BAILLIAGE DE TROYES. CAHIER Des pouvoirs et instructions des députés de l'ordre du clergé du bailliage de Troyes, assemblé dans la même ville , le 26 mars 1789 (1). Le clergé du bailliage de Troyes, dévoué comme tout le clergé du royaume, autant à la patrie qu’à la religion, accoutumé dans tous les temps à donner l’exemple du respect, de l’attachement et de la fidélité au souverain , charge spécialement ses députés aux Etats généraux dé porter au pied du trône, dans l’assemblée nationale, l’hommage des sentiments dont il est pénétré, et le tribut des vœux qu’il forme pour la conservation delà personne sacrée du Roi, la prospérité de la famille royale, l’affermissement de la branche régnante, et le maintien de la monarchie. Empressé de concourir, avec les autres ordres, à remplir les vues paternelles de Sa Majesté dans la convocation des Etats généraux, le clergé du bailliage de Troyes. attend des mêmes députés, dignes à tous égards de sa confiance, qu’ils ne négligeront aucun des articles du présent cahier, comme exprimant le vœu général du clergé du bailliage ; mais en les soumettant toutefois aux lumières de la pluralité des représentants de la nation , et en posant pour maxime invariable que tous les intérêts particuliers doivent être entièrement subordonnés à l’intérêt général. OBJETS COMMUNS AUX TROIS ORDRES. 1° La distinction des trois ordres sera maintenue dans le gouvernement français, ainsi qu’elle existe depuis le commencement de la monarchie. 2° Le vœu du clergé du bailliage de Troyes serait qu’aux Etats généraux on délibérât par tète pour l’impôt seulement , et par ordre sur tous les autres objets ; mais il croit devoir s’en rapporter là-dessus à la sagesse des Etats généraux. 3° Les lois anciennes et fondamentales du royaume seront recueillies dans un code qui assure à jamais à la nation son gouvernement purement monarchique. 4° Nulle loi ne sera regardée comme constitutionnelle, qu’elle n’ait été consentie par la nation, dans ses Etats généraux, et sanctionnée par le Roi. 5° Il sera statué pour la convocation aux Etats généraux, sur une forme invariable, qui assure à tous les membres des trois ordres la représentation conforme au règlement fait pour la présente convocation, avec la liberté à tous les curés, à quelque distance qu’ils soient, d’assister aux assemblées convoquées à cet effet. 6° Le retour des Etats généraux sera périodique, et fixé au plus tard à cinq ans. 7° Dans toutes les provinces uu royaume seront établis des Etats provinciaux, composés à l’instar des Etats généraux, lesquels seront seuls chargés de l’administration et de la juridiction confiées actuellement aux commissaires départis. 8° Réforme du code civil et criminel. (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. 9° Les Etats généraux prononceront sur la vénalité des charges ou offices de judicature : ils aviseront aux moyens de rapprocher les justiciables de leurs juges, de graduer les tribunaux subordonnés, et de remédier à la lenteur et aux frais des procédures. 10° Aucun citoyen ne pourra être enlevé à son juge naturel, ni distrait de son ressort; abolir en conséquence tout droit et privilège contraires. 11° Pour donner au commerce le crédit qui lui est nécessaire, attribuer exclusivement aux juridictions consulaires la connaissance des faillites et banqueroutes : supprimer les arrêts de sur-séance et les lieux de franchise : établir que toutes les corporations des villes seront appelées à concourir à la nomination des officiers des juridictions consulaires. 12° Restreindre les justices seigneuriales aux seuls actes nécessaires sur les lieux, tels que scellé, inventaire et police ; supprimer les offices d’huissiers-priseurs et de greffiers de l’écri-toire, dans les campagnes, leurs fonctions étant abusives et vexatoires ; obliger tous les officiers de justice à résider sur les lieux. 13° Liberté individuelle pour tous les sujets du royaume ; en conséquence, suppression des lettres de cachet, et assurance du respect du aux lettres confiées à la poste. Si les Etats généraux autorisent le rachat des droits concensuels et féodaux, qu’il soit libre au clergé de faire le remploi des deniers en provenant, sur des biens-fonds, et conséquemment, que la déclaration de 1749 soit révoquée ou restreinte à sa seule aliénation. 