxquels vous avez dit, le 27 août 1789 ; Il ne sera fait aucune nouvelle retenue ni réduction quelconque sur aucune des parties de la dette publique. Réponse. Votre justice vous a fait reconnaître la dette énorme successivement contractée par le gouvernement; votre générosité vous a portés à ne pas rechercher les usures qu’on a introduites dans certains emprunts, pour en faciliter le succès; mais votre devoir vous empêche d’aller plus loin. Vous avez jeté un voile sur le passé; les fautes des ministres, la cupidité des prêteurs, l’agiotage des acheteurs, tout a été oublié. Vous avez voulu que les lois existantes fussent exécutées pendant tout le temps que subsisterait le régime établi lors de votre mission ; mais vous n’avez pas décidé que les propriétaires des rentes seraient, dans le nouveau régime, exempts de contribution au payement des impôts. Reportons-nous, Messieurs, à l’époque où fut faite la déclaration qu’on ne manquera pas de m’opposer. Les créanciers de l’Etat étaient dans la plus vive inquiétude; ils craignaient que l’Assemblée nationale, portant le flambeau de la vérité dans les dédales obscurs où la dette publique s’était formée, ne pût pas se dispenser d’en retrancher les usures et les monopoles dont elle est infectée. Il était alors question d’un emprunt de 80 millions, qui devait être rempli moitié en argent, moitié en effets publics. Un honorable membre, en vue, sans doute, de faciliter cet emprunt et de calmer les craintes des créanciers, proposa, le 27 août, dans la séance du matin, qu’il fût fait une déclaration solennelle qui, confirmant celles des 17 juin et 13 juillet, rassurât tous les créanciers de l’Etat contre la crainte d’une réduction quelconque d’aucune des parties de la dette publique. C’est exactement ce qui fut décidé dans Gette séance. Je vais rapporter les propres termes de l’arrêté : V Assemblée décide qu’il sera fait une déclaration solennelle qui, confirmant celles des 17 juin et 13 juillet, rassure tous les créanciers de l’Etat contre la crainte d’une réduction quelconque d’aucune des parties de la dette publique. 1G0 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]23 septembre 1790. J Cette déclaration fut rédigée dans la séance du soir, et on ajouta, à ce qui avait été décrété le matin, quelques expressions qui prouvent bien qu’on avait en vue de favoriser les créanciers de l’Etat, mais qui ne peuvent, selon moi, changer le sens du décret rendu le matin. L’Assemblée déclara que , dans aucun cas et sous aucun prétexte, il ne pourrait être fait aucune retenue ni réduction quelconque sur aucune des parties de la dette publique. Or, les termes et l'esprit de ces décrets se concilient parfaitement avec la charge que le nouveau régime doit imposer à ceux qui ont la propriété des rentes sur l’Etat. Car, en résumant l’ensemble des décrets et de la motion, on voit évidemment que l’Assemblée nationale a seulement entendu consolider la dette publique, sans la soumettre à aucune révision, puisque, sans la réduire et sans faire aucune retenue sur aucune partie de cette dette, on peut soumettre les rentiers au payement d’un impôt relatif à leurs propriétés. Tel est le sens des décrets du 27 août ; telle est la conséquence qui a dû en résulter. Je croirais faire une injure à l’Assemblée, et surtout au membre qui provoqua le décret, que d’en étendre l’inlluence sur le nouveau régime, que de supposer qu’il ait jugé, par des termes équivoques, la grande question de la nouvelle contribution aux charges publiques, et que ce décret ait mis à votre justice des bornes qu’elle n’aurait plus la liberté de franchir. Ecoutez la loi que vous avez faite avec la plus mûre réflexion, avec la plus grande solennité; écoutez la loi qui a servi ue base à tous vos décrets, et à laquelle vous avez soumis tous les citoyens, à laquelle vous avez eu la noble prétention de soumettre un jour les nations. Elle porte : que pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d’ administration, une contribution commune est indispensable , et qu'elle doit être également répartie entre tous les citoyens , en raison de leurs facultés. Vous avez récemment rendu un nouvel hommage à cette maxime équitable, en ordonnant, dans le procès-verbal du 4 de ce mois, séance du matin, l’insertion d’une lettre où un philosophe judicieux vous a présenté la répartition égale et proportionnelle des contributions aux dépenses publiques, et l’obligation commune à tous les citoyens d’y satisfaire, comme les principales bases d’une société bien ordonnée. Jugez maintenant de la bonté de mon plan, puisqu’il est la conséquence nécessaire de ce principe éternel de justice, si outragé dans l’ancienne administration. Décidez si le système que je combats peut se concilier avec l’égalité politique établie par vos décrets, avec l’intérêt du peuple dont vous êtes les organes ; si celte égalité, cette liberté ne rejettent pas la fausse interprétation qu’on pourrait donner au décret du 27 août, eu vue de le rendre déiinitif, et d’exempter les propriétés d’un grand nombre de citoyens du fardeau des impôts, pour en accabler les propriétaires fonciers. Cependant, si les déclarations faites dans le décret étaient aussi favorables qu’elles sont indifférentes pour la prétention que je réfute, alors même elles ne devraient être à vos yeux d’aucune considération. Leur contradiction avec la déclaration des droits serait si frappante, qu’elle ne permettrait pas de laisser subsister deux lois aussi différentes. Il faudrait ordonner nécessairement le rapport de l’un de ces décrets ; et pourriez-vous alors hésiter sur le choix, lorsque vous auriez à le faire entre un décret qui, dans la supposition que j’ai faite, serait évidemment injuste, et celui qui a été l’ouvrage de la justice et de la raison. Et s’il en était autrement; si vous rétractiez le décret qui oblige tous les citoyens aux contributions publiques, en raison de leurs facultés, pour donner la préférence à celui qui en exempterait, dans le cas supposé, une classe de citoyens et d’immenses propriétés, quelle confiance votre déclaration des droits pourrait-elle inspirer? Si vous donniez l’exemple d’une infraction à la disposition la plus équitable de cet acte sublime où vous avez renfermé le code des nations, comment pourriez-vous vous flatter de le leur faire adopter? A l’égard des conventions que, dans certains contrats, on peut avoir insérées sur la non-retenue des charges publiques, la loi de l’Etat annullait ces conventions, quant aux prêts faits aux particuliers; et, si elles étaient maintenues par rapport aux emprunts publics, il est aisé de sentir que les circonstances difficiles où le gouvernement s’était souvent trouvé, l’avaient contraint à faire fléchir sous l’empire de la nécessité cette loi que l’article 13 de la déclaration des droits a enfin étendu sur toutes sortes de contrats. Mais ce n’est pas à un pouvoir constituant, aux auteurs d’une régénération entière, qu’on doit présenter les abus de l’ancien régime, les lois injustes qui en étaient la suite, les conventions frauduleuses auxquelles son existence était essentiellement attachée, pour les faire maintenir. Eh ! combien de fois n’auriez-vous pas été arrêtés par des difficultés plus sérieuses, si vos opérations eussent pu dépendre des anciennes habitudes, être soumises à l’ancien ordre; si en régénérant ce vaste Empire, vous eussiez dû céder à des considérations particulières, au lieu d’être conduits par des principes de justice et d’égalité. Remarquez, Messieurs, la différence que j’ai établie entre les rentiers étrangers et les rentiers citoyens: avec les premiers, je propose d’exécuter les conventions, parce que n’étant pas citoyens, ils ne peuvent être tenus de contribuer aux impositions: à l’égard des autres, je soutiens que les clauses de non-retenue ne doivent pas les dispenser, dans un régime établi par la main de la justice, et à l’époque d’une entière régénération, de contribuer aux charges de l’Etat. Si la Révolution s’était faite avec moins de se" cousses, si elle eût causé moins de frais, s’il eût été possible de l’opérer sans éprouver une grande diminution dans la perception des impôts, les réformes que vous avez faites en auraient produit le décroissement. Privés de l’avantage précieux d’accorder au peuple le soulagement qu’il avait si justement désiré, puisque pendant quelque temps encore le fardeau des impôts doit être le même, ne le privons pas du moins de la consolation de le partager avec tous ceux qui doivent y contribuer. Après avoir détruit dans les propriétés immobilières un privilège injuste et humiliant pour ceux qui n’en étaient pas l’objet, hâtons-nous de le détruire dans les propriétés des. rentiers; montrons aux peuples des provinces, que, malgré leur éloignement, leurs intérêts nous ont .été chers, que nulle considération ne nous a empêchés de les défendre, et que nous avons poursuivi l’inégalité et l’injustice, partout où nous les avons aperçues, et dans leurs plus forts retranchements. [Assemblée nationale.] Moyens d'exécution. Il ne suflit pas, Messieurs, qu’un plan d’imposition soit parfaitement juste, il faut encore, ppur qu’on doive l’accueillir, qu’il puisse être facilement exécuté, et qu’il ne puisse causer aucune interruption dans le service public. Ici je ne puis dissimuler deux inconvénients que mon plan paraît renfermer. Rien n’est plus simple que l’établissement de l’impôt personnel, et de la partie de l’impôt des vingtièmes, qui n’a pas pour objet les propriétés immobilières. Quand le tarif de la taxe personnelle aura été arrêté par l’Assemblée nationale, quelques jours suffiront pour en appliquer les dispositions dans chaque municipalité du royaume: la fixation de l’impôt réel sur toutes les propriétés qui ne consistent pas en immeubles, est l’effet d’un simple calcul. Ces deux objets peuvent être aisément remplis pour l’imposition prochaine. Mais il n’en est pas de même des fonds de terre et des bâtiments. Il faut, d’après mon projet, qu’ils soient estimés; if faut en fixer fa valeur pour en connaître le produit, puisque c’est sur le produit que l’impôt doit être fixé ; et ce serait compromettre la chose publique. On ferait peut-être des opérations inexactes et injustes, si elles étaient trop pressées, si l’on voulait en faire la base ou l’exécution de l’imposition de. 1791. J’avoue que cette partie de mon plan, exigeant un travail de six mois, ne pourra être exécutée qu’en 1792; mais je demande si le plan du comité ne renferme pas le même inconvénient, je demande quel est le plan raisonnable d’un nouveau mode d’imposition, où il ne doive pas se rencontrer? Il