[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j *2 déoetrrifr�i793 � table; pénétrée des principes qui assurent à l’homme le précieux droit d’égalité qui le rend tout ce qu’il peut être; pénétrée enfin des principes qui, en déracinant le préjugé féroce et sot qui, en assignant une sphère à l’homme, circonscrivait ses droits et sa liberté, la Société de Philippeville, reconnaissante de ce qu’elle vous doit, vous en rend un solennel hommage. * Mais, citoyens législateurs, les nobles, éma¬ nation odieuse de la royauté, les prêtres, les plus vils instruments des rois, tandis que le despotisme est anéanti, travaillent encore à le tirer du tombeau-que lui a creusé la volonté na¬ tionale. Il faut, pour achever votre immortelle mission, ôter de la société ces deux classes de scélérats dans le cœur desquels se fait toujours sentir le battement impérieux qui les porte à chercher dans les ténèbres d’une astucieuse politique, les moyens de s’opposer aux progrès de la liberté et de la raison. « Cependant, citoyens législateurs, il est temps que ces deux divinités chéries : la Raison et la Liberté occupent seules l’intellect de l’homme et que leurs ennemis éternels se brisent auprès du trône qui leur avait donné l’être. « Parlez donc, citoyens législateurs, accordez au nom d’un peuple généreux la faculté de végé¬ ter aux nobles et aux prêtres, mais que les uns ni les autres ne puissent donner des marques de leur monstrueuse existence. « Fait à Philippeville, le 8 frimaire, deuxième année républicaine une et indivisible ou la mort. « Par la Société », (Suivent 11 signatures.) « Comité révolutionnaire, « Nous, membres composant ledit comité, certifions que les signatures ci-contre sont celles de la commission nommée par la Société populaire jacobite de cette commune pour rédi¬ ger une adresse dont la rédaction a été adoptée unanimement telle qu’elle est ci-jointe. « Philippeville, ce 7 frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible. » (Suivent 10 signatures.) Le citoyen Cossigny dépose sur l’autel de la patrie son brevet de pension de 1,800 livres à laquelle il renonce. Il renonce aussi à l’indemnité qu’il avait réclamée pour l’entreprise dont il a été chargé en 1781, 1783, 1783 et 1784 d’une plantation de bois noir à l’Ile-de-France. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Les jeunes républicains de la Société des Arts et Métiers font hommage d’un décadaire républi¬ cain qu’ils ont imaginé et écrit eux-mêmes. Aux noms barbares et superstitieux de l’ancien ca¬ lendrier, ils ont substitué les noms sonores des hommes de toutes les nations qui se sont signalés par leurs vertus, leurs talents et surtout leur patriotisme. Mention honorable, insertion au « Bulletin » et renvoi au comité d’instruction publique (2). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 44. (2) Procès-verbaux de la Convention, t, 27, p. 44. Suit V hommage des jeunes républicains de la Société des Arts et Métiers (1). « Citoyens législateurs, « Les jeunes républicains de la Société des Arts et Métiers réunis viennent vous faire hommage du premier fruit de leur travail. Daignez, comme de tendres pères, accepter ces faibles marques de l’amour de vos enfants. « C’est un décadaire républicain imaginé par nous-mêmes et écrit de nos propres mains. Vous verrez qu’aux noms barbares et superstitieux qui barbouillaient notre ancien calendrier, nous avons substitué les noms sonores des hommes de toutes les nations qui se sont signalés par leurs vertus, leurs talents et surtout par leur patriotisme. « Il est temps que les Français régénérés donnent à leurs enfants d’autres noms que ceux qui ne rappellent que des sentiments de bigo¬ tisme et d’erreur. « Le fanatisme se perpétue par le calendrier» L’amour des vertus naîtra du décadaire. En place de Jean, Roc, Mare, Pancrace, Ignace et Boniface, on trouvera Aristide, Brutus, Cornélie, Marat, Démosthène