14° Avant de voter pour un impôt quelconque, vérifier et consolider la dette de la nation ; constater et fixer les dépenses de l’Etat ; établir un ordre invariable dans chaque département, et statuer sur toutes les demandes de la nation. 15° Adopter de préférence l’impôt dont la perception sera la plus facile et la moins onéreuse. 16° Quel que soit l’impôt adopté, il ne sera consenti que pour un temps limité ; il sera généralement et proportionnellement supporté par tous les individus des trois ordres, en ayant égard aux dettes du clergé. 17° Les Etats généraux aviseront aux moyens de faire contribuer les capitalistes et Jes commercants de la manière la moins arbitraire et la plus juste. 18° La répartition et le recouvrement des impôts seront confiés aux seuls Etats provinciaux, qui feront directement le versement des deniers au trésor royal, après l’acquit des objets qui sont à la charge du gouvernement dans chaque province. 19° Pour simplifier la perception et les frais de recette, il n’y aura qu’un seul et même régime de perception pour les trois ordres. 2U° Le consentement de la nation, assemblée en Etats généraux, sera également nécessaire pour tout emprunt comme pour tout impôt. 21° Etablir un fonds de réserve pour l’acquit de la dette nationale, lequel ne pourra être diverti, sous aucun prétexte quelconque, pour tout autre objet. [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Troyes.] 73 22° Supprimer les aides et gabelles, comme des impôts désastreux pour le peuple. 23° Eteindre les charges et offices nuisibles au bien de l’administration; en comprendre le remboursement dans la masse des dettes. 24° Restreindre les droits de contrôle, et les fixer par un tarif invariable. 25° La régie des domaines réformée ; l’administration des eaux et forêts confiée aux Etats provinciaux ; les barrières et douanes reculées aux extrémités du royaume, pour faciliter la liberté du commerce intérieur. 26° Aviser aux moyens de modifier le traité de commerce avec l’Angleterre, s’il n’est pas jugé qu’on doive le rompre. 27° Rendre à l’agriculture les bras que lui enlèvent dans les campagnes les manufactures et les filatures. 28° Etablir des lois somptuaires sur les objets de luxe, et notamment sur le trop grand nombre de domestiques. 29° S’occuper de la régénération des mœurs et de la restauration de l’agriculture, du commerce et des arts. 30° Pourvoir aux engrais et nourris nécessaires à l’agriculture, par la conservation des pâtures communes ; défendre d’en faire aucun partage entre les particuliers, et fixer la quotité à mettre en réserve pour les besoins des communautés. 31° Que les municipalités soient conservées dans les villes et les campagnes ; qu’elles soient éligibles dans les trois ordres ; que leur administration soit uniforme et la plus économe possible; que les curés y aient la préséance, lorsque les seigneurs n’y assisteront pas en personne. 32° Remédier aux abus de la formation de la milice et du régime des messageries. 33° Les comptes de finances, taut nationaux que provinciaux, seront tous les ans rendus publics, et les ministres seront comptables de leur gestion aux Etats généraux. 34° Conserver à la noblesse ses privilèges honorifiques. 35° Les Etats généraux fixeront une somme annuelle pour les pensions des anciens militaires et des veuves d’officiers; ils sont invités à examiner scrupuleusement toutes les pensions précédemment accordées. 36° Le mérite et les talents joints à une conduite irréprochable donneront au tiers-état le droit d’être admis aux grades militaires et aux charges de magistrature. OBJETS RELATIFS AU CLERGÉ. 37° La religion catholique, apostolique et romaine sera la seule enseignée, professée et publiquement autorisée ; le culte et l’enseignement en seront uniformes dans tout le royaume. 38° L’édit de 1787, concernant” les non catholiques, sera soumis à la révision des Etats généraux. 