en est un seul; c’est le cas où l’imposition territoriale serait payée en nature. Ce mode aurait le double avantage d’une parfaite égalité entre les propriétaires des terres dans le payement des impôts, et d’être exécuté sans aucun délai. Mais on ne peut se dissimuler combien, sous d’autres rapports, il serait désavantageux. Serait-ce au moment de la suppression de la dîme, où les peuples se sont élevés contre cet impôt, où ils en ont refusé le payement, où sa défaveur est grande, qu’il serait politique de la re produire au profit de l’Etat? Serait-ce à une époque où les finances sont épuisées, qu’il serait convenable de substituer une imposition en nature à une imposition en argent? Quelles pertes pour l'Etat ne verrait-on pas résulter d’ailleurs de ce régime qui nuirait à l’agriculture, en la privant des bras qui contribueront à la faire fleurir, et au Trésor public qui perdrait les frais immenses qu’il en coûterait pour lever cet impôt, et les gains que feraient les fermiers ou les percepteurs ? Je crois donc que l’Assemblée nationale ne s’arrêtera pas à l’idée séduisante, mais trompeuse, d’un impôt en nature que votre comité d’imposition ne lui a pas du reste proposé, et qui, en rendant inutile l’opération que j’ai adoptée pour l’estimation des terres, n’empêcherait pas celle des bâtiments, sur lesquels l’impôt en nature ne peut pas être perçu. Or, quels puissants motifs n’avez-vous pas pour faire procéder à une estimation générale de tous les immeubles du royaume? Vous savez qu’il y avait, dans l’ancien régime, des provinces surchargées d’impôts, d’autres qui l’étaient beaucoup lro Série. T. XIX. 123 septembre 1790.] 161 moins; que la même injustice existait, non seulement dans divers diocèses de la même province, mais encore à l’égard des propriétaires d’une même municipalité. Si donc vous voulez amener les contribuables à l’égalité, vous ne devez pas laisser subsister davantage une aussi injuste différence, qui produirait des privilègesque vous avez eus en vue d’abolir? Mais à ces importantes considérations se joignent des motifs impérieux. Une estimation légale des biens ci-devant privilégiés est indispensable. Comment pourra-t-on la faire avec justice et proportion, si l’on ne fait en même temps une estimation générale de tous les autres biens. L’application des nouveaux impôts à l’ancien régime est impossible, à cause de la nouvelle division du royaume, où, dans diverses provinces, le mode d’imposition était différent, où chaque province avait des lois et des usages particuliers, où tout est changé, bouleversé dans les anciennes limites, où des peuples régis par l’arbitraire sont réunis à ceux des pays d’Etats dans lesquels l’impôt était plus légalement réparti. Ainsi l’estimation des immeubles n’est plus dans mon plan un inconvénient, si elle est nécessaire dans tout autre plan relatif à l’impôt en argent, dès qu’elle est admise dans le plan du comité. L’intervalle d’une année qui devra s’écouler avant que cette partie de mon projet ait son exécution, cesse aussi d’être un inconvénient, dès qu’il est reconnu que, dans tous les plans possibles, il faut un temps suffisant pour opérer. Il est vrai que le comité assure que l’exécution peut s’en faire pour l’imposition prochaine ; mais son projet présente-t-il un mode plus prompt que celui que j’indique? ce plan aoit-il rendre inutile une estimation des propriétés immobilières ? Non ; il propose aussi une estimation et une procédure beaucoup plus compliquées que celles que j’ai adoptées. Ainsi le prétendu avantage du plan du comité sur le mien ne tient pas à la manière de procéder; il n’a pour garant qu’une opinion subordonnée à la durée de la procédure : le comité croit que peu de temps suflit pour la clôturer; je pense, au contraire, qu’un temps beaucoup plus long est indispensable. Si l’espoir du comité pouvait se réaliser ; si mes craintes étaient vaines, si cette procédure immense pouvait être faite avec célérité, mon plan, comme le sien, pourrait profiter de cet avantage. Mais en supposant que l’Assemblée nationale trouve convenable de ne pas trop hâter les opérations des estimateurs et la décision des contestations qui pourront s’élever, afin que ceux-ci opèrent avec plus de justice, et que les parties intéressées aient la faculté de faire valoir leurs raisons; si le parti de la prudence, commandé par les circonstances, paraît préférable à celui d’une confiance aveugle que rien n’autorise, que s’agit-il donc de faire pour suppléer en 1791 au défaut d’uneestimation? Il faut chercher le moyen le plus juste et le plus simple pour représenter le montant de l’estimation des immeubles, en exécutant, pour le surplus, le nouveau projet. Eh bien ! que tout propriétaire d’immeubles soit compris dans le rôle de la prochaine imposition pour la même somme à laquelle il a été taxé en raison de ses immeubles seulement; savoir : le ci-devant privilégié pour l’année courante, et celui qui ne l’était pas, d’après la taxe qui a été faite en 1789. Cet arrangement paraît convenir à tous 11 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 162 |Assesohlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [s3 septembre 1790.] les intérêts, et il a deux avantages qui ne sont pas peu importants; l’un, de donner aux nouvelles administrations deux années pour clôturer le travail du nouveau mode d’impôt; l’autre, de mettre en état, dans très peu de temps, le rôle d’imposition; et si cette immense contribution, jointe à celle des autres propriétaires, à l’impôt personnel et aux autres revenus de l'Etat, ne suffisait pas à l’acquit des dépenses publiques pour l’année prochaine, la répartition du déficit serait faite avec une égalité proportionnelle sur tous les citoyens soumis à l’impôt personnel, et sur le montant de l’imposition foncière. Ces difficultés éclairées, on ne peut disconvenir de la simplicité de mon plan dans son exécution et dans la perception de l’impôt. Tous les biens seront incessamment estimés, dans chaque municipalité, par les voies indiquées dans le projet de détail, et à peu de frais. Ce propriétaire, lors même qu’il possédera des biens, sujets à des droits ci-devant seigneuriaux et à des rentes foncières et constituées pour toujours ou à terme, sera soumis à payer l’entière contribution à laquelle le revenu de l’immeuble sera taxé, sans qu’on ait besoin de faire aucune procédure pour taxer les rentes de diverse nature ; et tandis qu’il aura le droit de faire contribuer son créancier aux charges publiques, en retenant les impositions qu’il aura payées à sa décharge, le Trésor public recevra des mains des'propriélaires, par le versement des caisses des districts, et l’impôt qui les concerne, et celui dont le rentier est tenu. Le Trésor public recevra directement la contribution des citoyens qui ont des rentes et des pensions sur l’Etat ; et, indirectement, par les mains du trésorier de district, l’impôt concernant les rentiers et les pensionnaires qui devront être payés par les départements, les districts, les municipalités et les corporations, impôt que le trésorier du district aura retenu, et que les municipalités et les corporations, qui auront fait la même retenue, auront versé dans sa caisse. A l’égard des droits casuels, le débiteur sera obligé de retenir, en les payant, le montant de l’imposition qu’il versera dans la caisse du district. Il suffira, pour lever ces deux impôts, d’un percepteur dans chaque municipalité, et d’un trésorier dans chaque district. 11 n’y aura aucun embarras ni dans la perception de l’impôt, ni dans la comptabilité; et lorsque l’impôt des vingtièmes et l’impôt personnel, joints aux autres revenus de l’Etat, ne suffiront pas, à l’avenir, pour payer les charges publiques; lorsqu’on croira ne devoir pas recourir à de nouveaux impôts indirects, l’impôt personnel et la taxe des vingtièmes qui aura été faite sur les immeubles, offriront une ressource qui n’exigera aucuns frais, etdes bases immuables sur lesquelles l’accroissement de l’impôt sera facilement réparti, avec une égalité proportionnelle, sur tous les citoyens. Je vais mettre à présent sous vos yeux les injustices, les contradictions et les inconvénients du projet du comité d’imposition. Le rapporteur du comité a dit, avec raison : que « les bienfaits de la Constitution étant les mêmes « pour tous les citoyens, tous devaient fournir aux « besoins de la patrie ». Mais il a avancé une grande erreur, en ajoutant « que c’était dans cet « esprit qu’avait été fait le travail qu’il vous a « présenté ». Le projet qui en est résulté soumet les propriétaires fonciers à une première imposition de 306 millions, tandis qu’il ne fait rien supporter sur cette somme aux autres propriétaires, c’est-à-dire à ceux qui ont des propriétés en rentes et pensions. Je n’ajouterai rien à ce que j’ai déjà observé, pour prouver l’injustice de cette proposition; je vous ferai seulement remarquer que le Trésor public, étant débiteur d’une somme immense en rentes et pensions ; que les départements, les districts, les municipalités, les corporations ayant des dettes énormes, vous affaibliriez notablement le revenu que les propriétés doivent à l’Etat, si vous adoptiez le plan du comité. Cette injustice est d’autant plus grande, que le plan du comité, évidemment contraire aux principes de la Constitution, après avoir soumis les propriétaires fonciers à un impôt de 306 millions envers le Trésor public, les a encore grevés, en proportion de cette somme, des dépenses locales, auxquelles les autres propriétaires ne contribueraient pas, en raison de l’impôt de 306 millions. A cette première injustice, le comité en a joint une seconde, sous le seul rapport des propriétés foncières. En effet, dans l’ancien régime, où l’agriculture était, non seulement surchargée, mais où elle était encore vexée par les lois fiscales, le gouvernement ne percevait que 141,115,999 livres pour la taille et les vingtièmes sur les propriétés foncières, et pour les décimes du clergé, tandis que le comité vous propose de taxer ces propriétés à trois cent six millions. L’idée du comité est d’autant plus étrange, qu’en augmentant prodigieusement la contribution foncière, il nous assure en même temps, pages 9 et 10 de son premier rapport : « que la masse « des contributions publiques ne sera pas aug-« mentée dans le nouveau régime. » Mais si la masse des contributions publiques n’est pas augmentée à l’égard du Trésor public; si cette vérité est la suite nécessaire des décrets qui ont produit des réformes considérables dans les dépenses du gouvernement, et qui ont rejeté de nouvelles charges sur les départements et sur les districts, en déchargeant le Trésor public de plusieurs dépenses qu’il faisait dans l’ancien ordre des finances; pourquoi l’impôtdont étaient grevées les propriétés foncières, a-t-il éprouvé, dans le plan du comité d’imposition, un si grand accroissement, une augmentation qui excède de beaucoup le double de cet impôt ? C’est, non seulement parce que votre comité établit tout l’impôt des propriétés sur les propriétés foncières, tandis qu’il en excepte les autres propriétés; mais encore parce qu’il a versé arbitrairement sur les propriétés foncières un torrent d’impôts, faute d’avoir des bases pour pouvoir le fixer avec justice etproportion; c’est parce que le comité a grevé les propriétés foncières, indépendamment des impôts réels existants dans l’ancien régime, du remplacement entier de la dîme, de la gabelle et des droits sur les cuirs. Il me sera aisé d’établir cette assertion. Le gouvernement perçoit pour les impositions foncières et pour la capitation, 191,034,270 livres; savoir : sur la capitale, pays d'élection et pays conquis, y compris la contribution du clergé des généralités de Riom, Limoges, Metz et Alsace, et l’abonnement de la capitation du clergé de Franche-Comté et Alsace, 155,650,270 livres; sur les recettes générales des pays d’Etats, 24, 556, 000 livres ; et pour l’abonnement de la Flandre maritime, 823,000 livres. [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [23 septembre 1790.] 