69 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1790.) de chasse; que, n’ayant pas chassé depuis un an, et ne se proposant pas de chasser de sitôt, il avait cru devoir réformer momentanément sa vénerie ; mais qu’il ne renonçait point à reprendre ce délassement, quand il aurait le cœur plus satisfait. » (L’Assemblée ordonne l’insertion dans son procès-verbal du discours de M. le Président et de la réponse du roi.) On annonce un mémoire des brigades de la maréchaussée de l’Ile-de-France. M. Regnaud, député de Saint-Jean-d' Angély . Ces troupes ont trop de droit à la reconnaissance de la nation par la manière dont elles se comportent dans cette révolution, pour que l’Assem-olée ne s’occupe pas de leur demande. Je propose le renvoi au comité militaire. (Cette motion est adoptée.) M. le Président dit que l’Assemblée ayant manifesté l’intention que la députation qu’elle a nommée pour assister demain au service qui sera fait au champ de la Fédération pour les gardes nationales et troupes de ligne qui ont péri à Nancy, s’y rendît en corps, il engage ceux qui doivent la composer, à se rendre demain à neuf heures précises à l’Assemblée. 11 ajoute que la municipalité de Paris a l’intention de prendre cette députation, et de l’accompagner depuis le Pont-Tournant. M. l’abbé Grégoire, rapporteur du comité pour la vérification des pouvoirs, fait un rapport sur l’admission des députés envoyés par la colonie de Pondichéry (1) . Messieurs, des citoyens français placés à six mille lieues de nous se croyaient pour ainsi dire perdus dans cet éloignement ; mais dès qu’ils ont appris la régénération de notre empire, saisis par l’enthousiasme de la liberté, ils ont désiré concourir à vos travaux et partager les bienfaits de la Révolution. Les habitants de Pondichéry ayant convoqué une assemblée générale au mois de février de la présente année, résolurent de députer à leurs frères de Karikal, Mahé, Chandernagor et autres comptoirs français pour se concerter avec eux sur les démarches à faire vers l’Assemblée nationale. Les Indiens qui, depuis plus de cent ans, au nombre de cent mille hommes, se sont donnés volontairement à la France et que l’attrait de nos mœurs nous attache inviolablement, ont demandé de prendre part à cet événement ; leurs sentiments sont consignés dans une adresse ci-jointe, en langue malabare et française; ils exposent qu’ayant le cœur français, que s’honorant du titre de citoyens français, malgré la diversité des idiomes et des usages, ils désirent resserrer plus que jamais, les nœuds qui les unissent à la mère patrie. Le 1er mars, sous l’autorité du commandant, l’assemblée générale s’est formée à Pondichéry. Les procès-verbaux de ses séances offrent partout le tableau du zèle le plus éclairé, de l’union la plus touchante, du patriotisme le plus pur. Après avoir nommé un président et un secrétaire, il a été décidé qu’on prêterait le serment civique. (Il Ce rapport n’a pas été inséré au Moniteur. Nous l’empruntons au Journal le P oint-dur Jour, t. XIV p. 235. Cette cérémonie s’est faite avec beaucoup de solennité dans le pays du despotisme sur les côtes de l’Asie. Des milliers d’hommes libres, en face du pavillon français, au bruit de l’artillerie, ont juré d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi; de sceller de leur sang une Constitution qui consacre les droits de l’homme et qui améliore le sort de l’espèce humaine. L’assemblée a établi ensuite un comité de soixante-cinq personnes en les chargeant de nommer des députés à l’Assemblée nationale, lesquels députés correspondront constamment avec ce comité, afin qu’en tout temps on puisse prendre des mesures pour garantir nos possessions dans cette partie du monde. Le 14, on a nommé MM. Beylié de Kj-Jean, de Tarche et Monneron, les deux premiers pour députés, le troisième pour suppléant ; on a nommé, en outre, neuf suppléants résidant en France, ce qui ne doit pas vous paraître extraordinaire, attendu les accidents, les événements, que comporte une si grande distance de la métropole. Votre comité, Messieurs, a pensé unanimement que les colons de Pondichéry, soumis aux lois et aux impôts