[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er août 1789-1 325 devenir extrêmes et peut-être injustes, les autres, s’ils en sortent, paraîtront disparates, quoique souvent utiles et nécessaires. Une pareille dé-clarationdoitdoncêtremûrementréflécnie;etpour Ja méditer, nous avons devant nous tout le temps que nous allons employer à l'établissement de nos principes constitutionnels et de nos lois. Pourquoi transporter, dit un publiciste, les hommes sur le haut d’une montagne, et de là leur montrer tout le domaine de leurs droits, puis-u’on est obligé ensuite de les en faire redescen-re pour les placer dans l’ordre politique où ils doivent trouver des limites à chaque pas ? Dans le grand nombre d’excellents articles produits dans les projets de déclaration, il en est plusieurs qui appartiennent directement et doivent servir de hases aux droits des peuples et du souverain ; ce sont ces articles dont il faut sur-le-champ faire des lois, puisque ce sont ces droits qu’il faut fixer. Une division plus simple que toutes celles qui nous ont été offertes, une division adoptée par le plus grand nombre des publicistes, et dont on n’aurait peut-être pas dû s’écarter, faciliterait le travail, et présenterait un rapprochement plus aisé dans la discussion et les opinions. Cette division serait : 1° l’examen des droits de la nation, antérieurs à tout autre, et dont tout autre émane ; des droits de la nation, c’est-à-dire des citoyens qui la composent, et qui marchent égaux devant la loi qu’ils ont volontairement et librement consentie ; 2° L’examen des droits du monarque qui fait exécuter cette loi, et dont le pouvoir, à cet égard, doit être libre et indépendant; 3° L’examen des droits de ceux qui l’exécutent et qui tirent leur pouvoir et de la nation et du souverain. Telles sont les trois branches de l’arbre social, et tels sont les trois et uniques points de notre travail, et le plan dans lequel il faudrait nous circonscrire : dans le peuple assemblé la puissance législative; dans le Roi, le pouvoir exécutif; dans ceux qu’il emploie, la force militaire et judiciaire, l’une et l’autre déterminées d’après le consentement général. Voilà notre tâche, elle est assez grande, assez importante, pour nous occuper sans distraction à la bien remplir. En me résumant, je répète que nous ne sommes pas venus établir des principes que nous devons connaître, mais en promulguer les résultats ; travailler, non à des préliminaires de lois, mais-à la formation même des lois. Le dix-huitième siècle a éclairé les sciences et les arts ; 11 n’a rien fait pour la législation. Le moment est arrivé de la créer. Que la loi soit concise, pour qu’elle puisse se fixer dans le souvenir même de nos enfants ; qu’elle soit simple, pour qu’elle soit entendue de tous. Gardons pour nous l’élude des principes, les bases du travail, et faisons-en cueillir aux peuples les fruits. Ainsi se cachent au sein de la terre les vastes fondements d’un palais, et l’œil du citoyen jouit seulement de l’ensemble et de la majesté de l’édifice. Hâtons-nous de l’élever, cet édifice, et puisse-t-il mériter la contemplation des sages et les regards de la postérité ! Plusieurs membres observent que l’attention est déjà fatiguée d’avoir suivi tant d’orateurs, et demandent l’ajournement de la discussion. M. le Président observe qu’il y a encore quarante-sept membres inscrits pour la parole, et qu’il est déjà très-tard. D’après ces observations, la discussion est renvoyée à lundi prochain. M. le Président invite les bureaux à s’assembler ce soir pour élire son successeur et trois secrétaires, pour remplacer les trois qui sortiront en tirant au sort. La séance est levée. ANNEXE h la séance de l'Assemblée nationale du samedi 1er août 1789. Analyse des idées principales sur la reconnaissance des droits de l'homme en société , cl sur les bases de la constitution présentées au comité de constitution, par M. Tkouret, député de Rouen. g Ier. La nature a mis dans le cœur de l’homme le besoin et le désir impérieux du bonheur. L’état de société politique le conduit vers ce but, en réunissant les forces individuelles pour assurer le bonheur commun. Le gouvernement est le mode d’activité choisi par chaque société, pour diriger l’emploi de la force publique vers son objet. Le gouvernement doit donc être constitué de manière qu’il ne puisse jamais blesser les droits de l’homme et du citoyen, puisqu’il n’est établi que pour les protéger. g U. Le premier droit de l’homme est celui de la propriété et de la liberté de sa personne. De ce droit primitif et inaliénable dérivent; 1° Celui de ne pouvoir être contraint ou empêché dans ses actions, arrêté ni détenu, si ce n’est en vertu des lois publiques, et d’un jugement régulier qui en ait prononcé l’application. 2° Celui de penser, de converser, et d'écrire , sans pouvoir être repris pour ses opinions , ses discours et ses écrits, si ce n’est en vertu des lois publiques, et d’un jugement régulier. De là: 1° la liberté de conscience et d’opinion religieuse; 2° La liberté des actions et du travail ; 3° La liberté de la presse ; 4° La liberté inviolable du commerce épisto-laire ; 5° L’abolition absolue des lettres de cachet. §111. C’est un droit de l’homme libre, d’acquérir des propriétés, de les posséder, et de les protéger. Du droit de propriété dérivent: 1° L’interdiction de déposséder un propriétaire hors le cas d’une nécessité publique constatée, et à charge de l’indemniser complètement; 2° Le droit de chaque citoyen de ne payer que les impôts consentis par les représentants de la nation. 3° Le droit de la nation de ne consentir par ses représentants, que ta quotité d’impôts reconnue nécessaire pour les besoins publics.