344 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [!•' décembre 1789-1 pose d’ajouter à la fin de cet article, qui doit contenir l’exposé des fonctions déléguées aux municipalités, les dispositions suivantes : « Le soin d’employer à des travaux utiles les membres de la commune en état de gagner leur vie , et de pourvoir à la subsistance de ceux que leur âge ou leurs infirmités rendent incapables d’aucun travail. » M. Martineau. Cet objet est celui d’un règlement particulier, que la prudence senle empêcherait de faire paraître en ce moment. Les mendiants fondraient sur les administrateurs, dans la persuasion où ils seraient que tous les moyens de secours auraient été déposés dans les mains des officiers municipaux. M. Fepellefier de Saint-Fargeau. Il ne s’agit pas de faire un règlement, mais de consacrer dans la constitution un des devoirs de la société. Il est impossible de différer plus longtemps. L’indigent se croit privé des secours qu’il obtenait du clergé. Il faut porter la consolation dans le cœur de ceux dont le désespoir pourrait être dangereux. M. Démetmier. L’amendement n’est pas à sa place dans le décret que nous discutons et je demande qu’il soit ajourné. M. Target, au nom du comité de constitution, appuie l’ajournement, qui est prononcé. L’article 42, ainsi que les articles suivants du comité sont adoptés ainsi qu’il suit : « Art. 42. Les fonctions propres à l’administration générale, qui peuvent être déléguées aux corps municipaux , pour l’exercer , sous l’autorité des assemblées administratives , sont : « La répartition des contributions directes entre les citoyens dont la communauté est composée, et sur les propriétés foncières comprises dans l’étendue de son territoire; « La perception de ces contributions ; « Le versement de ces contributions dans les caisses du district ou du département ; « La direction immédiate des travaux publics, dans le ressort de la municipalité ; « Larégie immédiate des établissements publics, destinés à l’utilité générale; « La surveillance et agence nécessaires à la conservation des propriétés publiques ; « L’inspection directe des travaux de réparation ou de reconstruction des églises, presbytères , et autres objets relatifs au service du culte. » Les articles suivants sont adoptés presque sans discussion et à l’unanimité : « Art. 43. Pour l’exercice des fonctions propres ou déléguées aux corps municipaux, ils auront droit de requérir le secours nécessaire des gardes nationales ou autre force publique, ainsi qu’il sera plus amplement expliqué. « Art. 44. Toutes les délibérations nécessaires à l’exercice des fonctions attribuées aux corps municipaux seront prises dans l’assemblée réunie des membres du conseil et du bureau municipal , à l’exception des délibérations relatives à l’arrêté des comptes, qui seront prises par le conseil seul. « Art. 45. Le conseil général de la commune, composé tant des membres du corps municipal que des adjoints notables , sera convoqué toutes les fois que l’administration municipale le jugera convenable. Elle ne pourra se dispenser de le convoquer lorsqu’il s’agira de délibérer : « Sur des acquisitions ou aliénations d’immeubles ; « Sur des impositions extraordinaires pour dépenses locales ; « Sur des emprunts ; « Sur des travaux à entreprendre ; « Sur l’emploi du prix des ventes, des remboursements ou des recouvrements ; « Sur les procès à intenter ; « Même sur les procès à soutenir dans les cas où le fond du droit sera contesté. « Art. 46. Dans toutes les villes au-dessous de quatre mille âmes, les comptes d’administration, en recette et dépenses, seront imprimés chaque année. « Art. 47. Dans toutes les communautés, sans distinction, les citoyens actifs pourront prendre au greffe, sans les déplacer et sans frais, communication des comptes, des pièces justificatives et des délibérations du corps municipal, toutes les fois qu’ils le requerront. « Art. 48. Les corps municicipaux, en ce qui regarde les fonctions qu’ils auront à exercer par délégation de l’administration générale seront en tièrement subordonnés aux administrations de district et de département. « Art. 49. Quant à l’exercice des fonctions propres au pouvoir municipal, toutes les délibérations pour lesquelles la convocation du conseil général de la commune est nécessaire , suivant l’article