comme nos colons américains, devaient comme eux être actifs dans la législation qui est égale pour tous. Ce serait sans doute ceux qui, affligés par de longs malheurs, comme les colons infortunés de Pondichéry, ont plus de plaintes à former, qu’il ne faudrait pas écarter. Les pouvoirs de ces députés sont revêtus de toutes les formes qui en garantissent l’authenticité. Votre comité a encore pensé unanimement que pour représenter 200,000 individus, on devait sans difficulté, admettre les députés que l’on vous présente ; mais le deuxième député ayant donné sa démission pour cause de maladie, nous proposons à l’Assemblée d’admettre M. Beylié de Kj-Jean, et M. Monneron, suppléant, comme représentants de la colonie de Pondichéry. M. le Président consulte l’Assemblée. Elle décrète l’admission de MM. Beylié de Kj-Jean et Monneron : elle décrète en outre qu’il lui sera fait lecture, dans l’une des premières séances du soir, de l’adresse des habitants de Pondichéry. M. Merlin, rapporteur du comité féodal , présente la suite des articles du projet de décret complémentaire sur les droits féodaux. (Frais de poursuite, hypothèques, etc.). Dans votre séance du 17 septembre, vous avez adopté les cinq premiers articles de notre pro* jet; nous vous proposons aujourd’hui de nous renvoyer l’article 6 pour qu’il subisse un nouvel examen, en sorte que les articles 7 et suivants deviendront les articles 6 et suivants. Cette proposition est adoptée. Après un léger débat, l’Assemblée adopte les articles ci-dessous : «.Art. 6. Les droits domaniaux annuels qui se perçoivent sur les poêles à sel dans les ci-devant provinces belgiques, sont et demeurent supprimés, sans préjudice des arrérages qui pouvaient en être dus avant la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789, et sans qu’il puisse être répété aucune des sommes fournies, soit en payement d’échéances postérieures à cette épo-bue, soit pour rachat de ces droits. » « Art. 7. Sont pareillement supprimés les droits établis sur les moulins à bras et à cheval, tant dans les provinces que partout ailleurs ; et il est sursis à prononcer sur les droits dont les mou- 70 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 septembre 1790. | lins à eau pourraient être grevés, jusqu’au moment où il sera statué, par une loi générale, sur la propriété des rivières et cours d’eau. « Art. 8. Il n’est nullement préjudicié par l’abolition du triage, aux actions en cantonnement de la part des propriétaires contre les usagers de bois, prés, marais et terrains vains ou vagues, lesquelles continueront d’être exercées comme ci-devant dans les cas de droit, et seront portées aux tribunaux de district, sauf à se conformer pour les ci-devant provinces de Lorraine, des Trois-Evêchés et du Clermontois, à l’article 32 du titre II du décret du 15 mars dernier. » « Art. 9. Pourront néanmoins être révisés et réformés, s’il y a lieu, par les tribunaux de district (et à la charge de l’appel ainsi que de droit), les cantonnements prononcés depuis moins de trente ans par arrêts du conseil, sans qu’au préalable le fond des droits de propriété ou d'usage eût été convenu, ou en cas de contestation, jugé par les tribunaux ordinaires, ensemble tous les arrêts du conseil qui, sans prononcer de cantonnements, ont statué en première instance, depuis la même époque, sur des questions de propriété ou de droits fonciers, entre des seigneurs et des communautés d’habitants; auquel effet, les parties intéressées se pourvoiront dans l’espace de temps et de la manière indiqués par l’article 31 du titre II du décret ci-dessus, sans pouvoir prétendre aucun compte des fruits perçus hors du cas déterminé par le même article. » « Art. 10. On ne pourra racheter les droits casuels dus par un héritage, sans racheter en même temps les droits fixes auxquels il est sujet. » M. Itaïiiel-Hogaret. Je propose un amendement qui serait ou une disposition additionnelle à l’article 10, ou bien un article nouveau qui prendrait place dans le décret. Voici en quoi consiste mon amendement: « La nation autorise le redevable envers elle, comme propriétaire de biens nationaux, à se