728 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il août 1790.] Car dans quel instant leur fait-il tant de confidences? C’est celui où il est sans défense. Dans quelle circonstance? C’est celle où il ne peut pas douter, d’après ce que lui a dit le se-sond témoin de la première information, que dix-sept cents hommes au moins sont auprès de lui, armés pour défendre une Constitution qu’il prétendrait renverser. Est-ce lui enfin qui les a mandés au château de Blaignac? Ils y sont venus d 'eux-mêmes : ils eu conviennent. Les connais-- ût-il ? Il croit se rappeler l’un d’eux; l’autre, il ne l’a jamais vu ni connu. Et c’est M. de Lautrec qui les rend confidents de ses plus secrètes pensées, qui leur offre de l'or, avec promesse qu’ils n'en manqueront pas s’ils veulent lui procurer deux cents hommes ! Ne perdez pas de vue, Messieurs, que la plainte du procureur du roi est du 17 juin; que c’est le même jour que ces deux témoins ont été au château de Blaignac, et qu’ils ont déposé. Mais, Messieurs, il me suffira, je pense, de vous rappeler ce qui vous a été dit dans cette tribune par un des honorables membres de cette Assemblée (1). « Qu’on me dise, a-t-il dit, que M. de Lautrec, ancien militaire, dont le corps couvert de blessures atteste la bravoure et les sacrifices faits à sa patrie ; qu’on me le représente mécontent du système de la Révolution, s’étant mis à la tête d’une compagnie de gens mécontents comme lui; qu’il vient alors publiquement pour le combattre, ce système qu'il a le malheur de croire funeste au bonheur de l”Empire : voilà ce que je pourrais croire. « Mais que M. de Lautrec, mon ami, qu’un bon Français comme lui, se soit mis à la tête d’une conspiration secrète, contre le vœu général de ses concitoyens ; qu’il se soit transformé en en-rôleur de gens sans choix ; c’est ce que je ne croirai jamais, parce que c’est en cela qu’est la plus grande invraisemblance. » Sans doute, Messieurs, la sensation que vous éprouvâtes en cet instant, et qui fut si généralement manifestée, vous ne la dûtes pas à ce premier mouvement de l’honneur qui fait qu’on se soulève et s’indigne contre tout ce qui ne respire pas la loyauté française. Vous la dûtes encore à cet autre sentiment qu’il est si naturel et si consolant d’éprouver, en n’apercevant plus que l’innocence, là où il était possible de trouver un coupable. Pour combattre ces deux dépositions, auxquelles M. de Lautrec oppose uue négative aussi puissante que peut être leur affirmative, je n’aurai donc pas besoin de vous parler des certificats de quatre municipalités, qui toutes lui rendent la justice la plus entière. Je n’ignore même pas que rigoureusement des certificats sont d’une faible autorité. Mais qu’il me soit pourtant permis d’arrêter votre attention sur l’un deux, qui rapporte un fait que toutes nos lois admettent pour servir de défense à un accusé; je veux parler du témoignage rendu à ta conduire d’un accusé, aux époques du délit ou du crime dont on informe contre lui. Or, la municipalité de la ville de Castres atteste que M. de Lautrec, depuis la fameuse nuit du 4 août, demanda de correspondre, ainsi que les autres députés, avec le comité de correspondance des communes de la sénéchaussée; que ses lettres rendues publiques, comme celles des autres dê-(1) M. d’Ambly, le 16 juillet. putés, ont toujours contenu des exhortations à la paix et à l’union, respiré le patriotisme le plus pur, l’expression de l’attachement le plus invariable aux principes de l’Assemblée, et du respect le plus profond pour ses décrets. Si donc, Messieurs, vous ajoutez à l’invraisemblance que je crois démontrée des deux seules dépositions que M. de Lautrec ait eues à combattre, les conséquences nécessaires qui résultent de sa conduite devenue publique par sa correspondance, et dans un temps où, sans doute, les improbateurs de la Révolution devaient, avoir moins de facilité à diriger leurs oninions, j’ai lieu de croire que vous adopterez sans peine le décret que votre comité me charge de vous proposer. PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, et vu ce qui résulte de l’état de la procédure instruite par la municipalité de Toulouse, en conséquence du réquisitoire du procureur du roi de la sénéchaussée de la même ville, en date du 17 juin 1790, a déclaré et déclare qu’il n’y a lieu à accusation contre M. de Toulouse-Lautrec. » M. le Président consulte l’Assemblée sur ce projet de décret. Il est adopté à l’unanimité. M. Brlois de Beaumetz. Les premières justifications d’un membre de l’Assemblée ne peuvent recevoir trop de notoriété. Je demande que l’Assemblée ordonne l’impression du rapport. (Cette impression est ordonnée.