110 [Assemblée nationale.! ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [16 août 1790. Titre XII . — Des juges en matière de commerce. Art. 1er. Il sera établi un tribunal de commerce dans les villes où l’administration de département, jugeant cet établissement nécessaire, en formera ia demande. Art. 2. Ce tribunal connaîtra de toutes les affaires de commerce tant de terre que de mer, sans distinction. Art. 3. 11 sera fait un règlement particulier, pour déterminer, d’une manière précise, l’étendue et les limites de la compétence des juges de commerce. Art. 4. Ces juges prononceront en dernier ressort sur toutes les demandes dont l’objet n’excédera pas la valeur de 1000 livres. Tous leurs jugements seront exécutoires par provision, nonobstant l’appel, en donnant caution, à quelque somme ou valeur que les condamnations puissent monter. Art. 5. La contrainte par corps continuera d’avoir lieu pour l’exécution de tous leurs jugements; s’il survient des contestations sur la validité des emprisonnements, elles seront portées devant eux, et les jugements qu’ils rendront sur cet objet seront de même exécutés par provision, nonobstant l’appel. Art. 6. Chaque tribunal de commerce sera composé de cinq juges; iis ne pourront rendre aucun jugement, s’ils ne sont au nombre de trois au moins. Art. 7. Les juges de commerce seront élus dans l’assemblée des négociants, banquiers, marchands, manufacturiers, armateurs et capitaines de navire de la ville où le tribunal sera établi. Art. 8. Cette assemblée sera convoquée huit jours en avant par affiches et à cri public, par les juges-Gonsuls en exercice dans les lieux où ils sont actuellement établis, et pour la première fois par les officiers municipaux, dans les lieux où il sera fait un établissement nouveau. Art. 9. Nul ne pourra être élu juge d’un tribunal de commerce, s’il n’a résidé et fait le commerce au moins depuis cinq ans dans la ville où le tribunal sera établi, et s’il n’a trente ans accomplis : il faudra être âgé de trente-cinq ans, et avoir fait le commerce depuis dix ans pour être président. Art. 10. L’élection sera faite au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages ; et lorsqu’il s’agira d’élire le président, l’objet spécial de cette élection sera annoncé avant d’aller au scrutin. Art. 11. Les juges du tribunal de commerce seront deux ans en exercice. Le président sera renouvelé par une élection particulière tous les deux ans ; les autres juges le seront tous les ans par moitié. La première fois, les deux juges qui auront eu le moins de voix, sortiront de fonctions à l’expiration de la première année; les autres sortiront ensuite à tour d’ancienneté. Art. 12. Les juges de commerce, établis dans une des villes d’un district, connaîtront des affaires de commerce dans toute l’étendue du district. Art. 13. Iians les districts où il n’y aura pas de juges de commerce* les juges de district connaîtront de toutes les matières de commerce et les jugeront dans la même forme que les juges de commerce; leurs jugements seront de même sans appel jusqu’à la somme de 1000 liv., exécutoires nonobstant l’appel au-dessus de 1000 lit. en donnant caution, et produisant dans tous les cas la contrainte par corps. Art. 14. Dans les affaires qui seront portées aux tribunaux de commerce, les parties auront la faculté de consentir à être jugées sans appel, auquel cas les juges de commerce prononceront en premier et dernier ressort. Articles complémentaires. » Art. 1er. Les articles décrétés jusqu’à présent sur l’organisation judiciaire seront présentés à l’acceptation et sanction du roi, et il sera supplié d’en faire faire incessamment l’envoi aux corps administratifs, aux municipalités et aux tribunaux. » Art. 2. Aussitôt que les directoires du département les auront reçus, ils les feront publier et les enverront, sans retard, aux directoires de district. » Art. 3. En chaque district, le procureur-syndic convoquera les électeurs dans la huitaine de la réception des décrets, et indiquera le jour pour l’élection, de manière qu’il y ait au moins huit jours francs entre le jour de la convocation et celui