39° Les ordonnances, règlements et arrêts pour la sanctification des dimanches et fêtes seront renouvelés et sanctionnés dans les Etats généraux. 40° Rendre au clergé les conciles nationaux et provinciaux ; mettre en vigueur les synodes diocésains ; supprimer les assemblées générales du clergé et les chambres des décimes. 41° Le Roi sera supplié d’avoir égard, dans la nomination aux évêchés, moins à la naissance qu’aux vertus et aux mérites, et de choisir les évêques, autant que faire se pourra, parmi les ecclésiastiques nés dans la province du siège vacant et exercés dans le ministère pastoral. 42° Les évêques seront tenus . de résider dans leurs diocèses, et de les visiter conformément aux saints canons. 43° Les provisions d’archidiacre et les lettres de vicaire général ne seront ' données qu’à des ecclésiastiques âgés au moins de trente ans, et employés dans le diocèse aux fonctions du ministère depuis un certain nombre d’années. 44° Les tribunaux ecclésiastiques jugeront seufs de la nécessité des monitoires, qui ne seront accordés que pour les crimes d’Etat et contre les meurtriers et les incendiaires. 45° Que l’observance des saints canons soit de rigueur pour la pluralité des bénéfices jusqu’à la concurrence de 1,500 livres, et que la résidence soit également de rigueur pour tout ecclésiastique sans exception, lorsqu’il sera pourvu d’un bénéfice de la même valeur. 46° Dans toutes les villes où il y a collège de plein exercice, il y sera établi un bureau de surveillance, dont les membres seront nommés par le synode diocésain. 47° Fonder des bourses dans les séminaires et collèges des villes du premier ordre, en faveur d’enfants nés dans le diocèse, de parents peu aisés, et que ces bourses soient au concours. 48° Les maîtres d’école des campagnes seront présentés par les curés seuls, aux ordinaires des lieux, pour être approuvés ; aviser aux moyens de les doter à la décharge des communautés; rendre par là les écoles gratuites. 49° Conserver les ordres religieux, en rendre les membres utiles à l’Etat, en les employant aux fonctions du ministère ou à l’éducation de la jeunesse, ou au service des hôpitaux; et pour détruire l’espèce d’avilissement attaché aux ordres mendiants, renter suffisamment ces religieux, et dans ce cas, les soumettre aux ordinaires pour le service du diocèse; révoquer la commission des réguliers. 50° Pour la tranquillité des familles, et la meilleure administration des biens dépendants des bénéfices consistoriaux, demander que le tiers-lot avec ses charges soit laissé aux réguliers. 51° Les titres originaux des biens ecclésiastiques continueront à être donnés en communication, mais sans déplacement. 52° Le clergé du bailliage de Troyes, justement alarmé ainsi que les autres ordres du même bailliage, sur le sort du chapitre de Saint-Etienne de ladite ville, forme, avec la noblesse et le tiers-état, un vœu commun pour la conservation de ce chapitre, et demande en conséquence que le Roi soit supplié aux Etats généraux de ne donner aucune suite à l’arrêt du conseil en date du 11 mars 1787, portant la suppression des saintes chapelles du royaume. 53° Le clergé une fois assujetti aux mêmes impôts que les autres sujets de Sa Majesté, il paraît juste qu’il jouisse des mêmes privilèges dans l’administration et l’exploitation de ses biens ; que dès lors tout édit, déclaration, ordonnance et arrêt contraire soit révoqué, et que la déclaration de 1749 soit restreinte à la seule aliénation. 54° Restitution des dîmes aux curés, comme vrais propriétaires, ou amélioration des cures, dont la dotation ne sera pas moindre à la campagne de 1,500 livres, et dans les villes de, 2,400 livres; dans lesquelles sommes, tant à la ville qu’à la campagne, les biens des curés, soit à titre de patrimoine, soit à titre de fondation, ne seront point compris, quand même iis ne pourraient op- 74 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Troyes.] poser qu’une ancienne jouissance aux détenteurs actuels de ces biens. 