SÉANCE DU 8 FRIMAIRE AN III (28 NOVEMBRE 1794) - N° 38 291 vent à la fois en activité et sont liées au sort pour connaître les différentes affaires dévolues au Tribunal. Que l’affaire Carrier est évidemment commune à celle du comité révolutionnaire de Nantes puisqu’il est vrai de dire que si Carrier s’étoit trouvé dans la classe ordinaire des citoyens, il auroit pu être mis en jugement de la même manière que le Tribunal en a usé envers beaucoup d’autres coaccusés dans l’affaire du comité révolutionnaire de Nantes, que l’article 13 de la loi du 5 septembre 1793 porte pour disposition que les procès qui seront suites ou qui seront connexes à celui dont une section se trouvera saisie seront portées devant cette section sans tirage au sort. Que dans cette position, le procès de Carrier doit être porté sans tirage au sort devant la section qui se trouve saisie de celui du comité révolutionnaire de Nantes, que d’ailleurs la loi du 22 vendémiaire ordonne que le Tribunal s’occupera sans discontinuer de l’affaire du comité révolutionnaire de Nantes, de ses complices et adhé-rens. Qu’en principe le ministère public ne peut jamais être récusé, que Carrier d’ailleurs ne présente aucun moyen valable et récusation contre le président, juges et substitut de l’accusateur public du Tribunal ; lesquels ne remplissant d’autres fonctions envers les accusés que de diriger les débats et faire l’application de la loi. Le Tribunal ordonne que sans s’arrêter aux observations présentées par Carrier accusé, il sera procédé et passé outre à l’instruction du procès contre lui par la section des président, juges et substitut de l’accusateur public qui instruit le procès du comité révolutionnaire de Nantes. Et de suite, à la même audience, le citoyen Celet substitut de l’accusateur public a requis qu’attendu que l’article 13 de la loi du 5 septembre 1793 ci-dessus cité porte que les procès qui seront connexes à celui dont une section sera saisie, seront portés devant cette section sans tirer au sort, que l’accusation décrétée par la Convention nationale contre Carrier sera suite et est connexe avec celle dont la section des jurés du tribunal en exercice est actuellement saisie, que Carrier d’ailleurs n’a proposé contre les jurés que des allégations vagues et dénuées de fondemens, il voit sans s’arrêter aux prétendus moyens de récusation proposés par Carrier contre les jurés au procès actuel dont il sera débouté, et ordonné qu’il soit passé outre à l’instruction du procès contre Carrier et les autres coaccusés. Le Tribunal faisant droit sur les réquisitions de l’accusateur public ci-dessus, vu les lois et motifs développés, ordonne que sans s’arrêter aux prétendus moyens de récusation proposés par Carrier dont il est débouté, il sera procédé et passé outre à l’instruction du procès dudit Carrier avec les membres du comité révolutionnaire de Nantes et autres coaccusés par la section du juré qui est déjà saisie de l’instruction. La minute est signée Dobsent, président, Lavolée, Poulneau, Gaudinée et Ardouin, Wolff comme greffier. Pour expédition conforme. Signé, WOLFF, greffier. La Convention passe à l’ordre du jour (75). La Convention nationale passe à l’ordre du jour (76). 38 La Convention nationale, ouï [CLAUZEL pour] le comité de Sûreté générale, décrète que le représentant du peuple Cledel se rendra dans les départements de la Vienne, Haute-Vienne et de la Creuse ; le représentant du peuple Robin, dans ceux de l’Yonne et Seine-et-Mame ; et le représentant du peuple Tellier, dans les départements de Rhône-et-Loire, Saône-et-Loire, de l’Ain et de l’Isère. Ils sont investis des mêmes pouvoirs qu’ont les représentants du peuple en mission dans les autres départements (77). Clauzel, au nom du comité de Sûreté générale, propose le projet de décret suivant : La Convention nationale, ouï le comité de Sûreté générale, décrète que le représentant du peuple Cledel se rendra dans les départements de la Vienne, Haute-Vienne et de la Creuse ; le représentant du peuple Robin, dans ceux de l’Yonne et Seine-et-Marne, et le représentant du peuple Thuriot, dans les départements de Rhône-et-Loire, Saône-et-Loire, de l’Ain et de l’Isère. Ils sont investis des mêmes pouvoirs qu’ont les représentants du peuple en mission dans les autres départements (78). BOURDON (de l’Oise) : Thuriot est membre des comités de gouvernement ; je m’oppose à ce qu’il soit nommé avant qu’il soit rentré dans le sein de la Convention. Ne souffrons pas, citoyens, qu’on désorganise les comités, et que les pouvoirs restent toujours dans les mêmes mains ; je demande donc que Thuriot ne soit point nommé. On observe que Thuriot partirait le lendemain de sa sortie du comité de Salut public. BOURDON (de l’Oise) : Il est faux aussi que Thuriot ait été proposé aux comités. PIERRET : Je demande l’ajournement de la liste présentée par le comité de Sûreté générale, et qu’à l’avenir, pour mettre la Convention à portée de juger de la convenance des envois en (75) Moniteur, XXII, 619. Rép., n° 69 ; J. Perlet, n° 795. (76) P.-V., L, 164-165. C 327 (1), pl. 1432, p. 31. (77) P.-V., L, 165. C 327(1), pl. 1432, p. 32. Clauzel rapporteur selon C*II, 21. (78) Moniteur, XXII, 619. C. Eg., n° 831; J. Fr., n° 794; Gazette Fr., n° 1061; J. Univ., n° 1829; Ann. R.F., n° 68; J. Perlet, n° 795. 