[Assemblée nationale.] A H ('.HiYES PAH LF, M ENTA IH ES. Mais quand on fait des lois, il est beau de les placer sous l’égide de la Divinité. MM. Mougins et Pellcrin, ramenant celte discussion aux faits historiques, disent que les législateurs de Rome, de la Russie et de l’Amérique ont invoqué l’Etre suprême dans les premières pages de leur code. Après avoir relu les divers préambules proposés, on s’arrête à celui du projet rédigé par le comité des cinq, sur lequel M. Desmeuniers fait quelques corrections d’après les observations faites dans la discussion. Il est adopté en ces termes: « Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale , considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, alin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; alin que les actes du pouyoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. « En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen.. .. » On fait lecture des dix premiers articles. M. D’André. Le premier article du projet qui vous est soumis parle de désirs et de besoin; ce n’est pas une déclaration de désirs que nous avons à faire. Le second, je ne l’entends pas, et je doute que mes commettants puissent l’entendre. Le troisième, le quatrième et le cinquième peuvent se réunir ensemble, et c’est ainsique je le propose, d’aprèfi l’avis de M. de Lafayelle: « Les droits inaliénables et imprescriptibles de l’homme sont la liberté, la propriété, la sûreté, l’égalité des droits, la conservation de son honneur et de sa vie, la communication de ses pensées et la résistance à l’oppression. » Quant à cette dernière partie, j’observerai qu’elle est sans danger; elle est dans notre constitution de Provence que nous abandonnons, parce que nous espérons que vous nous en donnerez une meilleure. M. Target propose de supprimer les dix premiers articles, etd y substituer ceux-ci: « Art. 1er. Chaque homme tient de la nature le droit d’user de ses facultés, sous l’obligation de ne pas nuire à l’exercice des facultés d’autrui ; l’un est son droit, l’autre est son devoir. « Art. 2. La sûreté, la liberté et la propriété ; l’un, qui est le droit de jouir; l’autre, qui est le pouvoir exclusif de posséder certaines choses; c’est là ce qui constitue le droit des hommes. « Art. 3. Les moyens et les facultés des hommes ne sont pas les mêmes: et le but de toute société est de maintenir l’égalité au milieu de l’inégalité des moyens. « Art. 4. Lorsque les hommes perdent de leurs droits en se réunissant dans la société civile, ils 1*21 août 1789.) 4(53 acquièrent une plus grande assurance de les confirmer. « Art. 5. Hors delà société, il n’v a aucune garantie. Dans la société, au contraire, la loi garantit tous les droits. » M. de la Luzerne, évêque de Langres , propose de substituer l’article suivant aux deux premiers articles : « L’auteur de la nature a placé dans tous les hommes le besoin et le désir du bonheur, et les facultés d’v parvenir; et c’est dans le plein et entier exercice de ces facultés que consiste la liberté. » M. de Doîsgelin, archevêque d’Aix, et un autre orateur terminent la discussion. Le premier a parlé avec éloquence ; le second avec une prolixité qui a enuuyé les galeries, surtout lorsqu’il a dit que la société commençait avec la mère et le fils. Les tribunes elles galeries se vident; alors M. de Mortemart observe que la séance est irrégulière ; le règlement porte qu’elle doit être publique, et les galeries sont désertes. L’heure était très-avancée, et cependant l’Assemblée n’avait encore rien adopté. M. Mouiller présente les articles suivants: « Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité com--mune. « Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont: la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. «Art. 3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » Ges articles sont adoptés. M. le Président dit que, depuis un mois, il est arrivé à Paris et dans les environs plusieurs convois de froment escortés par des volontaires présents à cette Assemblée. Elle leur en a témoigné sa satisfaction par de vifs applaudissements. La séance est levée, et les bureaux sont invités à s’assembler à six heures du soir pour s’occuper de l’emprunt. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE . Séance du vendredi 21 août 1789, au matin (l). Un de MM. les secrétaires a fait lecture d’un acte souscrit le 8 août en la ville de Quimper en Bretagne, par cinquante gentilshommes qui s’y sont trouvés réunis ledit jour. Par cet acte, ces gentilshommes s’empressent de déposer entre les mains des communes de ladite ville l’expression de leurs sentiments patriotiques et leur adhésion aux arrêtés de l’Assemblée nationale, relative-(1) Cette séance est incomplète an Moniteur. -464 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [âl août 1789.] ment à tous les objets qui sont et qui seront décidés par elle. Cet acte adressé au sieur Kerve-legan, député à l’Assemblée nationale, avec une lettre d’envoi, signée du sieur Kerquelon-Pen-nenjean, doyen, des cinquante gentilshommes, et du sieur de Carné leur secrétaire, a été déposé sur le bureau de l’hôtel