724 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 août 1791.] tement de la Seine-inférieure, réclame contre ce projet, et deman de que la liquidation proposée par le commissaire du roi liquidateur soit maintenue; et dans le cas ou cette proposition serait rejetée, que l’indemnité due aux porteurs de sel soit fixée à une somme égale pour chacun d’eux, à celle qui est portée dans leur contrat d’acquisition. (L’Assemblée, consultée, adopte le projet de décret présenté par M. Audier-Massillon.) M. Pougeard du Limbert, au nom du comité de l'aliénation des domaines nationaux, fait un rapport sur la translation des fonctions administratives de ce comité au pouvoir exécutif. 11 s’exprime ainsi; Messieurs, Le premier principe de toute Constitution est la division des pouvoirs. Vous l’avez consacré dans la déclaration des droits ; vous l’avez suivi avec scrupule dans la nouvelle organisation politique que vous avez donnée à la France : il vous reste à le réalisa r complètement sur tous ses points pratiques sur lesquels la nécessité des circonstances vous a forcés de vous en écarter. Investis de tous les pouvoirs, vous vous êtes trouvés, malgré vous, chargés de toutes les fonctions ; et lorsque la secousse d’une grande révolution a eu renversé toutes les autorités existantes, seuls debout au milieu de tant de ruines, vous avez été, suivant la noble expression d’un membre de cette Assemblée, la seule provideuce à laquelle les Français ont voulu croire. Les anciens administrateurs, les anciens tribunaux n’existaient plus : les nouveaux n’existai nt pas encore. Les affaires de tout genre, et jusqu’aux plus petits détails d’administration, sont venus fondre dans vos bureaux, et vous dévorer des moments que vous deviez tout entiers à l’établissement de la Constitution et à la restauration des finances. De toutes les parties d’administration dont vous être demeurés saisis, la plus importante sans doute est celle de l’aliénation des domaines nationaux. A son succès était lié celui de vos autres travaux. C’est par cette haute considération que vous ne crûtes pas d’abord devoir la confier aux mains, alors trop inactives, des principaux agents du pouvoir exécutif.Vous formâtes, dans votre propre sein, un comité chargé de donner la première impulsion à cette opération salutaire et hardie, que tant d’intérêts et de passions devaient contrarier, et vous l’autorisâtes àen suivre et à en diriger les mouvements. Nous devons vous l’avouer, Messieurs, cette institution extraordinaire, fille de la défiance et du besoin, ne pouvait remplir qu’imparfaitement sa destination. Les membres du comité d’aliénation, malgré tout le zèle que devaient leur inspirer et la confiance dont l’Assemblée nationale les avait honorés, et l’importance même de l’objet remis à leurs soins, ne pouvaient guère donner à un travail dont les détails immenses auraient demandé tout leur temps, que les moments que les séances non interrompues de l’Assemblée laissaient à leur disposition. Aussi ne tardèrent-ils pas à s’apercevoir que rien n’était moins propre à remplir utilement des fonctions administratives, qu’un comité du Corps législatif. Leur vœu constant, dès les premiers moments de leur existence, a été que la Constitution promptement terminée, ou prête à l’être, leur permît de vous proposer de rendre au pouvoir exécutif des fonctions qui leur out toujours paru devoir être exercée par lui. j Il est temps, Messieurs, de réaliser ce vœu : il est temps de passer de l’état de Révolution à l’état de Constitution. Tous les pouvoirs sont aujourd’hui organisés, toutes les fonctions réparties; et si le grand ressort de la machine que vous venez d’élever repose encore, le jour n’est pas loin où il va reprendre toute son action constitutionnelle. Votre comité a donc pensé que le moment était venu où il pouvait, sans danger, préparer et vous demander sa retraite. Sans doute, des nuages épais obscurcissent encore notre horizon politique : mais votre comité ose croire que les succès des opérations que vous aviez confiées à son inspection n’ont plus rien à redouter de la malveillance des agents du pouvoir exécutif. Un milliard environ de domaines nationaux déjà adjugés vous répond que le surplus ne restera pas sans acquéreurs. Avant de fixer votre attention sur le mode de translation des fonctions administratives que votre comité ne croit plus pouvoir utilement conserver, il conviendrait peut-être, Messieurs, de vous rappeler en quoi elles consistaient, et