764 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mars 1790.] détecteur peut abandonner le fonds pour se dispenser d’en payer les charges. S’il existe quelque exception, elle ne peut être fondée que sur une jurisprudence particulière et nouvelle; cette jurisprudence se trouve révoquée par le décret qui autorise le rachat. M. Gaultier de Biauzat. Je ferai remarquer que l’interdiction du déguerpissement remonte à un temps fort ancien et a été fondée sur la convention portant promesse de ne pas déguerpir ou de fournir et faire valoir. J’appuie la motion d’abolir cette gêne évidemment injuste. M. Merlin. Je demande l’ajournement de cette motion afin que le comité féodal puisse s’en occuper et présenter un décret particulier. La motion est ajournée. M. Bouche, député d’Aix, propose d’ajouter feu avant fouage. M. Defermon demande qu’on ajoute fumée. Un membre croit que le droit de fumée se trouve compris dans le droit de feu, ou de fouage. M. Gaultier de Biauzat fait remarquer qu’il se perçoit dans plusieurs justices un droit de feu, qui n’est pas réduit au nombre des foua-ges, mais qui se paie en raison du nombre des cheminées qui peuvent se trouver dans une même maison, quoiqu’elle soit occupée par une seule famille; il demande, en conséquence, qu’il soit nomément fait mention du droit de fumée ou du droit de cheminée, qui lui paraît plus expressif. M. Barrère de Vieuzac propose d’ajouter l’expression feu mort , qui indique un droit qui se perçoit dans le Bigorre. Cet amendement et le précédent sont adoptés. M. Gossuin. II faudrait ajouter le droit de chiénage, ou droit qu’avait le seigneur de faire nourrir ses chiens par ses vassaux. En Hainaut, ce droit a été reconnu rachetable pour une mesure d’avoine. Plusieurs membres demandent l’insertion dans l’article de différents droits existant dans leurs provinces. D'autres membres demandent à aller aux voix. Enfin, l’article 9 est adopté dans la teneur suivante : « Art. 9. Tous droits qui, sous la dénomination de feux, cheminées, feu allumant, feu mort, fouage, monéage, bourgeoisie, congé, chiénage, gîte aux chiens, ou autre quelconque, sont perçus par les seigneurs, sur les personnes, sur les bestiaux, ou à cause de la résidence, sans qu’il soit justifié qu’ils sont dus, soit par les fonds invariablement, soit pour raison de concessions d’usages, ou autres objets, sont abolis sans indemnité. » La discussion s’ouvre sur l’article 10. Plusieurs membres demandent l’abolition de droits qui existent sous la dénomination particulière à leurs provinces. M. Merlin, rapporteur. Je demande , pour abréger cette discussion, que chaque membre soit autorisé à faire connaître au comité de féodalité les droits locaux et particuliers qui sont de nature à être abolis. J’ajoute que le comité se propose de rédiger et de soumettre à l’Assemblée une instruction explicative des décrets rendus ou encore à rendre sur la matière féodale. Cette déclaration est successivement approuvée. L’article 10 est adopté en ces termes : « Art. 10. Sont pareillement abolis sans indem nité les droits de guet et de garde, ensemble les droits qui ont pour objet l’entretien de clôtures et fortifications de bourgs et de châteaux, ainsi que les rentes ou redevances qui en sont représentatives, quoiqu’affectées sur des fonds, s’il n’est pas prouvé que ces fonds ont été concédés pour cause de ces rentes ou redevances ; « Les droits de pulvérage ou autres levés sur troupeaux passant dans les chemins publics des seigneuries ; « Les droits qui, sous les dénominations de banvin, vet du mn, étanche , ou autre quelconque, emportaient pour un seigneur la faculté de vendre seul, et exclusivement aux habitants de sa seigneurie, pendant un certain temps de l’année, les vins ou autres boissons et denrées provenantes de son crû. M. Merlin donne lecture de l’article 11. M. l’abbé cTEymar. Le droit d’avouerie dont il est question dans cet article, ne