163 En tout, 191,034,270 livres, en ajoutant 10 millions de décimes du clergé. Sur quoi distrait, d’un côté, 7,123,000 livres pour les remises et moins imposés accordés par le gouvernement, et 42,195,271 livres du montant de la capitation, l’impôt foncier est réduit à 141,715,999 livres dans les recettes générales du royaume. J’ai pris des renseignements avec le comité ecclésiastique sur le produit des dîmes, et il en est résulté que l’opinion la plus commune, dans une appréciation où on n’a pas eu des données certaines, l’a porté à 90 millions de revenu net pour le clergé, et à 6 millions pour les propriétaires des dîmes inféodées. Le remplacement entier de la gabelle et du droit de marque sur les cuirs, exigerait un accroissement d’impôts de 69 millions. Et en joignant ces trois sommes à celle de 141,715,999 livres perçues par le gouvernement pour la taille, les vingtièmes et les décimes, elles produisent 306,715,999 livres. Ainsi, le comité ayant taxé les propriétés foncières 306 millions pour le seul service du Trésor public, j’ai eu raison d’avancer que ces propriétés supporteraient, suivant son plan, l’entier remplacement de la dîme ecclésiastique, des dîmes inféodées, de la gabelle et du droit des marques sur les cuirs. J’en conclus que la surcharge proposée par le comité sur les propriétés foncières, actuellement sujettes à une taxe de 141,715,999 livres, est de 164,284,001 livres, puisque la taxe est de 306 millions. Encore même les 10 millions des décimes du clergé ne devaient pas être considérés sous le seul rapport de la contribution foncière, puisqu’ils représentaient aussi la capitation des ecclésiastiques, qui en étaient exempts dans l’ancien régime, et qui dans le nouveau seront tenus d’y contribuer. Je vais à présent réfuter les motifs, ou, pour mieux dire, les erreurs que le comité a opposées dans son second rapport, pour appuyer son étrange et accablant système d’impositions sur la contribution foncière,” Il faut, dit-il, ajouter à l’ancienne taxe des propriétés foncières le remplacement de la dîme. Je pourrais demander au comité, si le culte public de la religion que nous avons le bonheur de professer n’intéresse que les propriétaires fonciers ; si les autres propriétaires et les citoyens qui n’ont pas de propriétés sont à cet égard sans intérêt? Je me contenterai cependant de lui observer que la prétention est fausse sous deux rapports : 1° Le Trésor public ne percevait pas le produit de la dîme; il était perçu par le clergé et par les propriétaires des dîmes inféodées : sa suppression ne laisse donc aucun vide dans les recettes, et si elle augmente les dépenses, à cause du remboursement de la valeur des dîmes inféodées, et à cause des salaires du clergé, ce n’est que pour l’excédent, distraction faite du revenu que la nation retirera directement ou indirectement des biens du clergé, dont le produit net est évalué à 70 millions ; 2° Le remplacement de cet excédent ne doit pas avoir lieu sur les seules propriétés foncières. Que le comité lise le décret de suppression des 14 et 20 avril dernier : il y verra que la répartition doit en être faite sur la généralité des contribuables, et par conséquent sur les divers genres d’impôts. Il a fallu, dit encore votre comité, remplacer l’impôt de la gabelle et les droits de marque sur les cuirs, et faire supporter la moitié de ce remplacement aux propriétaires fonciers, qui supportaient la plus grande partie de ces impôts. Je pourrais démontrer la fausseté de cette allégation; mais il me suffit de renvoyer votre comité à la lecture du décret du mois de mars dernier qui a supprimé la gabelle. Il y verra que ce remplacement doit être fait sur toutes les contributions. Il me suffit de vous rappeler le calcul que j'ai déjà mis sous vos yeux, pour vous convaincre que les propriétés foncières supporteraient, suivant le plan du comité, non seulement, comme il l’allègue, la moitié du remplacement des impôts indirects que vous avez supprimés, mais encore l’entier remplacement de ces impôts, dont le produit net est, suivant le comité, de 69 millions. Je pourrais encore opposer au comité, que les dépenses du Trésor public étant fort diminuées, soit par les réformes qui ont été faites dans diverses branches d’administration, soit par les nouvelles charges qu’on a imposées aux départements et aux districts, et dont on a déchargé le gouvernement, l’entier remplacement des impôts indirects n’est pas nécessaire pour le service du Trésor public, Mais cette observation est surabondante; et quoique je sois convaincu de la justesse des vues de M. Delley d’Agier, qui entend non seulement conserver, mais encore augmenter la forme des impôts indirects actuellement existants, quoique je pense que le montant de trois vingtièmes rigoureusement perçus sur toutes les propriétés, et delà taxe personnelle, joints aux impositions indirectes, sera suffisant pour acquitter toutes les dépenses publiques. Je n’examine point ici quels sont les besoins du Trésor public, ni quel sera le produit des impôts indirects, je me borne seulement à combattre le mode d’impôt qui nous est offert parle comité d’imposition, et qui grèverait les propriétés foncières de 306 millions pour le Trésor public, et à justifier un plan où elles sont soumises à une imposition de trois vingtièmes, qui a non seulement pour objet le service du Trésor public, mais encore le payement des charges locales, et qui deviendra progressive ainsi que l’impôt personnel, à mesure que les besoins augmenteront sur l’un et l’autre objet, et lorsque les autres revenus publics seront insuffisants. Ainsi, à quelle somme que puisse se porter l’impôt qui sera consenti par le Corps législatif pour le service du Trésor public, à quelles sommes que puissent revenir les dépenses locales, mon plan offre constamment une ressource pour y fournir, sans avoir besoin d’établir demouveaux impôts directs, sans rien ajouter aux frais de l’administration, et par l’effet d’un simple calcul. Veuillez bien remarquer, Messieurs, qu’il serait non seulement inutile, mais qu’encore il pourrait être dangereux de régler constitutionnellement quelle est la somme dont les propriétés foncières doivent être grevées pour le service du Trésor public ; car il pourrait arriver que cette somme devenant dans la suite insuffisante, soit par des nouvelles dépenses, soit par la nécessité de supprimer certains impôts indirects, il fallût recourir de nouveau à des impôts directs : vous devez au contraire, à mon sens, chercher en quelle proportion les propriétés foncières et celles qui ne Je sont pas doivent contribuer [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] 164 avec les objets soumis à la taxe personnelle, tant au service du Trésor public, qu’aux dépenses locales, après avoir distrait les impôts indirects et les autres revenus publics. Car, lorsque vous aurez déterminé cette proportion, vous aurez la double faculté de fixer la somme des impositions indirectes ainsi que vous le jugerez convenable, et d’augmenter au sol la livre l’un et l’autre des impôts directs quand les besoins publics l’exigeront. Je crois donc, Messieurs, qu’il est important de borner à présent ladiscussion à l’impôt direct, et de rendre sur ce pressant objet une prompte décision, pour mettre les assemblées administratives en activité sur les opérations qui leur seront prescrites ; et alors, Messieurs, pendant qu’elles exécuteront vos décrets sur la contribution des propriétés et sur l’impôt personnel, vous vous occuperez des impositions indirectes que je suis d’avis d’élever par des moyens doux et peu dispendieux, autant qu’il sera possible, sans cependant trop charger la classe indigente des citoyens. Je reviens maintenant aux moyens du comité : il ajoute que les propriétés foncières contribuant à l’impôt de la capitation dans l’ancien régime, il est juste d’augmenter, dans la fixation de la contribution foncière, l’impôt foncier qui existe aujourd’hui. Il est sans doute étonnant, Messieurs, que le comitéen, proposant ce moti, fait fourni lui-même l’occasion de le réfuter. Son plan soumet en effet les propriétés foncières à l’impôt personnel. indépendamment de la contribution foncière de 306 millions. Je vais l’établir. Les propriétés foncières sont soumises, par ce plan, à trois genres de contribution : elles devront supporter : 1° l’impôt de 306 million s|au profit du Trésor public ; 2° leur contribution aux charges locales qui seront immenses ; 3° une somme pour laquelle les propriétaires d’immeubles doivent contribuer dans l’impôt personnel, à raison de leurs facultés déterminées par le prix des loyers des logements. Le comité, fen disant, page 8 du premier rapport, que les propriétaires fonciers doivent être traités dans la contribution relative aux facultés, c’est-à-dire, dans l’impôt personnel, un peu plus favorablement que ceux dont les propriétés ne supportent pas ce premier genre de contribution, a déclaré sans équivoque que les propriétés foncières supporteraient encore une très grande partie de l’impôt personnel. C’est-à-dire que, suivant le comité, les propriétés foncières devraient, tant à l’égard du Trésor public, qu’en raison des dépenses