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret pour accélérer la liquidation et le payement du traitement du clergé actuel. M. Chasset, rapporteur. Messieurs, dans votre séance du 6 août, vous avez adopté 27 articles du décret qui est en discussion, et l’Assemblée est appelée aujourd’hui à se prononcer sur la fin du projet de décret en 43 articles que nous vous avons soumis. Avant d’aborder cette discussion, le comité ecclésiastique me charge de vous demander de transposer l’article 39 du projet, pour en faire l’article 28, et d’intercaler deux articles nouveaux qui prendraient les numéros 29 et 30. Je vais vous donner lecture du premier de ces articles qui était primitivement l’article 39. « Art. 28. L’Assemblée ayant déclaré nationales toutes les dettes passives légalement contractées par le clergé, et entendant y comprendre celles qui seront reconnues, suivant les règles qui seront incessamment déterminées, légitimement contractées pav les corps, maisons et communautés séculiers et réguliers, dont l'administration a été reprise en vertu du décret des 14 et 20 avril dernier; déclare pareillement nationales toutes les dettes actives du même corps, maisons et communautés ; en conséquence, il ne pourra être ordonné par aucun administrateur, ni être fait par les receveurs des districts auxdits corps, aucun payement des sommes provenant des causes énoncées eu l’article ci-dessus. » (Get article est adopté sans discussion.) M. Chasset, rapporteur , donne lecture de l’article 29 nouveau, qui est ainsi conçu : {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [il août 1790.) « Art. 29. Toutes les sommes qui doivent être versées dans les caisses des receveurs de districts seront payées par les debiteurs, nonobstant toutes saisies, arrêts ou oppositions existant entre leurs mains, lesquelles tiendront entre celles desdits receveurs. » (Cet article est adopté également sans discussion.) M. Chasse! lit l’article suivant, qui est le second d* s articles nouveaux proposés par le comité ecclésiastique. « Art. 30. Les fermiers dont le prix de bail sera en denrées, ainsi que les redevables de rentes de même nature, seront tenus de payer en argent d’après l’évaluation des denrées portée dans le tableau déposé au greffe de la justice royale du lieu, au moment de l’échéance des termes, et il leur sera donné, pour faire leur payement, un délai de trois mois après l’échéance des termes. » M. Ce Bois-Desguays propose de rédiger l’article de la façon suivante : « Lorsque le prix des baux sera stipulé en grains, il sera fait, par-devant le directoire du district, une adjudication dans la forme prescrite des grains, ou autres fruits à percevoir sur ces fermiers, et le prix de cette adjudication sera versé dans la caisse du receveur. » Un membre présente un autre amendement tendant à « ordonner au fermier de porter ses grains sur le marché le plus voisin, à charge de lui tenir compte des frais de voiture, s’il y a lieu, si si mieux n’aime ledit fermier payer en argent. » M. Buffy propose un troisième amendement en ces termes : « Les fermiers, dont les redevances seront en grains ou fruits, pourront, à l’échéance indiquée par leur bail, apprécier lesdits grains ou fruits d’après le prix du marché, et ils pourront différer le payement de trois mois, à dater du jour de l’appréciation ; et, en cas qu’ils ne voudraient pas apprécier, ils seront tenus de livrer en nature, conformément à leur bail, et les directoires de district feront vendre ces grains ou fruits le plus tôt possible. » Divers membres demandent la question préalable sur ces trois motions. La question