292 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mission, le comité de Sûreté générale fasse imprimer et distribuer les nominations qu’il devra faire. BERNARD (de Saintes): Je pense que c’est une grande question que celle de savoir s’il est utile ou non d’envoyer encore des représentants du peuple en mission dans l’intérieur de la République. Il est nécessaire, je crois, de rappeler à la Convention que presque partout les opinions particulières des membres envoyés ont influencé leurs opérations de telle manière que chaque département pendant ce temps semblait avoir une législation particulière, et que par ce moyen l’exécution des lois et la marche des autorités constituées ont souvent été entravées. J’invite la Convention à faire cesser ces tiraillements dangereux pour la chose publique. Je demande donc la question préalable sur les nouvelles nominations proposées par le comité de Sûreté générale, jusqu’à ce qu’il ait fait un rapport qui prouve la nécessité de créer de nouvelles missions. CLAUZEL : Je vais le prouver. Chacun sait le mal que les partisans de Robespierre ont fait dans les départements, et j’ai lieu de m’étonner que ceux qui s’opposent aujourd’hui à l’envoi des commissaires n’aient pas fait cette observation, qui leur paraît si juste, avant d’aller en mission. ( Applaudissements .) Je puis protester que le comité de Sûreté générale est avare de cette mesure, et qu’il ne la prend que quand les circonstances l’exigent. Nous savons tous jusqu’où ont été les efforts des terroristes et des hommes de sang pour arrêter les heureux effets de la Révolution du 9 thermidor dans certaines parties de la République; à Dijon, à Toulouse, etc., on s’est permis d’arrêter la circulation des écrits utiles, du Bulletin même. Citoyens, c’est pour mettre un baume salutaire sur les blessures encore saignantes des patriotes, et pour comprimer les méchants et assurer enfin l’exécution des lois, que le comité a cru devoir vous proposer des nominations. Je demande donc l’adoption du projet de décret, à l’exception de Thuriot, dont je consens l’ajournement, en observant toutefois à Bourdon que Reubell et Reverchon était présents au comité lorsqu’ils furent proposés. CAMBOULAS: Après ce que vient de dire Clauzel, il est facile de résoudre cette question, qui a été mise en avant par Bernard (de Saintes). Dans des temps orageux la Convention envoie des commissaires dans les départements; mais elle doit auparavant consulter les députations des départements sur le choix des commissaires. Jusqu’ici le comité de Sûreté générale a suivi cette marche. Depuis longtemps, l’agriculture, l’industrie étaient paralysées; tout homme qui avait des talents utiles à la société par ce fait devenait suspect et était incarcéré : ne convient-il pas aujourd’hui que la Convention ne s’identifie pas avec des mesures pareilles, qu’elle cherche à réparer tant de maux par des lois sages et positives, en tendant une main secourable à ceux qui ont été opprimés? Il est temps que la Convention réprime les malveillants, qu’elle suive l’impulsion donnée par la police, par sa correspondance. Lorsque le comité de Sûreté générale proposera quelques commissaires, citoyens, c’est à vous d’examiner s’ils ont les talents et la prudence qu’exige une mission importante. Voila vos devoirs. Je demande que la discussion se termine là, et que le projet de décret soir adopté. *** : Tout en appuyant les observations de Camboulas, je désirerais qu’aucun membre du gouvernement ne pût être envoyé en mission qu’un mois après sa sortie.... (79) Plusieurs voix : Après trois mois. *** : Car il est possible qu’un intrigant, pendant son séjour aux comités, prépare une mesure contre-révolutionnaire, qu’il irait ensuite exécuter lui-même après son remplacement. GRANET: Je demanderais pour article additionnel que le comité de Sûreté générale fût tenu de consulter les membres des députations avant d’envoyer des commissaires. CLAUZEL : Si cette proposition est appuyée, je demande à répondre. Non ! Non ! s’écrie-t-on. BOURDON (de l’Oise) : Je ne conçois pas comment de motion en motion on parvient à faire faire ainsi des lois exclusives. La Convention doit avoir toute la latitude convenable pour faire le bien. Il lui suffit d’avoir le droit qu’elle a conquis le 9 thermidor de pouvoir infirmer ou confirmer les nominations qui lui sont proposées. Ce sont là des restes monarchiques. {Murmures.) Je dis qu’il n’est rien de si mauvais. Je m’explique. La Convention n’est-elle pas la maîtresse de dire : tel ou tel individu me convient ou ne me convient pas? A quoi sert donc de proposer un terme à la sortie des comités ? Je demande l’ordre du jour sur cette proposition, motivé sur le droit que la Convention a de statuer sur les nominations. GUYOMAR : Je ne sais pourquoi on reproduit ici des idées monarchiques. Je trouve, moi, la proposition faite très-démocratique. Nous ne voulons pas que tel qui a le pouvoir intrigue pour le conserver. Je demande, moi, que les membres des comités puissent ici se retremper dans l’égalité au milieu de nous avant de retourner à d’autres emplois, s’ils en sont dignes. {Applaudissements.) Citoyens, vous avez voulu qu’entre le remplacement et la réélection à un comité à un comité de gouvernement, il y eût un mois d’intervalle ; je demande la même proportion entre l’exercice du pouvoir et la mission. {Applaudissements). Cette dernière proposition est adoptée, et l’Assemblée décrète que le représentant du peuple (79) Guyomar d’après Ann. Patr., n° 697, C. Eg., n° 832 et F.de la Républ., n° 69.