55° Il sera pourvu par la voie d’union de bénéfices à l’amélioration des cures de la campagne, qui, par la totalité des dîmes, ne jouiraient pas d’un revenu de la valeur de 1,500 livres. Il sera pourvu par le même moyen à la dotation des cures de ville, portée au moins à 2,400 livres; sauf une augmentation progressive, à raison des circonstances locales jugées et déterminées par le synode diocésain, raison qui doit également militer pour les cures de campagne. 56° Les curés de l’ordre de Malte et des autres ordres religieux jouiront de la même dotation et de tous les privilèges des curés séculiers. 57° Les cures dotées comme ci-dessus, tout casuel exigible sera aboli. 58° Le traitement des vicaires, tant à la ville qu’à la campagne, sera fixé proportionnellement à la dotation des curés, et il sera toujours à la charge des décimateurs, qui, dans les succursales, y contribueront en proportion. 59° Tous les bénéfices-cures de collation ecclésiastique seront à la disposition de l’ordinaire des lieux-; il serait surtout à désirer que les cures à la présentation ou collation laïque des non catholiques fussent également à la même disposition. 60° Suppression de tous édits, déclarations gênant la liberté et les droits ecclésiastiques, et notamment de la déclaration de 1656; en conséquence, que les curés aient droit de se syndiquer, de s’assembler en corps pour traiter leurs affaires, sans que la présente demande puisse nuire et préjudicier à celle portée ci-dessus, article 5. 61° Accorder aux possesseurs actuels de dîmes autres que les curés, une indemnité convenable, dans le cas où ils en feraient la cession. 62° Déterminer pour la procédure des unions et érections, une forme plus prompte et moins dispendieuse, d’après laquelle le décret de l’évêque serait homologué. 63° Supprimer tous privilèges et exemptions relativement aux dîmes. 64° Les économats supprimés ; leur administration et celle des biens provenant des unions, confiée dans chaque diocèse à un bureau dont les fondions seront gratuites, et les administrateurs nommés par le synode diocésain. 65° Nul ecclésiastique séculier ou régulier, et même gradué, ne sera pourvu de bénéfice-cure qu’à l’âge au moins de trente ans, et qu’aprês avoir exercé les fonctions du saint ministère ['espace de cinq années. 66° Tout ecclésiastique, sans en excepter les gradués, sera déclaré inhabile à posséder un bénéfice au-dessus de 1,000 livres, s’il n’est constitué dans les ordres sacrés. 67° Conserver seulement les grades d’étude, connus sous le nom de quinquennium , et pourvoir à une meilleure tenue des écoles où ils se prennent. 68° Affecter pour la retraite des curés diocésains, infirmes, ou ayant vingt ans d’exercice, le tiers au moins des prébendes des églises cathédrales et collégiales de chaque diocèse ; assurer le même avantage, à la même condition, aux supérieurs et directeurs des séminaires. 69° Les curés réclament la préséance après l’évêque dans les assemblées religieuses et politiques. 70° Les évêques auront, comme ci-devant, le droit d'appeler au séminaire tout ecclésiastique résidant dans leurs diocèses, mais toutefois en motivant leur appel. 71° Abolir tous droits utiles et honorifiques des curés primitifs. 72° Que les charges des officiers municipaux soient supprimés; que les membres des municipalités soient nommés chaque année et progressivement, par corporation, et au scrutin, publiquement dans l’hôtel de ville. 73° Le seigneur et le curé de chaque paroisse formeront avec deux membres de la municipalité un tribunal de paix, pour obvier aux procès et concilier les parties. 74° La componende de toute dispense de mariage sera appliquée aux pauvres des paroisses des impétrants. 75° Pour parvenir à détruire la mendicité, on occupera les pauvres, dans chaque paroisse, à des travaux de charité, et chaque province pourvoira aux fonds des ateliers. 76° Aviser au moyen de former dans les hôpitaux une administration aussi simple qu’économique. 77° Dans toutes les villes de bailliage, il sera formé un bureau de miséricorde pour les besoins spirituels et temporels des prisonniers ; il sera pourvu à ce que les débiteurs ne soient point confondus avec les criminels. 