de l’assemblée des électeurs. » Art. 4. L’Assemblée nationale se réserve de distinguer dans les articles ci-dessus, les dispositions qui sont constitutionnelles, de celles qui ne sont que réglementaires. » DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 16 AOUT 1790. PROJET DE rapport à faire à l' Assemblée nationale, proposé au comité d'agriculture et de commerce , par M. Hell, député de Hagueneau * membre dudit comité et l'un des trois commissaires pour la rédaction du code rural (1). Sans instruction, sans lois et sans justice, point de liberté, point de Constitutioii. Sans liberté et sans Constitution, point d’agriculture, point d’industrie. Sanâ agriculture et sans industrie, point dô commerce, point de prospérité. Messieurs, Yotre comité d’agriculture et de commerce ùë s’est point dissimulé l’importance du travail dont vous l’avez chargé. La France étant un royaume agricole, les pTe* miers soins du comité ont été dirigés vers l’économie rurale : il a senti que, pour la tirer de l’inertie dans laquelle elle languit, il fallait commencer par former un code rural qui ait pour base la liberté, la propriété et la sûreté publiques et individuelles, pour objet la plus grande perfection possible de l’agriculture, dé l’industrie et du commerce, et pour moyens (i) Ce projet a été lu par M. Hell à la session de la Société royale d’agriculture du 5 juillet 1790; le 7, aux Six commissaires qu’elle a nommés; le 16 août, au comité d’agriculture et de cummerce. {Noie de t auteur.) (Assemblée nationale.] l’instruction et les débouchés les plus étendus. Gomme la tâche est plus grande et que le code rural doit faire une partie intégrante de la sainte Constitution qui assurera à jamais la félicité des Français, votre comité croit ne pas devoir différer plus longtemps à proposer à votre sagesse le projet des lois fondamentales de ce code, telles u’elles découlent de votre déclaration des droits e l’homme, et de vous prier de décréter les articles qui suivent : Art. 1er. Tout habitant de l’empire français est le maître de semer, planter, cultiver et élever sur ses terres telle plante ou arbre indigènes ou exotiques qu’il voudra, sans que personne puisse l’en empêcher (s'il ne nuit à 'personne), ni exiger de lui aucun droit, cens, rente, dîme ni autre redevance, sous quelque prétexte que ce puisse être, à cause de ses semis, plantations et cultures. Art. 2. Chacun pourra librement employer, fabriquer ou manufacturer toutes les productions de notre sol et toutes les matières des trois règnes, tant indigènes que provenant de l’étranger, et leur donner telles façons ou formes qu’il voudra, sans qu’il puisse être obligé d’en payer le moindre droit et sans qu’il puisse en être empêché, ni être gêné ou inquiété en aucune manière, (s’il ne nuit à personne), et s’il acquitte les droits d'entrée dans le royaume, des matières étrangères. Art. 3. Chacun pourra librement, sans payer le moindre droit, et sans pouvoir être gêné, empêché, visité ou reiardé directement ni indirectement en aucune façon (s’il ne nuit à personne ), porter et faire circuler dans tout le royaume toutes les productions de son sol et de son industrie. Art. 4. Chacun pourra librement mener, conduire et transporter dans tout le royaume, sans avoir besoin d’aucune permission, par terre et par eau, à cheval, en cabriolet, en carrosse, par des voitures, charrettes ou charriots attelés de chevaux, de mulets ou de bœufs, et sur tel bâtiment qu’il voudra, les personnes, denrées et marchandises sans aucune exception, sans pouvoir être empêché, visité, gêné ou retardé (s’ ilne nuit à personne ), et sans payer le moindre droit, à charge de se conformer aux règlements s’il emprunte des terres étrangères ou la mer. Art. 5. Chacun pourra librement, sans la moindre gêne ni retardement (s’il ne nuit à personne), porter ses productions hors du royaume, sans payer d’autres droits que ceux qui seront réglés par l’Assemblée nationale, à l’extrême frontière, excepté les denrées de première nécessité, si des circonstances impérieuses en font suspendre la sortie, auquel cas chacun se conformera aux règlements