locales, deux impôts, l’impôt réel et l’impôt personnel; tandis que les autres propriétés ne contribueraient, sous les mêmes rapports, qu’au second de ces impôts. Au lieu que dans mon plan les propriétés de tous genres ne sont soumises qu’au seul impôt des vingtièmes, et que ceux qui les possèdent ne doivent contribuer à l’impôt personnel qu’en raison de leurs autres facultés. C’est ici, Messieurs, le lieu de vous faire apercevoir l’embarras et l’incertitude du comité, au sujet des propriétaires de rentes et pensions ; vous allez le voir rendre hommage à l’article 13 de la déclaration des droits, tandis qu’il refuse d’admettre en entier les conséquences qui en résultent; soumettre indirectement ces propriétaires à une partie de l’imposition qui doit résulter des propriétés dans l’établissement de l’impôt personnel, en les exemptant de l’impôt direct des propriétés, et vous montrer, par une contradiction aussi manifeste, l’impossibilité de concilier, avec la justice, les privilèges dont une classe opulente de citoyens a joui jusqu’à présent, et un mode d’impôt où ils sont conservés. J’ai déjà observé que, suivant l’avis du comité, les propriétaires fonciers devaient être traités, dans la contribution personnelle, un peu plus favorablement que ceux dont les propriétés ne supportent pas le premier genre de contribution ; d’où je conclus que les propriétés, consistant en rentes sur l’Etat et sur les provinces, ne supportant pas fa contribution foncière établie dans le plan du comité, sont cependant soumises, par ce plan, à un impôt non seulement subordonné à la qualité de citoyen actif, mais qui a encore pour base les propriétés et les autres facultés des citoyens. Mais alors, Messieurs, le principe que j’ai puisé dans fa déclaration des droits, est avoué par le comité : il est alors convenu, par le comité, qu’il est dû à. l’Etat pour tous les propriétaires, quelle que soit la nature de leurs propriétés, un impôt qui ne dépend pas seulement de la qualité de citoyen actif et des autres facultés, alors les conventions faites avec les prêteurs cessent d’être obligatoires dans l’un et dans l’autre plan; alors le décret rendu le 27 août 1789, sur la motion de M. l’évêque d’Autun, est entendu dans sa véritable signification ; il est alors avoué que ce décret n’a pas eu en vue d’affranchir les rentiers de la contribution aux charges publiques, et qu’il n’a eu pour objet que de consolider leurs créances, que d’interdire à l’Assemblée nationale les recherches qu’elle avait le droit d’exiger Car si le comité eût entendu soutenir la prétention contraire, il n’aurait pas du tout soumis à l’impôt les propriétés des rentiers. En effet, ou ils sont en qualité de propriétaires de rentes exempts de contribution aux charges publiques, et alors le comité aurait porté atteinte à ce système, en soumettant leurs propriétés à un impôt dont elles sont la base principale, ou bien ils ne peuvent réclamer d’exemption, et alors leurs propriétés doivent contribuer aux dépenses de l’Etat sur le même taux prescrit pour les autres propriétés, puisque vous avez aboli les privilèges de tout genre, et spécialement ceux qui avaient lieu en matière d’impôt. Voici encore une nouvelle injustice dans le plan du comité. L’article 4 du projet de décret sur la contribution foncière porte : « Qu’à l’avenir les stipula-« tionssurla non-retenue des charges publiques « seront entièrement libres entre les contractants, « et qu’il ne pourra être fait de retenue à raison « de la contribution foncière, qu’autant que le « contrat en porterait la condition expresse. » Le comité, dél ogeant par là à une loi équitable de l’ancien régime, met les propriétaires d’immeubles à la merci des prêteurs ; il entend exempter à l’avenir, de l’impôt des propriétés, une classe de propriétaires, en soumettant les propriétaires fonciers à payer cet impôt pour eux et pour leurs créanciers. En voici la preuve : Paul possède un immeuble de valeur de 20,000 livres, portant 1,000 livres de rente, quL suivant mon projet, seraient d’abord soumises à une contribution de 150 livres, il ne doit rien et sa quotité est parfaitement juste. Mais il est obligé de contracter des dettes, soit à cause des mauvaises récoltes, soit par tout autre motif, et il emprunte 10,000 livres, qui réduisent à 500 livres son ancien revenu. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] 165 Je demande au comité si la propriété de Paul, donnant un produit annuel de 1,000 livres, qui se divise également sur deux têtes, il est juste d’affranchir le prêteur de la contribution à l’impôt réel, auquel cette propriété est soumise, et de la laisser tout entière sur la tête de Paul? Il suffit du bon sens pour rejeter cette prétention; et si l’on m’oppose que Paul ne trouvera pas à emprunter, s’il ne renonce à la faculté de la retenue, je répondrai que si la loi du nouveau régime, comme celle de l’ancien, prohibe de semblables conventions, tous les prêteurs ne voudront pas sacrifier la voix de leur conscience à cellede leur intérêt, ou que du moins, si l’emprunteur est obligé à souscrire à des engagements contraires à la loi, s’il veut exécuter ceux qui seront constatés, ou s’il est forcé à l’exécution des conventions qu’on aura défigurées par des manœuvres condamnables, il vaut mieux souffrir dans quelques circonstances un mal qu’on ne pourra pas empêcher, que de consacrer par une loi une aussi grande injustice, que de mettre aux réclamations des débiteurs un obstacle que la justice réprouve, et qui ne doit pas, par conséquent, souilller nos décrets. Il entre donc dans mes vues, non seulement de confirmer les lois qui annulaient les clauses de non-retenue des charges publiques insérées dans les contrats de prêt, mais encore d’en étendre les dispositions sur les ventes d’immeubles et sur les baux à rente, quoique je sois convaincu qu’il est parfaitement juste que cette loi nouvelle n’ait pas un effet rétroactif, parce que les vendeurs et les bailleurs à rente, en connaissant à l’avenir les dispositions, seront avertis qu’ils ne doivent pas diminuer le véritable prix de la vente et celui de la rente sur 'le fondement d’une clause qui ne devra plus avoir d’exécution. La base de l’impôt personnel, adoptée par le comité, et qui serait déterminée par le prix des loyers des maisons, serait encore une source d’injustices et d’erreurs qu’il serait trop long de mettre sous vos yeux. Je me borne à trois observations : 1° Il est un grand nombre de personnes riches qui occupent de petits logements, tandis que beaucoup d’autres, qui ont moins de fortune, sont grandement logées ; 2° Il serait aisé d’éluder la disposition de la loi, en prenant des logements peu considérables ; et si cet étrange système était accueilli, je n’exagère pas en disant que, dans tout le royaume, il y aurait bientôt un tiers de maisons inutiles et sans possesseurs; 3» Enfin, comment pourrait-on déterminer une imposition sur le véritable prix des loyers des maisons dont il serait si facile de dérober la connaissance aux administrateurs, et sur lequel on peut faire à tout instant de nouvelles conventions, presque toujours insérées dans des actes privés ? Ne soyez pas, Messieurs, en peine à cet égard : le comité a un timbre tout prêt, qui, en produisant un impôt réprouvé par l’opinion publique, qui l’a considéré comme désastreux pour le commerce, inquiétant pour Jes citoyens, contraire à la liberté, empêchera, par une inquisition fiscale, une partie des fraudes auxquelles il doit donner lieu. Je m’élève hautement, Messieurs, contre cet impôt, dont le moindre vice serait d’être supporté par celui qui n’en serait pas tenu, et lorsque les Français, encore asservis, ont eu le courage de le refuser, je me plais à croire que les représentants de la nation, après avoir conquis la liberté, n’auront pas la faiblesse de l’établir. Permettez-moi, Messieurs, à ce sujet, une seule observation ; quel est l’objet qu’on a en vue en proposant cet impôt ? C’est d’atteindre les capitalistes, en les soumettant à un droit de timbre sur les obligations qui leur seront consenties ; mais, non seulement, on n’v parviendrait pas parce que l’empire de la nécessité soumettra toujours l’emprunteur aux charges de l’acte, mais encore on rejetterait sur le pauvre, sur le débiteur, un impôt qu’on n’aurait pas eu l’intention de lui faire supporter. Il n’est qu’un seul moyen d’obliger les capitalistes à contribuer directement aux charges publiques ; il consiste dans la taxe personnelle que j’ai proposée et que je développerai dans le tarif que j’ai annoncé. L’opinion de M. de Montcalm m’impose ici la nécessité de prouver que ses vues sur la taxe personnelle sont plus séduisantes que solides: j’entends parler des impôts sur les domestiques, sur les chevaux et voilures. Le premier aurait le désavantage de faire renvoyer, dans le même instant, au moins la moitié des domestiques de tout sexe ; d’exposer à l’indigence ceux à qui leur âge, leur tempérament et leurs habitudes ne permettraient pas de s’occuper de l’industrie et de l’agriculture, dont, et dans ce moment surtout, les travaux ne peuvent pas employer toutes les personnes qui y sont destinées ; de surcharger l’Etat obéré d’une population inutile et dangereuse, et d’opérer, dans les gages des domestiques qui seraient conservés, une grande réduction. Car leur concours pour rester ou pour entrer en service étant considérable, ils seraient forcés de subir la loi qu’on voudrait leur imposer ; en sorte que tout comme vous feriez indirectement supporter l’impôt du timbre par les débiteurs, en y soumettant les capitalistes, de même vous jetteriez sur la classe des domestiques un impôt que les maîtres devraient’ supporter, suivant l’intention de l’auteur du projet. A l’égard des deux autres impôts sur les chevaux et les voitures, tandis qu’ils procureraient au Trésor public un modique revenu, le Trésor public ferait une plus grande perte sur l’imposition à laquelle le commerce et l’industrie doivent être soumis. Vous ne pourriez pas en effet imposer sur les commerçants et sur les ouvriers occupés de ces deux objets, lorsque vous aurez notablement réduit leur commerce et leur industrie, la même taxe que vous leur imposerez, si vous leur laissez la latitude qu’ils ont aujourd’hui. Ce n’est pas tout : vous porteriez, en adoptant ce plan, un coup mortel au commerce et à l’industrie déjà languissants ; le désespoir dans un nombre infini de familles qui n’ont d’autre patrimoine que le travail de leurs mains, et le principe, déjà décrété sur l’égalité proportionnelle dans le payement de l’impôt, serait ouvertement violé. Ou l’auteur du plan