404 [Convention nationale.] le département a cassé tous les actes qu’il avait signés, en faisant précéder son nom de famille de celui de Socrate. Thibaudeau observe à ce sujet que depuis qu’on a commencé à changer de nom, une foule d’aristocrates ont usé de ce moyen pour mas¬ quer leurs sentiments, profanant ainsi ce que l’antiquité nous avait transmis de plus respec¬ table. Il demande que le comité de législation soit chargé de présenter un projet qui déter¬ mine les cas où le changement de nom pourra être permis. Danton appuie cette motion. Il pense que ce n’est qu’après la mort que l’on peut prononcer s’il y a de l’analogie entre un moderne et un ancien, parce qu’ alors la prévention et la flatterie n’égarent plus les suffrages. On ne sau¬ rait, cependant, continue-t-il, empêcher un homme de rougir du prénom qu’on lui a donné sans le consulter, ni lui faire un crime de ne vouloir plus s’appeler Claude ou Georges. Mais à présent qu’il n’y a plus de saints, qu’il choi¬ sisse dans le nouveau calendrier et prenne telle dénomination qu’il voudra, pourvu que le nom de famille soit conservé, car autrement ce sera bouleverser l’ordre social. Il est décrété qu’on ne pourra changer son nom de famille et que le changement ne sera permis qu’à l’égard du prénom, d’après le mode qui sera présenté par le comité de légis¬ lation. (samedi 28 décembre 1793), p. 122, col. 1] et le Journal de Perlel [n° 462 du 8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793), p. 219j rendent compte de la plainte du citoyen Maillard dans les termes suivants : I. Compte rendu du Mercure universel. Le conseil de la commune de Langres a cassé les actes d’un président du bureau de conciliation qui avait pris le nom de Socrale pour prénom. Un membre fait observer que maintenant les aristocrates prennent des noms de républicains. Il veut que cela leur soit défendu. Danton fait observer que les noms fameux de l’antiquité ne peuvent être raisonnablement adoptés par personne. Ces tournures de noms ampoulés ne montrent que mieux, dit-il, la nullité de l’individu qui le porte. Il est des aristocrates qui boivent fort bien la ciguë dans des verres dorés. Je propose que l’Assemblée décrète que nul ne pourra adopter de prénoms s’il ne les prend dans le nouveau calen¬ drier. (On ril.) L’Assemblée renvoie cette proposition à son comité pour en faire un rapport. II. Compte rendu du Journal de Perlel. Maillard, fonctionnaire public de Langres, se plaint de ce que cette commune a déclaré nuis tous les actes par lui passés sous le nom de Socrate Maillard. Danton demande à ce sujet que nul ne puisse changer de nom, mais seulement de prénom, en lui substituant toutefois un pris dans le nouveau ca-[ondrier. Le tout en renvoyé aux comités de législation et de Salut public. 7 nivôse an U 11 décembre 1 793 Suit le texte de V arrêté du conseil général de la commune de Langres qui a donné lieu à la plainte du citoyen Maillard (1). A la Convention nationale. Extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune de Langres, en la séance du conseil général de la commune de Langres, du 23 frimaire, l’an II de la République fran¬ çaise, une et indivisible. Le citoyen maire a donné lecture d’une péti¬ tion, adressée au conseil général de la commune par le citoyen Denis-Pierre Maillard, et son élève Clément, enfant de la patrie, dont la teneur suit : « Citoyens, « Au moment où la raison guidée par la phi¬ losophie, marche en souveraine sur la terre de la liberté, où le fanatisme expirant descend dans le tombeau de la tyrannie, où la véritable religion, qui n’est que la soumission aux lois et l’observance des devoirs sociaux, triomphe de l’erreur, de la tradition mensongère et sacerdo¬ tale, les républicains doivent professer publique¬ ment les principes de la vérité depuis si long¬ temps enchaînés par l’ignorance, les préjugés et la superstition. « J’en veux donner l’exemple, en me débap¬ tisant des deux noms Denis et Pierre, qui, dans les fables anciennes, n’offrent, Denis le guillo¬ tiné, que le charlatanisme du miracle, dont la traduction physique est mensonge, et Pierre que le caractère de l’imposteur. Je vous demande le baptême civil, et le nom de Socrate, le véri¬ table apôtre de la vertu. C’est lui qui a démon¬ tré avec tant d’évidence la nécessité de se tenir dans un état de guerre contre ses passions, et dans un état de paix contre les passions des autres. « Je vous demande aussi le baptême civil pour un enfant naturel de la patrie, nommé Clément, que je vous ai demandé, et que vous avez confié à mes soins paternels, il y a un an. « Cet enfant, dont le cœur s’est conservé pur, quoique élevé dans le fanatisme et l’aristocra¬ tie, prouve qu’il faut étrangement violer la nature, pour lui imprimer les caractères du vice et de l’erreur. Aimant la vérité, chérissant la vertu, il consume sa jeunesse à regretter de ne pouvoir atteindre que dans six ans l’âge où il sera admis à signaler dans les combats contre les tyrans, son amour pour la liberté et l’égalité. « Avec une grande justesse d’esprit, il appré¬ cie, il admire les héros de l’antiquité et de la Eépublique française. Il est convaincu que les fondateurs des Eépubliques, tant anciennes que modernes, n’ont pu y parvenir qu’avec des talents et un génie supérieur; mais les phi¬ losophes qui n’ont pour essence que la vertu, pour sujet d’étude que la nature, pour but que la vérité, sont les seuls patrons qu’il veut désor¬ mais invoquer et qu’il se propose pour mo¬ dèle. (1) Second supplément au Bulletin de la Conven¬ tion nationale du 7 nivôse an II (vendredi 27 dé¬ cembre 1793). ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j � 1733. 405 « Il vous demande et désire porter les noms de Caton et de Diogène. Oli le beau siècle que celui de la raison ! La vérité y développe le génie dès l’âge le plus tendre et démasque l’erreur jusque dans l’âme de l’hypocrite. « Que ne suis-je en ce moment le pontife de Rome pour offrir, en sacrifice expiatoire, à la France libre, les pouvoirs du conclave, les foudres du Vatican, les bulles du fanatisme et la malédiction des chenilles ! Rien ne serait plus agréable à la divinité, dans ce moment, où d’un souffle elle disperse et fait rentrer dans le néant les cendres de tous les titres de féodalité, des lettres de prêtrise, et des actes de baptême; mais, impuissant dans mes désirs, je me borne à renouveler au général de l’armée d’Italie, la prédiction que je fis l’année dernière à Keller-mann, qne s’il était fidèle à la République, il ferait, dans le cours de l’année, baiser sa botte au pape, et qu’ainsi finiraient les farces ultra¬ montaines. « Signé : D. P. Maillard et Clément. » Le conseil général de la commune de Langres, considérant que Socrate fut l’apôtre constant de la vertu, que l’oracle le déclara le plus sage de la Grèce; que les deux Catons se signalèrent jusqu’à la mort par des actions de courage et de vertu; que Diogène, chef des cyniques, abjura l’égoïsme au point de s’oublier toute sa vie; Considérant que la justesse et la modestie défendent l’application ou l’usurpation de ces noms célèbres; Considérant que le masque philosophique n’est qu’une parodie triviale de la vertu et contraire aux bonnes mœurs; Considérant que l’exemple de pareilles usur¬ pations pourrait renverser l’ordre civil, en con¬ fondant l’identité des personnes; qu’à l’imita¬ tion des premiers usurpateurs, l’on verrait bientôt une foule de citoyens s’arroger des noms fameux et placer, devant leurs foyers profanes, l’affiche mensongère de la sagesse; Considérant enfin que la Convention natio¬ nale a proscrit la profanation des noms sacrés d’égalité, de liberté et de Constitution; qu’il en doit être de même des noms des premiers sages de l’antiquité, noms qui, semblables aux honneurs du Panthéon, ne doivent être décer¬ nés aux citoyens vertueux et modestes que longtemps après leur mort; Arrête qu’il méconnaît le citoyen Denis-Pierre Maillard de sous le prénom de Socrate, et son élève Clément sous les noms de Caton-Diogène; que tous les actes publics ou civils, qui porteraient une semblable dénomination desdits citoyens et de tous autres seront consi¬ dérés comme nuis et non avenus jusqu’à ce que la Convention nationale en ait permis l’usage aux pétitionnaires. Arrête qu’une expédition de la présente déli¬ bération sera adressée à la Convention natio¬ nale, à la Société républicaine de Langres, au département de la Haute-Marne, au district de Langres et aux pétitionnaires. Signé à la minute : B. Varaigne, maire; VlREY; JACQUINOT; LEFEBVRE; CaILLET; Valter; Thomas; Daguin-V erlot ; Peti¬ tot aîné; Faucon; Besançon; Cardenü; Gauthier; Ldgnet; Abraham; Guer-niot et Baudot. Pour expédition conforme : B. Varaigne, maire. III. Don patriotique de la Société républicaine de Sevres-sur-Seine (1). Compte rendu du Mercure universel (2). La Société républicaine de Sèvres-sur-Seine envoie, pour les défenseurs de la patrie, 80 de¬ niers et 15 livres pesant de charpie. Mention honorable. IV. La manufacture d’armes de Clermont PRÉSENTE SES ESSAIS DE FUSILS (3). Compte rendu des Annales patriotigues et littéraires (4). Une députation de la manufacture d’armes de Clermont présente les premiers fusils qu’elle a fabriqués; elle est en pleine activité. Mention honorable. V. Don PATRIOTIQUE DE LA SOCIÉTÉ POPULAIRE d’une commune des Basses-Alpes (5). Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (6). La Société populaire d’une commune des Basses-Alpes ayant invité les citoyens à faire des dons patriotiques en linge, elle en a recueilli une quantité considérable proportionnellement à sa population. (1) Le don patriotique de la commune de Sèvres-sur-Seine n’est pas mentionné au procès-verbal de la séance du 7 nivôse an II; mais il y est fait allusion dans le compte rendu de cette séance publié par le Mercure universel. (2) Mercure universel [8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793), p. 120, col. 2]. (3) La députation de la manufacture d’armes do Clermont n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 7 nivôse an II; mais il y est fait allusion dans le compte rendu de cette séance publié par les Annales patriotiques el littéraires. (4) Annales palrioliques el littéraires fn° 361 du 8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793), p. 1630, col. 1]. (5) Le don patriotiqne de la Société populaire d’une commune des Basses-Alpes n’est pas men¬ tionné au procès-verbal de la séance du 7 nivôse an II; mais il y est fait allusion dans le compte rendu de cette 'séance publié par le Journal des Débats et <}es Décrets. (6) Journal des Débats d des DécrHs (nivôse an II n° 465, p. 102).