de remettre sous vos yeux quelques-unes des dispositions que vous avez décrétées sur l’organisation du ministère et sur celle de la caisse de l’extraordinaire. Mais, pour ménager des moments que vous destinez au complément de votre grand ouvrage, je crois devoir vous épargner ces détails. Je les donnerai, s’il le faut, dans le cours de la discussion qui pourra s’ouvrir sur le projet de décret. Votre comité a examiné, avec beaucoup de maturité, auquel des agents du pouvoir exécutif il convient le mieux do rem ttre la direction de l’aliénation des biens nationaux. Il s’estconvaincu que la surveillance d’un seul homme étant à peine suffisante pour d’aussi immenses détails, aucun ministre du roi ne pourrait en être chargé sans qu’il en résultât un retard préjudiciable au succès et à la rapidité des ventes, et’un embarras nuisible au service des autres parties de son département. L’aliénation des domaines nationaux, comme la liquidation générale de la dette publique qu’elle doit éteindre, est une opération momentanée et extraordinaire, qui sort entièrement de la sphère commune de l’administration publique : comme elle, elle n’a point été comprise parmi les objets dont la loi du 25 mai dernier a composé les divers départements du ministère ; comme elle aussi, elle exige un établissement central sous la direction d’un préposé r* sponsable, nommé par le roi, et surveillé par le Corps législatif. Si cet agent n’existait pas, il faudrait le créer. Mais il existe, Messieurs, et son établissement est tout formé; c’est le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l’extraordinaire. Votre comité pense que c’est à lui qu’il convient de remettre la suite ues opérations relatives à la vente des biens nationaux, et de déléguer, sous la surveillance du Corps législatif et du roi, l’inspection immédiate sur cette partie des fonctions des corps administratifs. L’œil qui doit suivre tous les mouvemenls des ventes pour en faire verser le produit à la caisse de l’extraordinaire, l’œil qui doit vérifier tous les calculs des obligations et des annuités, nous a paru aussi le plus propre à surveiller et à diriger toules les opérations qui les précèdent ou les accompagnent. Par là on simplifie tous ARCHIVES PARLEMENTAMES. (26 août 1791.] 725 (Assemblée nationale.] les mouvements de cette vaste opération, en Jes ramenant à un centre uniqne et commun. L’organisation actuelle des bureaux de l’administrateur de la caisse de l’extraordinaire est d’ailleurs tellem nt disposée, qu’elle peut se prêter sans effort, et presque sans nouvelle dépense, à l’augmentation du travail proposé. Il suffira d’v adjoindre le quart des commis actuellement attachés au service du comité d’aliénation. Le commissaire du roi est obligé de faire répéter, dans ses bureaux, une partie considérable des travaux qui s’exécutent dans ceux de votre comité. Il résultera de leur réunion dans ses mains, plus de simplicité et d’uniformité dans les opérations, plus de célérité et d’économie dans le service. Le seul point sur lequel votre comité a trouvé de la difficulté, c’est de déterminer d’une manière bien précise le nouveau degré d’autorité qu’il convient de conférer au commissaire administrateur de la caisse de l’extraordinaire, afin que, d’une part, l'administration nouvelle qui lui sera confiée n’éprouve pas, dans ses mains, des résistances capables d’en arrêter ou d’en ralentir la marche, et que, de l’autre, il ne soit rien dérangé à l’ordre hiérarchique des autorités que vous avez établies et graduées par vos décrets constitutionnels. Cette diffi culte n’existerait pas si l’administrateur de la caisse de l’extraordinaire était ministre; mais la loi du 25 mai dernier, qui a fixé le nombre des ministres, et leur a assigné leurs départements respectifs, ne lui donne point ce titre; elle ne fait même aucune mention de lui. La raison en est évidente, c’est que son établissement, purement temporaire, est absolument hors de la Constitution. Votre comité, Messieurs, ne vous proposera point de lui conférer un titre que le silence de la loi a refusé. 