veut égaliser les fortunes* et alors, au hasard de tout bouleverser, on peut s’écarter des règles de la proportion, et imposer les riches arbitrairement sur leurs plaisirs ; ou vous regardez comme sacré le droit de la propriété, et vous croyez politiquement que l’inégalité des richesses est indispensable dans un empire immense par sa population, important par son commerce et par son industrie , et alors [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] vous ne pouvez pas, vous ne devez pas altérer le droit des propriétaires, et faire supporter aux riches une plus grande masse d’impôt que celle qu’une égalité proportionnelle doit déterminer. Ne voyez-vous pas, d’ailleurs, Messieurs, que le superflu des riches tourne au profit de la nation; que les commerçants, les ouvriers et les artistes, après en avoir eux-mêmes profité, en versent une partie dans le Trésor public, et que le riche, après avoir payé directement à l’Etat l’impôt sur ses facultés, lui paye d’une manière indirecte un tribut sur ses jouissances, non seulement sans contrainte, mais encore avec plaisir? Renonçons, Messieurs, renonçons à ces systèmes destructeurs, dont l’admission serait à la fois la honte et la ruine de l’Empire; cherchons nos ressources dans des impositions indirectes qui ne soient pas trop à charge à la classe indigente, et dans nos richesses territoriales et commerciales très suffisantes pour y fournir. J’ai déjà observé que le comité avait agi, dans son projet, arbitrairement, sans base et sans mesure. J’ajoute qu’il résulterait de cette marche les plus grands inconvénients. Je vais prouver ces deux propositions. Le comité vous propose de décréter une imposition de 306 millions sur les propriétés foncières, sans préjudice de leur contribution à l’impôt personnel et aux dépenses locales ; et il entend répartir cette somme énorme sur les quatre-vingt-trois départements, dans la proportion que l’ Assemblée nationale voudra déterminer. Chaque département, instruit de la taxe le concernant de cette contribution, la répartira sur chaque district ; le district en fera la répartition entre les municipalités de son arrondissement, et la municipalité, après avoir procédé à l’estimation des biens-fonds situés dans son territoire, répartira la portion d’impôt qui lui aura été assignée entre tous les propriétaires ou possesseurs, à quelque titre que ce soit. Le comité a bien prévu qu’une foule de réclamations, suite nécessaire d’un travail qui n’aurait aucun fondement solide, allaient s’élever. Il y a pourvu, en indiquant des tribunaux où elles pourront être portées, et en ordonnant l’exécution provisoire de la répartition. Voilà la forme de procéder adoptée par le comité. Voici mes réflexions. Je demande d’abord au comité comment, lorsque l’ancien régime présente partout une différence notable dans la répartition des impositions réelles, certains pays étant beaucoup trop chargés, d’autres ne l’étant pas assez en proportion, lorsque les traces de ce régime vicieux sont partout effacées par de nouvelles divisions, le comité pourra décider, je ne dis pas avec justice, mais avec quelque apparence de raison, ce qui peut convenir à chaque département dans la répartition de l’impôt foncier ; comment les membres de ce comité, assemblés à Paris, pourront connaître les bases des richesses territoriales et commerciales, qui seules doivent déterminer cette répartition, et qui ne peuvent être posées que par le résultat d’une estimation générale? Le comité répond qu’il a reçu des mémoires des anciennes provinces et des nouveaux départements: mais indépendamment que ces diverses instructions porteront plus ou moins l’empreinte de l’intérêt personnel, quand il faudrait supposer ceux qui les ont données insensibles à ce sentiment, l’état actuel des choses ne peut pas produire des renseignements assez précis pour pouvoir asseoir avec justice, sur chacun des 83 départements, l’assiette de la nouvelle contribution. Le hasard, plus que la justice, présidera doue à cette répartition. L’opération vicieuse que fera votre comité, sera nécessairement suivie par les assemblées administratives, qui n’auront pas une mesure plus exacte que celle avec laquelle il aura procédé; et si, parvenue aux municipalités avec tous ces défauts, elle trouve, dans l’estimation des immeubles, un terme aux injustices que certains départements et certains districts auront éprouvées, il sera toujours impossible de réparer le préjudice qui sera résulté, dans le sein même de la municipalité, des deux premières répartitions. Un autre vice du projet du comité produirait une nouvelle injustice dans la répartition qui serait faite par les municipalités, parce qu’elle aurait une estimation vicieuse pour fondement. Le comité propose de la faire d’après la valeur locative pour les biens affermés, et d’après la comparaison avec les biens affermés, pour ceux qui ne le seraient pas ; mais il y a des fermes où les fermiers se ruinent, d’autres où ils s’enrichissent. Ici, c’est un bail passé à juste prix et sans collusion; là, le prix est augmenté ou diminué, par des raisons de convenance, sur celui qui, entre le locataire et le locateur, a été véritablement convenu. La base du comité serait donc sujette à une infinité de variations, lesquelles produiraient autant d’injustices qui s’étendraient sur la procédure de comparaison qu’il faudrait faire pour les biens qui ne sont pas affermés. Les justes réclamations de certains corps administratifs présenteraient, à la décision de l’Assemblée nationale, une source inépuisable dé procès ; les districts, les municipalités, les particuliers entreraient dans cette grande querelle qui agiterait à la fois tout l’Empire, puisqu’elle mettrait en opposition ceux que le hasard aurait favorisés, avec ceux dont il aurait été l’oppresseur dans l’assiette de l’impôt, qui pourrait suspendre le payement des impositions, et combler la mesure de l’anarchie dans laquelle nous sommes depuis trop longtemps. Mais si les municipalités, qui ne recevraient certainement pas, avant le mois de novembre, le décret qui serait rendu sur le plan du comité, ne pouvaient pas, durant l’hiver où les campagnes sont couvertes de neige où inondées par des torrents, procéder à l’estimation de tous les biens de leur territoire, terminer, dans un si court délai, une procédure qui, d’après les lumières du bon sens et les leçons de l’expérience, ne peut être faite avant six mois, et qui est encore sujette à bien des formalités, pour pouvoir servir de régulateur dans l’assiette de l’impôt, la répartition deviendrait impossible, l’Etat serait privé d’un secours nécessaire, et la dissolution serait inévitable. Comment est-il donc possible que ces inconvénients se rencontrent dans le plan du comité, et que je les aie évités dans le mien, lorsque l’un et l’autre prescrivent l’estimation de toutes les propriétés foncières ? C’est parce que votre comité a commencé par où il fallait finir; c’est parce qu’il entend faire la répartition générale de l’impôt, avant de connaître les bases de cette répartition ; c’est parce qu’il a adopté un mode d’estimation injuste et irrégulier, à la place de celui que je propose dans mon plan. Sans doute qu’à l’avenir, lorsque l’estimation générale aura été faite, rien ne devra précéder 167 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] l’assiette de l’imposition que la législature fera sur chaque département, en proportion de ses facultés; mais nous nous trouvons aujourd’hui dans une circonstance particulière, qui exige un préalable qu’il est impossible de rejeter sans inconvénient, si on veut faire une bonne opération. A présent que la surface de la France nous présente, sous le rapport des impositions foncières, l’image d’un Empire naissant, il faut bien, avant d’imposer les départements dans les dépenses publiques, les distinguer dans leurs différentes valeurs. L’estimation préalable est donc la première pierre de l’édifice de la nouvelle administration que vous devez établir. Si elle précède la répartition, chaque municipalité connaîtra la vraie valeur de son territoire; chaque district saura quelle est l’estimation des diverses municipalités qui en dépendent. Les assemblées de district porteront le même éclaircissement dans celles de département; celles-ci dans le sein de la législature qui connaîtra la Valeur de chaque département, et fixera, d’un trait de plume, la quotité qu’il doit supporter dans l’imposition. Cette règle équitable et simple sera suivie dans les degrés inférieurs, et la France aura pour toujours une administration des finances, qui, ayant son origine dans la plus exacte justice, n’aura rien à redouter ni de la faveur des gens en place, ni des outrages du temps. Au lieu que le plan du comité, vicieux dans ses fondements, ne pourra jamais atteindre à ce haut degré de perfection, qui peut seul obtenir aux lois financières la vénération des peuples, qui s’altérerait aisément, si, à une charge trop malheureusement accablante, qu’il est indispensable de lui imposer, on avait l’impolitique de joindre une injuste répartition. En deux mots, mon plan vous présente un édifice tout neuf, solide et durable ; et le comité, en employant les mêmes matériaux, vous offre un édifice sans fondement, toujours chancelant, et qu’à tous les instauts il faudra réparer. Avant de terminer mon opinion, j’ai à vous faire remarquer encore une différence essentielle dans les deux manières de procéder qui vous sont indiquées. Le comité veut rendre les officiers municipaux estimateurs de toutes les propriétés de leur territoire. Je propose, au contraire, de faire cette estimation par des experts nommés hors du territoire, par le directoire du district, Voici les motifs qui me font préférer, au mode du comité, celui que j’ai adopté : 1° Des experts étrangers au territoire seront exempts de tout intérêt personnel et de toute considération particulière. Les officiers municipaux, au contraire, auraient à estimer leurs biens propres, ceux de leurs parents et amis, et des personnes qui seraient en mésintelligence avec eux; 2° Tous les officiers municipaux, surtout ceux des villes, n’auraient pas les connaissances nécessaires à cette grande opération; tandis qu’on ne choisira pour experts que des personnes versées dans l’agriculture et dans la construction des bâtiments,* 3° L’opération serait beaucoup plu9 longue dans les mains des officiers municipaux qui ont d’autres fonctions importantes à remplir, que dans celles des experts qui n’aur&ient que cette seule occupation. Enfin, si vous employez les officiers municipaux à l’estimation, vous privez les propriétaires