78° Si les Etats généraux croient la liberté de la presse une conséquence de la liberté individuelle, qu’il soit du moins établi des peines contre les auteurs de livres contraires à la religion et aux bonnes mœurs, ou contre tout imprimeur d’ouvrages anonymes. 79° Ordonner l’exécution rigoureuse de la déclaration de 1736, concernant les registres des paroisses, et rendre les officiers de justice chargés de son exécution responsables, comme les ecclésiastiques, de leur négligence ; mettre un frein aux recherches vexatoires des officiers du bailliage de Troyes, dont se plaignent fortement les curés dudit bailliage, et contre lesquelles l’ordre entier du clergé du même bailliage se fait un devoir de réclamer. Gomme il y a des articles dans le présent cahier qui pourraient être préjudiciables ou contraires aux droits, prérogatives et propriétés de quelques-uns des membres de l’assemblée, il a été unanimement convenu que toutes les signatures apposées au bas dudit cahier, ne pourront nuire à personne, et que tous les corps, communautés et bénéficiers pourraient remettre à MM. les députés aux Etats généraux leurs oppositions et protestations contre les articles qui peuvent leur nuire ou préjudicier Fait, lu, approuvé et arrêté en ladite assemblée du clergé du bailliage de Troyes, le 3 avril 1789, par les commissaires pour ce “autorisés. Gobin, curé de Crancey. Pierre, curé de Ghamplot. Raverey, curé de Ghesley. Munier, curé de Méry. L’abbé Gênais. Missonnet, chantre de Saint-Urbain. Seillier, prieur-curé de Lusigny. Floriot, curé de Beuvré. Blampoix, curé de Vandeuvre. Gortbier, vicaire de Sainte-Madeleine. De Trois, curé de Saint-Nicolas de Troyes. Félix, sous toutes protestations des articles qui portent grief au chapitre de l’Eglise de Troyes. Langlumé, avec mêmes protestations et réserves. Nau, grand chantre de Saint-Etienne, avec même protestation et opposition. Manche, prieur. Nublat, prieur de Saint-Loup, sous les protestations de droit. [États gén. 1789. Cahiers.] Desmoulins, prieur de Neuvy-Sautour. Coquet, curé de Sain-Julien-les-Troyes. Dubois, curé de Sainte-Madeleine. Deheurles, curé du Chêne, sous toutes protestations contraires aux droits des curés. De La Tournerie, curé de Coursan. Gilart de i’Archentel, chanoine. Dom Brincourt, religieux de Montiéramey, sous les réserves des protestations ci-dessus. f C.-M.-J, évêque. de Troyes, déclarant que je n’ai point été d’avis d’un grand nombre des articles du présent cahier ; pourquoi je fais toutes protestations et réclamations. M. Berthier, curé de Saint-Nizier de cette ville, l’un des commissaires, a déclaré au secrétaire ne vouloir signer le présent cahier. Hibon de Bagny, secrétaire. CAHIER De l’ordre de la noblesse du bailliage de Troyes , remis à M. le marquis de Mesgrigny , premier aide-major des gardes françaises, et M. le marquis de Grillon , chevalier de l’ordre de la Toison d’or , maréchal des camps et armées du Roi , nommés députés aux Etats généraux en l’assemblée du 4 avril 1789 (1). CONSTITUTION. La noblesse du bailliage de Troyes, considérant qu’il importe au salut de la patrie qu’avant de consentir à aucune assiette ou prorogation d’impôts, les Etats généraux établissent formellement, par une loi sanctionnée par le Roi, les bases de la constitution, elle charge expressément ses députés de demander qu’il soit reconnu : Art. 1er. Qu’à la nation seule appartient le pouvoir de faire les lois, et au Roi celui de les sanctionner. Art. 2. Que la liberté individuelle étant le premier des biens, soit garantie à tous les Français, de manière que nul ne puisse être arrêté ni constitué prisonnier; qu’à l’instant de son arrestation, il lui soit délivré copie motivée de l’ordre ; et f] u 'après vingt-quatre heures, il soit remis à ses juges naturels, qui seront tenus, dans le plus court délai, de statuer sur sa détention. Art. 3. Qu’aux seuls Etats généraux appartient le droit d’établir ou proroger les impôts et subsides, ainsi que d’ouvrir des emprunts sous quelque forme ou dénomination que ce soit. Art. 4. Que lesdits Etats soient assemblés à des époques périodiques ; qu’ils détermineront eux-mêmes