et Franklin. « Le premier jour de la décade, nous l’avons consacré aux législateurs, pour prouver que toutes les vertus dépendent des bonnes lois et que notre reconnaissance doit être éternelle pour ceux qui les ont faites. « Le second jour est pour les guerriers, car après ceux qui ont fondé la liberté, doivent mar¬ cher ceux qui l’ont défendue. « Le troisième jour est dédié aux grands orateurs : l’éloquence a souvent ranimé le pa¬ triotisme et fait pâlir la tyrannie. « Les hommes morts pour la patrie occupent le quatrième jour : leurs noms immortels inspi¬ reront le désir de les imiter. « Le cinquième jour est occupé par les Fran¬ çais illustres, par ceux qui, même dans les siècles du despotisme, ont répandu cette lumière phi¬ losophique qui, s’étendant de proche en proche, éclairera bientôt tous les peuples des rayons de la liberté. « Au sixième jour sont les philosophes, les amis des hommes doivent être honorés par eux. « Les poètes et les historiens occupent le septième jour. Les uns en chantant, les autres en consacrant les belles actions méritent cette place. L’espoir de la gloire est l’ahment des vertus. « Le huitième jour est rempli par les artistes. Les peintres et les sculpteurs sont les historiens des siècles; ils transmettent à la postérité les traits des grands hommes et la postérité honore leurs noms. « Les grands mécaniciens, les médecins, les navigateurs, enfin ceux qui ont été utiles à la Société occupent le neuvième jour : c’est un tribut de reconnaissance que l’humanité leur doit. a Le dixième jour est dédié aux femmes cé¬ lèbres. Le jour du repos doit être consacré à celles dont les vertus douces sont l’apanage; (1) Archives nationales , carton F17 1008*, dos¬ sier 1375. | Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ” ÏÜe'lTQS 84 ces noms, à la fin de la décade, apprendront aux Françaises à laisser à leurs maris le soin des affaires publiques et à ne s’occuper qu’à donner à la République des enfants qui puissent être un jour des hommes. « Voilà, citoyens législateurs, ce que nous osons vous offrir. Notre travail sera bien récom-ensé si les pères de la patrie daignent l’accueil-r; nous n’osons pas croire qu’il soit digne de quelque mention; d’autres plus habiles que nous pourront achever ce que nous n’avons qu’ébau¬ ché. Il ne manquerait pourtant rien à notre dé¬ cadaire si le patriotisme, l’ardent amour de la patrie pouvaient tenir lieu d’âge et d’érudition. « Ce 15 frimaire de l’an II de la République française une et indivisible. « Fabre, président de la Société; Caubet, secrétaire. » Le commandant du fort national devant Cher¬ bourg écrit du 13 frimaire, qu’une flotte de 40 voi¬ les, ennemie a été aperçue à 3 lieues nord-ouest de ce fort. A peine la vit-on cingler vers les îles d’Aurigny et de Guernesey, que le lougre le Républicain, capitaine Etas de Cherbourg, quitta la rade pour l’observer; il aperçut en même temps un bâtiment à deux mâts qui était resté en ar¬ rière, il s’approcha assez près de l’Anglais pour en être entendu; et comme il avait arboré le pavillon britannique, celui-ci, le prenant pour être de sa nation, lui demanda un pilote pour le conduire sur la rade d’Aurigny. « Je vais vous en donner un à l’instant », répond en anglais le capitaine Etas. Aussitôt il l’aborde, et met des hommes à bord. « Voilà un pilote et des matelots, dit-il à l’Anglais, mais c’est pour te conduire à Cherbourg. » Honteux de sa méprise, l’ennemi resta muet; et, au lieu d’aller à Aurigny, on fit voile pour Cherbourg. Arrivés dans ce port, tous les Anglais ont crié : Vive la République ! et ont demandé des cocardes nationales, en observant qu’ils ne les voulaient point en ruban, mais en laine. « Au reste, l’es¬ cadre a disparu, ajoute le commandant du fort national. Nous allons, en l’attendant, goûter le rhum, le biscuit, la morue et le hareng qui étaient destinés à ravitaillement de