qui croiront avoir à s’en plaindre, des juges. les plus naturels, les plus éclairés qui puissent, en première instance, les décider ; ce qui est l’un des avantages de mon plan. Je termine mon avis, en vous rappelant que ce plan a pour base la plus exacte justice, puisqu'il soumet à une égalité proportionnelle tous les propriétaires, tous les citoyens ; tandis que celui au comité exempte les rentiers et les pensionnaires de l’impôt concernant les propriétés, en les soumettant seulement, ainsi que les autres propriétaires, à l’impôt personnel; que mon projet est l’exécution formelle de l’article 13 de la déclaration des droits; que le projet du comité en est la violation manifeste ; que ce projet, injuste et contradictoire dans ses dispositions, porterait un coup mortel à l’agriculture, et pourrait allumer dans tout le royaume un incendie d’autant plus difficile à s’éteindre, qu’il aurait sa source daus l’intérêt personnel ; que ce projet, vicieux dans ses formes, ferait naître, dans les divers départements, le trouble et la dis-cordre, et renverserait la Constitution par l’opération la plus propre à l’affermir. PROJET DE DÉCRET sur l'exécution du projet de décret constitutionnel. L’Assemblée nationale, considérant que le service public exige, dans l’administration des finances, la plus prompte exécution du décret constitutionnel qu’elle à rendu sur le nouveau mode d’imposition, a décrété ce qui suit : Art. 1er. L’impôt de trois vingtièmes, établi par le premier article de ce décret, sera perçu en conformité des articles 2 et 3, et il aura en outre pour objet les terres labourables, vignes, prés, jardins, bois vacants, et tous autres fonds susceptibles d’occupation, ainsi que les carrières et les étangs. Art. 2. Seront soumis à cet impôt toutes les maisons des villes et des campagnes, bâtiments, mouÜDS, manufactures et tous édifices quelconques, à l’exception des lieux publics, qui ne seront pas compris dans la disposition du présent article et du précédent, non plus que les domaines réservés au roi. Art. 3. Il sera applicable aux rentes de toutes les espèces que les citoyens ont sur l’Etat, sur les départements, districts, municipalités, corporations et sur les particuliers, et aux lods et autres droits casuels. Art. 4. Les officiers de chaque municipalité seront tenus, dans fa quinzaine de la publication du présent décret, de diviser la Ville, le boürg ou le village de leur domicile en diverses sections, dont il soit aisé de reconnaître les limites, et à chacune desquelles il sera donné une dénomination. Art. 5; Il en sera usé de même à l’égard du territoire, où chaque arrondissement sera divisé des autres, autant qu’il sera possible, par des chemins publics ou autres marques permanentes. Art. 6. Après que cette opération aura été arrêtée dans le conseil général de la commune, publiée et affichée, tout propriétaire de bâtiments et fonds de terre pourra, dans �quinzaine suivante, remettre aü secrétaire-greffier de la municipalité où il aura des propriétés foncières, un état de ces propriétés, signé de lui, s’il sait signer. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] Art. 7. Cet état sera détaillé, et il y sera fait mention de la contenance des coofronts, ainsi que des sections et arrondissements où ces biens seront situés. Art. 8. Chaque municipalité du royaume fera ensuite procéder par trois experts que le directoire du district aura nommés, qui seront pris hors du territoire de la municipalité, et qui prêteront serment devant' le juge de paix du canton, à la vérification, estimation et arpentage de toutes les terres et bâtiments que le territoire contient. Chaque article sera estimé séparément, et il sera fait mention de la contenance de ses confronts et du nom du propriétaire. Art. 9. Deux de ces experts devront être agriculteurs, et le troisième sera versé dans la construction des bâtiments ; l’un d’eux devra aussi être arpenteur. Art. 10. Ces experts feront, pour les bâtiments de la ville, bourg ou village, autant de cahiers qu’il y aura de sections. La même règle sera suivie à l’égard des divers arrondissements du territoire, et les articles seront classés dans le cahier de la section ou de l’arrondissement où ils seront situés. Art. 11. L’arpentage sera fait dans tout le royaume avec une mesure égale qui sera incessamment déterminée. Art. 12. Dans les grandes villes et dans les territoires d’une grande étendue, où l’opération d’une seule procédure serait jugée, par le directoire du département, devoir durer trop longtemps, le directoire du district nommera le nombre d’experts qu’il jugera convenable, entre lesquels le travail sera partagé par la municipalité, par sections et arrondissements. Art. 13. En procédant à l’estimation soit des terres, soit des bâtiments, les.experts ne feront aucune déduction des droits ci-devant seigneuriaux, et des autres charges et hypothèques pour lesquelles ils seront affectés; mais ils auront égard à l’entière valeur desdites terres et bâtiments, d’après leur revenu net, et le prix des ventes faites depuis moins de dix ans dans le territoire. Ils auront, au surplus, tel égard que de raison aux baux de fermes, preuves et présomptions résultant des compoix, cadastres et déclarations faites sur la contribution patriotique, et aux observations que les propriétaires pourront leur faire, soit verbalement, soit par écrit. Art. 14. L’estimation des terres sera faite en conséquence, après avoir déduit de leur revenu les frais de semences, entretien, travaux et cultures. Il sera fait la déduction du tiers sur l’estimation des moulins et usines ; et à l’égard des maisons et autres bâtiments et des étangs, il sera distrait le quart de leur estimation, le tout pour les réparations dont ils sont susceptibles. Les experts désigneront les terres en quatre classes, sous les dénominations de bon, moyen, faible et inculte , et ils appliqueront au terrain de chaque classe une estimation particulière. Art. 15. Lorsque les experts auront terminé leurs opérations, le rapport sera déposé au greffe de la municipalité, où tout habitant du territoire pourra, pendant un mois, en prendre connaissance, et faire telles observations qu’il jugera convenables, dont le secrétaire-greffier tiendra sommairement procès-verbal . Art. 16. Le délai passé, le rapport et les observations qui auront été faites seront examinés dans le conseil général de la commune, qui donnera son avis sur chacun des articles qui auront éprouvé des contestations, et sera tenu d’adresser au directoire du district et à celui du département une expédition en forme, du rapport des experts, du procès-verbal, des observations des contribuables, et de la délibération qui aura été prise en conséquence. Art. 17. Ceux qui ne voudront pas acquiescer au jugement de la municipalité pourront se pourvoir, dans le délai de quinzaine, au directoire de département, qui prononcera définitivement, après avoir consulté le directoire du district. Art. 18. Les directoires de départements et de districts veilleront à ce que la procédure d’experts soit faite sans fraude, sans discontinuation et avec célérité, dans toutes les municipalités dépendantes de leur administration ; et dès qu’elle sera terminée, la municipalité fera un état sommaire du montant de l’impôt, en le fixant aux trois vingtièmes de l’intérêt légal que produirait le prix de l’estimation, eu égard au revenu dont les experts auront fait les déductions prescrites par l’article 14, de manière que l’estimation d’un immeuble ainsi réduite à 1,000 livres, produisant 100 livres d’intérêt, contribue pour 15 livres. Art. 19. Chaque article sera taxé séparément, et sa contenance y sera énoncée. Art. 20. Lorsque cette opération sera terminée, le conseil général de la commune fixera la somme totale de l’impôt et la totalité des arpents que l’arpentage aura produits, par une délibération où le résultat de l’arpentage sera distingué sous les quatre classes de bon , moyen, faible et inculte, et que la municipalité adressera au directoire du district, avec l’état détaillé de la contribution et de la contenance. Art. 21. Le directoire du district, après s’être assuré de l’exactitude des calculs, constatera par une délibération le montant de l’impôt foncier et de la contenance à i’égard du district, dans la forme prescrite par le précédent article, et il l’adressera au directoire du département, avec les états des contributions des municipalités dépendantes de l’administration principale. Art. 22. Le directoire du département fera un état de la contribution des districts qui dépendent de l’administration principale, et, en la même forme, un état de l’entière contenance du département, et il les enverra au Corps législatif, auquel il est réservé de statuer sur les fraudes et les erreurs qui pourraient être intervenues. Art. 23. La taxe personnelle, ordonnée par l’article 4 du décret constitutionnel, sera faite, dans les municipalités, en la forme suivante. Art. 24. 11 sera fait par chaque municipalité, dans le délai d’un mois, à compter de la publication du présent décret, une liste qui sera renouvelée chaque année, avant le mois de janvier, et où seront nommés et désignés, par leur état et fonctions, tous ceux qui, faisant dans le territoire leur principale résidence, seront soumis à à cet impôt. Art. 25. Cette taxe ne pourra être arbitraire dans aucun cas; elle sera faite par la municipalité, d’après cette liste et les observations des parties intéressées, sur le taux fixé dans le tarif prescrit par l’article 6 du décret constitutionnel. Art. 26. Le recours pourra avoir lieu au conseil général de la commune, et ensuite au directoire du département, comme pour l’impôt des vingtièmes; et lorsque le directoire aura prononcé, après avoir consulté le district, il sera procédé, la première année seulement, de la même manière que pour l’impôt des vingtièmes, à l’effet de faire connaître au Corps législatif la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] somme à laquelle chaque département aura été taxé dans la fixation de l’impôt personnel. Art. 27. Les citoyens propriétaires de rentes sur le Trésor public, sans exception, payeront, à compter du 1er janvier prochain, l’impôt des vingtièmes entre les mains des payeurs des rentes, lorsqu’ils en recevront le payement, ainsi que les pensionnaires, pour les sommes soumises à cet impôt par les articles 2 et 3 du décret constitutionnel. Art. 28. Il en sera usé de même, à l'égard des rentes et pensions, sur les départements, districts, municipalités, et à raison des rentes dues par les corporations; mais les collecteurs des