[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1790.] 735 M. Fréteau. Constater ce dépôt, ce serait consigner un faux dans les archives ; insérer au procès-verbal la remise des pièces sur le bureau, ce serait en supposer l’acceptation par l’Assemblée. Un dépôt ne peut s’effectuer que par le concours de la volonté de celui qui dépose et de celui qui reçoit : l’Assemblée, en passant à l’ordre du jour, n’a pas manifesté la volonté de recevoir le dépôt. Je propose d’exprimer ainsi le fait qu’il s’agit de rappeler dans le procès-verbal : « Un membre ayant présenté une demande, au nom d’un député absent, et ayant offert de déposer des pièces sur le bureau, l’Assemblée a décidé de passer à l’ordre du jour. » (Cette rédaction est adoptée par l’Assemblée.) M. l’abbé Dumouchel, recteur de V Université de Paris. L’approche de la fête la plus mémorable qui ait jamais été célébrée, l’ardeur d’une jeunesse qui a déjà manifesté ses sentiments patriotiques, nous ont invités à accélérer la distribution solennelle des prix. Nous avons cru que le jour où. la nation allait sceller le contrat immortel qui lui donne des droits à la reconnaissance de tous les peuples de l’univers, devait être noté dans le cœur de nos jeunes élèves par des circonstances particulières. — Ce serait un spectacle bien intéressant que celui où cette jeunesse pourrait recevoir sous vos yeux les récompenses qui lui sont distribuées à la fin de chaque année ! L’Université de Paris, par la nature de ses établissements, est l’école de la France entière : c’est à ce titre que nous vous supplions de venir couronner de vos mains des enfants de la patrie. Quel enthousiasme votre présence ne fera-t-elle pas naître dans ces jeunes cœurs, destinés à recueillir tous les fruits de vos travaux ! J’ai l’honneur de vous supplier de nommer une députation pour assister à la distribution solennelle des prix qui se fera lundi prochain dans les écoles de la Sorbonne. (L’Assemblée décide qu’une députation de vingt membres assistera à cette cérémonie.) M. le Président fait lecture d’une lettre par laquelle M. Rollin demande s’il peut continuer les poursuites, pour le payement d’une lettre de change, contre un membre de l'Assemblée nationale. M. Brio!» de Beaumetz. L’Assemblée ne peut pas soustraire à des poursuites légitimes un de ses membres qui a eu l’imprudence de s’y exposer; mais elle ne peut pas non plus permettre qu’il soit détenu en prison sans un jugement préalable. Ce principe tient à l’inviolabilité des membres de l’Assemblée nationale ; ce qui est moins leur privilège que celui delà nation. Je puis citer en exemple ce qui se passe au parlement d’Angleterre. Quelle est sur cela la rigidité de ses maximes? Il permet qu’un de ses membres accusé de félonie ou de haute trahison soit arrêté. Vous avez été plus favorable que lui, puisqu’un député de l’Assemblée nationale ne peut être constitué prisonnier sans un jugement préalable de l’Assemblée. Ne vous laissez pas entraîner par une indignation vertueuse, méfiez-vous de vos propres sentiments, et souvenez-vous que l’inviolabilité est ie privilège du peuple. M. Fréteau. On n’a pas parlé de l’exception de la main-mise et du flagrant délit. Quant au civil, le particulier qui réclame a rempli les formes en consultant l’Assemblée nationale. M. Popnlus, Quoi qu’on puisse dire de l’inviolabilité des membres de l’Assemblée nationale, je vois qu’elle doit être bornée aux opinions qu’ils profèrent dans cette Assemblée. Une fois sortis d’ici, nous rentrons dans la classe ordinaire des citoyens, et nous sommes comme eux soumis à toutes les lois. M. Camus. Si nous prétendons donner aux députés une sauvegarde pour ne pas payer leurs dettes, il faut que 1 Assemblée les paie pour eux. (On demande le renvoi au comité de Constitution.) M. l’abbé Colaud. de la Salcette. Nous n’avons pas besoin de l’avis du comité pour savoir si nous devons payer nos dettes. La discussion est fermée, et l’Assemblée rend le décret suivant: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre que le sieur Rollin a adressée à son président, a décrété et décrète que son président est chargé de répondre au sieur Rollin, qu’elle trouve juste qu’il exerce contre son débiteur tous les droits et toutes les contraintes que lui assure la loi. » — Les anciens officiers municipaux de la ville d’Alençon font un don patriotique de 40 mille livres, provenant du capital de leurs anciens offices, qu’ils remettent à l’Etat. M. Merceret, curé de Fontaine-lès-Dijon. Vous connaissez la protestation d’une des parties de cette Assemblée ; je l’ai signée, et je viens