regarde que les seigneuries possédées en Alsace parles princes allemands ; presque toute l’Assemblée s’est réservée de prononcer, à part, sur ce qui regarde ces princes, il faut que l’exception soit contenue dans l’article. M. I�avie. Prétendez-vous donc éterniser notre esclavage pour conserver les prétendus droits des seigneurs et des abbés allemands ? S’il y a des indemnités à accorder, la nation est juste et elle les accordera; mais les habitants d’Alsace sont Français et doivent jouir de leurs droits comme les autres habitants du royaume. M. le Président invite M. Lavie à la modération et met ensuite l’article 11 aux voix. Il est adopté ainsi qu’il suit : « Art. 11. Les droits connus en Auvergne, et autres provinces, sous le nom de cens en com-mende ; en Flandre, en Artois et en Gambrésis, sous celui de Gave, Gavenne, ou Gaule ; en Hainaut, sous celui de Poursoin ; en Lorraine, sous celui de Sauvement ou Sauve-Garde ; en Alsace, sous celui d’Avenerie ; et généralement tous droits qui se payaient ci-devant en reconnaissance et pour prix de la protection des seigneurs, en quelque lieu du royaume et sous quelque dénomination que ce fût, sont abolis sans indemnité, sans préjudice des droits qui, quoique perçus sous les noms ci-dessus indiqués seraient justifiés avoir pour cause des concessions de fonds. » M. Merlin lit l’article 12 du projet de décret. M. Begnaud (de Saint-Jean-d’Angély). Dans le ressort du parlement de Bordeaux, il existe un droit de lods et vente sur les arbres, futaies, 765 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l*r mars 1790.] et même sur les testards que vend un particulier : ce droit a causé beaucoup de procès qui ont été portés devant les parlements des juges intéressés puisqu’ils sont seigneurs. Ce droit s’étend jusque sur les matériaux des maisons qu’on fait démolir. Je demande que ce droit soit aboli, et je fais de cette demande l’objet d’un amendement exprès. M. Goupil de Préfelx, député d'Alençon. Je demande que ce droit, qui s’est établi dans ma province, par la jurisprudence du parlement de Rouen, soit aboli sans indemnité. M. le marquis de Foucault propose de déclarer ce droit rachetable; il dit qu’il peut être l’effet d’une convention et qu’il a pour objet de récupérer le seigneur de la diminution que souffre son fonds lorsque les arbres sont coupés. M. Garat l’ainé considère les arbres comme les fruits de la terre, en sorte que le seigneur n’est pas en droit de prétendre à des lods et ventes, parce que le propriétaire du sol vend sa récolte. M. Moreau, député de Touraine. Les arbres ne sont que les fruits de la terre, ils sont une récolte accumulée pendant plusieurs années et cette récolte est perçue à l’époque de la coupe. M. le marquis de Foucault. Je demande l’ajournement de la motion et son renvoi au comité féodal. M. Regnaud {de Saint-J ean-d' Angèlij). L’Assemblée est suffisamment instruite et l’injustice du droit est généralement sentie. Pourquoi des Français seraient-ils punis pour être propriétaires de biens dans les parlements de Rouen et de Bordeaux ? Pourquoi seraient-ils assujettis à des droits injustes qui ne sont établis sur aucune loi, sur aucune convention et qui ont pour principe une jurisprudence désastreuse, que la cupidité a introduite et que la justice doit proscrire ? L’amendement est mis aux voix et adopté. L’article 12 est ensuite décrété en ces termes : « Art. 12. Les droits sur les achats, ventes, importations et exportations de biens-meubles, de denrées et de marchandises, tels que les droits de cinquantième, centième, ou autre denier du prix des meubles ou bestiaux vendus, les lois et ventes, treizième, ou autres droits semblables sur les vaisseaux, sur les bois et arbres futaies, testards ou fruitiers, coupés ou vendus pour être coupés, sur les matériaux de bâtiments démolis ou vendus pour être démolis, les droits de leyde sur les poissons, les droits d’accise