municipalités et les trésoriers des corporations payeront au trésorier du district les trois vingtièmes qu’ils auront retenus; et celui-ci en comptera, avec le Trésor public, ainsi que des trois vingtièmes sur les rentes qu’il aura acquittées, soit pour les départements, soit pour les districts. Art. 29. A l’égard des rentes de toute espèce, créées ou à créer par des particuliers, ils retiendront à leurs créanciers, lorsqu’ils en feront le payement, le montant des impositions qu’ils auront payées à leur décharge, nonobstant toutes conventions contraires, à l’exception des cas où la prohibition de cette retenue aurait été stipulée dans les premiers contrats de vente ou de ceux à rente passés avant la publication du présent décret. Art. 30. L’impôt des propriétés et l’impôt personnel, quant aux objets qui ne sont pas de nature à être acquittés au Trésor public et dans la caisse du district, seront perçus par le collecteur de chaque municipalité, qui en versera le montant dans la caisse du district, après avoir déduit les dettes municipales. Art. 31. La perception de l’impôt réel et de l’impôt personnel, qui doivent être payés dans les municipalités, sera adjugée au rabais par le conseil général de la commune, à la charge par l’adjudicataire de donner suffisante caution, dont les membres du conseil généra!, soit qu’ils soient présents ou absents lors du bail de cautionnement, seront solidairement responsables. Les frais de régie seront compris dans les dépenses municipales. Art. 32. Tout débiteur de lods ou autres droits casuels sera tenu, en les payant, de retenir le montant de l’imposition réelle, et de le verser dans la caisse du district, dans le délai d’un mois, à compter du jour de l’acte de vente, passé lequel l’intérêt courra contre l’acquéreur, qui sera tenu du double droit, s’il ne paye dans six mois. Art. 33. Tout ce qui est prescrit par le présent décret sera exécuté pour l’imposition de 1792, et il n’y sera dérogé, pour l’imposition prochaine, qu’àl’égard de l’impôt des trois vingtièmes sur les biens-fonds; mais pour que le service public puisse être fait sans interruption, tout propriétaire d’immeubles supportera, pour ladite année, dans les municipalités où ils seront situés, la même taxe pour laquelle, en raison desdits immeubles seulement, il aura été compris, tant pour sa contribution au Trésor public, que pour les dépenses locales; savoir : le ci-devant privilégié, dans le rôle d’imposition delà présente année; et celui qui ne l’était pas, dans le rôle de l’imposition de 1789. La première de ces dispositions aura lieu aussi à l’égard des biens ci-devant ecclésiastiques qui n’auront pas été encore aliénés. Art. 34. Dans les provinces où la taille et ses accessoires sont répartis sur les personnes et sur 169 les propriétés, il sera distrait un sixième de la taxe de cet impôt, qui, relativement aux propriétés, sera réduit aux cinq sixièmes. Art. 35. Le rôle de l’imposition prochaine pour l’impôt des propriétés sera fait sans délai dans chaque municipalité, en conformité des deux articles précédents, quant aux immeubles; et conformément au décret constitutionnel et au présent décret, quant aux autres propriétés; les municipalités donneront connaissance aux directoires des districts du montant de ce rôle ; ceux-ci en instruiront les directoires du département, qui adresseront au Corps législatif un état et son produit pour chaque département. Art. 36. Les syndics ou trésoriers des corporations seront tenus à cet effet de faire, aux municipalités de leur résidence, la déclaration du montant des vingtièmes sur les rentes dont ils sont débiteurs, et ce, dans le délai de quinzaine, à compter de la publication du présent décret, sous peine de 50 livres d’amende en leur propre nom. Art. 37. Si l’impôt des propriétés, qui sera établi en exécution de l’article 33, et l’impôt personnel prescrit par l’article 4 du décret constitutionnel, joints aux impôts indirects et aux autres revenus de l’Etat, après avoir balancé, par une égalitéproportionnelle, lasomme qui aura été consentie par l’Assemblée nationale, en raison du serviceduTrésor public pour l’an prochain, étaient insuffisants pour fournir aux autres dépenses publiques, le déficit serait réparti au sol la livre de l’imposition foncière et de la taxe personnelle dans les départements, districts et municipalités. Art. 38. Lorsque le produit de ces deux impôts aura été arrêté pour l’imposition prochaine, le Corps législatif déterminera le mode et la quotité du versement qui devra en être fait, par égalité proportionnelle, au Trésor public. Art. 39. Après que les estimations prescrites par le présent décret auront été faites, le mode et la quotité du versement des deux impôts directs seront de nouveau réglés par le Corps législatif, pour l’année 1792 et les années suivantes. Art. 40. Les impôts réel et personnel seront payés, par chaque redevable, à compter du mois de janvier prochain, en douze annuités, dont une écherra le dernier de chaque mois; et s’il y a du retardement de la part du contribuable, l’intérêt à cinq pour cent courra au profit du collecteur, qui sera toujours obligé de faire l’avance du fonds qui aurait dû entrer dans sa caisse pour le mois échu. Art. 41. L’intérêt cessera à la fin de chaque année, et il ne pourra être exigé des contribuables qui ne payeront pas, en contributions directes, la somme déterminée pour pouvoir être citoyen actif. PROJET DE DÉCRET contenant le tarif de la taxe personnelle. L’Assemblée nationale, considérant que l’application de l’impôt personnel, créé par rarticle 4 du décret constitutionnel, ne peut être faite dans les diverses municipalités du royaume, qu’après qu’elle aura posé les bases de cet impôt, a décrété ce qui suit : 170 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] TITRE PREMIER. Des fonctionnaires publics . Art. 1er. Tous fonctionnaires publics, quelles que soient leurs fonctions, même les officiers de l’armée, de terre et de mer, seront taxés au Vingtième de leur traitement. Art. 2. Les fusiliers, cavaliers, et toutes autres personnes employées dans l’armée, jusqu’au grade d’officier exclusivement, payeront le montant complet d’une journée de leur solde. Art. 3. Les dispositions des précédents articles ne concernent que les troupes françaises, et les régiments étrangers servant en France n’y sont pas soumis. Art. 4. La taxe sera faite pour chaque corps par le ministre du département, et le trésorier chargé du prêt des troupes en retiendra le montant, qu’il versera dans le Trésor public. Art. 5. Cette taxe ne sera pas susceptible de l’accroissement auquel l’impôt personnel a été soumis par l’article 6 du décret constitutionnel. Art. 6. Seront encore exceptées de la disposition de l’article premier les personnes préposées à lever les impôts indirects; elle seront seulement taxées au montant de deux journées de leur traitement, qui leur sera retenu par ceux qui seront chargés de leur payement, et qui seront tenus de le verser dans les caisses de district. Cette taxe ne sera pas non plus sujette à l’augmentation prévue par l’article 6 du susdit décret. Art. 7. Si un fonctionnaire public exerçait en même temps une autre profession, il ne pourrait être taxé sous les deux rapports, mais il serait soumis à celle des taxes prescrites pour sa profession ou pour ses fonctions, qui serait la plus considérable. TITRE II. Des commerçants et marchands en détail. Art. 1er. Les commerçants et les marchands en détail, quelle que soitia nature de leur commerce, contribueront à l’impôt personnel dans la forme suivante. Art. 2. Il y aura six classes de commerçants : la taxe, pour la première, sera de 400 livres ; pour la seconde, de 300 livres ; pour la troisième, de 200 livres ; pour la quatrième, de 100 livres; pour la cinquième, de 50 livres; pour la sixième, de 25 livres. Art. 3. Il y aura six classes pour les marchands en détail : la taxe, pour la première, sera de 200 livres ; pour la seconde, de 150 livres; pour la troisième, de 100 livres ; pour la quatrième, de 50 livres ; pour la cinquième, de 24 livres ; pour la sixième, de 12 livres. Art. 4. La taxe prescrite pour les commerçants et marchands aura pour objet, dans son application, leurs fonds commerciaux et leur industrie, sans que les effets dépendant des manufactures et autres établissements de commerce sujets à l’impôt des vingtièmes, puissent être pris en considération, en appliquant à leur égard l’impôt personnel. Art. 5. Il sera fait annuellement dans chaque municipalité une liste des commerçants, et une autre liste des marchands en détail. Le conseil général de la commune placera chacun d’eux dans l’une des six classes, en déterminant, d’après les règles ci-dessus prescrites, l’impôt personnel qu’il devra payer. Art. 6. Les commerçants et marchands pourront, avant cette détermination, proposer au conseil général de la commune leurs observations ; et ceux qui croiront avoir droit de se plaindre de ce qui aura été déterminé, auront la faculté de se pourvoir au directoire du déparlement, qui prononcera définitivement, après avoir pris l’avis du directoire du district, sans que le payement de la taxe qui aura été faite puisse être suspendu. Art. 7. Tout ouvrier, artiste et autre individu quelconque, qui fera valoir des fonds commerciaux dans ou hors l’exercice de sa profession, pourra être compris dans l’une des six classes déterminées pour les marchands ; mais alors il sera exempt de la quotité qui sera ci-après fixée pour les ouvriers, artistes, ou pour ceux exerçant d’autres professions. TITRE III. Des professions et travaux relatifs à l’agriculture. Art. 1er. Tout individu travailleur de terre ou manouvrier, sera taxé à la valeur d’une journée de travail dans le lieu de son domicile. Art. 2. La journée ne sera point fixée arbitrairement, elle le sera au contraire suivant l’usage du lieu ; et s’il y a divers prix dans l’année, il en sera fait un prix commun. Art. 3. Tout fermier de terres, maisons ou autres propriétés, sera taxé à raison de 10 livres, par 1,000 livres de l’entier prix de son bail; il sera tenu d’exhiber à la municipalité son contrat de ferme, s’il est public, ou de lui remettre une copie certifiée, s’il est privé, sans qu’il puisse être perçu à cette occasion aucun droit sur les actes de la seconde espèce. Art. 4. En cas de fraude de la part du premier, la taxe sera double. Art. 5. Tout agriculteur travaillant, avec ses bestiaux, son propre bien ou les propriétés appartenant à d’autres particuliers, sera taxé six livres. Art. 6. Tout métayer ou ramonet, ayant la direction d’un bien de campagne, sera taxé quatre