112 février 1791.j 141 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Président est chargé de leur écrire, à cet égard, une lettre de satisfaction en la personne du sieur Stokraeyer. « L’Assemblée nationale ordonne en outre que le ministre de la justice sera tenu de lui rendre compte, de jour àautre, des progrès de l’instruction des procédures commencées, soit à Colmar, soit dans la ville de Strasbourg, soit devant les autres tribunaux des départements du Haut et du Bas-Rhin, relativement aux troubles qui y ont eu lieu. « L’Assemblée nationale charge son Président de se retirer par devers le roi, pour lui présenter le présent décret, et le prier de presser l’exécution des mesures décrétées le 26 janvier, relativement à la sûreté des frontières, et d’envoyer dans les départements du Haut et du-Bas-Rhin une force publique suffisante. » (Cette rédaction est décrétée.) M. Vernier, au nom du comité des finances. Messieurs, le département du Pas-de-Calais, représeniant l’ancienne province d’Artois, payait une partie des contributions publiques sur les droits qu’il percevait sur les eaux-de-vie; ces ortrois ont déjà donné lieu à deux de vos décrets. Le dernier de ces décrets, du 27 janvier dernier, portait que, par les administrateurs, il serait procédé à une taxe d’augmentation telle qu’ils la jugeraient convenable, il est arrivé que le prix des eaux-de-vie est porté à un taux si excessif, qu’elles sont inaccessibles au peuple à qui elles sont de première nécessité. M. Vernier, rapporteur, donne lecture d’un projet de décret. M. de Folleville. J’ai l’honneur de vous représenter que voilà les intérêts des anciens fermiers entièrement compromis; on détruit l’impôt qui était leur gage et on ne le remplace par aucun. Il est dû par les fermiers des sommes considérables dont les provinces sont garantes. Je demande qu’avant de statuer sur ce décret on assure le revenu des villes et au Trésor public la rentrée de quelques centièmes de plus; car sans cela, Messieurs, étant au moment de prononcer sur les dettes des provinces et vraisemblablement l’Assemblée étant dans i’inteniion de s’en charger, c’est encore une addition a nos charges. Je demande en outre qu’avant d’admettre ce décret on vous présente les moyens de remplacement. M. Robespierre. J’observe à l’Assemblée que les objections faites par M. de Folleville ont été discutées pendant plusieurs séauces au comité des finances avec les députés du Pas-de-Calais et des députés extraordinaires envoyés par cette province; qu’on n’a pas trouvé la moindre solidité à ces objections, le moindre embarras pour faire lace aux engagements que la province d’Artois avait contractés avec le Trésor public, parce qu’il est notoire que tous les ans la province d’Artois avait en réserve dans son Trésor des sommes d’économie qui excédaient tous les ans ce qu’elle devait au Trésor public et qu’elle se trouve déchargée des dépenses pour le militaire. M. de Folleville. Pourquoi doit-elle? M. Robespierre. Les régisseurs conviennent eux-mêmes qu’il leur est impossible de percevoir des droits contre la rigueur desquels tous les citoyens réclament. Ces raisons ont déterminé le comité des finances et les députés de ce pays à se réunir pour demander la suppression de cet impôt. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Je suis absolument contraire, en principe, au dernier article : il prétend que chaque commune est autorisée à proposer le mode d’impôt qui lui convient; et moi je nie absolument cela. En effet, suivant un pareil système, vous seriez obligés d’avoir autant de modes d’imposition qu’il y aurait de municipalités, ce qui rendrait l’impôt impossible à percevoir. En un mot, les municipalités ont des représentants, elles ne peuvent et ne doiventdélibérerque sur la quotité de leurs besoins. Je demande que mon amendement soit mis aux voix. M. de Croix. Déjà on nous a lu un rapport sur le droit d’entrée des villes; il me semble que