11 espère qu’il suffira, en lui accordant la surveillance générale et directe sur toutes les opérations relatives aux aliénations, de lui donner le droit de rappeler à l’observation des règles et des formes établies pour leur validité les administrateurs qui pourraient s’en être écartés. Si des résistances persévérantes à ses avertissements nécessitaient l’emploi de l’autorité suprême dont le roi est dépositaire, le commissaire du roi dénoncera au ministre de l’intérieur, chargé plus spécialement de l’inspection sur les corps administratifs, les négligences rares, ou les actes irréguliers ou contraires aux lois rendues en matière d’aliénation, que les corps administratifs supérieurs se seraient permis, ou ceux du même genre émanés des corps inférieurs, qu’ils auraient négligés d’annuler. Si l’expérience lui indique le besoin de proclamations royales pour rappeler ou facililer l’exécution des lois, il s’adressera également au ministre de l’intérieur. Le ministre, dans tous les cas, en fera le rapport au conseil, et, quels qu’en soient les résultats, i! en donnera connaissance officielle au commissaire du roi. Tel est, Messieurs, le système de transaction que votre comité a embrassé. Mais, en abandonnant et renvoyant au pouvoir exécutif des fonctions qui lui sont propres, votre comité n’a pas cru que vous dussiez négliger, sur uu point d’une aussi haute importance que l’aliénation des domaines nationaux, l’exercice de cette surveillance salutaire qui appartient au Corps législatif sur toutes les parties de l’administration publique. Des commissaires, nommés par vous, inspectent journellement les opérations de la caisse de l’extraordinaire, et le compte imprimé vous en est présenté tous les mois. Vous jugerez sûrement convenable d’autoriser votre comité à surveiller, de concert avec eux, le nouveau travail confié à l’administrateur de ceite caisse. C’est dans cette unique fonction que votre comité croirait devoir se renfermer désormais, si la vente aux municlpafités, qui heureusement touche à sa fin, était entièrement terminée, et s’il n'avait à vous proposer quelques projets de lois sur diverses questions que vous avez renvoyées à son examen, et sur celles que l’expérience à fait naître. Voici notre projet de décret: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’aliénation, décrète : « Art. 1er. A compter du 1er septembre prochain, le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l’extraordinaire, sera chargé de la suite des opérations relatives à la vente des domaines nationaux ; en conséquence, le comité d’aliénation lui fera remettre tous les papiers, mémoires existant dans ses bureaux, autres que les minutes de décrets et états de ventes faites aux municipalités, lesquels seront déposés aux archives de l’Assemblée nationale. Le ministre de la justice adressera au commissaire du roi, administrateur, une expédition en forme de tous lesdits décrets et de ceux qui seront rendus à l’avenir, « Art. 2. Les directoires de départements entretiendront, avec le commissaire du roi, une correspondance exacte sur tous les objets concernant la vente des biens nationaux, et lui adresseront régulièrement les extraits des procès-verbaux d’estimation et d’évaluation, des exemplaires d’affiches, expéditions des procès-verbaux d’adjudication, et généralement tous les états qu’ils étaient tenus d’adresser au comité d’aliénation ; ils lui adresseront également tous les éclaircissements qu’il pourra leur demander, conformément à la loi du 15 décembre 1790. « Art. 3. Le commissaire du roi surveillera toutes les opérations, maintiendra l’observation des règles et conditions prescrites pour la vali-hditédes adjudications, et indiquera aux administrateurs les moyens d’exécuter les lois. « Art. 4. Il veillera pareillement à ce que les procureurs généraux syndics et les procureurs syndics sous leurs ordres poursuivent avec exactitude, contre les adjudicataires, le payement aux termes prescrits, et la folle enchère à défaut de payement, et à ce qu’ils dénoncent à l’accusateur public, et poursuivent devaot les tribunaux tous les délits, fraudes et prévarications qui pourraient se commettre dans les enchères. « Art. 5. En cas de négligence grave de la part des administrateurs, ou de contraventions aux lois concernant la vente des biens nationaux, le commissaire du roi en instruira le ministre de l’intérieur, afin que le roi, sur le compte qui lui en sera rendu, puisse annuler les actes irréguliers ou contraires aux lois, que le corps administratif se seraient permis, et employer contre eux tous les moyens que la Constitution remet en son pouvoir; et, quel que soit le résultat du conseil, le ministre de l’intérieur en donnera connaissance officielle au commissaire du roi. « Art. 6. Le commissaire du roi s’adressera également au ministre de l’intérieur toutes les fois que l’exécution des lois relatives à l’aliéna-