ré-dimer séparément des droits annuels ou fixes, et des droits casuels, à charge par ceux qui profiteront de cette liberté, de remettre entre les mains du receveur de l’extraordinaire une expédition de la quittance qui contiendra la mention du droit non racheté. » M. Merlin, rapporteur . Je demande que l’article 10 reste tel qu’il a été lu et adopté et que l’amendement de M. Ramel-Nogaret soit renvoyé à l’examen du comité féodal. # Cette proposition est adoptée. L’article 11 (ancien article 12) est lu et renvoyé également au comité. M. Goupilleau. J’observe à l'Assemblée qu’il est instant de décider si les présidents des corps administratifs sont ou ne sont pas membres des directoires et s’ils sont ou ne sont pas éligibles aux places de juges et de commissaires du roi. La difficulté réside dans ce fait qu’ils ont séance et voix délibérative aux directoires qu’ils président et qu’un décret de l’Assemblée, en date du 2 septembre, a particulièrement exclu de l’éligibilité les membres du directoire. M. Déuieunicr. Le corn Constitution se trouve divisé sur cette affaire, v0ilà pourquoi il ne vous a pas présenté de décret et pourquoi je vous propose d’ajourner jusqu’à un nouvel examen . M. Regnaud, député de Saint-Jean-d’ Angély, Lorsque le comité est divisé et ne peut conclure il y a l’Assemblée nationale qui tranche la question, surtout lorsqu’elle est aussi pressante que celle qui nous occupe. Voici le projet de décret que je propose : « L’Assemblée nationale, sur les pétitions qui lui ont été présentées en interprétation du décret du 2 septembre, déclare que les présidents des administrations de départements et de districts, n’étant pas membres nécessaires des directoires, sont éligibles aux places de juges, à la charge par eux, s’ils sont élus juges et s’ils acceptent, de ne pouvoir plus exercer, dans le corps administratif, les fonctions des présidents, et de se réduire à celle de simple membre du conseil. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président annonce que l’ordre du jour de demain sera la suite de la discussion des rapports du comité militaire sur la formation des tribunaux militaires et sur l’avancement, ce rapport ayant été envoyé aujourd'hui au domicile de tous les députés. (Voyez ci-dessous le rapport de M. Alexandre de Lameth sur A' admission dans l'armée et l'avancement militaire.) (La séance est levée à trois heures.) PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 19 SEPTEMBRE 1790. Rapport fait au nom du comité militaire sur l'admission dans l'armée et l’avancement militaire, par M. Alexandre deAauieth. Messieurs, votre comité militaire vous présente aujourd’hui ses vues sur le mode le plus avantageux d’admission au service et d’avancement dans les différents grades. Parmi les lois destinées à gouverner l’armée française, à l’approprier, à l’identifier avec la Constitution que vous avez établie, aucunes, Messieurs, ne nous ont paru plus importantes dans leurs effets, plus intimement liées sous leurs divers rapports avec les autres branches de l'organisation sociale, plus dignes par conséquent d’être précédées des considérations graves et approfondies, que les nouveaux principes à établir sur l’admission et sur l’avancement. L’intérêt des militaires à qui nous devons des avantages proportionnés aux sacrifices qu’ils font à leur patrie, et aux services qu’ils lui rendent, à qui nous devons surtout cette justice exacte, qui, pour des hommes libres, est le premier des bienfaits, et l’intérêt de la nation, qui veut une armée citoyenne et bien ordonnée, une armée que l’émulation enflamme et que la discipline contienne, une armée composée d’hommes courageux et commandés par des hommes habiles : ces deux intérêts, Messieurs, nous ont paru les guides que nous avions à suivre; leur combinaison la plus intime nous a paru être le but auquel nous devions tendre; elle a cons tamment dirigé nos spéculations. C’était par une route directement contraire, que l’ancien régime était parvenu au complément de tous les abus. Si nous croyorn aujourd’hui n’avoir à consulter que l’intérêt de la nation, avec le traitement juste et avantageux