la proposition actuelle est comprise dans cette matière. Ainsi j’en demande l’ajournement jusqu’à ce qu’on ait statué sur le rapport. M. Rriois -Reauinctz. Il ne s’agit point ici d’approfondir la matière très étendue, et peut-ê re trop peu comme, des pouvoirs des municipalités ; il s’agit uniquement de conserver à des villes, qui en jouissent en vertu de titres authentiques, un octroi sur les eaux-de-vie et de ne pas confondre la destruction de cet octroi municipal avec l’octroi qui s’étendait sur toute la province d’Artois, et dont nous sollicitons la suppression. Je demande donc que la question soit réduite au fait et que l’on mette aux voix le projet de décret. (L’Assemblée, consultée, adopte l’amendement de M. Reguaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Le projet de décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, considérant que, par son décret du 27 janvier 1791, elle s’en était rapportée à la prudence et à la sagesse des administrateurs du directoire du département du Pas-de-Calais, représentant l’ancienne province d’Artois, sur l’augmentation qu’il convenait de faire aux droits d’octrois perçus sur les eaux-de-vie, dans ledit département, pour l’acquit des sommes dues au Trésor public ; que, d’après les représentations desdits administrateurs, il y aurait des inconvénients sans nombre à faire une augmentation quelconque, vu le prix excessif des eaux-de-vie et la prochaine organisation des impôts de l’année 1791, décrète : « Que la vente et le commerce des eaux-de-vie demeureront libres dans ledit département, sauf le payement des droits qui pourraient être établis au profit des villes, par la nouvelle organisation, le tout, néanmoins, sans rien innover aux engagements contractés par la ci-devant province d’Artois, d’acquitter envers le Trésor public les sommes qui ont dû y être versées en 1789, 1790 et années antérieures. « Déclare que le bail de la régie desdits droits et octrois demeurera résilié à compter du 20 du présent mois, que l’indemnité due aux fermiers sera réglée, tant en exécution du présent décret que de ceux des 16 novembre et 27 janvier derniers, pour y être ensuite définitivement statué par l’Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 février 1791.] iAssemblée natiohale.] « Et comme les revenus de la plupart des villes dudit département étaient établis sur des perceptions additionnelles aux droits d’octrois, il y sera suppléé, s’il est nécessaire, par de nouveaux droits au prolit des communes, sur les vins, bières, cidres et autres boissons, et ce, jusqu’à ce qu’il ait été autrement pourvu aux revenus des villes par la nouvelle organisation des impôts. » L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le tabac. M. «le Delley ( ci-devant Delley d’Agicr). Messieurs, avant de commencer la discussion sur le tabac, une question préliminaire se présente : Pouvons-nous, sans risquer de compromettre et d’alfaiblir la majesté du Corps législatif, porter aujourd’hui un décret sur la culture du tabac ? (Murmures.) M. le Président. Messieurs, j’observe que la majesté de l’Assemblée sera plutôt blessée par le bruit que par la discussion sur le tabac et j’observe à M. de Delley qu’il y a un décret qui lixe l’ordre du jour. M. de Delley ( ci-devant Delley d’Agier). L’Assemblée ne veut sûrement pas accréditer les bruits déjà répandus et je demande à être entendu. M. Ootipîl-Préfeln. Est-il permis de demander la révocation d’un décret porté hier qui met à l’ordre du jour pour ce matin la discussion sur le tabac ? M. de Droglie. Je demande à M. de Delley, si c’estun amenuementou un ajournement qü’ii veut proposer ; dans ce dernier cas, je demande la question préalable. M. de Delley ( ci-devant Delley d’Agier). Jamais on n’a exigé qu'un membre donnât sa conclusion avant son opinion. Voix nombreuses : L’ordre du jour ! M. le Président consulte l’Assemblée sur l’ordre du jour. (L’épreuve est douteuse.) M. Tuant de Ta