déclarer que je renonce à cet acte de minorité. Si j’y ai accédé d’abord, j’assure avec loyauté que je n’y ai pas été poussé par l’intérêt personnel, je n’ai souffert en aucun cas des sacrifices qu’on a imposés au clergé ; je n’ai eu d’autre motif que de manifester mon vœu pour la religion de nos pères. J’ai cru joindre mon hommage à celui que l’Assemblée lui a rendu dans son décret. Mais puisqu’il existe des malveillants qui s’efforcent d’en tirer des inductions capables de fomenter des troubles désastreux, je dois leur enlever ce coupable prétexte. Je rétracte ma signature, et je supplie l’Assemblée nationale d’agréer cette rétractation d’un député fidèle à sa patrie. Je vois avec allégresse s’approcher le jour où nous n’allons former tous qu’un peuple de frères, et réunir nos forces pour le maintien de la Constitution. Mettons de côté les haines et les intérêts particuliers, pour donner l’exemple d’une vertueuse liberté. Puisse 1e nom français deveniràjamais célèbre partout où il y aura des hommes ! — Je demande que ma rétractation soit insérée dans le procès-verbal. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Régnant! (de Saint-Jean-d' Angêly), secrétaire, donne lecture du procès-verbal delà séance d'hier, mardi au soir. Ce procès-verbal est adopté. M. Dupont (de Nemours ), autre secrétaire , lit une note des différentes lettres patentes et proclamations expédiées sur divers décrets de l’Assemblée nationale. Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de l'Assemblée nationale. « 1° D’une proclamation sur le décret de l’As-semblée nationale du 1er juin, portant que chaque 736 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1790.] mois les reveveurs généraux des finances et ceux des impositions de Paris, fourniront un état de leur recette, tant sur l’arriéré des rôles de 1789 et années antérieures, que sur les recouvrements, à compter de ceux de 1790; « 2° De lettres patentes sur le décret des 6 et 7 juin, portant que le caissier et administrateur général, et tous dépositaires du prix des domaines et bois, seront tenus de verser dans la caisse des receveurs des districts le montant des quarts de réserve des bois des communautés, tant ecclésiastiques que laïques ; « 3° D’une proclamation sur le décret du 9, portant que toutes les anciennes ordonnances sur la nature et les formes du service militaire, notamment sur la police des spectacles, doivent être exécutées provisoirement ; « 4° D’une proclamation sur le décret du même jour, relatif aux citadelles, forts et châteaux qui existent actuellement dans le royaume, et notamment à la citadelle de Montpellier ; « 5° De lettres patentes sur le décret du 11, concernant l’imposition de la somme de 4,000 liv. à lever en deux années par les officiers municipaux de Salins; « 6° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise la municipalité d’Escutalens à emprunter une somme de 500 livres; « 7° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant la conversion, pour une année seulement, des droits perçus à la boucherie, dans la ville de Montpellier, en une taxe personnelle ; « 8° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise la municipalité de Valentine à imposer une somme de 500 livres, et à retirer de la caisse de la province plusieurs sommes qui y sont déposées ; « 9° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise la municipalité de Mirepoix à imposer une somme de 2,000 livres sur la capitation ; « 10° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de Fontenay-sous-Mailly-le-Château, à faire un emprunt de 800 livres ; a 11° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l’imposition de la somme de 500 livres à lever par les officiers municipaux d’Estroux ; « 12° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l’emprunt à faire par tes officiers municipaux de Chapet d’une somme de 300 livres ; « 13° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l’emploi à faire par la ville de Vezelay en ateliers de charité, d’une somme de 2,000 livres; « 14° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la commune de Chalvraine à faire un emprunt de 6,000 livres; « 15° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l’imposition de la somme de 3,000 livres à lever dans la ville de Moissac ; « 16° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville du Mur-de-Barrès à toucher entre les mains du correspondant de l’administration provinciale de Haute-Guyenne la somme de 2,000 livres ; « 17° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l’imposition de la somme de 4,000 livres à lever en 4 années