sur les comestibles, les droits de bouteillage, d’umgeld, ou autres, sur les vins et autres boissons, les impôts et billots perçus au profit des Seigneurs, et autres de même nature, sont abolis sans indemnité, sans rien préjuger, quant à présent, sur les droits de péage, de minage, et de tiers-denier. L’article 12 est lu, mis aux voix et adopté sans discussion, en ces termes : « Art. 13. Tous droits exigés sous prétexte de permissions données par les seigneurs pour exercer des professions, arts ou commerces, ou pour des actes qui, par le droit naturel et commun, sont libres à tout le monde, sont supprimés sans indemnité.» M. le Présldeul annonce que M. Bruet, curé d'Arbois, député d’Aval en Franche-Comté a donné sa démission et que son suppléant, M. Royer, curé de Chavanne, est arrivé et que ses pouvoirs sont vérifiés. La discussion est ensuite reprise sur les droits féodaux. M. Merlin, rapporteur , donne lecture des deux articles suivants : « Art. 14. Toutes banalités de fours, moulins, pressoirs à vins ou à huile, de boucheries, de taureau, de Verrat, de forge, et autres, ensemble le droit de verte-moute, usité en Normandie, soit qu’elles soient fondées sur la coutume ou sur un titre, ou acquises par prescription, sont abolies et supprimées sans indemnité, sous les seules exceptions ci-après. « Art. 15. Seront exceptées de la suppression ci-dessus, et seront rachetables : «1° Les banalités purement conventionnelles, c’est-à-dire qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre le seigneur et la communauté des habitants pour l’intérêt et l’avantage desdits habitants ; 2° celles qui seront prouvées avoir eu pour cause une concession faite par le seigneur à la communauté des habitants, de droits d’usages dans ses bois ou près, ou de communes en propriété. » M. Fegrand, député du Berry, propose de rédiger ces articles ainsi qu’il suit : « Toute banalité de four, etc., ensemble le droit de vert moute, sont supprimés sans indemnité, à l’exception de celles qui contiennent des avantages réciproques entre le seigneur et les censitaires, ou qui proviennent d’une concession de fonds prouvée par les titres primordiaux ou par les titres probatifs des titres primordiaux. » M. Frochot, député de Châtillon-sur-Seine. Votre comité vous propose, Messieurs, par l’article 14 de son projet de loi, de décréter en principe général la suppression, sans aucuneindemnité, desdiverses espèces de banalités; et cependant, par dérogation à cette loi générale, il demande aussitôt, par l’article 15, une exception en faveur des banalités purement conventionnelles. J’avoue, Messieurs, que je ne pressens pas les motifs de cette exception, qui me paraît contraire à tous les principes d'après lesquels votre comité devait se décider en cette matière. Les lois que vous avez à rendre sur la féodalité ne peuvent être qu’une interprétation scrupuleuse des textes que vous avez précédemment consacrés. C’est dans vos arrêtés du 4 août dernier que vous devez chercher les motifs de l’exception proposée ; si ce texte y répugne, l’exception doit être rejetée. Vous avez dit alors, Messieurs, que tous les droits féodaux qui tenaient à la servitude personnelle étaient abolis sans indemnité ; il vous est impossible aujourd’hui d’altérer la force et l’étendue de ce premier décret. Si donc la banalité conventionnelle est elle-même une servitude féodale personnelle, on ne peut hésiter à en prononcer l’abolition sans aucune indemnité. Or, messieurs, il est d’abord évident que toutes les banalités, considérées en elles-mêmes, sont de véritables servitudes personnelles, et qu’elles ne peuvent être considérées comme un droit réel dans les mains de celui au profit de qui elles sont établies, qu’autant que leur établissement est le prix delà cession d’un droit réel. De là, il résulte que les banalités purement conventionnelles ne peuvent être considérées comme des droits réels; et votre