Bouverie. Dans le doute, la présomption est pour l’opinant. M. de Delley ( ci-devant Delley d’Agier). Jetez les yeux, Messieurs, sur la marche qui paraîtrait avoir éié suivie dans celte affaire, et jugez si elle ne prête pas aux plus malignes interprétations. Si je considère qu’hier M. le rapporteur des troubles d’Alsace sembla nous indiquer que ce décret influerait sur ces (roubles ; si je réfléchis à la manièie dont on demanda sur-le-champ que cette matière fût mise à l’ordre du jour; je m’effraye des conséquences d’une décision prématurée. Vos comités des finances et d’impositions nous assurent qu’on pourra se passer de l’impôt du tabac. Cet espoir est consolant, mais il faut qu’il se réalise. 11 est donc nécessaire d’enienure voire comiié de l’imposition sur le système général des contributions qu’il vous promet depuis si longtemps. Le respect que vous devez avoir pour vos décrets vous en fait encore une loi. Vous avez décrété à différentes reprises que vous ne Vous occuperiez du tabac qu’après avoir entendu le plan général des impositions; vous avez décrété que le tabac serait le dernier objet dont vous vous occuperiez : ces résolutions étaient dictées par la prudence; j’ose vous y rappeler. Vendredi 4 février, la question était à l’ordre du jour; le comité de l’imposition en demanda l’ajournennmt pour, disait-il, avoir le temps de vous présenter son plangénéral;nous devonsdonc attendre encore ce plan; nous le devons d'autant plus que rien ne périclite et que, malgré l’entière liberté tolérée, le tabac continue d’alimenter le Trésor public beaucoup plus fructüeuse-ment que tous les autres impôts. La prudence exige donc une sage retenue ; mais ce que la prudence vous dicte, votre gloire et le salut de la Constitution, qui en est inséparable, vous le prescrivent plus impérieusement encore. La chose publique n’est-elle pas en danger, si ses ennemis peuvent persuader que vous n’avez rendu qu’un décret de circonstance? Lé pouvoir qüe nous avons jusqu’ici de faire le bien est la suite de votre courage et de votre fermeté. Le serment du Jeu de paume vous a donné votre force, en vous conciliant les hommages de l’univers. Ainsi les Romains durent l’empire du monde.... Plusieurs membres; Il ne s’agit pas de Romains ! M. Doutteville-Duiiietz. Il n’est pas défendu de parler des Romains dans une motion d’ordre. M. d’André. Nous voulons qu'on puisse parler des Romains dans l’Assemblée nationale ; nous aimons à nous rappeler leur courage. M. de Delley ( ci-devant Delley d’Agier). Ainsi les Romains durent l’impire du monde au refus de la paix, lorsqu’Ann bal vint aux portes de Rome leur en faire la loi. Nos preuves sont faites, Messieurs; il n’est aucun de nous qui ne brûlât d’imiter ces sénateurs après le sac du Capitole. Assis dans leurs chaises curules, ils y attendaient et recevaient la mort; mais leurs bourreaux ne purent en arracher des signes de faiblesse et leur grand caractère en imposa à leurs vainqueurs. M. le Président. Je prie l’opinant de se renfermer dans la question d’ordre pour Laquelle il a demandé la parole. M . de Delley (ci-devant Delley d’Agier.) Je vais m’y renfermer. La raison, Messieurs, vos principes, votre Constitution peuvent décréter la liberté de la culture du tabac; mais nous ne pouvons, sans compromettre notre gloire et la liberté, porter ce décret pendant les troubles d’Alsace ; l’honneur même de ces départements s’y trouve intéressé. Les députés de la ci-devant province d’Alsace, pénétrés de tout ce qu’ils se doivent à eux-mêmes et à la France entière, seront les premiers à réclamer l’exécution de vos décrets antérieurs sur l’ajournement de la discussion du tabac après les décrets sur tuuies les autres parties de l’impôt. J’en fais moi-même la motion, et je prie M. le Président de la mettre aux voix. M. de Droglie. S’il était question dans l’objet qui nous occupe de réclamer pour l’Alsace la continuation d’un privilège exclusif, j’appuie-