qui seront faits à ce sujet par l’Assemblée. Art. 6. Chacun pourra faire entrer et faire circuler librement en France toutes les matières et productions étrangères des trois règnes dont l’introduction ne sera pas prohibée par la loi, en payant les droits qui seront fixés pour leurs entrées et en se conformant aux règlements qui seront faits par l’Assemblée nationale. Art. 7. Pour lequel effet les barrières seront reculées sur l’extrême frontière et toutes celles de l’intérieur du royaume, ainsi que tous les droits sous quelles dénominations ils aient été perçus, dans tout l’intérieur du royaume, sont pareillement supprimés. Et au cas que V impôt indirect sur le tabac ne puisse yas encore être supprimé , il sera ajouté à cet article ce qui suit ; 111 Excepté celles établies sur les limites intérieures des ci-devant provinces de Belgique et d’Alsace, lesquellesprovinces resteront désormaishors des barrières, jusqu’à ce que l’impôt sur le tabac puisse être supprimé. Et pour que les départements du Haut et Bas-Rhin puissent en entier jouir de leur liberté, le cordon établi le long des limites de ceux de la Haute-Saône et de la Meurihe, de trois lieues de largeur sur les deux départements du Rhin, sera reculé sur ceux de la Haute-Saône, des Vosges et de la Meurthe. Voilà, Messieurs, les bases fondamentales sur lesquelles repose la triple source de la prospérité publique : ce sont les premiers éléments du code rural, dont la consécration est d’autant plus essentielle, qu’elles tiennent à la Constitution et qu’elles contribueront à tranquilliser les habitants de la campagne, que les ennemis de la liberté cherchent à égarer. Il est donc du devoir de votre comité de vous représenter que vous ne pouvez pas trop vous hâter de décréter et de faire sanctionner par le roi les sept articles qu’il a l’honneur de soumettre à vos lumières. Il est cependant un objet qui dans ce moment est peut-être plus urgent encore. C’est d’occuper les bras oisifs, surtout ceux de la capitale : mais occupez-les de travaux utiles. Autorisez l’ouverture de canaux de communication et les dessèchements de marais, dont quelques-uns sont vivement sollicités. En conséquence, votre comité pense qu’il y a lieu d’ajouter à votre décret les articles suivants : Art. 8. Tous les canaux navigables ou les jonctions de rivières, qui sont reconnus possibles et utiles par les départements sur lesquels ils passent ou lesquels ils intéressent, seront ouverts sur les plans et devis que lesdits départements ou leurs directoires d’administration en feront faire, après néanmoins qu’ils auront été approuvés par l’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité d’agriculture et de commerce. Art. 9. Tous les biens-fonds nécessaires pour la construction desdits canaux ou autres ouvrages publics, seront payés aux propriétaires de gré à gré ou suivant le prix qui en sera fixé par experts, dont les propriétaires et le directeur ou entrepreneur conviendront en la manière ordinaire, lesquels payements leur seront faits ou à leurs créanciers, ou consignés avant que les travaux puissent être commencés, sous peine de tous dépens et dommages-intérêts contre les directeurs ou entrepreneurs desdits canaux ou autres ouvrages publics. Art. 10. Par contre, nul propriétaire ne pourra empêcher que son fonds* qui sera jugé nécessaire à un canal, n’y soit employé, aü moyen du dédommagement ordonné par l’article précé* dent. Art. 11. Les petites rivières, sources et ruisseaux dont les eaux pourraient être nécessaires ou utiles, soit en totalité, soit en partie* pour alimenter un canal construit ou à construire, seront à la disposition des entrepreneurs en payant les dommages-intérêts qui seront réglés par experts en la manière ordinaire, à ceux qui en auront à prétendre, sans que les oppositions qu’on pourrait former, puissent arrêter la disposition de cet article. Art. 12. Les canaux qui seront ouverts dans les provinces frontières, le seront sous ia direction du génie militaire, pour qu’ils soient disposés de façon qu’aux avantages de la communication ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (16 ao