ci-dessus, ne pourront être exécutés qu’avec l’approbation de l’administration ou du directoire de département, qui sera donnée, s’il y a lieu , sur l’avis de l’assemblée de district ; et tous les comptes de la régie des bureaux municipaux , par le conseil municipal , seront vérifiés par les administrations ou directoires de district, et arrêtés définitivement, après avoir pris leur avis, par les administrations ou directoires du département. « Art. 50. Si un citoyen croit être fondé à se plaindre personnellement de quelques actes du corps municipal, il exposera ses griefs à l’administration ou au directoire du département, qui y fera droit après avoir entendu l’avis de l’assemblée de district, qui sera chargée de vérifier les faits. » L’article 51 , qui suit, donne lieu à de forts longs débats ; il est ainsi conçu : « Art. 51. Si les citoyens croient avoir lieu d’accuser les officiers municipaux d’infidélité dans le maniement des deniers communs, d’avoir trafiqué des droits et intérêts de la commune, ou exercé des violences arbitraires, ils signeront un mémoire de dénonciation, au nombre de cent citoyens actifs au moins, et le feront présenter à l’administration du département, qui, après l’avoir fait vérifier par celle du district, renverra la poursuite devant les juges qui en doivent connaître, et, par provision, pourra, selon la gravité des cas, suspendre de leurs fonctions les officiers prévenus. » M. l’abbé Grégoire. Je propose de faire signer Je mémoire, non par cent citoyens actifs, mais par un nombre double de celui des officiers et des adjoints qui composent la municipalité. M. Defermon. L’article n’établit autre chose que Faction populaire qui appartient à tous les citoyens. Le comité ajoute des précautions qui anéantiraient l’effet de cette action, en laissant [1er décembre 1789. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. au corps municipal le temps d’éloigner ou de faire disparaître les preuves qui pourraient exister contre lui. M. Démeunier. Cette action est entièrement consacrée par l’article précédent. Le comité a distingué les abus individuels des abus généraux et relatifs à la commune ; il est uniquement question de ceux-ci dans l’article 51. M. Pison du Galand propose cette rédaction nouvelle : a Les plaintes de tout citoyen actif sur les délits d’administration, commis par les officiers municipaux, dans l’exercice de leurs fonctions, seront signées ; elles seront préalablement portées au directoire du département, qui les renverra, s’il y a lieu, aux juges qui doivent en connaître, après avoir pris l’avis du directoire du district. » MM. Dufraisse-Duchez et de Lachèze adoptent celte rédaction. M. Rewbell. L’article du comité est absolument contraire à la liberté : il doit être rejeté purement et simplement. M. Target. L’article 50 s’applique à toutes les plaintes personnelles qu’un citoyen pourra porter. L’article 51 n’a rapport qu’à la conduite habituelle des officiers municipaux. Des vexations générales ne donneront pas lieu aux plaintes d’un seul individu; et si la commune entière ne réclame pas, il y aura sûrement encore un assez grand nombre de citoyens qui voudront faire entendre leurs réclamations. Il est possible que les signatures de cent citoyens paraissent trop considérables; mais faut-il se réduire à en exiger une seule? n’y aurait-il pas du danger à exposer les municipalités à des tracasseries continuelles et les livrer à toutes les vexations d’un seul homme ? Quand il s’agit d’un reproche de vexations habituelles et générales, si un seul citoyen rend plainte, les officiers municipaux sont justifiés. Si l’Assemblée le croyait convenable, on pourrait réduire à dix le nombre de cent. Sur le reste, j’adopte la rédaction de M. Pison du Galand. M. le comte de Mirabeau. L’article du comité indique de véritables délits qui devraient être dénoncés par tous les citoyens, et dans l’ordre actuel des choses par le ministère public ; ce serait un véritable vice constitutionnel que d’exiger la réunion d’un nombre déterminé de citoyens actifs pour faire cette dénonciation ; cette condition serait pour les officiers municipaux une sauvegarde certaine et un brevet d’impunité. Le comité de constitution nous parle de grands délits, et, pour défendre son article, il nous menace de tracasseries... Il faut convenir du principe : que la dénonciation d’un délit n’a pas besoin d’intermédiaire , et ajourner ensuite la rédaction. M. Démeunier. Je demande au préopinant si, en matière d’administration, il serait à propos d’envoyer directement la dénonciation aux cours de justice. M. le comte de Mirabeau. Je vous demande à mon tour si vous appelez délits d’administration une chose reconnue mauvaise par la loi, sitôt qu’elle est faite par un administrateur. 