de ville de Quimper. On a lu ensuite les procès-verbaux des deux séances de l’Assemblée nationale du 19, et celui de la séance d’hier. M. Buzot s’est excusé d’accepter la nomination qui a été faite de lui pour le comité des informations, attendu qu’il a déjà été nommé dans son bureau membre du comité de rédaction. M. le Président a mis à la discussion l'article 7 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. M. le chevalier Alexandre de Lameth, prenant la parole, présente deux articles ayant pour objet de développer d’une manière plus énergique les principes des articles 7, 8, 9 et 10 du projet du comité. Voici en quels termes ils sont rédigés : c 1® La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a évidemment de bornes que celles qui assurent à tous les autres membres de la société la jouissance des mômes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. « 2° La loi ne peut défendre que les actions évidemment nuisibles à la société : tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. » Ces nouveaux articles sont devenus l’objet des débats. Plusieurs amendements ont été proposés. MM. Camus, Blin, Mougins de Roquefort et Martineau demandent la suppression du mot évidemment, placé dans le premier article. Si ce mot évidemment subsiste, disent-ils, c’est rendre tous les citoyens juges de la loi : il en résultera pour le législateur une incapacité de défendre les actions nuisibles; chacun dira : la loi n’a pas dû défendre cette action parce qu’elle n’est pas nuisible : donc la loi sera nulle. Le mot évidemment est retranché. M. Martineau propose un amendement. Le second article commençait ainsi : la loi ne peut défendre , etc. Il propose de changer le mot peut en doit. M. Duport s’élève contre cette proposition ; il trouvait plus d’énergie dans le mot peut. La déclaration des droits, dit-il, est pour empêcher les abus du Corps législatif. Substituerez-vous le mot doit; c’est supposer à ce corps la faculté, la puissance d’en commettre, et ce mot le réduit à une incapacité absolue. Pour abréger cette discussion, un membre a proposé, par forme de sous-amendement, de mettre les deux mots ne peut et ne doit. L’amendement de M. Martineau est adopté. M. de la Luzerne, évêque de Langres , voulait ajouter la liberté civile et proposait de dire la liberté civile consiste , etc. Cette objection a entraîné dans une discussion sur le droit naturel et sur le droit civil. M. l’évêque de Langres disait qu’il ne peut être question ici delà liberté naturelle, mais delà liberté politique; que telle action était conforme à l’une et contraire à l’autre. Cette opinion a été combattue par plusieurs membres, et surtout par MM. Populus, Volney et Rhédon. M. Rhédon. Jusqu’à présent les articles ne peuvent être entendus que de l’homme qui n’est pas encore en état de société; et là où il n’y a pas de société, il ne peut y avoir de loi. C’est quand la loi est faite que ‘la société se forme, et que l’homme est alors placé sous l’empire de la loi. De quoi s’agit-il jusqu’ici, dans la déclaration des droits? De la liberté naturelle, des droits que tout homme apporte en naissant. Ce n’est donc pas encore ici le moment de parler de la liberté; il s’agit, non pas de l’homme gêné dans l’exercice de ses droits, mais de l’homme avec la plénitude de ses droits. La liberté porte sur les droits naturels ou sur des conventions. Parlez vous des premiers, alors vous ne pouvez prononcer que le seul mot de liberté. Parlez-vous de la liberté conventionnelle, alors vous parlez de la liberté civile. Ces réflexions font rejeter l’amendement de M. l’évêque de Langres. M. D’André. M. de Lameth a voulu abréger, je vais abréger davantage. Il vous propose deux articles ; je n’en propose qu’un : c’est celui du comité des cinq. Le voici : m La liberté du citoyen consiste à n’être soumis qu’à la loi, et à n’être tenu d’obéir qu’à l’autorité établie par la loi ; à pouvoir faire, sans crainte de punition, tout usage de ses facultés qui n'est pas défendu par la loi. * Un membre s’élève contre la définition de la liberté donnée par M. de Lameth. Ce n’est pas assez, dit-il, de dire que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui; il faut dire davantage. 11 faut intéresser les mœurs et les commander; c’est là le premier but des lois. Nous avons une définition plus exacte et plus noble dans les premières lois de l’univers: Liber-tas est non solum quod liceat, sed etiam quod ho-nestum sit. On va aux voix sur les articles et les amendements, et la rédaction de M. de Lameth est décrétée ainsi qu’il suit : « 1° La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ; « 2° La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. » On met ensuite à la discussion l’article XI, destiné à rappeler une des plus belles prérogatives attachées au nom de citoyen, celle de pouvoir être admis à toutes les places et emplois de la société. M. BarrèredeVIeuzac. Vous voulez exciter l’émulation, en apprenant à tous les hommes que dans un empire bien constitué la dignité de leur vocation est la même, et que les préjugés ne doivent pas jouir de ce qui n’appartient qu’au