livres. Art. 7. La taxe des bergers, valets de labour et autres domestiques de la campagne, sera de trois livres, TITRE IY. Des ouvriers et artistes. Art. 1er. La taxe du maître-ouvrier, quel que soit son métier, sera, savoir : de 6 livres dans les villes au-dessous de 20,000 âmes, et de 9 livres dans celles où la population est plus considérable. Art. 2. Il est laissé néanmoins à la prudence des municipalités de modérer la taxe des maîtres-ouvriers, lorsque leur détresse sera jugée telle que la taxe ordinaire deviendrait une surcharge sur leurs facultés. Art. 3. La taxe des artistes sera, savoir : de 20 livres dans les villes au-dessous de 20,000 âmes, et de 30 livres dans celles dont la population est plus considérable. Art. 4. Les imprimeurs seront néanmoins taxés (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (23 septembre 1790.] . l7l à 50 livres dans le premier cas, et à 75 livres dans le second. Art. 5. Les maîtres de pension sont compris dans la disposition de l’article 3 ; mais les maîtres d’école, qui n’auront pas des pensionnaires, seront taxés, 6 livres dans le premier cas, et 9 livres dans le second. Art. 6. La taxe des commis des commerçants sera, dans le premier cas, de 8 livres ; dans le second, de 12 livres. Celle des commis des marchands sera de 6 livres et de 2 livres. La taxe des commis des artistes sera de 4 livres et de 6 livres; celle des commis des ouvriers sera de 2 livres et de 3 livres, le tout d’après la règle ci-dessus prescrite. Art. 7. La taxe des domestiques attachés au service personnel sera de 6 livres pour les hommes, et de 3 livres pour les femmes. Art. 8. Les maîtres seront responsables, dans tous les cas, de l’impôt personnel de leurs commis et domestiques, sauf à les retenir sur leurs gages et traitements. TITRE V, De ceux qui exercent des professions dépendant de l'administration de la justice. certaines professions n’eussent point été directement ni indirectement comprises dans le présent tarif, elles en instruiraient le directoire du département, qui, après avoir pris l’avis du directoire du district, adresserait ses observations au Corps législatif; mais en attendant qu’il eût prononcé, ceux qui exerceraient ces professions seraient compris dans celle des classes ci-dessüs énoncées ou indiquées qui serait la plus relative à leur travail. J’ai cru devoir prouver, par exemple, que les rôles de l’impôt réel et de l’impôt personnel peuvent être faits pour le service de l’année prochaine en 15 jours de temps, dans tout le royaume, d’où il résultera que la perception peut commencer au mois de janvier. Imposition de 1789. Imposition de 1791. M. Rey, avocat, député aux Etats généraux. Art. 1èr. Tout homme de loi qui, ayant accompli sa vingt-cinquième année, exercera sa profession auprès d’un tribunal de commerce ou de district, sera taxé 60 livres. Art. 2. L’homme de pratique sera taxé 40 livres. Art. 3. L’huissier sera taxé 20 livres. Art. 4. Les notaires ou tabellions, ayant droit de passer des actes publics, seront taxés; savoir : dans les villes au-dessous de 20,000 âmes, 40 livres, et dans celles où la population est plus considérable, 60 livres. Art. 5. Le secrétaire de l’homme de loi et le premier clerc de l’homme de pratique seront taxés 6 livres; la taxe sera la même dans le premier cas pour le premier clerc des notaires, et elle sera de 9 livres dans le second cas. TITRE VI. Des autres professions. Art. 1er. Dans les villes au-dessous de 20,000 âmes, les médecins seront taxés 30 livres, et dans les autres villes dont la population est plus considérable, 45 livres. Art. 2. Tous journalistes seront taxés 50 livres dans le premier cas, et dans le second 100 livres. Art. 3. Tous ecclésiastiques et religieux qui ne seront pas en exercice et salariés par la nation, seront taxés deux livres, soit qu’ils n’aient pas de pension, ou que leur pension n’excède pas six cents livres ; si elle excède cette somme, ils seront taxés 4 livres. TITRE VII. Des citoyens vivant du revenu de leur s propriétés. Art. lop. La (axe de tous ceux qui vivent du revenu de leur bien, sans exercer aucune profession, sera de 12 livres pour les hommes, et de 10 pour les femmes. Art. 2. Si les municipalités remarquaient que 33 10 A distraire sur l’impôt personnel de 1791 celui Augmentation ......... 49 10 Taille .......... 525 15 Vingtièmes ..... 33 14 5 Impôt personnel. 33 10 Total de l’imposition de 1789, 592 19 3 Ci. . . ........... Total de l’impo-On voit, par là, que les opérations relatives à la fixation des deux impôts directs sont tout à fait simples; et si on suppose que leur montant, joint aux impositions indirectes et aux deux autres revenus de l’Etat, soient insuffisants pour fournir aux dépenses publiques de 1791, et que l’Assemblée ait besoin d’imposer encore une somme quelconque sur les contribuables, elle serait facilement répartie au sol la livre sur la totalité de ces deux impôts, par l’effet d’un calcul. La différence qu’il y a, suivant mon plan, dans l’impôt personnel, entre ma taxe de 1789 et celle qui seront faites pour 1791, prouve que cet impôt, parfaitement juste dans tous ses rapports, produirait à l’Etat une somme immense ; je pense qu'il excéderait 100 millions. J’ajoute, à l’égard des trois vingtièmes sur toutes les propriétés, qu’il se porterait au moins à 200 millions ; mais celte observation ne peut s’appliquer qu’au régime qui aurait lieu à compter de 1792, Cependant si, sous l’un ou l’autre de ces rapports, même sur les deux, je me trompais dans mes conjectures, cette erreur ne pourrait pas nuire à mon plan, puisqu’au moyen de l’accroissement qu'il indique, on porterait ces deux impôts, non seulement à trois cents millions, mais encore au-delà, si le besoin du service l’exigeait. La différence qu’il y a entre le plan du comité et le mien, donne lieu aux question* suivantes : 172 |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 septembre 1790.] lre question. L'impôt des propriétés sera-t-il borné aux propriétés foncières, ou étendu sur toute sorte de propriétés? Tous propriétaires devront-ils contribuer à cet impôt; ou ceux qui ont des propriétés eu rentes, en pensions et en fonds commerciaux, en seront-ils exempts ? 2e question. Les propriétés, après avoir été taxées dans leur impôt particulier, seront-elles encore soumises à l’impôt personnel, ou ne seront-elles sujettes qu’à un seul impôt? 3e question. L’impôt personnel sera-t-il déterminé par le prix des loyers des maisons, ou par les facultés qui procèdent de l’industrie de chaque individu? 4e question. L’arpentage et l’estimation des fonds de terre et des bâtiments devront-ils précéder la répartition de l’impôt que l’Assemblée nationale fera sur les départements, ou ne devront-ils être faits qu’après que l’impôt aura été réparti par elle, par les assemblées de département et par celles de districts? 5e question. Faut-il ordonner que cet arpentage et cette estimation devront servir pour faire l’assiettede l’impôt pour l’année prochaine dans chaque municipalité; ou est-il plus prudent de n’en faire usage que pour l’imposition de 1792, en faisant contribuer, pour 1791, tout propriétaire ou possesseur d’immeubles, de la même manière qu’il contribuait auparavant, et en exécutant, pour le surplus, le nouveau mode d’impôt qui sera déterminé? 6e question. L’arpentage et l’estimation seront-ils faits par les officiers municipaux, ou par des experts pris hors du territoire ? 7e question. Doit-on autoriser, pour l’avenir, les conventions faites entre particuliers sur la non-retenue des charges publiques, ou la loi de l’ancien régime qui les annulait comme injustes et usuraires, doit-elle être maintenue? Plusieurs membres demandent l’impression du discours de M. Rey. L’impression est ordonnée. M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-DE MENOU, EX-PRÉSIDENT. Séance du jeudi 23 septembre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. de Menou, ex-président, occupe le fauteuil en l’absence de M. Bureaux de Pusy, président. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresses des administrateurs du district de Vannes, département de Morbihan, en Bretagne, dans laquelle, après avoir combattu les sophismes et les déclamations insensées des ennemis de la Révolution, ils renouvellent leur adhésion pleine et entière à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à ceux qui concernent le nouvel ordre judiciaire. Adresses du même genre, du directoire du district de Chollet, et de celui de Cosne-sur-Loire ; ce dernier fait part d’un arrêté qu’il a pris en présence des forces armées de cette ville, pour maintenir la perception des impositions indirectes. Il demande si, pour raison du tabac, les visites et saisies domiciliaires sont permises ? Adresse de douze communautés du district de Segré, département de Maine-et-Loire, qui se plaignent des accaparements des grains, et sollicitent un décret de l’Assemblée nationale qui puisse arrêter les enlèvements frauduleux et assurer la subsistance du pays. Des officiers municipaux de Quimperlé, qui envoient le procès-verbal dressé par la garde nationale de cette ville, relativement au service qu’elle a fait célébrer pour le repos de l’âme des citoyens morts à Nancy. Adresse des gardes nationales d’Anet et Evreux , qui ont voté des remerciements à tous leurs frères d’armes, tant gardes nationales que troupes de ligne, qui se sont bien conduits dans l’affaire de Nancy, et ont arrêté une souscription en faveur des veuves et des enfants des malheureuses victimes de leur patriotisme et de leur dévouement pour l’exécution des décrets de l’Assemblé na - tionale. Des officiers municipaux de Moulins-en-Gilbert, qui remercient vivement l’Assem blée d’avoir placé dans cette ville un tribunal de district. Du conseil général de la commune de Marseille, qui annonce que les sentiments d’admiration, de reconnaissance et dedévouement, dont les citoyens de cette ville sont pénétrés pour l’Assemblée nationale, se sont manifestés avec une nouvelle énergie, à l’émission du décret du 26 août, qui ordonne l’exécution des articles défensifs du pacte de famille avec l’Espagne, et qui porte nos armements jusqu’à 40 vaisseaux de ligne, avec un nombre proportionné de frégates et de bâtiments légers. Les Marseillais, dit-il, ont juré de combattre jusqu’à la mort les lâches agresseurs qui tenteraient d’opprimer notre liberté naissante, pour prouver à l’Europe entière, qu’en respectant les droits des nations, en les invitant à élever un temple commun à la concorde et à la paix universelle, nous n’en sommes pas moins prêts (1) Cette séanee est incomplète au Moniteur.