345 M. Démeunier. J’observe qu’il s’agit uniquement de porter au département une dénonciation préalable, qui y sera examinée, et que le jugement, s’il doit avoir lieu, sera rendu par les tribunaux. M. le comte de Mirabeau. Tout citoyen a droit de dénoncer un crime public. Voilà le principe que toutes les puissances de la terre n’anéantiraient pas. Nous ne pouvons empêcher d’exercer ce droit, je dirai même ce devoir. M. Target. Cette discussion se terminera en délibérant sur deux questions très-simples : 1° Où la dénonciation sera-t-elle d’abord portée? 2° Par quel nombre de citoyens devra-t-elle être faite? L’Assemblée délibère, et décrète successivement les principes suivants : 1 1° La dénonciation des délits d’administration sera portée par-devant le directoire du département, avant que de l’être par-devant les tribunaux. « 2° Un seul citoyen actif pourra dénoncer un délit d’administration. » Le comité est chargé de rédiger un nouvel article d’après ces principes. Le comité propose deux autres articles pour être ajoutés et mis à leur rang, si l’Assemblée les décrète : « Les citoyens actifs, après les élections faites, ne pourront ni rester assemblés ni s’assembler de nouveau en corps de commune, sans une convocation expresse, ordonnée par le conseil général de la commune, et autorisée par l’administration du département. Pourront néanmoins les citoyens se former paisiblement , jusqu’au nombre de trente, en assemblées particulières, pour rédiger et faire parvenir des adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département ou de district, soit au Corps législatif, soit au Roi. « Les citoyens chargés de la perception des impôts indirects, tant que ces impositions subsisteront, et ceux qui occupent des places de judica-ture, ne pourront être élus membres des corps municipaux. » M. Pison du Graland. Si le premier de ces articles était adopté, le droit de pétition serait refusé de fait aux citoyens. On ne peut défendre les assemblées, même nombreuses, si elles ne sont pas séditieuses ; si elles le sont, n’avez-vous pas la loi martiale? M. Prieur. Il est beaucoup de circonstances urgentes où les habitants d’une communauté doivent s’assembler sans délai : l’article exige cependant l’autorisation du département, qui se trouvera souvent éloigné de quinze ou vingt lieues. M. le eomte de Mirabeau. Les hommes non armés ont droit de se réunir en tel nombre qu’ils veulent pour communiquer leurs lumières, leurs vœux, leurs titres ; et les en empêcher, c’est attaquer les droits de l’homme ; tout ce que peut la loi, c’est de restreindre le nombre de ceux qui seront chargés de porter la pétition. M. Duport. L’article est non-seulement contraire à la liberté, mais encore à vos décrets : vous avez, par la loi martiale même, reconnu aux citoyens la faculté de s’assembler. Il présente [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [I®1' décembre 1789.] 346 aussi une question distincte : une assemblée générale peut-elle être convoquée sur la demande des citoyens? et par quel nombre cette demande doit-elle être faite ? Il me paraît impossible de ne pas diviser et ne pas changer cet article : j’en demande l’ajournement. M. le Président consulte l’Assemblée, qui prononce l’ajournement et renvoie à demain la suite de la discussion. On passe à l’ ordre du jour de deux heures. M. le vicomte de Beauharnais présente le projet d’une nouvelle division de l’Assemblée en comités qui auraient tous un département déterminé. Il croit voir dans cet arrangement la certitude d’accélérer les opérations. Les bureaux seraient entièrement détruits, et tous les comités refondus. Chaque membre se ferait inscrire sur la liste de celui auquel il se croirait le plus propre : si ces listes se trouvaient trop nombreuses, on ferait, au scrutin, un choix parmi les candidats qui se seraient présentés. M. le Président