[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] 681 SECTION II • Création des notaires publics. Art. Ier. « Il sera établi, dans tout le royaume, des fonctionnaires publics chargés de recevoir les actes exirajudiciaires et volontaires qui sont actuellement du ressort des notaires royaux et autres, et de leur donner le caractère d’authenticité attaché aux actes publics. » (Adopté.) Art. 2. « Ces fonctionnaires porteront le nom de notaires publics; ils seront institués à vie, et ils ne pourront être destitués que pour cause de prévarication préalablement jugée. » (Adopté.) M. Frochot, rapporteur, soumet à la délibération l’article 3, ainsi conçu : « Les actes des notaires publics, même les testaments, codicilles, souscriptions de testaments olographes, en quelque lieu du royaume que ce soit, nonobstant les coutumes, droits et usages à ce contraire, seront passés et signés, soit par 2 notaires publics, soit par un seul notaire public en présence de 2 témoins domiciliés dans le lieu, ayant 21 ans accomplis et sachant signer. » MM. Craultier-Biauzat et JBewbell s’attachent à établir le danger de n’avoir que 2 témoignages en matière testamentaire, puisque des fripons pourraient facilement tromper les familles avec 2 faux témoins et un notaire infidèle. A la suite de ces observations, l’article modifié est mis aux voix comme suit : Art. 3. « Provisoirement et jusqu’à la confection du Gode civil, ies actes des notaires publics seront reçus dans chaque lieu suivant les anciennes formes; et néanmoins, dans les lieux où la présence de 2 notaires était textuellement requise et déclarée suffisante pour certains actes, ces mêmes actes pourront être reçus par un seul notaire public et 2 témoins âgés de 21 ans, sachant signer, et ayant d’ailleurs les autres qualités requises. » (Adopté.) M. Frochot, rapporteur , donne lecture de l’article 4, ainsi conçu : « Le droit qui, dans certains lieux, avait été accordé aux recteurs, curés ou à toutes autres personnes, de recevoir des testaments ou autres actes, est aboli. » Plusieurs membres combattent cette disposition. M. Babel insiste pour l’adoption de l’article. (La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 1791, AU SOIR. Rapport des comités de Constitution et de judi-cature sur les offices de notaires , par M. Frochot. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, Des diverses institutions créées sous l’ancien régime, ou subsistant avec lui, l’institution des notaires est à peu près la seule qui n’ait pas encore été soumise à votre examen; soit parce qu’elle est en effet la moins vicieuse de celles que vous aviez à réformer, soit parce qu’elle semble liée moins directement au sort de la Constitution que vous avez dû consolider pardessus tout, et avant de descendre aux parties secondaires de l’organisation sociale. Vous n’ambitionnez pas l’occasion de détruire pour obtenir la gloire de créer, et plus d’une fois l’on vous a vu gémir de trouver tout à faire, là où vous cherchiez à conserver. Ainsi, pour se conformer aux intentions qui vous dirigent, et avant de vous soumettre aucunes vues nouvelles sur l’état des notaires, vos comités ont dû se convaincre de la nécessité d’en proposer ; ils ont dû rechercher attentivement, si l’organisation de cette classe de fonctionnaires ne pourrait pas subsister en son entier, et s’unir avec le nouvel ordre de choses où leur institution ancienne se trouve, pour ainsi dire, transplantée. Le premier point à examiner, c’est l’objet de l’institution elle-même ; les fonctions des notaires, considérés uniquement comme des rédacteurs des conventions, sont-elles des fonctions nécessaires? Sur cette première question nous n’avons pas hésité longtemps, et nous ne pensons pas avoir beaucoup de contradicteurs. Il importe à la société que des citoyens illettrés aient la faculté de contracter, et puisqu’ils ne peuvent établir par eux-mêmes leurs conventions, il est bon et utile pour la société, il est juste envers eux qu’une main étrangère supplée à celle qui leur manque, et rédige l’engagement qu’ils n’ont pu ni tracer ni souscrire. Indépendamment des illettrés proprement dits, il existe une classe bien plus nombreuse, peut-être, d’illettrés en affaires , d’hommes absolument incapables, soit de concevoir, soit de motiver et d’arrêter leurs conventions; en vain le législateur a voulu que l’ignorance des lois ne pût être présumée; il avait besoin de cette abstraction pour enlever aux réfractaires une trop facile excuse; mais cette ignorance n’en est pas moins dans la majorité des hommes, un fait positif impossibleà révoquer en doute : or, il importe également que ceux-là contractent, et s’il est vrai que la société ne leur doive pas physiquement les mêmes secours qu’aux premiers, son intérêt exige encore que des hommes plus expérimentés viennent éclairer leurs concitoyens, et les garantir de ces erreurs funestes qui, en dispersant les fortunes particulières, attaquent, d’une manière plus ou moins sensible, l’ordre et la fidélité publique. Sans remonter en ce moment à de plus hautes considérations, il est donc demeuré constant pour vos comités, que, fût-ce uniquement sous