par les officiers municipaux de Chevreuse ; u 18° D’une proclamation sur le décret du 12, relatif à l’inscription des citoyens actifs sur les registres de service des gardes nationales; « 19° D’une proclamation sur le décret du même jour, portant que le règlement provisoire proposé par le conseil général de la commune de Uaen, et par l’état-major de la garde nationale de la même ville, sera provisoirement exécuté ; « 20° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la commune de Valais, département de la Haute-Saône, à employer en achat de grains une somme de 2,000 livres; « 21° De lettres patentes sur le décret du 13, portant abolition des retraits de bourgeoisie, d’habitations et autres ; « 22° De lettres patentes sur le décret du même jour, portant que les deniers des dons patriotiques continueront à être versés aux payeurs des rentes de l’hôtel de ville de Paris, et détermine les payements auxquels ils pourront être employés ; « 23° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux du bourg de Mouton en Auvergne, à faire un emprunt de 6,000 livres; « 24° De lettres patentes sur le décret du 14, portant suspension des procédures relatives aux dédommagements dus à raison des dégâts sur les terrains et marais desséchés; c 25° De lettres patentes sur le décret du 15, concernant les droits connus sous la dénomination de criées de Mons ou domaine du Hainault, auxquels la ci-devant province du Hainault demeure assujettie; « 26° D’une proclamation sur le décret du 16, qui fixe définitivement à Vervins le chef-lieu du district de Guise; « 27° D’une proclamation sur le décret du 17, qui mande à la barre différents particuliers des villes de Nîmes et d’Uzès, qui ont signé des délibérations contenant des principes dangereux et propres à exciter des troubles et des dissentions dans le royaume, et ordonne qu’il sera informé des troubles arrivés dans la ville de Nîmes; « 28° De lettres patentes sur le décret du 18, concernant la dîme; « 29° De lettres patentes sur le décret du 20, qui autorise les villes, bourgs, villages et paroisses auxquels les ci-devant seigneurs ont donné leurs noms de famille, à reprendre leurs noms anciens ; « 30° D’une proclamation sur le décret du même jour, portant que les quatre figures enchaînées au pied de la statue de Louis XIV, à la place des Victoires, seront enlevées; « 31° De lettres patentes sur le décret du 21, portant établissement d’une cour supérieure provisoire à Dijon; « 32° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant les biens et dîmes en France et dans l’étranger, possédés respectivement par des bénéficiers, corps, communautés et propriétaires laïques, français et étrangers ; « 33° D’une proclamation sur le décret du 22, portant que la ville d’Angers demeurera définitivement le siège de l’administration du département de Maine-et-Loire ; « 34° D’une proclamation sur le décret du même jour, relatif à la municipalité de Montmartre; « 35° D’une proclamation sur le décret du même jour, portant que la ville de Chaumont [Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1790.] 737 demeurera définitivement le siège de l’administration du département de la Haute-Marne; « 36“ D’une proclamation sur le décret du 24, portant que les commissaires du roi, pour l’établissement des corps administratifs du département et des districts de la Charente-Inférieure, sont autorisés à ordonner les convocations prescrites, relativement aux députés des gardes nationales qui doivent se rendre à la confédération générale qui aura lieu le 14 juillet ; « 37« D’une proclamation sur le décret du 25, concernant la municipalité de la ville de Riom ; « 38° D’une proclamation sur le décret du 26, qui déclare que, pour les élections de cette année seulement, la quittance de la contribution patriotique doit tenir lieu d’imposition directe aux maîtres, professeurs et principaux des collèges de Paris ; « 39“ D’une proclamation sur le décret du même jour, portant que la ville de Saint-Florentin demeurera définitivement chef-lieu de son district;' « 40° D’une proclamation sur le décret du même jour, concernant M. de Lautrec; <« 41° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant la' perception des droits d’aides à Beauvais sur les bestiaux les jours de francs marchés ; « 42“ D’une proclamation sur le décret du même jour, qui déclare que les commissaires nommés par le roi pour la formation des assemblées administratives du département du Nord , sont chargés de tenir la main, lors des assemblées électorales, à l’exécution des décrets qui les. concernent; « 43“ Et enfin d’une proclamation