demande si la motion est appuyée. Aucun membre ne répondant, la motion n’est pas mise aux voix. L’ordre du jour appelle la discussion de la motion présentée le 9 octobre, par M. Guillotin , sur les suppliciés. (Voy. Archives parlementaires, tome IX, page 393.) M. Guillotin lit un travail sur le Code pénal. Il établit en principe que la loi doit être égale, quand elle punit comme quand elle protège : chaque développement de ce principe amène un article quel. Guillotin propose à la délibération. Ce discours est fréquemment interrompu par des applaudissements. Une partie de l’Assemblée, vivement émue, demande à délibérer sur-le-champ. Une autre partie paraît vouloir s’y opposer. M. le due de Liancourt observe qu’un grand nombre de citoyens est prêt à subir des arrêts de mort; qu’il est dès lors indispensable de ne pas différer d’un jour, puisqu’un instant de retard peut les livrer à la barbarie des supplices que l’humanité presse d’abolir; puisqu’un instant peut livrer beaucoup de familles an déshonneur dont un préjugé, absurde flétrirait les parents des coupables, et" qu’une loi sage et juste doit flétrir à son tour. L’article 1er, mis en délibération, est décrété à l’unanimité, en ces termes : « Les délits du même genre seront punis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l’état du coupable. » La discussion sur les autres articles est ajournée à demain. M. le Président donne connaissance du résultat du scrutin pour la nomination des quatre commissaires adjoints au comité de constitution. Les suffrages se sont portés sur MM. Dupont de Nemours; Bureaux de Puzv ; Aubry-Dubochet; Gossiu. — Après eux, les membres qui ont réuni le plus de voix sont : MM. Fréteau de Raint-Just, Pison du Galand et Malouet. La séance est levée à quatre heures et celle du soir indiquée pour six heures de relevée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE d’aix. Séance du mardi 1er décembre 1789, au soir (1). M. Salomon de la Saugerie, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture d’une lettre du sieur Beyeiet, citoyen de Paris, dans laquelle il fait hommage à la nation d’un ouvrage contenant le recueil de tout son travail., avant, pendant et après la négociation du traité de commerce avec l’Angleterre. M. le baron de Turckelm, l'un des députés de la ville de Strasbourg , écrit qu’il a donné sa démission à la commune le 24 novembre dernier par rapport au mauvais état de sa santé. M. le baron de Breuii de Colffier, député de la sénéchaussée de Moulins , écrit pour donner sa démission et présenter son suppléant. M. le duc de Croy, député de bailliage du Quesnoy en Hainaut, se démet également et déclare avoir écrit à M. de Nédonchelle, son suppléant. L’Assemblée consent à ces diverses démissions. On lit également une lettre de M. Dufresne, directeur du Trésor royal, portant que c’est effectivement par erreur que la liste des pensions en attribue, comme encore subsistante, une de 20,000 livres au prince de Salm-Kirbourg. Le fait est que le prince en a fait l’abandon, et a cessé d’en jouir au 1er janvier 1788 ; mais qu’il en a obtenu une réversion de 6,000 livres pour le prince Maurice son frère. On a encore lu deux lettres : l’une de MM. le Campion frères, et Guyot, par laquelle ils annoncent l’offre à l’Assemblée nationale d’un tableau, dédié à la nation, représentant la liberté du braconnier ; La seconde lettre est de M. de Lubersac, ancien vicaire général de Narbonne ; il rappelle l’offre agréée purement et simplement par l’Assemblée nationale, d’une somme de 10,000 livres, devant provenir d’ude coupe de bois et réserve qu’il est auturisé à vendre. Il demande que, pour éviter tous les retards et entraves que pourraient mettre les receveurs des bois et domaines, l’Assemblée veuille bien décréter l'offre patriotique qu’il lui a faite, parce que, ajoute-t-il, sans cette formalité, il se trouverait dans l’impossibilité de réaliser son offre. M. Salomon de la Saugerie donne lecture de la lettre suivante ; Lettre de m. mérigot jeune, libraire, A l’Assemblée nationale, en Lui adressant un exemplaire de l'Histoire universelle , etc.. Nosseigneurs, Permettez au citoyen le plus pénétré de respect pour vos décrets, de présenter aux législateurs de la nation, et aux restaurateurs de la prospérité (1) Cette séanee est incomplète au Moniteur.