SÉANCE DU 12 FRUCTIDOR AN II (29 AOÛT 1794) - N° 27 83 de la liberté publique, que je propose quelques observations sur la rédaction de la fin de l’article XXVIII du projet, dont le résultat pourroit être qu’en sortant du comité de Salut public on pourroit entrer immédiatement dans celui de Sûreté générale, et vice versa qu’en sortant de celui de Sûreté générale on pourroit, sans intervalle, devenir membre du comité de Salut public. Citoyens, le jour où, dans une république naissante, o® a pu, lors du renouvellement des choix, se circonscrire dans un cercle étroit, a été un jour de deuil pour la liberté, parce que, soit foiblesse humaine, soit engouement pour des talens quelquefois très-superficiels, les choix se sont reportés souvent sur des individus que les circonstances, et peut-être l’intrigue, avoient déjà mis en évidence : de-là la naissance de l’aristocratie; et quand il a été permis de prolonger leur autorité, en les promenant de pouvoir en pouvoir, on a creusé le tombeau de la liberté et donné le jour à la tyrannie et à l’esclavage. Si vous voulez donc vous montrer jaloux de la liberté, en vrais, en dignes républicains, vous ne pouvez être trop attentifs sur une perpétuité de pouvoirs. C’est en vain qu’on m’objecteroit qu’en limitant la liberté des choix, l’on semble vouer à la nullité des hommes dont les lumières peuvent être nécessaires à la République, quand ce ne seroit que pour l’exécution d’opérations dont ils ont seuls le secret. Est-ce donc être voué à la nullité que de rentrer dans le sein de la Convention nationale ?... C’est ici, au contraire, que leur expérience sera des plus utiles pour nous éclairer dans les discussions... Qui empêchera d’ailleurs un comité de profiter des lumières des membres sortans ? Et si cependant le penchant pour le travail de comité étoit impérieux chez eux, il y a encore quatorze autres comités où on pourra les placer avec avantage pour la chose publique, selon les talens analogues qu’on leur aura reconnus. Quant au secret, vous avez déjà jugé cette objection, en décrétant qu’en sortant même du comité de Salut public, l’on ne pourroit y rentrer qu’après l’intervalle d’un mois; mais comme cette objection pourroit encore reparoî-tre, il ne sera pas inutile de la discuter en peu de mots. C’est pour des plans de campagne ou pour' les relations extérieures qu’on juge ordinairement le secret essentiel et le plus nécessaire: or, je porte le défi à un membre du comité de dire qu’il a conçu et fait exécuter un plan de campagne, ou médité et achevé un traité lui seul, sans l’avoir communiqué à qui que ce soit, et sans en avoir même fait faire de copie. Il lui a fallu nécessairement des agens secondaires au moins pour l’exécution. Ainsi, je demande si un secret pareil ne peut être aussi bien gardé par un collègue honoré de la double confiance et du peuple et de la Convention nationale, que par un agent qui n’a souvent eu d’autre titre à la confiance de son chef qu’une complaisance aveugle pour l’obtenir? Dans le temps qu’on discutoit une matière pareille à l’Assemblée Constituante, les Clermont-Tonnerre et les autres membres voués à la cour et à la tyrannie dont ils vouloient augmenter l’influence, van-toient beaucoup la nécessité du secret pour le gouvernement. On leur répondit : « Eh ! qu’avez vous donc fait avec votre secret jusqu’à ce jour ? Vous avez mis la France à deux doigts de sa perte: nous pourrons, sans votre secret, gouverner peut-être aussi mal que vous, mais jamais plus mal. » A l’application. Ne pourroit-on pas aussi dire qu’avec le prétexte du secret, dont on s’est servi pour la continuité des pouvoirs, on a pensé précipiter la liberté dans l’abîme ? Jamais le défaut de secret ne pourra lui faire courir un aussi grand danger. Pour ce qui est des hommes nécessaires dans une république : Hommes nécessaires !... Dans une république celui qui a conçu la pensée qu’il étoit nécessaire, étoit déjà un tyran dans le cœur; et s’il y en avoit d’assez impudent pour émettre la pensée qu’il est nécessaire, il devroit être mis à l’instant à mort. Citoyens, si la raison seule ne pouvoit nous convaincre, qu’un exemple que nous a donné une ancienne république, ne soit pas perdu pour nous. Epaminondas avoit déjà rendu les services les plus importans à sa patrie : et bien ! dans un renouvellement de magistrature, pour prouver qu’un homme n’est jamais nécessaire en république, il fut nommé inspecteur des égoûts. Quoique nous n’ayons pas encore beaucoup d’Epaminondas parmi nous, ne soyons pas moins jaloux que les Thébains de prouver que la liberté n’admet point d’hommes nécessaires : ainsi, plus d’hommes nécessaires, plus de dominateurs. Vous devez vous interdire la faculté de perpétuer le pouvoir dans les mêmes mains, sans quoi vous n’auriez rien fait pour la liberté publique. Je propose donc, au lieu de la rédaction du projet portant : « que les membres sortant des comités de Salut public et de Sûreté générale ne sont rééligibles dans le même comité qu’après l’intervalle d’un mois », de décréter « que les membres de l’un des deux comités de Salut public et de Sûreté générale ne pourront être élus membres de l’autre comité, ni réélus dans le même comité qu’un mois après leur sortie. » - Adopté. 28 La commission de l’organisation et du mouvement des armées de terre, adresse à la Convention nationale le procès-verbal d’exécution de Jean Bonnet, natif de Saint-Jean-d’An-gely, district du département de Charente-Inférieure, âgé de vingt-quatre ans, ci-devant chasseur au sixième bataillon d’infanterie légère, condamné à la peine de mort par jugement de la Commission militaire établie à Auxonne, étant convaincu de désertion, et d’être émigré le 21 février 1792 (v.s.), d’avoir fait partie des rassemblemens armés contre la Patrie, et d’avoir porté les armes contre la France, et de n’y être pas rentré dans les formes et dans les délits prescrits par la loi (68). (68) Bull., 12 fruct. (suppl.).