sur le décret du 20 avril dernier, concernant le sieur de la Borde, lieutenant-général de Grécy. Paris , ce 6 juillet 1790. M. d’Eslourmel. Je viens appeler l’attention de l’Assemblée sur le siège archiépiscopal de Cambrai, et je demande s’il ne doit pas être conservé comme métropolitain des évêchés étrangers d’Ypres et de Namur. M. Prieur. Cette discussion n’est pas à sa place en ce moment et j’en demande le renvoi à l’ordre du soir. (Cette motion est adoptée.) M. Camus. Je viens prier l’Assemblée d’autoriser le commis du contre-seing à séjourner encore dans son ancien bureau, jusqu’à ce que celui qu’on vient de lui préparer soit devenu plus salubre par l’effet du temps qui en chassera l’humidité. (L’Assemblée autorise son président, assisté des commissaires-inspecteurs, à prendre toutes les mesures qu’il croiran écessaires à cet effet.) M. le Président. Une députation de V ancienne garde des ponts de Paris, actuellement incorporée dans la garde nationale, demande à être admise à la barre pour présenter une pétition. L’Assemblée renvoie celte pétition au comité des rapports. M. de Caipaud (ci-devant comte), député de la Basse-Marché, absent par congé, expose par lettre, que le mauvais état de sa santé lui rend très difficile de rejoindre l’Assemblée, mais qu’il obéira néanmoins aux ordres qu’elle lui donnera à ce sujet. lre Série. T. XVI. L’Assemblée accorde à M. de Laipaud une prolongation de coügé. M. le Président présente une adresse du sieur Naudier, marchand d’estampes, qui prie l’Assemblée de lui permettre de faire hommage d’un Canon de messe, consistant eu trois cartons richement encadrés, et sur lesquels sont gravées' les diverses parties de l’ordinaire de la messe, pour être déposé sur l’autel de la patrie au champ de Mars, lors de la confédération. ; L’Assemblée agrée le tribut de zèle du sieur Naudier. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du nouveau projet sur l'ordre judiciaire. : Dans sa séance du 5 juillet, l’Assemblée a adopté les 21 articles qui forment le titre 1er. M. le rapporteur va donner lecture des articles du titre II. - M. Thouret, rapporteur . Messieurs, vous avez à vous occuper du titre et du projet cbn-cernant l’ établissement des juges de paix. Pour éclairer la discussion et accélérer la délibération, je crois utile de vous rappeler les motifs qui ont déterminé le comité. — L’institution des juges de paix est connue chez plusieurs nations, filles ont varié sur le motte de l'établissement. Le désir le plus générai, pour le fond de la chose en elle-même, est de procurer aux habitants des campagnes une justice prompte, facile, et, pour ainsi dire, domestique, qui n’exige pas l’appareil d’une procédure ruineuse, et qui ne demande pas d’autres lois que les indications du bon sens* c’est sans doute un grand bienfait pour des citoyens longtemps dupes des praticiens. Ou ne verra plus les chemins qui conduisent des villages aux villes, couverts de plaideurs, allant consulter des juges faits plutôt pour embrouiller que pour décider le3 différends. Pour être juge de paix, il suffira d’avoir les lumières de l’expérience et d’un bon jugement, et l'habitude des contestations. Ces juges seront semblables aux citoyens qui décident aujourd'hui ea qualités d’armtres. La justice sera dégagée des frais qui absorbent les capitaux qui sont l’objet des contestations, des formes qui obscurcissent tellement les procès, que le juge le plus expérimenté ne sait plus qui a tort ou a raisôa. Cet établissement déchargera les autres tribunaux d’uue multitude de causes qui les embarrassaient en ruinant les plaideurs. Pour bien juger de ces avantages, il ne suffira pas d’examiner les premières élections; il faut semer, il faut protéger la cruè de la jeune plante, pour pouvoir ensuite en recueillir les fruits. Par les effets salutaires de notre Constitution, l’agriculture sera plus honorée, et le séjour des champs plus recherché. Lés campagnes seront peuplées d’hoinmes de mérite dans tous les genres. Pourra-t-on leur confier un poste plus honorable que celui déjugés de paix? Je le demande à chacun de vous : de retour dans votre département, ne croiriez-vous pas recevoir une grande faveur, si la confiance vous appelait à une place où l'hdnuete homme pourra faire tant de bien? Rien n’est plus digne de l’esprit de popularité de cette Assemblée que cette institution; mais si les juges de paix n’étaient que des médiateurs, ils deviendraient bientôt inutiles : tous leurs efforts û’arrêteraient pas les plaideurs : votre comité vous proposera doue de réuDir en eux le double caractère de médiateur 47