préalable est adoptée. M. le Président met aux voix le nouvel article 30 proposé par le comité. Il est adopté sans changement. M. Chasset, rapporteur , lit les articles 28 à 37 qui deviennent lesarticles 31 à 39. Ils sont successivement mis aux voix et adoptés dans les termes suivants : « Art. 31. Les fermiers et locataires principaux payeront au receveur du district dans lequel se trouvera le chef-lieu du bénéfice, ou de l’établissement des corps dont ils tiendront les biens, quelque part qu’ils soient situés, sous l’exceulion énoncée en l’article 27, laquelle aura également lieu pour les articles 32, 33, 34 et 35 ci-après. «Art. 32. Cependant, s’ils tiennent leurs baux du même bénéficier, ou u’un même corps, à des prix distincts et séparés pour des biens dépendant du même bénéfice ou du même corps, et situés dans différents districts, ou dépendant de plusieurs bénéfices, et situés également dans des 729 districts différents, ils payeront au receveur du distnct de la situation des biens. « Art. 33. S’ils tiennent d’un seul bénéficier les biens dépendant de plusieurs bénéfices situés dans différents districts, et si les baux ne contiennent pas des prix distincts et séparés, ils payeront au receveur du district où se trouvera le bénéfice du plus grand produit. « Art. 34. Les sous-fermiers qui n’auront pas été par le bail, délégués à payer au bailleur lui-même, payeront au fermier principal, à la charge de donner préalablement au receveur de district connaissance du sous-bail, et celui-ci, de l’avis du directoire, pourra faire entre les mains des sous-fermiers telles saisies, arrêts ou oppositions qu’il jugera convenables pour la sûreté des deniers. « Art. 35. Tous les autres débiteurs payeront au receveur du district de l’établissement du corps ou du chef-lieu du bénéfice, de la manière qu’ils étaient tenus de payer auxdits bénéficiers et aux-dits corps. * Art. 36. Lesdits débiteurs seront tenus de déclarer dans la quinzaine, à compter de la publication du présent décret, aux secrétariats des. districts indiqués par l’article ci-dessus, ce qu’ils devront, à peine d’une amende de la valeur de la somme due, à l’exception cependant des redevables des cens et rentes ci-devant seigneuriales et foncières. « Art. 37. Seront pareillement tenus les fermiers, locataires et tous autres concessionnaires, ou prétendants-droit de jouir des biens nationaux, à quelque titre que ce soit, dedéclarerdans le même délai, les fermiers et locataires, savoir: aux secrétariats des districts où ils doivent payer, suivant les articles 31, 32 et 33, et les autres aux secrétariats des districts où se trouveront les chefs-lieux d’établissement des corps ou des bénéfices dont lesdits biens dépendront, comment, en vertu de quoi il prétendront jouir, et de représenter et faire parapher leurs titres. «Ils déclareront, en outre, s’ils ont promis payer quelques sommes à titre de pot-de-vin, signé quelques promesses ou billets en augmentation du prix de leur bail ou concession. « Art. 38. Ceux qui refuseront de faire leur déclaration et ceux qui seront convaincus d’en avoir fait une fausse, ou d’avoir recélé la promesse de quelques pots-de-vin , seront et demeureront de plein droit déchus de toute jouissance, et seront condamnés en une amende de la valeur des sommes qu’ils auraient recélées. « Art. 39. Les sommes dues pour pot-de-vin, qui resteront à payer, seront divisées en autant d’années que celles pour lesquelles les baux auraient été faits, et ce qui sera déterminé pour les années antérieures à l’année 1790, ou pour être représentatif des fruits de 1789, sera payé auxdits bénéficiers, ainsi qu’il est dit en l’article 27. M. Chasset, rapporteur , lit l’ancien article 38 qui prendrait dans le décret le numéro 40. Cet article est ainsi conçu : « Art. 38 (ancien). Ceux desdits bénéficiers qui auront reçu (bs sommes pour pots-de-vin, seront tenus de verser dans la caisse du receveur du district ce qui sera déterminé pour l’année 1790 et pour les suivantes. » M. l’abbé Gouttes. Vous ne pouvez disposer que pour l’avenir et vous ne devez pas commettre une injustice sur ce qui a été légitimement fait