310 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d [La société populaire d’Aillas à la Convention nationale, le 21 vendémiaire an III] (36) Liberté! vive la République, vive la Convention. Egalité. Citoyens representans La République vient d’échapper au plus grand danger qui l’ait menacée depuis la naissance : elle avait pour ennemis secrets ceux qui parroissaient ses plus fermes défenseurs en tournant contre elle les forces morales que la confiance avait mises entre leurs mains, ils menaient les français a la servitude par la passion qui les anime pour la liberté. Il est donc vrai que tout ce qui sort des limites de la raison et de la justice est toujours dangereux; et que l’enthousiasme qui pousse aux excès peut nous briser contres les écueils qu’il nous cache. Vous avés sauvé encore une fois la patrie et vous la sauverés pour toujours, en ne souffrant plus que la balance de la justice penche au gré des passions ? Quel est votre but ? c’est l’affermissement de la liberté, il n’y a qu’un moyen qui y conduise, c’est la justice. Otès la justice, la société n’est plus qu’un assemblage monstrueux d’oppresseurs et d’opprimés. Sitôt que la volonté générale qui n’est autre chose que la justice n’est plus le lien de l’association, la société est dissoute en effet et ne subsiste qu’en apparence par la seule force, qui ne fait jamais loi. La justice n’exclut pas la crainte qui nait des menaces de la loi, mais elle exclut la terreur qui nait du pouvoir des hommes. La justice forme des citoyens, la terreur ne fait que des esclaves à qui il ne manque plus que de connoître, le maitre auquel on veut qu’ils obéissent. La servitude est pour eux le seul azile vers lequel ils tournent leurs regards effrayés pour y trouver un terme aux maux qu’ils éprouvent et à ceux qu’ils redoutent. C’était le but du tiran que vous avés démasqué et puni. Il voulut asservir la france. Il fit marcher la terreur devant lui. Il sema des dangers autour de tous ceux qui avaient des vertus et des talens et leur ota la protection de la loi. Nul ne pouvait trouver dans son innocence un garant de sa sûreté. Les satellites disséminés sur tout le sol de la République investissaient de leurs regards avides et menacans tous ceux qui pouvaient faire ombrage à la tirannie et traitaient comme suspects à la nation ceux qui ne pouvaient l’être qu’au triumvirat. Les maux qu’il a faits sont irréparables. La seule consolation que vous puissiés offrir à (36) C 325, pl. 1408, p. 3. l’humanité en pleurs est d’en prévenir le retour par un attachement invariable aux mesures que vous avés prises. Vous ne croi-rés jamais que la justice soit insuffisante au salut public. Elle a toujours été la mesure de la puissance du gouvernement et par tout ou vous voyez l’autorité chancelante, vous trouvés que la justice ne lui sert pas d’appui. On vous dit que les aristocrates, les indulgents, les modérés lèvent la tete, nous ne somme rien de tout cela, mais nous ne connoissons pour ennemis de la république que ceux qui s’opposent a l’éxécution de ses loix. S’il est une justice qui doit punir ceux-là, il est aussi une pitié qui gémit avec les opprimés et qui ouvre notre ame a la joie quand nous les voyons délivrés de l’oppression. N’écoutés point les clameurs de ceux qui ne sont connus que pour avoir servi d’instrument au tyran et qui peut etre versent des larmes sécrétés sur sa chute, toute accusation qui ne porte pas directement sur les actions d’un citoyen, mais plus tôt sur l’idée que l’on s’est faite de son caractère, devient dangereuse a proportion de l’ignorance du peuple et de l’ascendant de ceux qui l’égarent; et pour lors un citoyen n’est jamais en sûreté, parce que la conduite la plus irréprochable, n’est point un garant contre les soupçons de la malveillance ou de la crédulité. C’est en faisant oublier ce principe éternel que le tyran qui ne parut d’abord y déroger que pour le salut de la république, vous conduisit par degrés jusqu’au décret du 22 prairial, que vous avés rejetté avec horreur aussitôt après avoir puni celui dont il était l’ouvrage. Voulés vous éloigner a jamais cet excès de tirannie qui a pesé si longtems sur le peuple français ; ne souffrés pas qu’il en subsiste le moindre vestige. Si l’on ne porte pas la coignée à la racine de l’arbre, c’est en vain qu’on en coupe les principales branches, on s’expose a le revoir dans toute sa force portant de nouveau la désolation sur le sol entier de la république. La justice, et rien que la justice. Voila la devise seule digne de vous, seule digne du peuple que vous représentés. C’est par la que vous attacherés par de nouveaux liens tous les francois a la liberté ; c’est par la que vous répriméres efficacement tous les complots, soit qu’ils se forment sous le masque d’une modération perfide, soit qu’ils se cachent plus sûrement encore sous le masque d’un patriotisme brûlant ; que la balance de la justice ne pese que les actions ; que son glaive frappe tous les scélérats, et la république est sauvée. Tous les citoyens reprendront leur place et l’oeuil de la raison ne sera plus blessé de voir parmi les chefs qui commandent ceux qui ne sont faits que pour obéir. La société populaire d’Aillas, district de Basas [Bazas], département du Bec-d’Ambès, primidi, 21 vendémiaire l’an 3 de la République française une et indivisible. Lagrave, président, Castera fils, et une autre signature illisible, secrétaires.