ce bâti¬ ment. » Mention honorable et insertion au « Bulletin » (1). Suit le texte d’une première lettre du comman¬ dant du Fort national d'après le Bulletin de la Convention (2). Lettre du commandant du Fort national devant Cherbourg, datée du 12 frimaire, au Prési¬ dent de la Convention nationale. « J’annonce à la Convention, qu’au mo¬ ment où j’écris, neuf heures du matin, nous (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 44. (2) Ainsi qu’on pourra s’en rendre compte, cette lettre n’est pas explicitement mentionnée au procès-verbal de la Convention. Nous en empruntons le texte au Bulletin de la Convention du 7e jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (samedi 7 dé¬ cembre 1793). Elle est reproduite dans le Moniteur universel [n° 79 du 19 frimaire an II (lundi 9 dé¬ cembre 1793), p. 319, col. 3]. voyons, à trois lieues au large, une flotte ennemie de 40 voiles au moins, dont 20 gros vaisseaux. La plupart ont leurs voiles carguées et ne font aucune route. Deux gros vaisseaux détachés cinglent vers la batterie de Querque-ville et n’en sont pas à une lieue. En les atten¬ dant je fais, nouveau père Duchesne, chauffer mes fourneaux à boulets rouges et je déclare à la Convention que si les ennemis osent appro¬ cher, ils verront bientôt de quel bois les bons bougres de républicains se chauffent (1). « Signé : Henri-Charles-Antoine Potier. » Suit le texte d'une deuxième lettre du com¬ mandant Potier, datée du 13 frimaire, d'après les Archives nationales (2). Le commandant du Fort national, au citoyen Président de la Convention nationale. « Fort national, devant Cherbourg, du tridi 13 frimaire, an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. « Hier, j’instruisis la Convention de la pré¬ sence d’une flotte de 40 voiles ennemies, à 3 lieues nord-ouest de ce fort; aujourd’hui je lui donne la confirmation de cette nouvelle, dont le lougre le Républicain, capitaine Etas, de Cherbourg, vient de nous amener la preuve palpable et parlante. C’est un gros navire à deux mâts, de 200 tonneaux, chargé de biscuit , de morues, de rhum et de harengs, que le sans-culotte Etas a pris hier après-midi, sous nos yeux, et, je crois bien, à la vue de la flotte. « Les détails de cette prise sont assez amu¬ sants. A peine la flotte s’ est -elle éloignée de cette côte en cinglant vers les îles anglaises d’Aurigny et Guernesey, que le Républicain appareille et quitte la rade. Bientôt il se trouve à portée d’observer la flotte, sans trop s’en¬ gager. Un traîneur devient en même temps l’objet de son attention. Après toutes les me¬ sures de précaution et de ruse de guerre, Etas se pousse assez près de l’Anglais pour en être entendu, et comme il avait très sagement arboré le pavillon Saint-Georges Dandin, il fut pris pour un de ses satellites, et le véritable esclave de Pitt ayant donné dans la bosse, il demanda à Etas un pilote pour le conduire sur la rade d' Aurigny. « Je vais vous en donner un à l'instant », répond en anglais Etas. Aussitôt il l’aborde, met des hommes à bord et puis... « Voilà un pilote et des matelots, dit-il à l’An¬ glais, mais c'est pour te conduire à Cher¬ bourg... » Honteux de sa méprise, l’ennemi resta muet et, au lieu d’aller à Aurigny, on fit voile pour Cherbourg. « Ce trait caractérise le capitaine Etas sous deux rapports également estimables; comme brave, il se lance à la découverte d’une escadre ennemie, aux risques d’être entraîné par les courants de marée les plus impétueux et de (1) Applaudissements, d’après le Mercure univer-sell (18 frimaire an II (dimanche 8 décembre 1793) p. 285, col. 2]. (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 800. Cette lettre est reproduite dans le Bulletin de la Convention du 7e jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (samedi 7 décembre 1793) à l’exception du dernier paragraphe commençant par ces mots : « Et le Fort national aussi... »