leur organisation, leur forme de composition, et celle de leur convocation, sous la condition expresse que si, à l’époque arrêtée par eux, ils n’étaient pas rassemblés, les impôts cesseraient à cet instant, de droit, dans tout le royaume. Art. 5. Qu’il soit établi dans toutes les provinces du 'royaume des Etats provinciaux, dont les Etats généraux détermineront, dans leur sagesse, la forme, les pouvoirs et les fonctions. Art. 6. Que telles seront les bases de la constitution, que l’ordre de la noblesse regarde comme si important de voir établir avant le consentement aux impôts, qu’elle déclare à ses députés qu’elle les désavouera s’ils votent pour aucuns établissements ou prorogations de subsides, avant la promulgation; de cette charte nationale, qui sera en-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. [Bailliage de Troyes.] 75 registrée dans toutes les cours' souveraines et municipalités, et lue ensuite deux fois par an au prône de chaque paroisse. Elle leur enjoint en outre de protester formellement contre chaque proposition ou délibération qui serait prise avant la reconnaissance solennelle de ces droits nationaux. ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 7. La noblesse du bailliage de Troyes déclare qu’elle renonce à tout privilège pécuniaire, et qu’elle reconnaît la nécessité d’établir comme principe que les impôts doivent être supportés par les propriétés sans distinction des propriétaires, se réservant la conservation des droits inhérents à ses propriétés, distinctions, privilèges ethonneurs appartenant à la noblesse, enjoignant à ses députés de protester contre le vœu qui tendrait à quelque innovation à cet égard. Art. 8. Que quoique le vœu de la noblesse soit de délibérer par ordre aux Etats généraux, néanmoins, pour éviter toute espèce d’entrave, elle autorise ses députés à délibérer par tête, après avoir réuni le vœu des deux tiers de son ordre. Art. 9. Que les Etats généraux fixeront eux-mêmes invariablement la forme et l’époque périodique de leur convocation ; le désir de la noblesse serait qu’elle ne pût être retardée au delà de deux ans, à compter de leur dernière séance. Art. 10. Que leur convocation et assemblée se feront dans l’espace de six semaines ou deux mois, s’il survenait des besoins ou des circonstances extraordinaires et non prévues ; et dans ce cas les Etats généraux eux-mêmes auraient droit de se rassembler sans convocation, ainsi que dans celui où à l’époque fixée ils ne l’auraient pas été, Art. 11. Que pendant la tenue de l’assemblée, et à mesure qu’une loi ou un règlement aura été fait par les Etats généraux, et sanctionné par le Roi, ou proposé par Sa Majesté, et consenti par les Etats généraux, il sera procédé à son enregistrement par toutes les cours souveraines du royaume, qui le promulgueront san's aucun examen ni délai quelconques. Art. 12. Que la personne de chacun des membres des Etats généraux sera déclarée inviolable, de manière qu’aucun ne puisse jamais être responsable qu’aux Etats généraux eux-mêmes de ce qu’il aura dit ou fait dans leurs assemblées. Art. 13. Que les Etats généraux, prendront en considération la demande des bailliages qui , ayant eu jusqu’en 1652 le droit reconnu, par lettres de convocation, de députer directement, en ont cependant été exclus en 1789, malgré leurs réclamations, notamment celle du bailliage royal de Ghauny, qui se trouve dans ce cas. ÉTATS PROVINCIAUX. Art. 14. La noblesse du bailliage de Troyes demande que l’on établisse des Etats provinciaux dans tout le royaume, formés sur un même plan, à la réserve cependant que s’il était nécessaire d’établir des modifications dans différentes provinces, elles seraient demandées par les députés de ces mêmes provinces. Art. 15. S’il était nécessaire de faire des règlements provisoires, relatifs à la police des villes et des campagnes, et autres, que la seule localité rendrait utiles, et qui seraient demandés par les Etats provinciaux et acceptés par Sa Majesté, les cours souveraines delà province seront tenues de procéder à l’enregistrement pur et simple, à ARCHIVES PARLEMENTAIRES.